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Read Ebook: Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon Tome 2/2 Écrits à Sainte-Hélène par les généraux qui ont partagé sa captivité by Gourgaud Gaspard Baron

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Ebook has 661 lines and 76545 words, and 14 pages

Du moment o? l'on est ma?tre d'une position qui domine la rive oppos?e, si elle a assez d'?tendue pour que l'on puisse y placer un bon nombre de pi?ces de canon, on acquiert bien des facilit?s pour le passage de la rivi?re. Cependant, si la rivi?re a de deux cents ? cinq cents toises de large, l'avantage est bien moindre; parce que votre mitraille n'arrivant plus sur l'autre rive, et l'?loignement permettant ? l'ennemi de se d?filer facilement, les troupes, qui d?fendent le passage, ont la facult? de s'enterrer dans des boyaux, qui les mettent ? l'abri du feu de la rive oppos?e. Si les grenadiers, charg?s de passer pour prot?ger la construction du pont, parviennent ? surmonter cet obstacle, ils sont ?cras?s par la mitraille de l'ennemi, qui, plac? ? deux cents toises du d?bouch? du pont, est ? port?e de faire un feu tr?s-meurtrier, et est cependant ?loign? de quatre ou cinq cents toises des batteries de l'arm?e qui veut passer; de sorte que l'avantage du canon est tout entier pour lui. Aussi, dans ce cas, le passage n'est-il possible, que lorsqu'on parvient ? surprendre compl?tement l'ennemi, et qu'on est favoris? par une ?le interm?diaire, ou par un rentrant tr?s-prononc?, qui permet d'?tablir des batteries croisant leurs feux sur la gorge. Cette ?le ou ce rentrant forme alors une t?te de pont naturelle, et donne tout l'avantage de l'artillerie ? l'arm?e qui attaque.

Quand une rivi?re a moins de soixante toises, les troupes qui sont jet?es sur l'autre bord, prot?g?es par une grande sup?riorit? d'artillerie et par le grand commandement que doit avoir la rive o? elle est plac?e, se trouvent avoir tant d'avantage, que, pour peu que la rivi?re forme un rentrant, il est impossible d'emp?cher l'?tablissement du pont. Dans ce cas, les plus habiles g?n?raux se sont content?s, lorsqu'ils ont pu pr?voir le projet de leur ennemi, et arriver avec leur arm?e sur le point de passage, de s'opposer au passage du pont, qui est un vrai d?fil?, en se pla?ant en demi-cercle alentour, et en se d?filant du feu de la rive oppos?e, ? trois ou quatre cents toises de ses hauteurs. C'est la manoeuvre que fit Vend?me, pour emp?cher Eug?ne de profiter de son pont de Cassano.

Le g?n?ral fran?ais d?cida de passer le Mincio le 24 d?cembre, et il choisit pour points de passage, ceux de Mozembano et de Molino della Volta, distants de deux lieues l'un de l'autre. Sur ces deux points, le Mincio n'?tant rien, il ne faut consid?rer que le plan g?n?ral de la bataille. ?tait-il ? propos de se diviser entre Mozembano et Molino? L'ennemi occupait la hauteur de Valleggio et la t?te de pont de Borghetto. La jonction des troupes, qui auraient effectu? les deux passages, pouvait donc ?prouver des obstacles et ?tre incertaine. L'ennemi pouvait lui-m?me sortir par Borghetto, et mettre de la confusion dans l'une de ces attaques. Ainsi il ?tait plus conforme aux r?gles de la guerre, de passer sur un seul point, afin d'?tre s?r d'avoir toujours ses troupes r?unies. Dans ce cas, lequel des deux passages fallait-il pr?f?rer?

Celui de Mozembano avait l'avantage d'?tre plus pr?s de V?rone; la position ?tait beaucoup meilleure. L'arm?e ayant donc pass? ? Mozembano, sur trois ponts ?loign?s l'un de l'autre de deux ? trois cents toises, ne devait point avoir d'inqui?tude pour sa retraite, parce que sa droite et sa gauche ?taient constamment appuy?es au Mincio, et flanqu?es par les batteries qu'on pouvait ?tablir sur la rive droite. Mais Bellegarde, qui l'avait parfaitement senti, avait occup?, par une forte redoute, les deux points de Valleggio et de Salionzo. Ces deux points, situ?s au coude du Mincio, forment avec le point de passage, un triangle ?quilat?ral de trois mille toises de c?t?. L'arm?e autrichienne venant ? appuyer sa gauche ? Valleggio, sa droite ? Salionzo, se trouvait occuper la corde, et sa droite et sa gauche ?taient parfaitement appuy?es. Elle ne pouvait pas ?tre tourn?e; mais sa ligne de bataille ?tait de 3,000 toises. Brune ne pouvait donc esp?rer que de percer son centre; op?ration souvent difficile, et qui exige une grande vigueur et beaucoup de troupes r?unies.

Le point de Molino della Volta ?tait moins avantageux. Si l'on e?t ?t? battu, il y aurait eu plus de difficult?s pour la retraite; car Pozzolo domine la rive droite. Mais dans cette position, l'ennemi n'aurait pas eu l'avantage d'avoir ses ailes appuy?es par des ouvrages de fortification.

En faisant un passage ? Mozembano, le g?n?ral fran?ais, trouvait sur sa droite les hauteurs de Valleggio, qui ?taient fortement retranch?es, et sur sa gauche, celles de Salionzo, occup?es ?galement par de bons ouvrages. L'arm?e fran?aise, en voulant d?boucher, se trouvait dans un rentrant, en butte aux feux convergents de l'artillerie ennemie, et ayant devant elle l'arm?e autrichienne, appuy?e, par sa droite et sa gauche, ? ces deux fortes positions. D'un autre c?t?, le corps, qui passait ? la Volta, avait sa droite ? une lieue et demie de Go?to, place fortifi?e sur la rive droite, et ? une lieue, sur sa gauche, Borghetto et Valleggio.

Il fut cependant r?solu que l'aile droite passerait ? la Volta, tandis que le reste de l'arm?e passerait ? Mozembano.

Le g?n?ral Dupont, arriv? ? Molino della Volta ? la pointe du jour, construisit des ponts, et fit passer ses divisions. Il s'empara du village de Pozzolo, o? il ?tablit sa droite; et sa gauche appuy?e au Mincio, fut plac?e vis-?-vis de Molino, et prot?g?e par le feu de l'artillerie des hauteurs de la rive droite, qui dominent toute la plaine. Une digue augmentait encore la force de cette gauche. Lors du passage, l'ennemi ?tait peu nombreux. Sur les dix heures, le g?n?ral Dupont apprit que le passage que le g?n?ral Brune devait effectuer devant Mozembano, ?tait remis au lendemain. Le g?n?ral Dupont aurait d? sur-le-champ faire repasser sur la rive droite, la masse de ses troupes, en ne laissant, sur la rive gauche, que quelques bataillons, pour y ?tablir une t?te de pont, sous la protection de ses batteries. D'ailleurs, la position ?tait telle, que l'ennemi ne pouvait approcher jusqu'au pont. Cette op?ration aurait eu tout l'avantage d'une fausse attaque, aurait partag? l'attention de l'ennemi. L'on aurait pu, ? la pointe du jour, avoir forc? la ligne de Valleggio ? Salionzo, avant que toute l'arm?e ennemie n'y e?t ?t? r?unie. Le g?n?ral Dupont resta cependant dans sa position sur la rive gauche. Bellegarde, profitant de l'avantage que lui donnait son camp retranch? de Valleggio et de Salionzo, marcha avec ses r?serves contre l'aile droite. On se battit sur ce point, avec beaucoup d'opini?tret?; les g?n?raux Suchet et Davoust accoururent au secours du g?n?ral Dupont; et un combat tr?s-sanglant, o? les troupes d?ploy?rent la plus grande valeur, eut lieu sur ce point, entre 20 ? 25,000 Fran?ais, et 40 ? 45,000 Autrichiens, dans l'arrondissement d'une arm?e qui, sur un champ de bataille de trente lieues carr?es, avait 80,000 Fran?ais contre 60,000 Autrichiens. C'est au village de Pozzolo que se passa l'action la plus vive; la gauche, prot?g?e par le feu de l'artillerie de la rive droite et par la digue, ?tait plus difficile ? attaquer. Pozzolo, pris et repris alternativement par les Autrichiens et par les Fran?ais, resta enfin ? ces derniers. Mais il leur en co?ta bien cher; ils y perdirent l'?lite de trois divisions, et ?prouv?rent au moins autant de mal que l'ennemi. La bravoure des Fran?ais fut mal employ?e; et le sang de ces braves ne servit qu'? r?parer les fautes du g?n?ral en chef, et celles caus?es par l'ambition inconsid?r?e de ses lieutenants-g?n?raux. Le g?n?ral en chef, dont le quartier-g?n?ral ?tait ? deux lieues du champ de bataille, laissa se battre toute son aile droite, qu'il savait avoir pass? sur la rive gauche, sans faire aucune disposition pour la secourir. Une telle conduite n'a besoin d'aucun commentaire.

Il est impossible d'expliquer comment Brune, qui savait que sa droite avait pass? et ?tait aux mains avec l'ennemi, ne se porta pas ? son secours, n'y dirigea pas ses pontons pour y construire un autre pont. Pourquoi du moins, puisqu'il avait adopt? le plan de passer sur deux points, ne choisit-il pas Mozembano, en profitant du mouvement o? ?tait l'arm?e autrichienne, pour s'emparer de Salionzo, Valleggio, et tomber sur les derri?res des ennemis? Suchet et Davoust ne vinrent au secours de Dupont, que de leur propre mouvement, ne prenant conseil que de la force des ?v?nements.

Le 25, le g?n?ral Marmont pla?a ses batteries de r?serve sur les hauteurs de Mozembano, pour prot?ger la construction des ponts; c'?tait bien inutile. L'ennemi n'avait garde de venir se placer dans un rentrant de trois mille toises de corde, pour disputer le passage d'une rivi?re de vingt toises, command?e par une hauteur, vis-?-vis de laquelle son artillerie, quelque nombreuse qu'elle f?t, n'aurait pas pu se maintenir plus d'un quart d'heure en batterie. Le passage effectu?, Delmas, avec l'avant-garde, marcha sur Valleggio; Moncey, avec la division Boudet, Michaud, avec la r?serve, le soutinrent. Suchet resta en r?serve devant Borghetto, et Dupont, avec l'aile droite, resta ? Pozzolo. Les troupes eurent ? souffrir des feux crois?s de Valleggio et de Salionzo; mais le g?n?ral autrichien avait d?ja calcul? sa retraite, consid?rant la rivi?re comme pass?e, et apr?s l'affront qu'il avait re?u la veille, malgr? l'immense sup?riorit? de ses forces, il cherchait ? gagner l'Adige. Il avait seulement conserv? des garnisons dans les ouvrages de Salionzo et de Valleggio, afin de pouvoir op?rer s?rement sa retraite et ?vacuer tous ses bless?s. Brune lui en laissa le temps. Dans la journ?e du 25, il ne d?passa pas Salionzo et Valleggio, c'est-?-dire qu'il fit trois mille toises. Le lendemain, les redoutes de Salionzo furent cern?es, et on y prit quelques pi?ces de canon et 1200 hommes. Il faut croire que c'est par une faute de l'?tat-major autrichien, que ces garnisons n'ont pas re?u l'ordre de se retirer sur Peschiera. Il est difficile, toutefois, de justifier la conduite de ce g?n?ral.

Les Fran?ais firent une attaque inutile en voulant enlever Borghetto; la brave soixante-douzi?me demi-brigade, qui en fut charg?e, y perdit l'?lite de ses soldats. Il suffisait de canonner vivement ce poste et d'y jeter des obus; car on ne peut pas entrer dans Borghetto, si l'on n'est pas ma?tre de Valleggio; et une fois ma?tre de ce dernier point, tout ce qui est dans Borghetto est pris. Effectivement, peu apr?s l'attaque de la soixante-douzi?me, la garnison de Borghetto se rendit prisonni?re; mais on avait sacrifi? en pure perte 4 ? 500 hommes de cette brave demi-brigade.

Les jours suivants, l'arm?e se porta en avant, la gauche ? Castelnuovo, la droite entre L?gnano et V?rone. Elle avait envoy? un d?tachement pour masquer Mantoue; et deux r?giments avaient ?t? plac?s sur les bords du lac Garda, pour couper toute communication par le Mincio, entre Mantoue et Peschiera, que devait investir la division Dombrowski.

L'arm?e fran?aise passa l'Adige le premier janvier, c'est-?-dire, six jours apr?s le passage du Mincio; un g?n?ral habile l'e?t pass? le lendemain. Cette op?ration se fit sans ?prouver aucun obstacle ? Bussolingo. Dans cette saison, le bas Adige est presque impraticable. Le lendemain, l'ennemi ?vacua V?rone, laissant une garnison dans le ch?teau. La division Rochambeau s'?tait port?e de Lodron sur l'Adige, par Riva, Torboli et Mori. Ce mouvement avait oblig? les Autrichiens d'?vacuer la Corona. Le 6 janvier, ils furent chass?s des hauteurs de Caldiero; les Fran?ais entr?rent ? Vicence. Le corps de Moncey ?tait ? Roveredo. Le 11, l'arm?e fran?aise passa la Brenta devant Fontanina. Pendant ces mouvements, le corps d'arm?e d'observation du midi entrait en Italie; le 13 il arriva ? Milan. D'un autre c?t?, Macdonald avec l'arm?e des Grisons, ?tait entr? ? Trente, le 7 janvier, avait poursuivi les Autrichiens dans la vall?e de la Brenta; et, d?s le 9, il se trouvait en communication avec l'arm?e d'Italie, par Roveredo. L'arm?e autrichienne, au contraire, s'affaiblissait de plus en plus. Inf?rieure d'un tiers, d?s l'ouverture de la campagne, ? l'arm?e fran?aise, elle avait, depuis, ?prouv? de grandes pertes. Le combat de Pozzolo lui avait co?t? beaucoup de morts et de bless?s, et ses pertes en prisonniers, s'?levaient de 5 ? 6,000 hommes. Les garnisons qu'elle avait laiss?es dans Mantoue, Peschiera, V?rone, Ferrare, Porto-Legnano, l'avaient beaucoup r?duite. Toutes ces pertes la mettaient hors d'?tat de tenir aucune ligne devant l'arm?e fran?aise. L'Adige une fois pass?, l'arm?e autrichienne fut oblig?e d'envoyer une partie de ses forces pour garder les d?bouch?s du Tyrol; et ces troupes se trouv?rent occup?es par l'arm?e des Grisons, qui arrivait en ligne. Le g?n?ral Baraguey d'Hilliers ?tait ? Botzen. A tous ces motifs de d?couragement, se joignit la nouvelle de l'arriv?e de l'arm?e du Rhin aux portes de Vienne. En un mot, il fallait que l'arm?e autrichienne f?t bien faible et bien d?courag?e, puisqu'elle ne garda pas les hauteurs de Caldiero, et laissa franchir ? l'arm?e fran?aise tous les points qu'elle lui pouvait disputer. Aussit?t que cette derni?re eut pass? la Brenta, M. de Bellegarde renouvela la demande d'un armistice.

Le g?n?ral Marmont et le colonel S?bastiani furent charg?s par le g?n?ral en chef de le n?gocier. Les ordres les plus positifs du premier consul portaient de n'en faire aucun, que lorsque l'arm?e fran?aise serait sur l'Isonzo, afin de bien couper l'arm?e autrichienne de Venise; ce qui l'e?t oblig?e de laisser une forte garnison dans cette ville, dont les habitants n'?taient pas bien dispos?s pour les Autrichiens. Cette circonstance pouvait procurer de nouveaux avantages ? l'arm?e fran?aise. Mais le premier consul avait insist? surtout pour ne rien conclure, avant qu'on n'e?t la place de Mantoue. Le g?n?ral fran?ais montra, dans cette n?gociation, peu de caract?re, et il signa, le 16 janvier, l'armistice ? Tr?vise.

Brune renon?a de lui-m?me ? demander Mantoue; c'?tait la seule question politique. Il se contenta d'obtenir Peschiera, Porto-Legnano, Ferrare, etc. Les garnisons n'en ?taient pas prisonni?res de guerre; elles emmenaient avec elles leur artillerie, et la moiti? des vivres des approvisionnements de ces places. La flottille de Peschiera, qui appartenait de droit ? l'arm?e fran?aise, ne fut pas m?me livr?e.

La convention de Tr?vise porta le cachet de la faiblesse des n?gociateurs qui la conclurent. Il est ?vident que toutes les conditions ?taient ? l'avantage de l'Autriche. Par suite des succ?s que l'arm?e fran?aise avait obtenus, et en raison de sa sup?riorit? num?rique et morale, Peschiera, Ferrare, etc., ?taient des places prises: c'?taient donc des garnisons formant un total de 5 ? 6,000 hommes, de l'artillerie, des vivres, et une flottille, que l'on rendait ? des ennemis vaincus. La seule place qui p?t tenir assez long-temps, pour aider l'Autriche ? soutenir une nouvelle campagne, ?tait Mantoue; et, non-seulement cette place restait au pouvoir des ennemis, mais on lui accordait un arrondissement de huit cents toises, et la facult? de recevoir des approvisionnements au-del? de ceux n?cessaires ? la garnison et aux habitants.

Au m?contentement que le premier consul avait ?prouv? de toutes les fautes militaires commises dans cette campagne, se joignit celui de voir ses ordres transgress?s, les n?gociations compromises, et sa position en Italie incertaine. Il fit sur-le-champ conna?tre ? Brune qu'il d?savouait la convention de Tr?vise, lui enjoignant d'annoncer que les hostilit?s allaient recommencer, ? moins qu'on ne rem?t Mantoue. Le premier consul fit faire la m?me d?claration au comte de Cobentzel, ? Lun?ville. Ce ministre, qui commen?ait enfin ? ?tre persuad? de la n?cessit? de traiter de bonne foi, et dont l'orgueil avait pli? devant la catastrophe, qui mena?ait son ma?tre, signa, le 26 janvier, l'ordre de livrer Mantoue ? l'arm?e fran?aise. Ce qui eut lieu le 17 f?vrier. A cette condition, l'armistice fut maintenu. Pendant les n?gociations, le ch?teau de V?rone avait capitul?, et sa garnison de 1700 hommes avait ?t? prise.

Cette campagne d'Italie donna la mesure de Brune, et le premier consul ne l'employa plus dans des commandements importants. Ce g?n?ral, qui avait montr? la plus brillante bravoure et beaucoup de d?cision ? la t?te d'une brigade, ne paraissait pas fait pour commander en chef.

N?anmoins les Fran?ais avaient toujours ?t? victorieux dans cette campagne, et toutes les places fortes d'Italie ?taient entre leurs mains. Ils ?taient ma?tres du Tyrol et des trois quarts de la terre-ferme du territoire de Venise, puisque la ligne de d?marcation de l'arm?e fran?aise suivait la gauche de la Livenza, depuis Sally jusqu'? la mer, la cr?te des montagnes entre la Piave et Zelin?, et redescendait la Drave jusqu'? Lintz, o? elle rencontrait la ligne de l'armistice d'Allemagne.

Le g?n?ral Miollis, qui ?tait rest? en Toscane, commandait un corps de 5 ? 6,000 hommes de toutes armes; la majorit? de ces troupes ?tait des troupes italiennes. Les garnisons qu'il ?tait oblig? de laisser ? Livourne, ? Lucques, au ch?teau de Florence, et sur divers autres points, ne lui laissaient de disponible qu'un corps de 3,500 ? 4,000 hommes. Le g?n?ral de Damas, avec une force de 16,000 hommes, dont 8,000 Napolitains, ?tait venu prendre position sur les confins de la Toscane, apr?s avoir travers? les ?tats du pape. Il devait combiner ses op?rations dans la Romagne et le Ferrarois, avec des troupes d'insurg?s, chass?s de Toscane par la garde nationale de Bologne, et par une colonne mobile qu'avait envoy?e le g?n?ral Brune, sur la droite du P?. La retraite de l'arm?e autrichienne qui, successivement, avait ?t? oblig?e de passer le P?, le Mincio, l'Adige, la Brenta, avait d?concert? tous les projets des ennemis sur la rive droite du P?. Le g?n?ral Miollis, ?tabli ? Florence, maintenait le bon ordre dans l'int?rieur; et les batteries ?lev?es ? Livourne, tenaient en respect les b?timents anglais. Les Autrichiens, qui s'?taient montr?s en Toscane, s'?taient retir?s, partie sur Venise pour en renforcer la garnison, et partie sur Anc?ne.

Le 14 janvier, le g?n?ral Miollis, instruit qu'une division de 5 ? 6,000 hommes du corps de Damas, s'?tait port?e sur Sienne, dont elle avait insurg? la population, sentit la n?cessit? de frapper un coup, qui pr?v?nt et arr?t?t les insurrections pr?tes ? ?clater sur plusieurs autres points. Il profita de la faute que venait de commettre le g?n?ral de Damas, officier sans talent ni m?rite militaire, de d?tacher aussi loin de lui une partie de ses forces, et marcha contre ce corps avec 3,000 hommes. Le g?n?ral Miollis rencontra les Napolitains et les insurg?s en avant de Sienne, les culbuta aussit?t sur cette ville, dont il for?a les portes ? coups de canon et de hache, et passa au fil de l'?p?e tout ce qu'il y rencontra les armes ? la main. Il fit poursuivre, plusieurs jours, les restes de ces bandes, et les rejeta au-del? de la Toscane, dont il r?tablit ainsi, et maintint la tranquillit?.

Cependant de nouvelles forces ?taient parties de Naples, pour venir renforcer l'arm?e de M. de Damas.

Le g?n?ral Murat, commandant en chef la troisi?me arm?e de r?serve, qui venait de prendre la d?nomination d'arm?e d'observation d'Italie, et dont le quartier-g?n?ral ?tait ? Gen?ve, dans les premiers jours de janvier, passa le Petit-Saint-Bernard, le mont Gen?vre et le mont C?nis, et arriva, le 13 janvier, ? Milan. Cette arm?e continua sa route sur Florence; elle ?tait compos?e des divisions Tarreau et Mathieu, et d'une division de cavalerie. Un des articles de la convention de Tr?vise, portait que la place d'Anc?ne serait remise ? l'arm?e fran?aise. Le g?n?ral Murat, en cons?quence, eut ordre de prendre possession de cette place, de chasser les troupes napolitaines des ?tats du pape, et de les menacer m?me dans l'int?rieur du royaume de Naples. Ce g?n?ral, arriv? ? Florence le 20 janvier, exp?dia le g?n?ral Paulet, avec une brigade de 3,000 hommes de toutes armes, pour prendre possession d'Anc?ne et de ses forts. Ce dernier passa ? C?zenna, le 23 janvier, et le 27, il prit possession des forts et de la ville d'Anc?ne. Cependant le premier consul avait ordonn? qu'on e?t pour le pape les plus grands ?gards. Le g?n?ral Murat avait m?me ?crit de Florence, le 24 janvier, au cardinal, premier ministre de S. S., pour l'informer des intentions du premier consul, et de l'entr?e de l'arm?e d'observation dans les ?tats du saint-p?re, afin d'occuper Anc?ne, d'apr?s la convention du 16, et de rendre ? sa Saintet? le libre gouvernement de ses ?tats, en obligeant les Napolitains ? ?vacuer le ch?teau Saint-Ange et le territoire de Rome. Il pr?vint aussi le cardinal, qu'il avait ordre de ne s'approcher de Rome, que dans le cas o? sa saintet? le jugerait n?cessaire.

D?s son arriv?e en Toscane, le g?n?ral fran?ais avait ?crit ? M. de Damas, pour lui demander les motifs de son mouvement offensif en Toscane, et lui signifier qu'il e?t ? ?vacuer sur-le-champ le territoire romain. M. de Damas lui avait r?pondu de Viterbe, que les op?rations du corps sous ses ordres, avaient toujours d? se combiner avec celles de l'arm?e de M. de Bellegarde; que, lorsque le g?n?ral Miollis avait attaqu? son avant-garde, ? Sienne, ? vingt-six milles de son corps d'arm?e, il allait se retirer sur Rome, imitant le mouvement de l'arm?e autrichienne, sur la Brenta; mais que, puisqu'un armistice avait ?t? conclu avec les Autrichiens, les troupes qu'il commandait, ?tant celles d'une cour alli?e de l'empereur, se trouvaient aussi en armistice avec les Fran?ais.

Le g?n?ral Murat lui r?pondit sur-le-champ, que l'armistice conclu avec l'arm?e autrichienne, ne concernait en rien l'arm?e napolitaine; qu'il ?tait donc n?cessaire qu'elle ?vacu?t le ch?teau Saint-Ange et les ?tats du pape; que la consid?ration du premier consul pour l'empereur de Russie, pouvait seule prot?ger le roi de Naples; mais que ni l'armistice, ni le cabinet de Vienne, ne pouvaient en rien le prot?ger. En m?me temps, le g?n?ral Murat mit sa petite arm?e en mouvement. Les deux divisions d'infanterie furent dirig?es, le 28 janvier, par la route d'Arezzo, sur Foligno et Perruvio, o? elles arriv?rent le 4 f?vrier. Le g?n?ral Paulet eut ordre de se rendre d'Anc?ne, avec deux bataillons, ? Foligno, en passant par Macerata et Tolentino. Pendant ces mouvements, l'artillerie, qui se dirigeait sur Florence, par le d?bouch? de Pistoia, eut ordre de continuer sa route par Bologne et Anc?ne. Ainsi le corps d'observation marchait sans son artillerie; faute qui ne peut jamais ?tre excus?e, que lorsque les chemins par o? passe l'arm?e, sont absolument impraticables au canon. Or, celui de Bologne ? Florence n'est pas dans ce cas, les voitures peuvent y passer. Aussit?t que l'arm?e napolitaine fut instruite de la marche du corps d'observation, elle se replia en toute h?te sous les murs de Rome.

Le 9 f?vrier, l'arm?e fran?aise ?tait plac?e sur la Neva, jusqu'? son embouchure dans le Tibre, et jusqu'aux confins des ?tats du roi de Naples.

Enfin, apr?s quelques pourparlers, le g?n?ral Murat consentit, par ?gard pour la Russie, ? signer, le 18 f?vrier, ? Foligno, un armistice de trente jours, entre son corps d'arm?e et les troupes napolitaines. D'apr?s cet armistice, elles durent ?vacuer Rome et les ?tats du pape. Le premier mars, ? la suite de l'arriv?e ? Naples du colonel Beaumont, aide-de-camp du g?n?ral Murat, l'embargo fut mis sur tous les b?timents anglais, qui se trouvaient dans les ports de ce royaume. Tous les Anglais en furent expuls?s, et l'arm?e napolitaine rentra sur son territoire. Le 28 mars suivant, un trait? de paix fut sign? ? Florence, entre la r?publique fran?aise et la cour de Naples, par le citoyen Alquier et le chevalier Micheroux. D'apr?s l'un des articles, un corps fran?ais pouvait, sur la demande du roi de Naples, ?tre mis ? sa disposition, pour garantir ce royaume des attaques des Anglais et des Turcs. En vertu de ce m?me article, le g?n?ral Soult fut envoy?, le 2 avril, avec un corps de 10 ? 12,000 hommes, pour occuper Otrante, Brandisi, Tarente, et tout le bout de la presqu'?le, afin d'?tablir des communications plus faciles avec l'arm?e d'?gypte. Ce corps arriva ? sa destination vers le 25 avril. Dans le courant de ce mois, la Toscane fut remise au roi d'?trurie, conform?ment au trait? de Lun?ville, et ? celui conclu entre la France et l'Espagne. Cependant les Anglais occupaient encore l'?le d'Elbe. Le premier mai, le colonel Marietty, parti de Bastia avec 600 hommes, d?barqua pr?s de Marciana, dans cette ?le, pour en prendre possession, d'apr?s le trait? conclu avec le roi de Naples. Le lendemain, il entra ? Porto-Longone, apr?s avoir chass? un rassemblement consid?rable de paysans insurg?s, d'Anglais et de d?serteurs. Il fut joint dans cette place, le m?me jour, par le g?n?ral de division Tharreau, qui s'?tait embarqu? ? Piombino avec un bataillon fran?ais et 300 Polonais. Ces troupes r?unies, march?rent aussit?t pour cerner Porto-Ferrajo, qui fut somm? de se rendre. Ainsi toute la partie de l'?le c?d?e par le trait? de Florence, fut remise au pouvoir des Fran?ais.

M?MOIRES DE NAPOL?ON.

NEUTRES.

Du droit des gens, observ? par les puissances dans la guerre de terre; et du droit des gens, observ? par elles dans la guerre de mer.--Des Principes du droit maritime des puissances neutres.--De la neutralit? arm?e de 1780, dont les principes, qui ?taient ceux de la France, de l'Espagne, de la Hollande, de la Russie, de la Prusse, du Danemarck, de la Su?de, ?taient en opposition avec les pr?tentions de l'Angleterre ? cette ?poque.--Nouvelles pr?tentions de l'Angleterre, mises en avant, pour la premi?re fois et successivement, dans le cours de la guerre de la r?volution, depuis 1793 jusqu'en 1800. L'Am?rique reconna?t ces pr?tentions; discussions qui en r?sultent avec la France.--Opposition ? ces pr?tentions de la part de la Russie, de la Su?de, du Danemarck, de la Prusse. ?v?nements qui s'ensuivent. Convention de Copenhague, o?, malgr? la pr?sence d'une flotte anglaise sup?rieure, le Danemarck ne reconna?t aucune des pr?tentions de l'Angleterre. Leur discussion est ajourn?e.--Trait? de Paris entre la r?publique fran?aise et les ?tats-Unis d'Am?rique, qui termine les diff?rends survenus entre les deux puissances, par suite de l'adh?sion des Am?ricains aux pr?tentions des Anglais. La France et l'Am?rique proclament solennellement les principes du droit maritime des neutres.--Causes qui indisposent l'empereur Paul Ier contre l'Angleterre.--La Russie, le Danemarck, la Su?de, la Prusse, proclament les principes reconnus par le trait? du 30 septembre entre la France et l'Am?rique. Convention, dite neutralit? arm?e, sign?e le 16 d?cembre 1800.--Guerre entre l'Angleterre d'un c?t?, la Russie, le Danemarck, la Su?de et la Prusse de l'autre. Ce qui constate qu'? cette ?poque ces puissances, non plus que la France, la Hollande, l'Am?rique et l'Espagne ne reconnaissaient aucune des pr?tentions de l'Angleterre.--Bataille de Copenhague, le 2 avril 1801.--Assassinat de l'empereur, Paul Ier.--La Russie, la Su?de, le Danemarck, se d?sistent des principes de la neutralit? arm?e. Nouveaux principes des droits des neutres reconnus par ces puissances. Trait? du 17 juin 1801, sign? par lord St-Helens. Ces nouveaux droits n'engagent que les puissances qui les ont reconnus par ledit trait?.

? Ier.

Le droit des gens, dans les si?cles de barbarie, ?tait le m?me sur terre que sur mer. Les individus des nations ennemies ?taient faits prisonniers, soit qu'ils eussent ?t? pris les armes ? la main, soit qu'ils fussent de simples habitants; et ils ne sortaient d'esclavage qu'en payant une ran?on. Les propri?t?s mobili?res, et m?me fonci?res, ?taient confisqu?es, en tout ou en partie. La civilisation s'est fait sentir rapidement et a enti?rement chang? le droit des gens dans la guerre de terre, sans avoir eu le m?me effet dans celle de mer. De sorte que, comme s'il y avait deux raisons et deux justices, les choses sont r?gl?es par deux droits diff?rents. Le droit des gens, dans la guerre de terre, n'entra?ne plus le d?pouillement des particuliers, ni un changement dans l'?tat des personnes. La guerre n'a action que sur le gouvernement. Ainsi les propri?t?s ne changent pas de mains, les magasins de marchandises restent intacts, les personnes restent libres. Sont seulement consid?r?s comme prisonniers de guerre, les individus pris les armes ? la main, et faisant partie de corps militaires. Ce changement a beaucoup diminu? les maux de la guerre. Il a rendu la conqu?te d'une nation plus facile, la guerre moins sanglante et moins d?sastreuse. Une province conquise pr?te serment, et, si le vainqueur l'exige, donne des ?tages, rend les armes; les contributions se per?oivent au profit du vainqueur, qui, s'il le juge n?cessaire, ?tablit une contribution extraordinaire, soit pour pourvoir ? l'entretien de son arm?e, soit pour s'indemniser lui-m?me des d?penses que lui a caus?es la guerre. Mais cette contribution n'a aucun rapport avec la valeur des marchandises en magasin; c'est seulement une augmentation proportionnelle plus ou moins forte de la contribution ordinaire. Rarement cette contribution ?quivaut ? une ann?e de celles que per?oit le prince, et elle est impos?e sur l'universalit? de l'?tat; de sorte qu'elle n'entra?ne jamais la ruine d'aucun particulier.

Le droit des gens qui r?git la guerre maritime, est rest? dans toute sa barbarie; les propri?t?s des particuliers sont confisqu?es; les individus non combattants sont faits prisonniers. Lorsque deux nations sont en guerre, tous les b?timents de l'une ou de l'autre, naviguant sur les mers, ou existant dans les ports, sont susceptibles d'?tre confisqu?s, et les individus ? bord de ces b?timents, sont faits prisonniers de guerre. Ainsi, par une contradiction ?vidente, un b?timent anglais , qui se trouvera dans le port de Nantes, par exemple, au moment de la d?claration de guerre, sera confisqu?; les hommes ? bord seront prisonniers de guerre, quoique non combattants et simples citoyens; tandis qu'un magasin de marchandises anglaises, appartenant ? des Anglais existants dans la m?me ville, ne sera ni s?questr? ni confisqu?, et que les n?gociants anglais voyageant en France ne seront point prisonniers de guerre, et recevront leur itin?raire et les passe-ports n?cessaires pour quitter le territoire. Un b?timent anglais, naviguant et saisi par un vaisseau fran?ais, sera confisqu?, quoique sa cargaison appartienne ? des particuliers; les individus trouv?s ? bord de ce b?timent, seront prisonniers de guerre, quoique non combattants; et un convoi de cent charrettes de marchandises, appartenant ? des Anglais, et traversant la France, au moment de la rupture entre les deux puissances, ne sera pas saisi.

Dans la guerre de terre, les propri?t?s m?me territoriales que poss?dent des sujets ?trangers, ne sont point soumises ? confiscation; elles le sont tout au plus au s?questre. Les lois qui r?gissent la guerre de terre, sont donc plus conformes ? la civilisation et au bien-?tre des particuliers; et il est ? desirer qu'un temps vienne, o? les m?mes id?es lib?rales s'?tendent sur la guerre de mer, et que les arm?es navales de deux puissances puissent se battre, sans donner lieu ? la confiscation des navires marchands, et sans faire constituer prisonniers de guerre les simples matelots du commerce ou les passagers non militaires. Le commerce se ferait alors, sur mer, entre les nations bellig?rantes, comme il se fait, sur terre, au milieu des batailles que se livrent les arm?es.

La mer est le domaine de toutes les nations; elle s'?tend sur les trois quarts du globe, et ?tablit un lien entre les divers peuples. Un b?timent charg? de marchandises, naviguant sur les mers, est soumis aux lois civiles et criminelles de son souverain, comme s'il ?tait dans l'int?rieur de ses ?tats. Un b?timent, qui navigue, peut ?tre consid?r? comme une colonie flottante, dans ce sens que toutes les nations sont ?galement souveraines sur les mers. Si les navires de commerce des puissances en guerre pouvaient naviguer librement, il n'y aurait, ? plus forte raison, aucune enqu?te ? exercer sur les neutres. Mais, comme il est pass? en principe, que les b?timents de commerce des puissances bellig?rantes sont susceptibles d'?tre confisqu?s, il a d? en r?sulter le droit, pour tous les b?timents de guerre bellig?rants, de s'assurer du pavillon du b?timent neutre qu'ils rencontrent; car, s'il ?tait ennemi, ils auraient le droit de le confisquer. De l?, le droit de visite, que toutes les puissances ont reconnu par les divers trait?s; de l?, pour les b?timents bellig?rants, celui d'envoyer leurs chaloupes ? bord des b?timents neutres de commerce, pour demander ? voir leurs papiers et s'assurer ainsi de leur pavillon. Tous les trait?s ont voulu que ce droit s'exer??t avec tous les ?gards possibles, que le b?timent arm? se t?nt hors de la port?e de canon, et que deux ou trois hommes seulement, pussent d?barquer sur le navire visit?, afin que rien n'e?t l'air de la force et de la violence. Il a ?t? reconnu qu'un b?timent appartient ? la puissance dont il porte le pavillon, lorsqu'il est muni de passe-ports et d'exp?ditions en r?gle, et lorsque le capitaine et la moiti? de l'?quipage sont des nationaux. Toutes les puissances se sont engag?es, par les divers trait?s, ? d?fendre ? leurs sujets neutres, de faire, avec les puissances en guerre, le commerce de contrebande; et elles ont d?sign?, sous ce nom, le commerce des munitions de guerre, telles que poudre, boulets, bombes, fusils, selles, brides, cuirasses, etc. Tout b?timent ayant de ces objets ? bord, est cens? avoir transgress? les ordres de son souverain, puisque ce dernier s'est engag? ? d?fendre ce commerce ? ses sujets; et ces objets de contrebande sont confisqu?s.

La visite faite par les b?timents croiseurs, ne fut donc plus une simple visite pour s'assurer du pavillon; et le croiseur exer?a, au nom m?me du souverain dont le pavillon couvrait le b?timent visit?, un nouveau droit de visite, pour s'assurer si ce b?timent ne contenait pas des effets de contrebande. Les hommes de la nation ennemie, mais seulement les hommes de guerre, furent assimil?s aux objets de contrebande. Ainsi cette inspection ne fut pas une d?rogation au principe, que le pavillon couvre la marchandise.

Bient?t il s'offrit un troisi?me cas. Des b?timents neutres se pr?sent?rent pour entrer dans des places assi?g?es, et qui ?taient bloqu?es par des escadres ennemies. Ces b?timents neutres ne portaient pas de munitions de guerre, mais des vivres, des bois, des vins et d'autres marchandises, qui pouvaient ?tre utiles ? la place assi?g?e et prolonger sa d?fense. Apr?s de longues discussions entre les puissances, elles sont convenues, par divers trait?s, que dans le cas o? une place serait r?ellement bloqu?e, de mani?re qu'il y e?t danger ?vident, pour un b?timent, de tenter d'y entrer, le commandant du blocus pourrait interdire au b?timent neutre l'entr?e dans cette place, et le confisquer, si, malgr? cette d?fense, il employait la force ou la ruse pour s'y introduire.

Ainsi les lois maritimes sont bas?es sur ces principes: 1? Le pavillon couvre la marchandise. 2? Un b?timent neutre peut ?tre visit? par un b?timent bellig?rant, pour s'assurer de son pavillon et de son chargement, dans ce sens qu'il n'a pas de contrebande. 3? La contrebande est restreinte aux munitions de guerre. 4? Des b?timents neutres peuvent ?tre emp?ch?s d'entrer dans une place, si elle est assi?g?e, pourvu que le blocus soit r?el, et qu'il y ait danger ?vident, en y entrant. Ces principes forment le droit maritime des neutres, parce que les diff?rents gouvernements se sont librement et par des trait?s, engag?s ? les observer et ? les faire observer par leurs sujets. Les diverses puissances maritimes, la Hollande, le Portugal, l'Espagne, la France, l'Angleterre, la Su?de, le Danemarck et la Russie, ont, ? plusieurs ?poques et successivement, contract? l'une avec l'autre, ces engagements, qui ont ?t? proclam?s aux trait?s g?n?raux de pacification, tels que ceux de Westphalie, en 1646, et d'Utrecht, en 1712.

L'Angleterre, dans la guerre d'Am?rique, en 1778, pr?tendit, 1? que les marchandises propres ? construire les vaisseaux, telles que bois, chanvre, goudron, etc., ?taient de contrebande; 2? qu'un b?timent neutre avait bien le droit d'aller d'un port ami dans un port ennemi, mais qu'il ne pouvait pas trafiquer d'un port ennemi ? un port ennemi; 3? que les b?timents neutres ne pouvaient pas naviguer de la colonie ? la m?tropole ennemie; 4? que les puissances neutres n'avaient pas le droit de faire convoyer, par des b?timents de guerre, leurs b?timents de commerce, ou que, dans ce cas, ils n'?taient pas affranchis de la visite.

Aucune puissance ind?pendante ne voulut reconna?tre ces injustes pr?tentions. En effet la mer ?tant le domaine de toutes les nations, aucune n'a le droit de r?gler la l?gislation de ce qui s'y passe. Si les visites sont permises sur un b?timent qui arbore un pavillon neutre, c'est parce que le souverain l'a permis lui-m?me, par ses trait?s. Si les marchandises de guerre sont contrebande, c'est parce que les trait?s l'ont r?gl? ainsi. Si les puissances bellig?rantes peuvent les saisir, c'est parce que le souverain, dont le pavillon est arbor? sur le b?timent neutre, s'est lui-m?me engag? ? ne point autoriser ce genre de commerce. Mais vous ne pouvez pas ?tendre la liste des objets de contrebande ? votre volont?, disait-on aux Anglais; et aucune puissance neutre ne s'est engag?e ? d?fendre le commerce des munitions navales, telles que bois, chanvre, goudron, etc.

Quant ? la deuxi?me pr?tention, elle est contraire, ajoutait-on, ? l'usage re?u. Vous ne devez vous ing?rer dans les op?rations de commerce des neutres, que pour vous assurer du pavillon, et qu'il n'y a pas de contrebande. Vous n'avez pas le droit de savoir ce que fait un b?timent neutre, puisqu'en pleine mer ce b?timent est chez lui, et, en droit, hors de votre puissance. Il n'est pas couvert par les batteries de son pays, mais il l'est par la puissance morale de son souverain.

La troisi?me pr?tention n'est pas plus fond?e. L'?tat de guerre ne peut avoir aucune influence sur les neutres; ils doivent donc faire en guerre, ce qu'ils peuvent faire pendant la paix. Or, dans de l'?tat de paix, vous n'avez pas le droit d'emp?cher, et vous ne trouveriez pas mauvais qu'ils fissent le commerce des colonies avec la m?tropole. Si les b?timents ?trangers sont emp?ch?s de faire ce commerce, ils ne le sont pas d'apr?s le droit des gens, mais par une loi municipale; et, toutes les fois qu'une puissance a voulu permettre ? des ?trangers le commerce de ses colonies, personne n'a eu le droit de s'y opposer.

Quant ? la quatri?me pr?tention, on r?pondait que, comme le droit de visite n'existait que pour s'assurer du pavillon et de la contrebande, un b?timent arm?, commissionn? par le souverain, constatait bien mieux le pavillon et la cargaison des b?timents marchands de son convoi, ainsi que les r?glements relatifs ? la contrebande, arr?t?s par son ma?tre, que ne le faisait la visite des papiers d'un navire marchand; qu'il r?sulterait de la pr?tention dont il s'agit qu'un convoi, escort? par une flotte de huit ou dix vaisseaux de 74, d'une puissance neutre, serait soumis ? la visite d'un brick ou d'un corsaire d'une puissance bellig?rante.

Lors de la guerre d'Am?rique , M. de Castries, ministre de la marine de France, fit adopter un r?glement relatif au commerce des neutres. Ce r?glement fut dress?, d'apr?s l'esprit du trait? d'Utrecht et des droits des neutres. On y proclama les quatre principes ci-dessus ?nonc?s, et on y d?clara qu'il aurait son ex?cution pendant six mois, apr?s lesquels il cesserait d'avoir lieu envers les nations neutres qui n'auraient pas fait reconna?tre leurs droits par l'Angleterre.

Cette conduite ?tait juste et politique; elle satisfit toutes les puissances neutres, et jeta un nouveau jour sur cette question. Les Hollandais, qui faisaient alors le plus grand commerce, chican?s par les croiseurs anglais et les d?cisions de l'amiraut? de Londres, firent escorter leurs convois par des b?timents de guerre. L'Angleterre avan?a cet ?trange principe, que les neutres ne pouvaient escorter leurs convois marchands, ou que du moins, cela ne pouvait les dispenser d'?tre visit?s. Un convoi, escort? par plusieurs b?timents de guerre hollandais, fut attaqu?, pris, et conduit dans les ports anglais. Cet ?v?nement remplit la Hollande d'indignation; et peu de temps apr?s, elle se joignit ? la France et ? l'Espagne, et d?clara la guerre ? l'Angleterre.

Catherine, imp?ratrice de Russie, prit fait et cause dans ces grandes questions. La dignit? de son pavillon, l'int?r?t de son empire, dont le commerce consistait principalement en marchandises propres ? des constructions navales, lui firent prendre la r?solution de se constituer, avec la Su?de et le Danemark, en neutralit? arm?e. Ces puissances d?clar?rent qu'elles feraient la guerre ? la puissance bellig?rante qui violerait ces principes: 1? que le pavillon couvre la marchandise ; 2? que la visite d'un b?timent neutre par un b?timent de guerre, doit se faire avec tous les ?gards possibles; 3? que les munitions de guerre, canons, poudre, boulets, etc., seulement, sont objets de contrebande; 4? que chaque puissance a le droit de convoyer les b?timents marchands, et que, dans ce cas, la d?claration du commandant du b?timent de guerre, est suffisante, pour justifier le pavillon et la cargaison des b?timents convoy?s; 5? enfin, qu'un port n'est bloqu? par une escadre, que lorsqu'il y a danger ?vident d'y entrer, mais qu'un b?timent neutre ne pourrait ?tre emp?ch? d'entrer dans un port pr?c?demment bloqu? par une force, qui ne serait plus pr?sente devant le port, au moment o? le b?timent se pr?senterait, quelle que f?t la cause de l'?loignement de la force qui bloquait, soit qu'elle prov?nt des vents ou du besoin de se r?approvisionner.

Cette neutralit? du Nord fut signifi?e aux puissances bellig?rantes, le 15 ao?t 1780. La France et l'Espagne, dont elle consacrait les principes, s'empress?rent d'y adh?rer. L'Angleterre seule t?moigna son extr?me d?plaisir; mais, n'osant pas braver la nouvelle conf?d?ration, elle se contenta de se rel?cher, dans l'ex?cution, de toutes ses pr?tentions, et ne donna lieu ? aucune plainte de la part des puissances neutres conf?d?r?es. Ainsi, par cette non-mise ? ex?cution de ses principes, elle y renon?a r?ellement. Quinze mois apr?s, la paix de 1783 mit fin ? la guerre maritime.

La guerre entre la France et l'Angleterre commen?a en 1793. L'Angleterre devint bient?t l'ame de la premi?re coalition. Dans le temps que les arm?es autrichiennes, prussiennes, espagnoles et pi?montaises envahissaient nos fronti?res, elle employait tous les moyens pour arriver ? la ruine de nos colonies. La prise de Toulon, o? notre escadre fut br?l?e, le soul?vement des provinces de l'Ouest, o? p?rit un si grand nombre de marins, an?antirent notre marine. L'Angleterre alors ne mit plus de bornes ? son ambition. D?sormais, pr?pond?rante sur mer et sans rivale, elle crut le moment arriv? o? elle pourrait, sans danger, proclamer l'asservissement des mers. Elle reprit les pr?tentions auxquelles elle avait tacitement renonc? dans la guerre de 1780, savoir: 1? que les marchandises propres ? la construction des vaisseaux, sont de contrebande; 2? que les neutres n'ont pas le droit de faire convoyer leurs b?timents de commerce; ou du moins que la d?claration du commandant de l'escorte n'?te pas le droit de visite; 3? qu'une place est bloqu?e, non-seulement par la pr?sence d'une escadre, mais m?me lorsque l'escadre est ?loign?e de devant le port, par les temp?tes ou par le besoin de faire de l'eau, etc. Elle alla plus loin, et mit en avant ces trois nouvelles pr?tentions: 1? que le pavillon ne couvre pas la marchandise, que la marchandise et la propri?t? ennemies sont confiscables sur un b?timent neutre; 2? qu'un b?timent neutre n'a pas le droit de faire le commerce de la colonie avec la m?tropole; 3? qu'un b?timent neutre peut bien entrer dans un port ennemi, mais non pas aller d'un port ennemi ? un port ennemi.

Le gouvernement d'Am?rique voyant la puissance maritime de la France an?antie, et craignant pour lui l'influence du parti fran?ais qui se composait des hommes les plus exag?r?s, jugea n?cessaire ? sa conservation, de se rapprocher de l'Angleterre, et reconnut tout ce que cette puissance voulut lui prescrire, pour nuire et g?ner le commerce fran?ais.

Les altercations entre la France et les ?tats-Unis furent vives. Les envoy?s de la r?publique fran?aise, Genet, Adet, Fauchet, r?clam?rent fortement l'ex?cution du trait? de 1778; mais ils eurent peu de succ?s. En cons?quence, diverses mesures l?gislatives, analogues ? celles des Am?ricains, furent prises en France; diverses affaires de mer eurent lieu, et les choses s'aigrirent ? un tel point, que la France ?tait comme en guerre avec l'Am?rique. Cependant la premi?re de ces deux nations sortit enfin triomphante de la lutte qui mena?ait son existence; l'ordre et un gouvernement r?gulier firent dispara?tre l'anarchie. Les Am?ricains ?prouv?rent alors le besoin de se rapprocher de la France. Le pr?sident lui-m?me sentait toute la raison qu'avait cette puissance, de r?clamer contre le trait? qu'il avait conclu avec l'Angleterre; et au fond de son coeur, il rougissait d'un acte que la force des circonstances l'avait seule port? ? signer. MM. Prinkeney, Marschal et Gerry, charg?s des pleins pouvoirs du gouvernement am?ricain, arriv?rent ? Paris ? la fin de 1797. Tout faisait esp?rer un prompt rapprochement entre les deux r?publiques: mais la question restait tout enti?re ind?cise. Le trait? de 1794 et l'abandon des droits des neutres l?saient essentiellement les int?r?ts de la France; et l'on ne pouvait esp?rer de faire revenir les ?tats-Unis ? l'ex?cution du trait? de 1778, ? ce qu'ils devaient ? la France et ? eux-m?mes, qu'en op?rant un changement dans leur organisation int?rieure.

Par suite des ?v?nements de la r?volution, le parti f?d?raliste l'avait emport? dans ce pays, mais le parti d?mocratique ?tait cependant le plus nombreux. Le directoire pensa lui donner plus de force, en refusant de recevoir deux des pl?nipotentiaires am?ricains, parce qu'ils tenaient au parti f?d?raliste, et en ne reconnaissant que le troisi?me, qui ?tait du parti oppos?. Il d?clara d'ailleurs ne pouvoir entrer dans aucune n?gociation, tant que l'Am?rique n'aurait pas fait r?paration des griefs dont la r?publique fran?aise avait ? se plaindre. Le 18 janvier 1798, il sollicita une loi des conseils, portant que la neutralit? d'un b?timent ne se d?terminerait pas par son pavillon, mais par la nature de sa cargaison; et que tout b?timent charg?, en tout ou en partie, de marchandises anglaises, pourrait ?tre confisqu?. La loi ?tait juste envers l'Am?rique, dans ce sens, qu'elle n'?tait que la repr?saille du trait? que cette puissance avait sign? avec l'Angleterre, en 1794; mais elle n'en ?tait pas moins impolitique et d?plac?e; elle ?tait subversive de tous les droits des neutres. C'?tait d?clarer que le pavillon ne couvrait plus la marchandise, ou, autrement, proclamer que les mers appartenaient au plus fort. C'?tait agir dans le sens et conform?ment ? l'int?r?t de l'Angleterre, qui vit, avec une secr?te joie, la France elle-m?me proclamer ses principes, et autoriser son usurpation. Sans doute les Am?ricains n'?taient plus que les facteurs de l'Angleterre; mais des lois municipales, r?glementaires du commerce en France avec les Am?ricains, auraient d?truit un ordre de choses contraire aux int?r?ts de la France; la r?publique aurait pu d?clarer tout au plus, que les marchandises anglaises seraient marchandises de contrebande, pour les pavillons qui auraient reconnu les nouvelles pr?tentions de l'Angleterre. Le r?sultat de cette loi fut d?sastreux pour les Am?ricains. Les corsaires fran?ais firent de nombreuses prises; et aux termes de la loi, toutes ?taient bonnes. Car il suffisait qu'un navire am?ricain e?t quelques tonneaux de marchandises anglaises ? son bord, pour que toute la cargaison f?t confiscable. Dans le m?me temps, comme s'il n'y avait pas d?ja assez de cause d'irritation et de d?sunion entre les deux pays, le directoire fit demander aux envoy?s am?ricains un emprunt de quarante-huit millions de francs; se fondant sur celui que les ?tats-Unis avaient fait autrefois ? la France, pour se soustraire au joug de l'Angleterre. Les agents d'intrigues dont le minist?re des relations ext?rieures ?tait rempli ? cette ?poque, insinu?rent qu'on se d?sisterait de l'emprunt pour une somme de douze cent mille francs, qui devait se partager entre le directeur B..... et le ministre T..........

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