Read Ebook: Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours tome 1/6 by Jacob P L
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mari, tu? et mutil? par l'odieux Typhon, fr?re de la victime. On peut donc juger du culte d'Isis et d'Osiris par les objets m?mes qui en ?taient les myst?rieux symboles.
La Prostitution sacr?e devait, dans un pareil culte, avoir la plus large extension; mais elle ?tait certainement, du moins dans les premiers ?ges, r?serv?e au pr?tre qui en faisait un des revenus les plus productifs de ses autels. Elle r?gnait avec impudeur dans ces initiations, auxquelles il fallait pr?luder par les ablutions, le repos et la continence. Le dieu et la d?esse avaient remis leurs pleins pouvoirs ? des ministres qui en usaient tout mat?riellement et qui se chargeaient d'initier ? d'inf?mes d?bauches les n?ophytes des deux sexes. Saint ?piphane dit positivement que ces c?r?monies occultes faisaient allusion aux moeurs des hommes avant l'?tablissement de la soci?t?. C'?taient donc la promiscuit? des sexes et tous les d?bordements du libertinage le plus grossier. H?rodote nous apprend comment on se pr?parait aux f?tes d'Isis, ador?e dans la ville de Bubastis sous le nom de Diane: <
Les horribles d?sordres auxquels le culte d'Isis donna lieu se cachaient dans des souterrains o? l'initi? ne p?n?trait qu'apr?s un temps d'?preuves et de purification. H?rodote, confident et t?moin de cette Prostitution que les pr?tres d'?gypte lui avaient r?v?l?e, en dit assez l?-dessus pour que ses r?ticences m?mes nous permettent de deviner ce qu'il ne dit pas: <
L'histoire des rois d'?gypte nous pr?sente encore dans l'ouvrage d'H?rodote deux ?tranges exemples de la Prostitution l?gale. Rhampsinite ou Rhams?s, qui r?gnait environ 2244 ans avant J?sus-Christ, voulant d?couvrir l'adroit voleur qui avait pill? son tr?sor, <> dit H?rodote, dont la cr?dulit? avait ?t? souvent mise ? l'?preuve: <
L'?rection d'une pyramide, si co?teuse qu'elle f?t, ne semblait pas au-dessus des moyens d'une courtisane. Aussi, malgr? la chronologie et l'histoire, attribuait-on g?n?ralement en ?gypte la construction de la pyramide de Myc?rinus ? la courtisane Rhodopis. Cette courtisane n'?tait pas ?gyptienne de naissance, mais elle avait fait sa fortune avec les ?gyptiens, longtemps apr?s le r?gne de Myc?rinus. Rhodopis, qui vivait sous Amasis, 600 ans avant J?sus-Christ, ?tait originaire de Thrace; elle avait ?t? compagne d'esclavage d'?sope le fabuliste, chez Iadmon, ? Samos. Elle fut men?e en ?gypte par Xanthus, de Samos, qui faisait aux d?pens d'elle un assez vilain m?tier, puisqu'il l'avait achet?e pour qu'elle exer??t l'?tat de courtisane au profit de son ma?tre. Elle r?ussit ? merveille, et sa renomm?e lui attira une foule d'amants entre lesquels Charaxus, de Mytil?ne, fr?re de la c?l?bre Sapho, fut tellement ?pris de cette charmante fille, qu'il donna une somme consid?rable pour sa ran?on. Rhodopis, devenue libre, ne quitta pas l'?gypte, o? sa beaut? et ses talents lui procur?rent des richesses immenses. Elle en fit un singulier usage, car elle employa la dixi?me partie de ses biens ? fabriquer des broches de fer, qu'elle offrit, on ne sait pour quel voeu, au temple de Delphes, o? on les voyait encore du temps d'H?rodote. Ce grave historien parle de ces broches symboliques comme d'une chose que personne n'avait encore imagin?e et il ne cherche pas ? deviner le sens figur? de cette singuli?re offrande. On n'en montrait plus que la place du temps de Plutarque. La tradition populaire avait si bien confondu les broches du temple d'Apollon delphien et la pyramide de Myc?rinus, construite plusieurs si?cles avant la fabrication des broches, que tout le monde en ?gypte s'obstinait ? mettre cette pyramide sur le compte de Rhodopis. Selon les uns, elle en avait pay? la fa?on; selon les autres , ses amants l'avaient fait b?tir ? frais communs pour lui plaire: d'o? il faut conclure que la courtisane avait l'amour des pyramides.
Rhodopis, que les Grecs nommaient Dorica, et Dorica ?tait c?l?bre dans toute la Gr?ce, ouvrit la liste de ses adorateurs par le nom d'?sope, qui, tout contrefait et tout laid qu'il f?t, ne donna qu'une de ses fables pour acheter les faveurs de cette belle fille de Thrace. Le baiser du po?te la d?signa aux regards complaisants de la destin?e. Le beau Charaxus, ? qui elle devait sa libert? et le commencement de son opulence, la laissa se fixer dans la ville de Naucratis, o? il venait la voir, ? chaque voyage qu'il faisait en ?gypte pour y apporter et y vendre du vin. Rhodopis l'aimait assez pour lui ?tre fid?le tant qu'il s?journait ? Naucratis, et l'amour l'y retenait plus que son commerce. Pendant une de ses absences, Rhodopis, assise sur une terrasse, regardait le Nil et cherchait ? l'horizon la voile du navire qui lui ramenait Charaxus; une de ses pantoufles avait quitt? son pied impatient et brillait sur un tapis: un aigle la vit, la saisit avec son bec et l'emporta dans les airs. En ce moment, le roi Amasis ?tait ? Naucratis et y tenait sa cour, entour? de ses principaux officiers. L'aigle, qui avait enlev? la pantoufle de Rhodopis sans que celle-ci s'en aper??t, laissa tomber cette pantoufle sur les genoux du Pharaon. Jamais il n'avait rencontr? pantoufle si petite et si avenante. Il se mit en qu?te aussit?t du joli pied ? qui elle appartenait, et lorsqu'il l'eut trouv?, en faisant essayer la divine pantoufle ? toutes les femmes de ses ?tats, il voulut avoir Rhodopis pour ma?tresse. N?anmoins, la ma?tresse d'Amasis ne renon?a pas ? Charaxus; et la Gr?ce c?l?bra, dans les chansons de ses po?tes, les amours de Dorica, que Sapho, soeur de Charaxus, avait poursuivie d'amers reproches. Pausidippe, dans son livre sur l'?thiopie, a consacr? cette ?pigramme ? l'amante de Charaxus: <
Naucratis ?tait la ville des courtisanes: celles qui sortaient de cette ville semblaient avoir profit? des le?ons de Rhodopis. Leurs charmes et leurs s?ductions firent longtemps l'entretien de la Gr?ce, qui envoyait souvent ses d?bauch?s ? Naucratis et qui en rapportait de merveilleux r?cits de Prostitution. Apr?s Rhodopis, une autre courtisane, nomm?e Archidice, acquit aussi beaucoup de c?l?brit? par les m?mes moyens; mais, de l'aveu d'H?rodote, elle eut moins de vogue que sa devanci?re. On sait pourtant qu'elle mettait un si haut prix ? ses faveurs, que le plus riche se ruinait ? les payer; et beaucoup se ruin?rent ainsi. Un jeune ?gyptien, qui ?tait ?perdument amoureux de cette courtisane, voulut se ruiner pour elle; mais, comme sa fortune ?tait m?diocre, Archidice refusa la somme et l'amant. Celui-ci ne se tint pas pour battu: il invoqua V?nus, qui lui envoya en songe gratuitement ce qu'il e?t pay? si cher en r?alit?; il n'en demanda pas davantage. La courtisane apprit ce qui s'?tait pass? sans elle, et cita devant les magistrats son d?biteur insolvable en lui r?clamant le prix du songe. Les magistrats jug?rent ce point litigieux avec une grande sagesse: ils autoris?rent Archidice ? r?ver qu'elle avait ?t? pay?e, et partant quitte.
Les H?breux, qui ?taient originaires de la Chald?e, y avaient pris les moeurs de la vie pastorale: il est donc certain que la Prostitution hospitali?re exista dans les ?ges recul?s, chez la race juive comme chez les p?tres et les chasseurs chald?ens. On en retrouve la trace ?? et l? dans les livres saints. Mais la Prostitution sacr?e ?tait fondamentalement antipathique avec la religion de Mo?se, et ce grand l?gislateur, qui avait pris ? t?che d'imposer un frein ? son peuple pervers et corrompu, s'effor?a de r?primer au nom de Dieu les exc?s ?pouvantables de la Prostitution l?gale. De l? cette p?nalit? terrible qu'il avait trac?e en caract?res de sang sur les tables de la loi, et qui suffisait ? peine pour arr?ter les monstrueux d?bordements des fils d'Abraham.
Le plus ancien exemple qui existe peut-?tre de la Prostitution hospitali?re, c'est dans la Gen?se qu'il faut le chercher. Du temps de No? les fils de Dieu ou les anges ?taient descendus sur la terre pour conna?tre les filles des hommes, et ils en avaient eu des enfants qui furent des g?ants. Ces anges venaient le soir demander un abri sous la tente d'un patriarche et ils y laissaient, en s'?loignant plus ou moins satisfaits de ce qu'ils avaient trouv?, des souvenirs vivants de leur passage. La Gen?se ne nous dit pas ? quel signe authentique on pouvait distinguer un ange d'un homme: ce n'?tait qu'au bout de neuf mois qu'il se r?v?lait par la naissance d'un g?ant. Ces g?ants n'h?rit?rent pas des vertus de leurs p?res, car la m?chancet? des hommes ne fit que s'accro?tre; de telle sorte que le Seigneur, indign? de voir l'esp?ce humaine si d?g?n?r?e et si corrompue, r?solut de l'an?antir, ? l'exception de No? et de sa famille. Le d?luge renouvela la face du monde, mais les passions et les vices, que Dieu avait voulu faire dispara?tre, reparurent et se multipli?rent avec les hommes. L'hospitalit? m?me ne fut plus chose sainte et respect?e dans les villes immondes de Sodome et de Gomorrhe; lorsque les deux anges qui avaient annonc? ? Abraham que sa femme Sarah, ?g?e de six vingts ans, lui donnerait un fils, all?rent ? Sodome et s'arr?t?rent dans la maison de Loth pour y passer la nuit, les habitants de la ville, depuis le plus jeune jusqu'au plus vieux, environn?rent la maison, et appelant Loth: <
Le s?jour des H?breux en ?gypte, o? les moeurs ?taient fort d?prav?es, acheva de pervertir les leurs et de les ramener ? l'?tat de simple nature: ils vivaient dans une honteuse promiscuit?, lorsque Mo?se les fit sortir de servitude et leur donna un code de lois religieuses et politiques. Mo?se, en conduisant les Juifs vers la terre promise, eut besoin de recourir ? une p?nalit? terrible pour arr?ter les exc?s de la corruption morale qui d?shonorait le peuple de Dieu. Du haut du mont Sina? il fit entendre ces paroles, que le Seigneur pronon?a au milieu des ?clairs et des tonnerres: <
L'histoire de la Prostitution sacr?e chez les H?breux commence donc du temps de Mo?se, qui ne r?ussit pas ? l'abolir, et elle repara?t ?? et l?, dans les livres saints, jusqu'? l'?poque des Machab?es.
Lorsque Isra?l ?tait camp? en Sittim, dans le pays des Moabites, presque en vue de la terre promise, le peuple s'abandonna ? la fornication avec les filles de Moab , qui les invit?rent ? leurs sacrifices: il fut initi? ? Belphegor. L'?ternel appela Mo?se et lui ordonna de faire pendre ceux qui avaient sacrifi? ? Belphegor. Une maladie terrible, n?e de la d?bauche des Isra?lites, les d?cimait d?j?, et vingt-quatre mille ?taient morts de cette maladie. Mo?se rassembla les juges d'Isra?l pour les inviter ? retrancher du peuple les coupables que le fl?au avait atteints. <
Mais Isra?l peut maintenant, sur le champ de la Prostitution, en apprendre ? tous les peuples qui l'ont instruit et qu'il a surpass?s. Le proph?te ?z?chiel nous fait une peinture ?pouvantable de la corruption juive. Ce ne sont, dans ses effrayantes proph?ties, que mauvais lieux ouverts ? tout venant, que tentes de paillardise plant?es sur tous les chemins, que maisons de scandale et d'impudicit?; on n'aper?oit que courtisanes v?tues de soie et de broderie, ?tincelantes de joyaux, charg?es de parfums; on ne contemple que des sc?nes inf?mes de fornication. La grande prostitu?e, J?rusalem, qui se donna aux enfants d'?gypte ? cause des promesses de leur belle taille, fait des pr?sents aux amants dont elle est satisfaite, au lieu de leur demander un salaire: <
J?sus, qui fut impitoyable pour les h?tes parasites du sanctuaire et qui brisa leur comptoir d'iniquit?, se montra pourtant plein d'indulgence ? l'?gard des femmes, comme s'il avait piti? de leurs faiblesses. Quand la Samaritaine le trouva assis au bord d'un puits, cette ?trang?re qui avait eu cinq maris et qui vivait en concubinage avec un homme, J?sus ne lui adressa aucun reproche et s'entretint doucement avec elle, en buvant de l'eau qu'elle avait tir?e du puits. Les disciples de J?sus s'?tonn?rent de le voir en compagnie d'une telle femme et dirent d?daigneusement: <> J?sus, se tournant vers cette femme, lui dit avec une bont? ang?lique: <
La Prostitution sacr?e exista dans la Gr?ce d?s qu'il y eut des dieux et des temples; elle remonte donc ? l'origine du paganisme grec. Cette th?ogonie, que l'imagination po?tique de la race hell?ne avait cr??e plus de dix-huit si?cles avant l'?re moderne, ne fut qu'un po?me all?gorique, en quelque sorte, sur les jeux de l'amour dans l'univers. Toutes les religions avaient eu le m?me berceau; ce fut partout la nature femelle s'?panouissant et engendrant au contact f?cond de la nature m?le; ce furent partout l'homme et la femme, qu'on divinisait dans les attributions les plus significatives de leurs sexes. La Gr?ce re?ut donc de l'Asie le culte de V?nus avec celui d'Adonis, et comme ce n'?tait point assez de ces deux divinit?s amoureuses, la Gr?ce les multiplia sous une foule de noms diff?rents, de telle sorte qu'il y eut presque autant de V?nus que de temples et de statues. Les pr?tres et les po?tes qui se charg?rent, d'un commun accord, d'inventer et d'?crire les annales de leurs dieux, ne firent que d?velopper un th?me unique, celui de la jouissance sensuelle. Dans cette ing?nieuse et charmante mythologie, l'Amour reparaissait ? chaque instant, avec un caract?re vari?, et l'histoire de chaque dieu ou de chaque d?esse n'?tait qu'un hymne voluptueux en l'honneur des sens. On comprend sans peine que la Prostitution, qui se montre de tant de mani?res dans l'odyss?e des m?tamorphoses des dieux et des d?esses, devait ?tre un reflet des moeurs grecques au temps d'Ogyg?s et d'Inachus. Une nation dont les croyances religieuses n'?taient qu'un amas de l?gendes impures pouvait-elle jamais ?tre chaste et retenue?
La Gr?ce accepta, d?s les temps h?ro?ques, le culte de la femme et de l'homme divinis?s, tel que Babylone et Tyr l'avaient ?tabli ? Cypre; ce culte sortit de l'?le qui lui ?tait sp?cialement consacr?e, pour se r?pandre d'?le en ?le dans l'Archipel, et pour gagner bient?t Corinthe, Ath?nes et toutes les villes de la terre Ionienne. Alors, ? mesure que V?nus et Adonis se naturalisaient dans la patrie d'Orph?e et d'H?siode, ils perdaient quelque chose de leur origine chald?enne et ph?nicienne; ils se fa?onnaient, pour ainsi dire, ? une civilisation plus polie et plus raffin?e, mais non moins corrompue. V?nus et Adonis sont plus voil?s qu'ils ne l'?taient dans l'Asie-Mineure; mais, sous ce voile, il y a des d?licatesses et des recherches de d?bauche qu'on ignorait peut-?tre dans les enceintes sacr?es de Mylitta et dans les bois myst?rieux de Belphegor. Les renseignements nous manquent pour reconstituer dans tous ses d?tails secrets le culte des V?nus grecques, surtout dans les ?poques ant?rieures aux beaux si?cles de la Gr?ce; les po?tes ne nous offrent ?? et l? que des traits ?pars qui, s'ils indiquent tout, ne pr?cisent rien; les philosophes ?vitent les tableaux et se jettent au hasard dans de vagues g?n?ralit?s morales; les historiens ne renferment que des faits isol?s qui ne s'expliquent pas souvent l'un l'autre; enfin, les monuments figur?s, ? l'exception de quelques m?dailles et de quelques inscriptions, ont tous p?ri. Nous avons seulement des notions assez nombreuses sur les principales V?nus, dont le nom et les attributs se rattachent plus particuli?rement au sujet que nous traitons. La simple ?num?ration de ces V?nus nous dispensera de recourir ? des conjectures plus ou moins appuy?es de preuves et d'apparences. La Prostitution sacr?e, en cessant de s'exercer au profit du temple et du pr?tre, avait laiss? dans les rites et les usages religieux la trace profonde de son empire.
Ce temple, d?di? ? la V?nus-Populaire par le sage Solon, n'?tait pas le seul qui t?moign?t du culte de la Prostitution en Gr?ce. Il y en avait aussi ? Th?bes en B?otie et ? M?galopolis en Arcadie. Celui de Th?bes datait du temps de Cadmus, fondateur de cette ville. La tradition racontait que la statue qu'on voyait dans ce temple, avait ?t? fabriqu?e avec les ?perons d'airain des vaisseaux qui avaient amen? Cadmus aux bords th?bains. C'?tait une offrande d'Harmonie, fille de Cadmus; cette princesse, indulgente pour les plaisirs de l'amour, s'?tait plu ? en consacrer le symbole ? la d?esse, en lui destinant ces ?perons ou becs de m?tal qui s'?taient enfonc?s dans le sable du rivage pour en faire sortir une cit?. Dans le temple de M?galopolis, la statue de Pandemos ?tait accompagn?e de deux autres statues qui pr?sentaient la d?esse sous deux figures diff?rentes, plus d?centes et moins nues. Ces statues de Pandemos avaient toutes une physionomie assez effront?e, car elles ne furent pas conserv?es quand les moeurs impos?rent des voiles m?me aux d?esses; celle qui ?tait ? ?lis, o? Pandemos eut aussi un temple c?l?bre, avait ?t? refaite par le fameux statuaire Scopas, qui en changea enti?rement la posture et qui se contenta d'un embl?me tr?s-transparent, en mettant cette V?nus sur le dos d'un bouc aux cornes d'or.
Cette d?esse ?tait, sans doute, sous ses divers aspects, la d?esse de la beaut?: mais la beaut? qu'elle divinisait, ce fut moins celle du visage que celle du corps; et les Grecs, plus amoureux de la statuaire que de la peinture, faisaient plus de cas aussi de la forme que de la couleur. La beaut? du visage, en effet, appartenait presque indistinctement ? toutes les d?esses du panth?on grec, tandis que la beaut? du corps ?tait un des attributs divins de V?nus. Lorsque le berger troyen, P?ris, d?cerna la pomme ? la plus belle des trois d?esses rivales, il n'avait d?cid? son choix entre elles, qu'apr?s les avoir vues sans aucun voile. V?nus ne repr?sentait donc pas la beaut? intelligente, l'?me de la femme; elle ne repr?sentait que la beaut? mat?rielle, le corps de la femme. Les po?tes, les artistes lui attribuaient donc une t?te fort petite, au front bas et ?troit, mais en revanche un corps et des membres fort longs, souples et potel?s. La perfection de la beaut? chez la d?esse commen?ait surtout ? la naissance des reins. Les Grecs se regardaient comme les premiers connaisseurs du monde en ce genre de beaut?. Cependant ce ne fut pas la Gr?ce, mais la Sicile qui fonda un temple ? V?nus Callipyge. Ce temple dut son origine ? un jugement qui n'eut pas autant d'?clat que celui de P?ris, car les parties n'?taient pas d?esses et le juge n'eut pas ? se prononcer entre trois. Deux soeurs, aux environs de Syracuse, en se baignant un jour, se disput?rent le prix de la beaut?; un jeune Syracusain, qui passait par l? et qui vit les pi?ces du proc?s, sans ?tre vu, fl?chit le genou en terre comme devant V?nus elle-m?me, et s'?cria que l'a?n?e avait remport? la victoire. Les deux adversaires s'enfuirent ? demi nues. Le jeune homme revint ? Syracuse et raconta, encore ?mu d'admiration, ce qu'il avait vu. Son fr?re, ?merveill? ? ce r?cit, d?clara qu'il se contenterait de la cadette. Enfin ils rassembl?rent ce qu'ils poss?daient de plus pr?cieux, et ils se rendirent chez le p?re des deux soeurs et lui demand?rent de devenir ses gendres. La cadette, d?sol?e et indign?e d'avoir ?t? vaincue, ?tait tomb?e malade; elle sollicita la r?vision de la cause, et les deux fr?res, d'un commun accord, proclam?rent qu'elles avaient toutes deux ?galement droit ? la victoire, selon que le juge regardait l'une, du c?t? droit, et l'autre, du c?t? gauche. Les deux soeurs ?pous?rent les deux fr?res et transport?rent ? Syracuse une r?putation de beaut?, qui ne fit que s'accro?tre. On les comblait de pr?sents, et elles amass?rent de si grands biens, qu'elles purent ?riger un temple ? la d?esse qui avait ?t? la source de leur fortune. La statue qu'on admirait dans ce temple participait ? la fois des charmes secrets de chaque soeur, et la r?union de ces deux mod?les en une seule copie avait form? le type parfait de la beaut? callipyge. C'est le po?te Cercidas de M?galopolis qui a immortalis? cette copie sans avoir vu les originaux. Ath?n?e rapporte la m?me anecdote, dont le voile transparent cache ?videmment l'histoire de deux courtisanes syracusaines.
L'emploi de ces consacr?es dans les temples et les bocages de la d?esse est suffisamment constat? par quelques monuments figur?s, qui sont moins discrets ? cet ?gard que les ?crivains contemporains. Les peintures de deux coupes et de deux vases grecs, cit?s par le savant M. Lajard, d'apr?s les descriptions de MM. de Witte et Lenormand, ne nous laissent pas de doute sur la Prostitution sacr?e qui s'?tait perp?tu?e dans le culte de V?nus. Un de ces vases, qui faisait partie de la c?l?bre collection Durand, repr?sente un temple de V?nus, dans lequel une courtisane re?oit, par l'interm?diaire d'un esclave, les propositions d'un ?tranger couronn? de myrte, plac? en dehors du temple et tenant ? la main une bourse. Sur le second vase, un ?tranger, pareillement couronn? de myrte, est assis sur un lit et semble marchander une courtisane debout devant lui dans un temple. M. Lajard attribue encore la m?me signification ? une pierre grav?e, taill?e ? plusieurs faces, dont cinq portent des animaux, embl?mes du culte de la V?nus Orientale, et dont la sixi?me repr?sente une courtisane qui se regarde dans un miroir pendant qu'elle se livre ? un ?tranger. Mais ce qui se passait dans les temples et dans les bois sacr?s n'a pas laiss? de traces plus caract?ristiques chez les auteurs de l'antiquit?, qui n'ont pas os? trahir les myst?res de V?nus.
La Prostitution sacr?e, qui existait dans tous les temples d'Ath?nes ? l'?poque o? Solon donna des lois aux Ath?niens, invita certainement le l?gislateur ? ?tablir la Prostitution l?gale. Quant ? la Prostitution hospitali?re, contemporaine des ?ges h?ro?ques de la Gr?ce, elle avait disparu sans laisser de traces dans les moeurs, et le mariage ?tait trop prot?g? par la l?gislation, la l?gitimit? des enfants semblait trop n?cessaire ? l'honneur de la r?publique, pour que le souvenir des m?tamorphoses et de l'incarnation humaine des dieux p?t encore pr?valoir contre la foi conjugale, contre le respect de la famille. Solon vit les autels et les pr?tres s'enrichir avec le produit de la Prostitution des consacr?es, qui ne se vendaient qu'? des ?trangers; il songea naturellement ? procurer les m?mes b?n?fices ? l'?tat, et par les m?mes moyens, en les faisant servir ? la fois aux plaisirs de la jeunesse ath?nienne et ? la s?curit? des femmes honn?tes. Il fonda donc, comme ?tablissement d'utilit? publique, un grand dict?rion, dans lequel des esclaves, achet?es avec les deniers de l'?tat et entretenues ? ses frais, levaient un tribut quotidien sur les vices de la population, et travaillaient avec impudicit? ? augmenter les revenus de la r?publique. On a voulu bien souvent, ? d?faut de preuves historiques, qui n'appuient pas, il est vrai, la tradition, ne pas laisser au sage Solon la responsabilit? morale du libertinage institu? l?galement ? Ath?nes; on a pr?tendu que ce grand l?gislateur, dont le code respire la pudeur et la chastet?, n'avait pu se donner un d?menti ? lui-m?me en ouvrant la porte aux d?bauches de ses concitoyens. Mais, dans un fait de cette nature, qui semblait au-dessous de la dignit? de l'histoire, la tradition, recueillie par Ath?n?e et conserv?e aussi dans des ouvrages qui existaient de son temps, ?tait comme l'?cho de ce dict?rion, qui avait eu Solon pour fondateur et qui se glorifiait de son origine.
On peut supposer, avec beaucoup d'apparence de raison, que les femmes communes ?taient alors enti?rement s?par?es de la population citoyenne et de la vie civile; elles ne sortaient pas de leur officine l?gale; elles ne se montraient jamais dans les f?tes et les c?r?monies religieuses; si une tol?rance restreinte leur permettait de descendre dans la rue, elles devaient porter un costume particulier, qui les f?t reconna?tre, et elles ?taient s?v?rement ?loign?es de certains lieux o? leur pr?sence e?t caus? du scandale ou de la distraction. ?trang?res, d'ailleurs, elles n'avaient aucun droit ? revendiquer dans la cit?; et celles qui, Ath?niennes de naissance, s'?taient vou?es ? la Prostitution, perdaient tous les privil?ges attach?s ? leur naissance. Nous n'avons pas les lois que Solon avait r?dig?es pour constituer la Prostitution l?gale; mais il est permis d'en formuler ainsi les principales dispositions, qui se trouvent suffisamment constat?es par une foule de faits que nous d?couvrons ?? et l? dans les ?crivains grecs. Mais le code de Solon, ? l'?gard des femmes du grand dict?rion entretenu aux frais de la r?publique, se rel?cha de sa s?v?rit?, puisque, moins d'un si?cle apr?s la mort du l?gislateur, les courtisanes avaient fait irruption de toutes parts dans la soci?t? grecque, et osaient se m?ler aux femmes honn?tes jusque dans le forum. Hippias et Hipparque, fils du tyran Pisistrate, qui gouvernait Ath?nes 530 ans avant l'?re moderne, ?tablirent des festins publics, qui r?unissaient le peuple ? la m?me table, et dans ces festins les courtisanes furent autoris?es ? prendre place ? c?t? des matrones; car les fils du tyran se proposaient moins d'am?liorer le peuple que de le corrompre et de le subjuguer. Aussi, pour nous servir de l'expression de Plutarque, les femmes de plaisir arrivaient l? par flots, et, comme le disait un historien grec, Idom?n?e, dont les ouvrages ne nous sont connus que par des fragments, Pisistrate, ? l'instigation de qui ces orgies avaient lieu, ordonnait que les champs, les vignes et les jardins fussent ouverts ? tout le monde, dans les jours consacr?s ? la d?bauche publique, afin que chacun p?t en prendre sa part sans ?tre oblig? d'aller se cacher dans le myst?re du dict?rion de Solon.
Le l?gislateur d'Ath?nes avait eu deux motifs ?vidents et imp?rieux pour r?glementer comme il l'avait fait la Prostitution: il se proposait d'abord de mettre ? l'abri de la violence et de l'insulte la pudeur des vierges et des femmes mari?es; ensuite, il avait eu pour but de d?tourner la jeunesse des penchants honteux qui la d?shonoraient et l'abrutissaient. Ath?nes devenait le th??tre de tous les d?sordres; le vice contre nature se propageait d'une mani?re effrayante et mena?ait d'arr?ter le progr?s social. Ces d?bauch?s, qui n'?taient d?j? plus des hommes, pouvaient-ils ?tre des citoyens? Solon voulut leur donner les moyens de satisfaire aux besoins de leurs sens, sans se livrer aux d?r?glements de leur imagination. Il ne fit pourtant que corriger une partie de ses compatriotes; les autres, sans renoncer ? leurs coupables habitudes, contract?rent celles d'un libertinage plus naturel, mais non moins funeste. Le but de Solon fut toutefois rempli, en ce que la s?curit? des femmes mari?es n'eut plus rien ? craindre des libertins. La Prostitution l?gale ?tait alors, pour ainsi dire, dans son enfance, et elle ne comptait pas une nombreuse client?le: on la connaissait ? peine, on ne s'y accoutuma que par degr?s; on ne s'y livra avec fureur qu'apr?s en avoir eu, en quelque sorte, l'exp?rience. Voil? comment les lois de Solon se trouv?rent bient?t d?bord?es par les n?cessit?s de la d?bauche publique et successivement effac?es sous l'empire de la corruption des moeurs, qui ne s'?puraient pas en se civilisant. Mais, du moins ? Ath?nes, le foyer domestique resta incorruptible et sacr?, le poison de la Prostitution n'y p?n?tra pas; et alors que V?nus-Pandemos conviait ses adorateurs ? l'oubli de toute d?cence, alors que le Pir?e agrandissait aux portes d'Ath?nes le domaine affect? aux courtisanes, la pudeur conjugale gardait le seuil de la maison du citoyen qui s'en allait offrir un sacrifice ? Pandemos et souper avec ses amis chez sa ma?tresse.
La loi n?anmoins n'?tait pas toujours muette ou impuissante contre les femmes de mauvaise vie, qu'elles fussent h?taires, joueuses de fl?tes ou dict?riades; non-seulement elle leur refusait impitoyablement tous les droits attach?s ? la qualit? de citoyenne, mais encore elle mettait des bornes ? leurs d?portements. L'ar?opage d'Ath?nes avait souvent les yeux ouverts sur la conduite de ces femmes, et souvent aussi il les frappait avec une rigueur impitoyable. Il para?trait, d'apr?s plusieurs passages d'Alciphron, qu'elles ?taient toutes solidaires devant la loi, et qu'une condamnation qui atteignait une d'entre elles avait des cons?quences f?cheuses pour chacune d'elles en particulier. On peut pr?sumer qu'il s'agissait d'un imp?t proportionnel applicable ? toute femme qui ne justifiait pas du titre de citoyenne. On leur faisait ainsi, de temps ? autre, rendre aux coffres de l'?tat ce qu'elles avaient pris dans ceux des citoyens. Cette singuli?re l?gislation a permis de soutenir un paradoxe que nous donnons pour ce qu'il vaut. Suivant certains ?rudits, les courtisanes d'Ath?nes auraient form? une corporation, un coll?ge, qui se composait de divers ordres de femmes occup?es du m?me m?tier, et class?es hi?rarchiquement sous des statuts ou r?glements relatifs ? leur m?prisable industrie. C'est pourquoi l'ar?opage pouvait rendre le corps entier responsable des fautes de ses membres. Ce tribunal ?voquait la cause devant lui, quand une courtisane poussait un citoyen ? commettre une action r?pr?hensible, et m?me lorsque son influence ?tait pr?judiciable ? des jeunes gens, au point de leur faire dissiper leur fortune, de les d?tourner du service de la R?publique et de leur donner des le?ons d'impi?t?. Les accusations ?taient quelquefois capitales, et il ne fallait que la haine ou la vengeance d'un amant d?daign? pour soulever un orage terrible contre une femme qui n'avait aucun appui et qui pouvait ?tre condamn?e sans avoir ?t? d?fendue. <
L'ar?opage qui jugeait les courtisanes et leurs odieux parasites, lorsque le crime lui ?tait d?nonc? par la voix du peuple ou par quelque citoyen, ne daignait pas s'occuper des simples d?lits que pouvait commettre cette population impure, vou?e aux mauvaises moeurs, et soumise ? de rigoureuses prescriptions de police. La connaissance des d?lits r?sultant de l'exercice de la Prostitution appartenait certainement ? des tribunaux subalternes d'?dilit? et de police. C'?taient eux qui faisaient observer les r?glements relatifs aux habits que devaient porter les prostitu?es, aux lieux affect?s ? leur s?jour et ? leurs promenades, aux imp?ts qui frappaient leur honteux m?tier, et enfin ? toutes les habitudes de leur vie publique.
Ces trois cat?gories de courtisanes n'eussent pas eu le moindre rapport entre elles sans le but unique de leur institution: elles servaient toutes trois ? satisfaire les app?tits sensuels des Ath?niens, depuis le plus illustre jusqu'au plus infime. Il y avait des degr?s dans la Prostitution, comme dans le peuple, et la fi?re h?taire du C?ramique diff?rait autant de la vile dict?riade du Pir?e, que le brillant Alcibiade diff?rait d'un grossier marchand de cuirs. Si les documents sur la l?gislation de la d?bauche ath?nienne ne s'offrent ? nous que rares et imparfaits, nous pouvons y suppl?er par la pens?e, en comparant les conditions diverses des femmes qui faisaient m?tier et marchandise de leur corps. Les h?taires, ces riches et puissantes souveraines, qui comptaient dans leur client?le des g?n?raux d'arm?e, des magistrats, des po?tes et des philosophes, ne relevaient gu?re que de l'ar?opage; mais les aul?trides et les dict?riades ?taient plus ordinairement d?f?r?es ? des tribunaux subalternes, si tant est que ces derni?res, soumises ? une sorte de servitude infamante, eussent conserv? le droit d'avoir des juges hors de l'enceinte de leur prison obsc?ne. La plupart des dict?riades et des aul?trides ?taient ?trang?res; la plupart, d'une naissance obscure et servile; en tout cas, une Ath?nienne qui, par mis?re, par vice ou par folie, tombait dans cette classe abjecte de la Prostitution, avait renonc? ? son nom, ? son rang, ? sa patrie. Cependant l'h?taire grecque, qui ne subissait pas la m?me fl?trissure, s'obstinait quelquefois ? garder son titre de citoyenne, et il ne fallait pas moins qu'un arr?t de l'ar?opage pour le lui enlever. D?mosth?ne, plaidant contre la courtisane N??ra, s'?criait avec indignation: <
Ath?n?e dit positivement que les femmes publiques, probablement les dict?riades, ne pouvaient sortir de leurs habitations qu'apr?s le coucher du soleil, ? l'heure o? pas une matrone n'e?t os? se montrer dans les rues sans exposer sa r?putation. Mais il ne faut pas prendre ? la lettre ce passage d'Ath?n?e, car toutes les courtisanes qui demeuraient au Pir?e, hors des murailles de la ville, se promenaient soir et matin sur le port. Il est possible que ces femmes ne fussent admises dans la ville, pour y faire des achats et non pour s'y prostituer, qu'? la fin du jour, lorsque l'ombre les couvrait d'un voile d?cent. Dans tous les cas, elles ne devaient point passer la nuit ? l'int?rieur de la ville, et elles encouraient une peine lorsqu'on les y trouvait apr?s certaine heure. Il leur ?tait aussi d?fendu de commettre un acte de d?bauche au milieu du s?jour des citoyens paisibles. Cette coutume existait dans les villes d'Orient, depuis la plus haute antiquit?, et elle se maintint ? Ath?nes, tant que l'ar?opage imposa des limites ? la Prostitution l?gale. Le port du Pir?e avait ?t? comme assign? pour domaine ? cette Prostitution. Il formait une sorte de ville compos?e de cabanes de p?cheurs, de magasins de marchandises, d'h?telleries, de mauvais lieux et de petites maisons de plaisir. La population flottante de ce faubourg d'Ath?nes comprenait les ?trangers, les libertins, les joueurs, les gens sans aveu: c'?tait pour les courtisanes une client?le lucrative et ardente. Elles habitaient parmi leurs serviteurs ordinaires et n'avaient que faire d'aller chercher des aventures dans la ville sous l'oeil aust?re des magistrats et des matrones; elles se trouvaient ? merveille au Pir?e et elles y affluaient de tous les pays du monde. Cette affluence, nuisible aux int?r?ts de toutes, changea pour quelques-unes le th??tre de leurs promenades: les plus fi?res et les plus triomphantes se rapproch?rent d'Ath?nes et vinrent se mettre en montre sur le C?ramique.
Le C?ramique, dont s'empar?rent les h?taires en laissant le Pir?e aux joueuses de fl?te et aux dict?riades, n'?tait pas ce beau quartier d'Ath?nes qui tirait son nom de C?ramus, fils de Bacchus et d'Ariane. C'?tait un faubourg qui renfermait le jardin de l'Acad?mie et les s?pultures des citoyens morts les armes ? la main. Il s'?tendait le long de la muraille d'enceinte depuis la porte du C?ramique jusqu'? la porte Dipyle; l?, des bosquets d'arbres verts, des portiques orn?s de statues et d'inscriptions, pr?sentaient de frais abris contre la chaleur du jour. Les courtisanes du premier ordre venaient se promener et s'asseoir dans ce lieu-l?, qu'elles s'appropri?rent comme si elles l'avaient conquis sur les illustres morts qui y reposaient. Ce fut bient?t le march? patent de la Prostitution ?l?gante. On y allait chercher fortune, on y commen?ait des liaisons, on s'y donnait des rendez-vous, on y faisait des affaires d'amour. Lorsqu'un jeune Ath?nien avait remarqu? une h?taire dont il voulait avoir les faveurs, il ?crivait sur le mur du C?ramique le nom de cette belle, en y ajoutant quelques ?pith?tes flatteuses; Lucien, Alciphron et Aristophane font allusion ? ce singulier usage. La courtisane envoyait son esclave pour voir les noms qui avaient ?t? trac?s le matin, et, lorsque le sien s'y trouvait, elle n'avait qu'? se tenir debout aupr?s de l'inscription pour annoncer qu'elle ?tait dispos?e ? prendre un amant. Celui-ci n'avait plus qu'? se montrer et ? faire ses conditions, qui n'?taient pas toujours accept?es, car les h?taires en vogue n'avaient pas toutes le m?me tarif, et elles se permettaient d'ailleurs d'avoir des caprices. Aussi, bien des d?clarations d'amour n'aboutissaient qu'? la confusion de ceux qui les avaient adress?es. On comprend que les courtisanes, par leurs refus ou leurs d?dains, se fissent des ennemis implacables.
Les dict?riades et les joueuses de fl?te, ainsi que les h?taires du dernier ordre, voyant que les galanteries les plus avantageuses se n?gociaient au C?ramique, se hasard?rent ? y venir ou du moins ? s'en rapprocher; elles quitt?rent successivement le port du Pir?e, celui de Phal?re, le bourg de Sciron et les alentours d'Ath?nes, pour disputer la place aux h?taires de l'aristocratie, qui recul?rent ? leur tour et finirent par se r?fugier dans la ville. Les lois qui leur d?fendaient d'y para?tre en costume de courtisane furent abolies de fait, puisqu'on cessait de les appliquer. On vit alors les prostitu?es les plus m?prisables encombrer les abords de la porte Dipyle, et y vaquer tranquillement ? leur odieux commerce. Les ombrages du C?ramique et les gazons qui environnaient les tombeaux ne favorisaient que trop l'exercice de la Prostitution, qui s'?tait empar?e de ce glorieux cimeti?re! <
L'invasion du C?ramique par les femmes publiques n'avait pas toutefois d?peupl? le Pir?e: il restait encore un grand nombre de ces femmes dans ce vaste faubourg, qui recrutait ses habitants parmi les voyageurs et les marchands de toutes les parties du monde connu. Il en ?tait de m?me du port de Phal?re et du bourg de Sciron, o? affluaient autant de courtisanes que d'?trangers. Leur principal centre ?tait une grande place qui s'ouvrait sur le port du Pir?e, et qui regardait la citadelle; cette place, entour?e de portiques sous lesquels on ne voyait que joueurs de d?s, dormeurs et philosophes ?veill?s, se remplissait, vers la tomb?e de la nuit, d'une foule de femmes, presque toutes ?trang?res, les unes voil?es, les autres ? demi-nues, qui, debout et immobiles, ou bien assises, ou bien allant et venant, silencieuses ou aga?antes, obsc?nes ou r?serv?es, faisaient appel aux d?sirs des passants. Le temple de V?nus Pandemos, ?rig? sur cette place par Solon, semblait pr?sider au genre de commerce qui s'y faisait ouvertement. Quand la courtisane voulait vaincre une r?sistance, obtenir un plus haut prix, avoir des arrhes, elle invoquait V?nus sous le nom de Pitho, quoique cette Pitho f?t une d?esse tout ? fait distincte de V?nus dans la mythologie grecque: on les confondit l'une et l'autre comme pour exprimer que la persuasion ?tait ins?parable de l'amour. Au reste, on pouvait voir, dans le sanctuaire du temple, briller les statues de marbre des deux d?esses qui ?taient plac?es l? au milieu de leur empire amoureux. Bien des contrats, que V?nus et sa compagne avaient arr?t?s et conclus, se signaient ensuite sous le portique du temple ou sur le bord de la mer, ou bien au pied de cette longue muraille construite par Th?mistocle pour r?unir le Pir?e ? la ville d'Ath?nes.
La r?putation du Pir?e et celle du C?ramique ?taient si bien ?tablies dans les moeurs de la Prostitution et de l'h?tairisme, que Th?mistocle, fils d'une courtisane, afficha lui-m?me sa naissance avec impudeur, en se promenant, du Pir?e au C?ramique, dans un char magnifique tra?n? par quatre h?taires en guise de chevaux. Ath?n?e rapporte ce fait incroyable d'apr?s le t?moignage d'Idom?n?e, qui en doutait lui-m?me. Plusieurs commentateurs ont vu, dans le passage cit? par Ath?n?e, non pas un quadrige de courtisanes, mais des courtisanes assises dans un quadrige aux c?t?s de Th?mistocle. Nous h?siterions donc ? soutenir contre Ath?n?e lui-m?me, que Th?mistocle avait imagin? un singulier moyen d'appliquer les courtisanes ? l'attelage des chars. Outre les d?bauches au grand air, il y avait au Pir?e celles qui se renfermaient ? huis clos. Le grand dict?rion, fond? par Solon pr?s du sanctuaire de Pandemos, n'avait bient?t plus suffi aux besoins de la corruption des moeurs. Une multitude d'autres s'?taient ?tablis, sans se faire tort, sous les auspices de la loi fiscale qui affermait la Prostitution ? des entrepreneurs. Les dict?rions qu'on rencontrait ? chaque pas dans les rues du Pir?e et des autres faubourgs se faisaient reconna?tre ? leur enseigne, qui ?tait partout la m?me, et qui ne diff?rait que par ses dimensions: c'?tait toujours l'attribut obsc?ne de Priape qui caract?risait les mauvais lieux. Il n'?tait donc pas possible d'y entrer, sans avouer hautement ce qu'on y allait chercher. Un philosophe grec aper?ut un jeune homme qui se glissait dans un de ces repaires: il l'appela par son nom; le jeune homme baissa la t?te en rougissant: <
Enfin une des modes qui caract?risaient le mieux les courtisanes grecques, quoique cette mode ne f?t pas prescrite par les lois somptuaires, c'?tait la couleur jaune de leurs cheveux. Elles les teignaient avec du safran ou bien avec d'autres plantes qui, de noirs qu'ils ?taient ordinairement, les rendaient blonds. Le po?te comique M?nandre se moque de ces cheveux blonds, qui n'?taient quelquefois que des chevelures postiches, de v?ritables perruques, emprunt?es aux cheveux des races septentrionales, ou compos?es de crins dor?s. Saint Cl?ment d'Alexandrie dit en propres termes que c'est une honte pour une femme pudique de teindre sa chevelure et de lui donner une couleur blonde. On peut induire, de ce passage de saint Cl?ment, que les femmes honn?tes avaient imit? cette coiffure que les courtisanes s'?taient faite pour s'?galer aux d?esses que les po?tes, les peintres et les statuaires repr?sentaient avec des cheveux d'or. Ces raffinements de parure exigeaient sans doute le concours officieux de plusieurs servantes, tr?s-expertes dans l'art de la toilette, et cependant une ancienne loi d'Ath?nes d?fendait aux prostitu?es de se faire servir par des femmes ? gages ou par des esclaves. Cette loi qu'on n'ex?cuta pas souvent, d?gradait une femme libre qui se mettait ? la solde d'une prostitu?e, et lui ?tait son titre de citoyenne, en la confisquant comme esclave au profit de la r?publique. Il para?trait que la citoyenne, par le seul fait de son service chez une prostitu?e, devenait prostitu?e elle-m?me, et pouvait ?tre employ?e dans les dict?rions de l'?tat. Mais, en d?pit de cette loi s?v?re les courtisanes ne manqu?rent jamais de servantes, et celles-ci, jeunes ou vieilles, ?taient ordinairement plus perverties que les prostitu?es dont elles aidaient la honteuse industrie.
Les dict?rions, de quelque nature qu'ils fussent, jouissaient d'un privil?ge d'inviolabilit?; on les consid?rait comme des lieux d'asile, o? le citoyen se trouvait sous la protection de l'hospitalit? publique. Personne n'avait le droit d'y p?n?trer pour commettre un acte de violence. Les d?biteurs y ?taient ? l'abri de leurs cr?anciers, et la loi ?levait une esp?ce de barri?re morale entre la vie civile et cette vie secr?te qui commen?ait ? l'entr?e du dict?rion. Une femme mari?e n'aurait pu p?n?trer dans ces retraites inviolables, pour y chercher son mari; un p?re n'avait pas le droit d'y venir surprendre son fils. Une fois que l'h?te du dict?rion avait pass? le seuil de ce myst?rieux repaire, il devenait en quelque sorte sacr?, et il perdait, pour tout le temps qu'il passait dans ce lieu-l?, son caract?re individuel, son nom, sa personnalit?. <
Ces vieilles h?taires, quand elles ?taient peintes et par?es, se pla?aient ? une fen?tre haute qui s'ouvrait sur la rue, et l?, un brin de myrte entre leurs doigts, l'agitant comme une baguette de magicienne, ou le promenant sur leurs l?vres, elles faisaient appel aux passants; un d'eux s'arr?tait-il, la courtisane faisait un signe connu, en rapprochant du pouce le doigt annulaire, de mani?re ? figurer avec la main demi-ferm?e un anneau; en r?ponse ? ce signe, l'homme n'avait qu'? lever en l'air l'index de la main droite, et aussit?t la femme disparaissait pour venir ? sa rencontre. Alors il se pr?sentait ? la porte, et sous l'atrium il trouvait une servante qui le conduisait en silence, un doigt pos? sur la bouche, dans une chambre qui n'?tait ?clair?e que par la porte, lorsqu'on ?cartait l'?pais rideau qui la couvrait. Au moment o? ce nouvel h?te allait passer le seuil, la servante le retenait par le bras et lui demandait la somme fix?e par la ma?tresse du lieu: il devait la remettre sans marchander; apr?s quoi, il pouvait p?n?trer dans la chambre, et le rideau retombait derri?re lui. La courtisane, qu'il n'avait fait qu'entrevoir au grand jour, lui apparaissait comme une vision dans l'ombre de cette cellule, o? filtrait un faible cr?puscule ? travers la porti?re. Il ne s'agissait donc pas de jeunesse, de fra?cheur, de beaut? candide et pure, en cette voluptueuse obscurit? qui n'?tait nullement d?favorable aux formes du corps, mais qui rendait inutile tout ce que le toucher seul ne percevait pas. Cependant l'?ge venait, qui enlevait aux vieilles courtisanes, en leur ?tant leur embonpoint et en amollissant leurs chairs, l'heureux privil?ge de se donner pour jeunes; elles ne renon?aient pas toutefois aux b?n?fices du m?tier, puisqu'elles se consacraient alors ? l'?ducation amoureuse des jeunes h?taires, et qu'elles vivaient encore de Prostitution. Elles avaient aussi, au besoin, deux industries assez lucratives: elles fabriquaient des philtres pour les amants, ou des cosm?tiques pour les courtisanes, et elles pratiquaient l'office de sage-femme. Ph?biane, qui n'?tait pas encore vieille, ?crit au vieil Anicet, qui avait voulu l'embrasser: <
Ces sages-femmes, ces faiseuses de philtres ?taient encore plus expertes dans l'art de s?duire et de corrompre une fille novice; les Lettres d'Alciphron et les Dialogues de Lucien sont pleins de la dialectique galante de ces vieilles conseill?res de d?bauche. C'est ordinairement la m?re qui prostitue sa propre fille, et qui, apr?s avoir fl?tri la virginit? de cette innocente victime, s'attache encore ? souiller son ?me. <
La m?re de Musarium n'a pas affaire ? une ignorante qui se laisse conduire les yeux ferm?s, et qui n'en est plus ? ses premiers amours; la fille aime Ch?r?as qui ne lui donne pas une obole, et pour qui elle vend ses bijoux et sa garde-robe: une courtisane qui fait la folie d'aimer n'aime pas ? demi. La vieille m?re, indign?e de cet amour on?reux au lieu d'?tre productif, est bien pr?s de maudire une fille indigne d'elle: <
Les Lettres d'Alciphron sont remplies des plaintes de malheureux amants qui se voient tromp?s ou cong?di?s, et des railleries de cruelles h?taires qui les repoussent et les torturent. Ici, c'est Simalion ruin? par P?tala, et plus amoureux que jamais; l?, c'est le p?cheur Anch?nius, qui, pour poss?der sa ma?tresse, n'est pas ?loign? d'en faire sa femme; ailleurs, dans les Dialogues de Lucien, c'est Myrtale qui se moque de Dorion apr?s l'avoir d?pouill?: <
Quelle que f?t leur avarice, les courtisanes assi?geaient les autels des dieux et des d?esses avec des sacrifices et des offrandes; mais ce qu'elles demandaient aux divinit?s, ce n'?tait pas de rencontrer des coeurs aimants et d?vou?s, des adorateurs beaux et bien faits: elles ne se souciaient que du lucre, et elles esp?raient, en apportant une offrande dans un temple, que le dieu ou la d?esse de ce temple leur enverrait d'Asie ou d'Afrique les d?pouilles opimes d'un riche vieillard. Leur g?n?rosit?, m?me ? l'?gard des ma?tres de la destin?e, n'?tait donc qu'une sp?culation et une sorte d'usure. D?s qu'elles avaient fait une bonne affaire, et trouv? une dupe, elles allaient remercier la divinit? ? qui elles croyaient devoir cette heureuse fortune; elles ne l?sinaient pas avec les dieux et les pr?tres, dans l'espoir d'en ?tre bient?t r?compens?es par de nouveaux profits. La m?re de Musarium, irrit?e de ce que sa fille ne se faisait pas payer par Ch?r?as, s'?crie ironiquement: <
La c?l?bre N??ra avait ?t? form?e ainsi par une nomm?e Nicar?te, affranchie de Charisius et femme d'Hippias, cuisinier de ce Charisius. Nicar?te acheta sept petites filles: Antia, Stratole, Aristocl?e, M?tanire, Phila, Isthmiade et N??ra; elle ?tait fort habile ? deviner, d?s leur plus tendre enfance, celles qui se distingueraient par leur beaut?; <
Ces philtres soporifiques, de m?me que les philtres amoureux, avaient cours surtout parmi les courtisanes et les d?bauch?s, dont l'amour faisait l'unique occupation. C'?taient, comme nous l'avons dit, de vieilles femmes qui vendaient les philtres ou qui les pr?paraient. La pr?paration de ces philtres passait pour une oeuvre magique, et ces vieilles qui en avaient le secret, le tenaient g?n?ralement des magiciennes de Thessalie ou de Phrygie. Th?ocrite et Lucien nous ont r?v?l? quelques-unes des c?r?monies myst?rieuses qui accompagnaient la composition d'un philtre, et Lucien nous fait conna?tre plus particuli?rement le fr?quent usage qu'en faisaient les courtisanes, soit pour ?tre aim?es, soit pour ?tre ha?es. Abandonn?e par son amant qui lui pr?f?re Gorgone, Tha?s attribue cette infid?lit? aux philtres que sait pr?parer la m?re de Gorgone: <
Voulait-on r?duire un homme ? l'impuissance, une femme ? la st?rilit?, on leur versait du vin dans lequel on avait ?touff? un surmulet. Voulait-on faire revenir un amant infid?le, on p?trissait un g?teau avec de la farine sans levain, et on laissait consumer ce g?teau dans un feu allum? avec des branches de thym et de laurier. Pour changer l'amour en haine, on ?piait celui ou celle que l'on se proposait de faire ha?r, on observait les traces des pas de cette personne, et, sans qu'elle s'en aper??t, on posait le pied droit l? o? elle avait pos? le pied gauche, et le pied gauche l? o? elle avait pos? le pied droit, en disant tout bas: <
Nous ne dirons rien de plus que ce que dit Lucien sur ce sujet d?licat, et nous choisirons seulement la traduction la plus d?cente. Le dialogue de Cl?onarium et de L??na est comme un tableau fait d'apr?s nature par un des peintres de courtisanes d'Ath?nes: <
La fl?te ?tait l'instrument favori des Ath?niens; ses inventeurs avaient une haute place dans la reconnaissance et l'admiration des hommes: on attribuait au dieu Pan l'invention du chalumeau ou fl?te simple; celle de la fl?te traversi?re, ? Midas, roi de Phrygie, et ? Marsyas, celle des fl?tes doubles. Ces diff?rentes fl?tes avaient depuis re?u de grands perfectionnements, et l'art d'en tirer des sons m?lodieux s'?tait ?galement perfectionn?. Ce furent les femmes qui excell?rent surtout dans cet art qu'on regardait comme l'auxiliaire le plus puissant de la volupt?. Vainement, d'anciens po?tes, qui n'?taient peut-?tre que des fl?teurs d?daign?s, avaient-ils essay? d'arracher l'instrument de Marsyas aux belles mains des aul?trides, en inventant cette ing?nieuse fable dans laquelle ils montraient Pallas indign?e de la difformit? qu'infligeait au visage le jeu des fl?tes, et proscrivant l'usage de cet instrument qui faisait grimacer les nymphes: le nombre des aul?trides ne fit qu'augmenter, et leur pr?sence dans les festins devint absolument indispensable. On avait reconnu, en effet, que quand les joueuses de fl?te avaient gonfl? leurs joues, contract? leurs l?vres et troubl? momentan?ment l'ensemble harmonieux de leurs traits, elles n'en ?taient pas moins charmantes, lorsqu'elles d?posaient leurs instruments et cessaient leurs concerts pour prendre une part plus ou moins active aux festins. D'ailleurs la plupart de ces musiciennes avaient appris ? respecter leur beaut? et ? jouer de la fl?te double comme de la fl?te simple, sans que leur physionomie voluptueuse f?t alt?r?e par des efforts et des mouvements disgracieux. La po?sie alors se chargea de r?habiliter les fl?tes, et tandis qu'un habile statuaire repr?sentait en marbre Minerve ch?tiant le satyre Marsyas pour le punir d'avoir ramass? une fl?te qu'elle avait jet?e, les po?tes interpr?taient la col?re de la chaste d?esse en accusant les sons des fl?tes d'endormir la sagesse, et de l'entra?ner doucement dans les bras des plaisirs.
Dans les premiers ?ges de la Gr?ce, l'art de la fl?te ?tait en honneur chez les jeunes gens, qui le pr?f?raient m?me ? l'art de la lyre; mais quand les Th?bains et les autres B?otiens, que le proverbe accusait de stupidit? naturelle, et dont l'intelligence n'avait pas, il est vrai, autant de d?veloppement que celle des Ath?niens, quand ces lourds et grossiers enfants de la B?otie eurent surpass? comme joueurs de fl?te tous leurs compatriotes, cet instrument fut abandonn? aux femmes et d?clar? indigne des hommes libres, except? dans la province o? il trouvait de si habiles interpr?tes. Les moeurs commen?aient ? se corrompre, et l'Asie, surtout la Phrygie et l'Ionie envoy?rent une multitude d'aul?trides ? Ath?nes, ? Corinthe et dans les principales villes de la Gr?ce. Les Th?bains conserv?rent leur sup?riorit? ou du moins leur r?putation dans le jeu des fl?tes, tellement qu'au deuxi?me si?cle de l'?re vulgaire, une statue d'Herm?s, demeur?e debout au milieu des ruines de Th?bes, offrait encore cette inscription que rapporte saint Jean Chrysostome: <
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Ioesse, qui n'a point exig? d'argent de Lysias et qui ne lui accordait pas des faveurs v?nales, se voit tout ? coup abandonn?e par cet amant ? qui elle a sacrifi? les offres les plus avantageuses. Elle qui, heureuse de cette affection d?sint?ress?e, vivait avec Lysias aussi chastement que P?n?lope, comme elle ose s'en vanter, elle a perdu, sans en savoir la raison, la tendresse de ce jeune homme, qu'elle n'avait pourtant pas engag? ? tromper son p?re ni ? voler sa m?re, d?testables conseils qui ne sont que trop familiers aux courtisanes. Elle pleure, elle g?mit, elle essaie d'attendrir Lysias qui ne lui r?pond pas et qui la regarde de travers: <
Les aul?trides, chez lesquelles l'art et l'habitude avaient singuli?rement d?velopp? les instincts voluptueux, n'?taient pas poss?d?es, comme les h?taires, de l'ambition de la fortune; elles n'aimaient l'argent que pour le d?penser, et elles le gagnaient si ais?ment, avec leurs fl?tes, qu'elles n'avaient pas besoin d'en tirer d'une source malhonn?te. Quand elles ex?cutaient leur musique et leurs danses, en pr?sence des convives d'un festin, elles s'animaient elles-m?mes au bruit des applaudissements, et elles subissaient la r?action des d?sirs qu'elles avaient communiqu?s ? leur auditoire; mais une fois les fum?es du vin dissip?es, elles rentraient, pour ainsi dire, en possession de leur libre arbitre, et elles refusaient souvent avec fiert? de se mettre ? l'encan comme des courtisanes. Il y avait sans doute des exceptions, mais dans ce cas la joueuse de fl?te s'estimait assez pour se faire payer autant que la plus grande h?taire. Ce billet de Philum?ne ? Criton nous apprend jusqu'o? pouvait s'?lever le tarif des caresses d'une joueuse de fl?te ? la mode: <
Mais de toutes les aul?trides grecques, la plus fameuse sans comparaison, c'est Lamia, qui fut aim?e passionn?ment par D?m?trius Poliorc?te, roi de Mac?doine . Elle ?tait Ath?nienne et fille d'un certain Cl?anor, qu'elle quitta en bas ?ge pour aller jouer de la fl?te en ?gypte; elle en jouait si bien, que le roi Ptol?m?e la prit ? son service et l'y retint longtemps. Mais ? la suite d'un combat naval o? D?m?trius dispersa la flotte de Ptol?m?e pr?s de l'?le de Cypre, le navire o? se trouvait Lamia tomba au pouvoir du vainqueur, qui se sentit ?pris d'elle en la voyant, et qui la pr?f?ra constamment ? des ma?tresses plus jeunes et plus belles. Lamia avait alors plus de quarante ans, et comme l'affirme Plutarque, elle ne se contentait plus de jouer de la fl?te: elle exer?ait ouvertement le m?tier de courtisane. Mais du jour o? D?m?trius l'eut honor?e de ses embrassements, elle repoussa tous les autres: <
Lamia, pour captiver ainsi le roi de Mac?doine, mettait ? profit le jour et la nuit, avec un art merveilleux; la nuit, elle for?ait son amant ? reconna?tre quelle n'avait pas d'?gale; le jour, elle lui ?crivait des lettres charmantes, elle l'amusait par de vives et spirituelles reparties, elle l'enivrait des sons de sa fl?te, elle le flattait surtout: <
D?m?trius payait en roi. Quand il fut ma?tre d'Ath?nes, il exigea des Ath?niens une somme de 250 talents , et il fit lever cet imp?t avec une singuli?re rigueur, comme s'il avait eu besoin de la somme sur-le-champ. Lorsqu'elle fut r?unie ? grand'peine: <
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