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Read Ebook: Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon Tome Quatrième Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575 by Salignac Bertrand De Seigneur De La Mothe F Nelon Active Th Century

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Ebook has 919 lines and 163619 words, and 19 pages

A LA ROYNE.

Madame, despuys que j'ay eu remonstr? ? Mr le comte de Lestre que le propos de la petite lettre me sembloit estre trop divulgu? par dec?, l'on l'a men? bien fort secrectement, et ne s'en parle plus, ny ? la court, ny ? la ville, sinon en termes fort r?servez et retenuz, mesmes qu'ung bruict sourd, qui a couru, l'a assez restrainct, qu'on a dict que le peuple murmuroit de ne se vouloir laysser tromper de ce nouvel artiffice, ainsy comme l'on l'avoit desj? men? par ung aultre, l'espace de douze ans; et que, quant bien la r?solution de leur Royne seroit, ? ceste heure, de prendre party, qu'ilz vouloient qu'elle d?clairast son successeur ? ceste couronne premier que d'y introduyre ung prince si puyssant comme celluy dont on parloit, affin qu'il n'y peust pr?tandre ny droict ny possession, au cas qu'elle v?nt ? d?c?der, premier qu'ilz eussent des enfans. N?antmoins deux du conseil de la dicte Dame ont dict, despuys trois jours, qu'ilz s?avoient tr?s bien que, si l'archiduc eust attandu jusques ? ceste heure de se maryer, que indubitablement elle l'eust accept?, et que, si Monsieur la faisoit requ?rir, qu'il en auroit bonne responce. Et, ? ce propos, Madame, le comte de Lestre m'a mand? qu'elle a fort curieusement examin? le Sr de Norrys, ? son retour de France, touchant Mon dict Seigneur, et que luy, tant pour la v?rit? que par instruction du dict comte, et pour sa propre affection, l'a miz jusques au ciel, racomptant qu'avec les excitantes vertuz de son esprit, il habondoit d'aultres si belles qualitez de taille, de vigueur, maintien, bonne gr?ce et beault?, qu'il se monstroit tr?s accomply en toutes perfections d'ung prince de trente ans; chose que le dict comte m'asseuroit qui avoit miz la dicte Dame en ung tr?s grand desir de le voir, dont me pryoit de luy mander s'il y auroit moyen, qu'allant elle, cest est?, en son progr?s vers la coste de France, Mon dict Seigneur, soubz colleur de visiter la fronti?re, voll?t s'aprocher de celle d'Angleterre, et par une mar?e du matin se laysser veoir de dec? pour s'en retourner, puys apr?s, si ainsy luy playsoit, ? la mar?e du soir, sans que nulz autres que ceulx qu'il vouldroit le peussent s?avoir; et que j'entendois bien que les dames vouloient estre requises, et veoir qu'on f?t des dilligences et des d?monstrations de les aymer; et qu'il se trouvoit en ce royaulme beaucoup de contradisans ? ce propos, mais qu'il s?avoit qu'ilz travailloient en vain, et que une seule pr?sence de Mon dict Seigneur veincroit ays?ement toutes leurs difficultez.

Je ne me suys advanc? de rien respondre sinon touchant les dictes difficultez, que Mon dict Seigneur estoit tel qu'en tout et par tout il estoit tr?s desirable, et n'y avoit rien en luy qui peult estre subject ? contradiction; et que, touchant passer de?? devant la parfaicte conclusion des choses, que je n'estimois pas qu'il le voll?t faire, ny que Voz Majestez le luy peussent conseiller, et que je le supplioys de consid?rer si, attandu les choses du pass? et les difficultez pr?sentes, que luy mesmes all?guoit, Mon dict Seigneur ne debvoit aller bien retenu en cest affaire. Le dict comte ne m'a encores r?pliqu? sinon qu'il desire meintenant une peincture de Monseigneur fort na?fve, et qui soit de son grand. Sur ce, etc. Ce VIe jour de mars 1571.

A LA ROYNE.

Madame, en lisant la petite lettre qu'il a pleu ? Vostre Majest? m'escripre, de sa main, par le Sr de Sabran, il m'a prins ung grand regrect de voir que les choses ne succ?doient, sellon que les aviez propos?es, et sellon que vous les desiriez, pour la grandeur du Roy et de Monseigneur, voz enfans; ? quoy, de ma part, je comman?oys de travailler aultant qu'il m'estoit possible, de nettoier les empeschemens, et p?n?trer ez difficultez qui s'y pouvoient trouver de ce cost?, pour faire que Vostre Majest? y v?t bientost et bien ? clair ce qu'elle en auroit ? esp?rer. Mais, Madame, je vous suppplie tr?s humblement qu'entre plusieurs exellantz actes de la vertu de Mon dict Seigneur, vous luy veuillez infinyement agr?er cestuy cy, comme tr?s exellant et comme p?culier ? sa magnanimit? et ? la g?n?rosit? de son cueur, qu'il a plus grand que n'est la mesmes royalle grandeur, parce qu'il la mesprise si elle n'est accomplye de ses aultres perfections et ornemens, dont je l'en honnore et r?v?re de tout mon cueur; et m'asseure que Dieu le comblera de quelque aultre honneur et grandeur, qui ne sera moins ? propos et ? vostre contantement que ceste cy. L'on a peu diversement escripre et parler de ceste princesse sur l'oyr dire des gens, qui quelquefoys ne pardonnent ? ceulx mesmes qui sont les meilleurs, mais, de tant qu'en sa court l'on ne voyt que ung bon ordre, et elle y estre bien fort honnor?e et ententive en ses affaires, et que les plus grandz de son royaulme et toutz ses subjectz la craignent et r?v?rent, et elle ordonne d'eulx et sur eulx avec pleyne authorit?, j'ay estim? que cella ne pouvoit proc?der de personne mal fam?e, et o? il n'y eust de la vertu; et n?antmoins ce que je s?avois que vous en aviez ouy dire, et l'opinion qu'on a qu'elle n'aura point d'enfans, les dures conditions qui se peuvent proposer en telz contractz, les artiffices dont l'on a us? ez aultres partys, et les contradictions qui se descouvrent desj? en cestuy cy, me faisoient toutjours vous suplier tr?s humblement qu'il vous pleust y aller fort retenue.

Et ayant despuys faict observer le secr?taire Cecille sur ce qu'il diroit de cest affaire, il m'a est? rapport?, qu'encores qu'il n'en ayt que fort honorablement parl?, qu'il a n?antmoins monstr? qu'il ne le vouloit point, et que mesmes il ne l'esp?re: car a dict que Mr le cardinal de Chatillon et le vydame de Chartres en ont bien tenuz de grandz propos ? sa Mestresse, et qu'elle les a escoutez, mais que c'est ? elle meintenant d'y respondre, et qu'il ne voit pas que cella se puysse bientost accorder, ny estre encores de longtemps accomply; et que, oultre le poinct de la religion et celluy de la jalouzie des aultres princes, et encores d'aultres bien grandes difficultez, qui s'y monstroient, celle l? luy semble tr?s grande, que Monsieur est trop prochain successeur de la couronne de France, et que, le cas advenant, l'Angleterre cesseroit d'estre royaulme, et viendroit estre province des Fran?oys, comme est la Bretaigne, l'exemple de laquelle les doibt admonester d'y prendre bien garde, et qu'ilz ont besoing d'ung prince qui veuille renoncer ? toutes aultres pr?tencions, fors ? estre Roy d'Angleterre, ainsy que l'archiduc Charles s'y estoit bien condescendu; par ainsy, il leur en fauldroit ung qui f?t plus esloign? d'une telle et si grande succession comme celle de France, laquelle enfin viendroit enti?rement absorber la leur.

Qui est ung poinct, Madame, qui ne quadre que bien en Monseigneur d'Alan?on, mais il n'est temps, en fa?on du monde, d'en parler, car ayant est? trouv? que mesmes l'eage de Monseigneur ne correspondoit ass?s bien, si sa taille et aulcunes aultres siennes qualitez n'eussent suply, lesquelles seront bientost en Mon dict Seigneur d'Alen?on, il y auroit dangier, si l'on le proposoit, premier qu'il ne soit ung peu plus grand, qu'elle estim?t qu'on se mouquast d'elle; et s'esfoceroit, possible, de tourner la derrision sur nous, et de nous nuyre l? o? elle en auroit le moyen. Mais la n?cessit? de se maryer luy croyt, et luy croistra toutjours, de plus en plus, et, devant deux ans, Mon dict Seigneur d'Alen?on sera venu en disposition de l'estre de son cost?, et elle ne l'aura encores trop pass?e du sien. Par ainsy, s'il vous semble bon, Madame, de ne rompre trop court le propos de Mon dict Seigneur, et le laysser encores courre, ainsy qu'il est commanc?, non toutesfoys qu'entre peu de personnes et fort secrectement, affin qu'il ne nous suscite des deffiances ny des jalouzies d'ailleurs, ny donne moyen ? ceulx cy de trop s'en pr?valoir, l'on le pourra, possible, conduyre peu ? peu jusques au dict poinct de la trop prochaine succession de la couronne de France, qui est une difficult?, laquelle n'estant que bien honnorable pour Mon dict Seigneur et aussi pour la dicte Dame, l'on pourra lors transf?rer le propos sur Mon dict Seigneur d'Alen?on, qui en est ung degr? plus loing; car, sellon le pr?sent estat de la Chrestient?, si elle demeure en sa r?solution de n'espouser sinon ung prince de qualit? royalle, comme elle est, il fault par force que ce soit ung de Noz Seigneurs, voz enfans, et non aultre, ou qu'elle s'en passe du tout.

Mais, quant ? l'aultre poinct, que Vostre Majest? m'escript, que la dicte Dame veuille adoupter quelcune de ses parantes, elle n'en a nulle du cost? paternel; et quant au maternel, il n'est en sa puyssance d'en advancer aulcune jusques l?, joinct que ce propos seroit fort mal prins, pendant qu'elle mesmes monstre de se vouloir maryer. Tant y a que j'estime que le parlement qu'elle a convoqu? ne se passera sans qu'on la presse ou de prendre party ? bon esciant, ou de d?clairer son successeur, car elle s'est desj? oblig?e, par l'aultre pr?c?dent parlement, de faire l'ung ou l'aultre, dont je mettray peyne d'en entendre ce qui s'en trettera. Sur ce, etc.

Ce VIe jour de mars 1571.

INSTRUCTION DE CE QUE JOZ AURA A F?RE ENTENDRE ? leurs Majestez, oultre ce dessus:

A quoy nul de la pr?sence, pour ne tumber en souspe?on de la religion, ou pour n'estre veu partial ? la Royne d'Escoce, n'a oz? rien contradire; et la Royne seule, bien qu'avec visaige troubl?, luy a respondu que les inconv?niantz, qu'il all?guoit, estoient fort ? craindre, mais qu'il y en avoit d'aultres non moins, ains beaulcoup plus ? doubter que ceulx cy, qui l'avoient desj? faicte r?souldre ? la restitution de la Royne d'Escoce; et que pourtant, elle les prioyt toutz de cesser d?sormais ? d?battre si elle la debvoit restituer ou non, et seulement qu'ilz regardassent de bien prez ? quelles bonnes seuretez et conditions elle la restitueroit.

Sur laquelle r?solution ayant la dicte Dame depput? six commissaires, pour proc?der au trett?, le comte de Morthon a desj? comparu deus foys par devant eulx, auquel ilz ont remonstr? que la Royne, leur Mestresse, estoit bien fort press?e par la Royne d'Escoce et par les princes de son alliance, et encores par les seigneurs escou?oys, qui tiennent son party, de la restituer; et qu'y estant aussi elle mesmes par plusieurs consid?rations de son propre int?rest, et du repos de son royaulme, dispos?e, elle avoit bien vollu, premier que de passer oultre, le faire appeller, affin qu'il regard?t qu'est ce qu'il desiroit obtenir pour la seuret? du petit Prince d'Escoce, pour la sienne, et de tous ceulx qui ont suivy son party, car elle mettroit peyne d'y pourvoir.

A quoy le dict de Morthon a respondu que la dicte Royne d'Escoce estoit ? juste titre deppos?e de son estat, et le Prince, son filz, l?gitimement ?tabli en icelluy, tant par la cession d'elle mesmes, que par aprobation des Estatz, et qu'il estoit desj? en actuelle possession d'estre Roy, par ainsy qu'il ne failloit toucher ? ce poinct; mais que, s'il grevoit ? la Royne, leur Mestresse, de tenir davantaige la dicte Dame en son royaulme, qu'ilz la renvoyassent en Escoce, en quelque lieu o? elle peult s'entretenir, sans toutesfois oster l'authorit? ? son filz; et que desj? la Royne d'Angleterre avoit bien esprouv? combien il luy estoit utille ? son royaulme que le gouvernement ne f?t point chang?, lequel se pouvoit ays?ement meintenir avec son ayde, pourveu qu'elle leur continuast l'entretennement de trois mil hommes, comme elle avoit faict jusques icy.

Il luy a est? r?pliqu? que la Royne, leur Mestresse, n'avoit forny ? l'entret?nement des gens de guerre en Escoce, ny n'avoit tenu si longtemps son arm?e en la fronti?re, que ? cause de ses rebelles, qui s'?toient retirez par dell?, laquelle occasion cessant ? ceste heure, il y auroit trop de dangier que de quel aultre mouvement d'armes qui s'y recommen??t, les estrangiers n'y fussent attirez; consid?rant mesmement que les quatre principaulx seigneurs du pays, et toute la noblesse et le peuple, estoient du party de la dicte Royne d'Escoce, laquelle, d'abondant, offroit, de son cost?, pour sa restitution, de bien honnorables condicions ? leur Mestresse, et pourtant elle estoit toute r?solue de passer oultre au dict trett?.

Icelluy de Morthon leur ayant rem?mor? l? dessus plusieurs grandz inconv?niens, si elle la restituoit, leur a, de rechef, propos? le premier exp?dient, de la remettre en quelque lieu en Escoce, o? elle se puysse entretenir, sans changer rien du pr?sent estat du gouvernement, et si, d'avanture, elle ne se veult passer d'y vivre en priv?e, qu'on luy baille quelque petit lieu o? elle soit mestresse; et a requiz, au reste, que, pour conduyre les choses ? bonne fin, ilz veuillent faire proroger l'abstinence de guerre encores pour deux mois, affin de mettre leur pays en quelque repos, et que pareillement leurs merchandz, qui ont desj? leurs navyres charg?s de bledz, d'aranc, de saulmon sall?, et aultres denr?es, et toutz prestz ? faire voille, ne soient poinct arrestez en France.

Sur laquelle derni?re proposition ayant l'?vesque de Roz est? appell?, et estant premi?rement venu consulter de l'affaire avecques moy, il a, en leur pr?sence et moy, par sollicitation fort vifvement incist? que nulle aultre prorogation debvoit estre faicte que de passer oultre, tout pr?sentement, au dict trett?, attandu que, dans vingt quatre heures, toutes difficultez pouvoient estre vuyd?es, et les affaires demeurer enti?rement bien accommodez. Mais parce qu'ilz luy ont remonstr? qu'encor y courroit il toutjour quelque temps, il s'est enfin condescendu de leur accorder le dict renouvellement d'abstinence, encores pour tout ce mois, soubz promesse toutesfois qu'ilz luy ont faicte que, dans le premier jour d'apvril, les choses seront si advanc?es qu'on ne doubtera plus du succez qu'elles debvront avoir. Et semble, ? la v?rit?, qu'aulcuns des commissaires proc?dent droictement et en bonne sorte ? l'exp?dition de cest affaire, mais les aultres s'esforcent bien fort de le traverser.

Le lundy de caresme prenant, estant l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, venu prandre son disner en mon logis, il m'a dict que, le jour pr?c?dent, le cappitaine Orsay, gouverneur de l'isle d'Ouyc, luy estoit venu dire, de la part de la Royne d'Angleterre, touchant plusieurs ourques fort riches, qu'on a nouvellement prinses sur les subjectz de son Maistre, qu'elle estoit contante de jetter aulcuns de ses grandz navyres dehors pour chastier les pirates, et mesmement ceulx qui s'advouhent au prince d'Orange, si les merchans luy vouloient accorder quelque petite contribution pour les frais de l'armement, parce qu'il n'estoit raysonnable qu'elle le fit ? ses despens; et qu'avec la colleur de ce propos le dict Oursay luy avoit aussi demand? s'il vouloit point parler ? la Royne, sa Mestresse, s'asseurant qu'elle l'oirroit fort vollontiers.

A quoy le dict sieur ambassadeur luy avoit respondu qu'il luy sembloit que les merchans ne vouldroient jamais consentyr ? nul nouveau subcide, et luy aussi ne le leur vouldroit conseiller, pour la cons?quence qui s'en pourroit ensuyvre, laquelle il pensoit bien que le Roy, son Maistre, ne vouldroit oncques aprouver, joinct qu'il avoit toutjour estim? estre du desir et intention, et encores du proffict de la Royne d'Angleterre, que la mer f?t nette; et elle la pouvoit nettoyer par une seulle parolle, parce que les pirates n'armoient, ny s'?quipoient, ny avoient leur retrette qu'en son royaulme; mais, si luy, qui avoit charge en l'isle d'Ouyc, et les aultres cappitaines de la dicte Dame se vouloient employer de bonne sorte contre les dicts pirates, il procureroit que les merchans leur en fissent une bien honneste recognoissance;

Et, au regard de parler ? la dicte Dame, que, toutes les foys qu'elle luy feroit entendre d'avoir agr?able qu'il exerce?t son office vers elle, comme il faisoit auparavant les prinses, qu'il le feroit tr?s vollontiers, et luy demanderoit audience, et luy yroit toutjour faire entendre les bonnes intentions et vollontez du Roy, son Maistre. Et a opinion, le dict sieur ambassadeur, que la dicte Dame l'avoit plus envoy? pour ce dernier poinct, affin d'atacher une nouvelle pratique de s'accommoder avec le dict Roy, son Maistre, sur les choses pass?es, que non pour ces nouvelles prinses des pirates.

Cependant le dict ambassadeur et moy avons est? advertys que, dans ceste rivi?re de Londres, et en la coste d'Ouest, aulcuns particulliers ?quippent huict ou dix fort bons navyres de guerre avec semblant qu'ilz veulent aller aulx Indes, mais le dict ambassadeur publie et faict publier tout haut que Pero Melendes les attand au passaige.

AU ROY.

Sire, apr?s que l'abstinence de guerre a est? accord?e, encores pour tout ce mois de mars, entre les depputez d'Escoce de l'ung et de l'aultre party, et que la d?claration a est? faicte au comte de Morthon comme la Royne d'Angleterre vouloit r?soluement passer oultre au trett?, les commissaires de la dicte Dame luy ont propos? qu'il debvoit adviser ? deux poinctz: l'un, de se r?tracter de la proc?dure, que luy et ceulx de son dict party avoient faicte pour depposer la Royne d'Escoce, parce qu'ilz n'avoient nulles raysons, tant apparantes fussent elles, que les princes souverains les vollussent jamais approuver, ausquelz toutesfoys, comme ? ceulx qui estoient constituez de Dieu pour supr?mes juges et ex?cuteurs des derniers jugemens en terre, ceste cause debvoit enfin parvenir; le segond, que ne voulant plus la Royne, leur Mestresse, meintenir la dicte cause de sa part, il regard?t qu'est ce qu'il desiroit luy estre pourveu par le trett? pour la seuret? sienne, et de ceulx qui l'avoient envoy?.

Ausquelles deux choses, comme il s'effor?oit d'y vouloir respondre ass?s promptement et sans ordre, aulcuns des dicts commissaires l'ont pri?, et croy que artifficieusement, affin de luy dresser cependant sa responce, qu'il ne se vollust haster de la bailler jusques ? ce qu'il en eust bien ? loysir conf?r? avec ses coll?gues, parce que leur Mestresse s'attandoit d'estre ceste foys r?solue de son intention, affin de se r?souldre elle mesmes des moyens qu'elle auroit, puys apr?s, ? tenir sur tout le reste du trett?. Dont, ? deux jours de l?, le dict de Morthon est retourn? devers les dicts commissaires, et leur a respondu que les occasions, pour lesquelles la Royne d'Escoce estoit deschass?e de son estat, avoient pi??? est? nottiffi?es ? la Royne d'Angleterre et aulx seigneurs de son conseil avec tant de preuve et de v?rit? qu'il ne vouloit ? pr?sent y dire, ny desduyre, sinon cella mesmes qui desj? avoit est? dict et miz par escript, et qu'il tournoit le produyre de rechef devers eulx; dont leur a exib? incontinent la proc?dure faicte ? Yorc: et, quant au segond poinct, il les prioyt de consid?rer qu'aussitost que la juste privation et puis la dimission vollontaire de la dicte Dame avoient est? d?clair?es, le Prince son filz avoit l?gitimement est? subrog? en l'estat, et desj? couronn? Roy d'Escoce; auquel luy et les bons subjectz du pays avoient prest? la foy et s?rement, duquel ilz ne vouloient, ny pouvoient avec leur honneur, meintennant se despartyr; et pourtant, il suplyoit la Royne d'Angleterre de les vouloir toutjours favoriser et soubstenir en cestuy leur juste et honneste debvoir, attandu mesmement que les choses en Escoce s'estoient, jusques icy, conduictes, et se conduysoient encores fort bien et par bon ordre, soubz l'auctorit? du jeune Roy; et que, quant bien elle le vouldroit habandonner, qu'ilz n'auroient pourtant ny faulte de moyens ny de forces pour le soubtenir, et pour contraindre le reste du royaulme de luy ob?yr.

Laquelle responce estant par quatre des dicts commissaires raport?e ? la Royne d'Angleterre, elle a dict qu'elle sentoit l'arrogance et la duret? d'un cueur bien obstin?, et qu'elle s?avoit que le dict Morthon ne l'avoit apport?e telle de son pays, ains l'avoit aprinse icy d'aulcuns de ceulx mesmes du conseil, lesquelz elle vouloit bien dire qu'ilz estoient dignes d'estre penduz ? la porte du chasteau, avec un rollet de leur adviz au coul; et que sa vollont? estoit que le dict Morthon ne bouge?t ou de Londres, ou de la suyte de sa court, jusques ? ce que quelque bon exp?diant eust est? miz en cest affaire.

Ceste d?monstration de la dicte Dame nous a donn? quelque argument de bien esp?rer de son intention; mais l'artifice des adversaires l'a bientost destourn?e, car, oultre leurs trames de court, et celles qu'ilz pratiquent encores en Escoce, voycy, Sire, ce que a escript le Sr de Valsingan ? la dicte Dame du cost? de France: qu'il a descouvert ung propos, qui se m?ne bien chauldement pour maryer Monsieur, fr?re de Vostre Majest?, avec la Royne d'Escoce, et que le Pape luy promect la dispence et beaucoup d'avantaiges au monde en faveur du dict mariage, et que les choses en sont si avant que Mon dict Seigneur promect d'y entendre, aussitost que, par ce trett?, la dicte Dame sera restitu?e en son estat; et que, ores que le trett? ne succ?de, qu'il y a entreprinse dress?e pour la venir tirer par force hors d'Angleterre. A ceste cause, il suplye sa Mestresse de vouloir bien consid?rer lequel des deux inconv?nians elle ayme mieulx ?vitter; et que, quant ? luy, il ne luy peult dire sinon qu'elle sera tr?s mal conseill?e, si elle se dessaysyt jamais de la Royne d'Escoce.

A LA ROYNE.

Madame, par ung commung amy, que Mr le comte de Lestre et moy avons accoustum? de nous communiquer l'ung et l'aultre, lequel il envoya hyer qu?ryr, il m'a mand? qu'il a toutjour est? du party de France, et qu'il luy importe, de toute sa fortune et mesmes de la vie, qu'il se meintiegne tel, et qu'il puysse relever toutjour le dict party en Angleterre, aultant que faire se pourra; dont s'estant oppos? jusques icy ? ceulx, qui y soubstiennent la part d'Espaigne, et au mariage de l'archiduc, il a attandu l'oportunit? de voir qu'? bon esciant la Royne, sa Mestresse, se voll?t maryer, et que la n?cessit? la contraign?t de l'estre, et lors il luy a persuad?, puysqu'elle ne vouloit avoir sinon ung prince de sa qualit?, qu'elle deust en toutes sortes prandre Monseigneur, vostre filz; et que, quant ung ange du ciel m'annonceroit, ? ceste heure, aultrement, parce qu'il s?avoit que, en France et en ce royaulme, l'on en faict divers discours, je ne vollusse croyre que la dicte Dame ne f?t toute r?solue de prandre party, et tr?s bien dispos?e ? celluy de Mon dict Seigneur, et avec telle affection qu'il se trouvoit en terme d'estre ruyn? et perdu, si le propos ne se continuoit, comme il l'a commenc?; car ceulx mesmes, qui y estoient les plus contraires, qui sont ses ennemys, impryment ? la dicte Dame que la froydeur, dont l'on y va en France, et celle du cardinal de Chastillon icy, et ce que je n'en parle point, proc?de du dict comte mesmes, qui veult meintenant faire tumber la r?solution et la n?cessit?, o? la dicte Dame en est, ? l'espouser ? luy; et soubz main ayantz fort estroictement conf?r? de l'affaire avec l'ambassadeur d'Espaigne, ilz mettent, ? ceste heure, en avant ? la dicte Dame d'espouser le filz ayn? de l'Empereur, l'eage duquel ilz asseurent n'y avoir ? dire d'icelluy de Monseigneur que de demy an, et qu'il est de plus belle taille que l'archiduc; lequel l'Empereur a finement mary? ailleurs pour r?server ce party ? son filz; et qu'il est tr?s certain que la dicte Dame, si elle ne trouve correspondance en France, qu'elle fera des r?solutions ailleurs, qui, possible, nous seront dommageables; qu'il ne pense pas que Voz Majestez Tr?s Chrestiennes ne cognoissent ass?s que ceste princesse et son royaulme sont ? desirer, et que Mon dict Seigneur ne peult avoir que honneur de desirer l'ung et l'aultre, et de s'advancer de les demander toutz deux; mesmes qu'il n'est pas fille, pour debvoir craindre que ung reffuz luy puysse faire perdre un aultre party; et que, s'il veut qu'on y aille secrectement, qu'encores le veult on plus de ce cost?, mais au moins que Voz Majestez fissent dire ou escripre quelque chose, en la plus convenable fa?on qu'elles adviseroient, pour faire voir qu'elles recognoissent la bonne intention de ceste princesse; qu'elles la veulent entretenir, et qu'il ayt moyen de luy parler librement de l'affaire, de respondre aux difficultez qu'on y vouldra opposer, et le conclurre premier qu'il soit publi?; qu'il failloit qu'il f?t bientost r?solu de cecy, parce qu'il ne vouloit, ny n'estoit besoing pour nous, qu'il demeurast hors du nombre de ceulx qui tretteront party ? la dicte Dame, ains, d'o? qu'elle en preigne, qu'il soit toutjour ung des premiers qui s'en mesle; et par ainsy que, si le singulier desir, qu'il a vers la France, ne luy r?uscit, qu'il advisera, le mieulx qu'il pourra, de s'accommoder vers l'Espaigne.

Irr?solution des Anglais sur le parti qu'ils doivent prendre ? l'?gard de Marie Stuart.--Vive insistance de l'ambassadeur pour qu'il soit proc?d? au trait?.--Discussion des articles propos?s.--N?gociation des Pays-Bas; plaintes et menaces d'?lisabeth contre le roi d'Espagne.

AU ROY.

Sire, la Royne d'Angleterre a est? si vifvement persuad?e par une partie des siens, et non moins dissuad?e par l'aultre, de restituer la Royne d'Escoce, qu'elle s'est enfin trouv?e de ne s?avoir bonnement ausquelz incliner; et eulx mesmes, par les raysons les ungs des aultres, ont est? si irr?soluz et ont tant crainct que les inconv?nientz qui pourroient advenir, si ceste princesse estoit restitu?e, et ceulx aussi qui certainement adviendroient, si elle ne l'estoit pas, leur fussent par apr?s redemand?es, qu'ilz avoient une foys d?layss?, de toutz costez, de plus en parler; seulement ilz s'aydoient d'artiffices et de bruictz, et d'inventions, pour mouvoir la dicte Dame chacun ? son opinion, comme si elle s'y r?solvoit d'elle mesmes; et pressoient l'?vesque de Ross de respondre aulx accusations, que le comte de Morthon avoit, de rechef, produictes contre sa Mestresse. Mais s'estant le sieur ?vesque fermement r?solu ? ce que nous avons arrest?, qu'il n'entreroit en aulcune contestation de droict, ny de tiltre, ny de la personne de la Royne, sa Mestresse; et n'ayant, ny luy ny moy, pour cella cess? de presser noz amys sur l'advancement du trett?, ny, de ma part, obmiz de solliciter par offres, par pri?res, et encores par menaces, le comte de Morthon; l'on est, despuys trois jours, retourn? ? continuer le dict trett?, lequel semble que les commissaires, pour l'honneur et pour la seuret? de la Royne, leur Mestresse, le veulent meintenant restreindre ? quatre poinctz:

Le premier est d'asseurer si bien ceulx du contraire party, qu'ilz n'ayent ? se doubter ? jamais ny de leurs personnes, ny de leurs biens, ny de leurs estatz; et que, pour ceste occasion, il soit r?serv? lieu et auctorit? en Escoce aulx comtes de Lenoz et de Morthon, par o? ilz n'ayent occasion de craindre le contraire, et que la capitulation, qui s'en fera, soit en forme ung peu plus expresse qu'on n'a accoustum? d'user aulx aultres r?bellions, parce qu'ilz ont estably et couronn? ung Roy contre la Royne d'Escoce. Le segond poinct est d'avoir le Prince d'Escoce, d'o? deppend toute la conclusion de l'affaire; et, de tant que le dict Prince est en la garde du comte de Mar, lequel n'ob?yst ? la Royne d'Escoce, qu'elle monstre par raysons probables comme elle le pourra faire venir ez mains de la Royne d'Angleterre. Le troisiesme est de bailler des ostaiges, et iceulx si principaulx qu'on ne puysse sans leur vollont?, ou contre icelle, dresser rien en Escoce au pr?judice de ce royaulme. Et le quatriesme poinct est de consigner aulcunes des meilleures places du pays ? la dicte Royne, leur Mestresse, ou accorder qu'elle en y puysse faire fortiffier quelques unes.

Auxquels quatre poinctz iceulx depputez de la Royne d'Escoce ont desj? baill? des responces, fort aprochantes de l'accord, sinon au dernier, lequel ilz ont du tout reffuz?, all?gans que je leur avois desj? signiffi?, s'ilz accordoient nulles places aulx Anglois, qu'il failloit qu'ilz en accordassent aultant ? Vostre Majest?; et est l'?vesque de Ross en ceste opinion qu'on n'incistera par trop ? cest article. N?antmoins il me semble qu'on proc?de sur icelluy et sur les aultres par grandes difficultez, et que la mati?re n'est encores preste ? conclure; dont attendons la responce de la Royne d'Escoce sur les particullaritez, que luy avons desj? escriptes, affin de la mander incontinent ? Vostre Majest?.

Les depputez de Flandres sont arrivez, lesquelz seront ouys apr?s demain, et cependant huict des principaulx seigneurs de ce conseil, qui estoient lundy dernier en ceste ville, ont faict venir vers eulx l'ambassadeur d'Espaigne, auquel ayant faict honneur et bonne r?ception, ilz luy ont ass?s sommairement parl? du faict des prinses, mais ilz se sont asprement pleintz ? luy de ce qu'on avoit miz en pryson ung anglois en Espaigne, parce qu'il avoit adverty la Royne, sa Mestresse, des mauvaises pratiques que Stuqueley meine par dell? contre elle, et des aprestz, qui se font en Espaigne, pour faire une entreprinse en Yrlande; sur quoy ilz luy vouloient bien dire que le dict Anglois estoit injustement dettenu, par ainsy qu'il advis?t de le faire mettre en libert?; et que la Royne, leur Mestresse, n'avoit donn? aulcune occasion au Roy, son Maistre, d'attempter rien par armes contre elle, ny contre ses pays; et, quant il le vouldroit faire, qu'elle s?ayt comme y r?sister, et comme encores prendre ass?s de revenche, pour luy donner occasion de s'en repentyr, ensemble ? ceulx qui le luy auront conseill?. Sur quoy le dict sieur ambassadeur a respondu que rien de semblable n'estoit encores venu jusques ? sa cognoissance, et qu'il en escriproit en dilligence au Roy, son Maistre; n?antmoins qu'il ozoit prandre sur le p?rilh de sa vie que ce qu'ilz luy disoient, de l'entreprinse d'Yrlande, estoit une chose faulce et suppos?e, et qu'il n'entendoit, ? pr?sent, aultre chose de l'intention du Roy, son Maistre, sinon qu'il l'avoit fort bonne, de pers?v?rer en bonne paix et en l'ancienne conf?d?ration qu'il a avec la Royne, leur Mestresse, et avec son royaulme. Dont, de l? en avant, leurs propos se sont continuez avec plus de gracieuset?, de sorte qu'ilz se sont despartys bien contantz les ungs des aultres. Despuys j'ay sceu qu'on pr?pare d'envoyer pour cest effect le jeune Coban devers le Roy Catholique, et qu'on dresse ung armement de huict grandz navyres, soubz la conduicte de Milord Grey, pour cependant garder la coste d'Yrlande, et qu'on envoye nouvelles provisions et argent ? milord Sideney, affin de pourvoir ? la deffance du pays, et qu'on a faict cryer icy que ung chacun ayt armes, chevaulx et ?quipage, prestz pour marcher, quant la Royne le commandera. A la v?rit? ceulx cy monstrent de parolle qu'ilz veulent accorder des diff?rans des prinses, mais ilz continuent encores par effect d'arrester toutjours les navyres et merchandises des subjectz du Roy d'Espaigne; et, despuys peu en ??, ilz ont faict descharger huict grandes ourques bien fort riches en divers portz de ce royaulme; et si, avoient desj? donn? cong? ? aulcuns particulliers, qui avoient arm?, d'aller aux Indes, mais, despuys six jours, on a mand? d'arrester toutz navyres, affin de servyr ? la deffance d'Yrlande, si l'on voit qu'il en soit besoing. Sur ce, etc.

Audience.--R?ception faite ? lord Buchard ? Paris.--Satisfaction de la reine sur la r?ponse du roi au sujet de l'Irlande.--Plainte contre les entreprises que le roi d'Espagne projette sur ce pays.--?tat de la n?gociation concernant l'?cosse.--Mort du cardinal de Chatillon.

AU ROY.

La dicte Dame, avec grand playsir, m'a respondu que, puysque je ne luy comptois point des nouvelles de France, elle me vouloit dire que l'entr?e de Vostre Majest? estoit desj? faicte, dez le premier mardy de mars, de laquelle milord de Boucart luy avoit mand? plusieurs choses honnorables et bien fort magniffiques, et luy avoit aussi escript du combat de la barri?re, et de voz aultres exercisses, bien fort ? la louange de Vostre Majest?, et de Monseigneur vostre fr?re, et de vostre court; et qu'ung sien escuyer, qu'elle avoit envoy? avec le dict de Boucard, lequel estoit desj? de retour, affermoit que, sans faire comparaison de roys, parce qu'il n'en avoit jamais veu nul aultre que Vostre Majest?, il n'estoit possible que prince, ny seigneur, ny gentilhomme, peult aller plus gaillardement, ny avec plus d'adresse, ? toutes sortes de combat de pied et de cheval, qu'il vous y avoit veu aller; et luy en avoit racompt? aulcunes particullaritez, qu'elle avoit prins si grand playsir de les ouyr, qu'elle les luy avoit faictes redire plusieurs foys, non sans bien fort souhayter qu'elle eust peu estre une tierce royne, pr?sente ? les voir; et qu'? la v?rit?, elle eust trop vollontiers r?serv? pour elle la commission de s'aller conjouyr avec Voz Tr?s Chrestiennes Majestez de voz pr?sentes prosp?ritez, que de l'avoir donn?e ? milord de Boucard, si ainsy se f?t peu faire; ?s quelles prosp?ritez elle comptoit celle l? pour bien grande, que la Royne Tr?s Chrestienne se trouvoit relev?e de tout son mal, sinon de celluy de la groysse, duquel elle accoucheroit, avec l'ayde de Dieu, bien heureusement dans neuf mois prochains, me priant l? dessus l'excuser, si, pour jouyr du portraict de la dicte Dame, parce que c'est ung seul contantement entre les princes, qui aultrement ne se voyent jamais, elle aprouvoit le larrecin qu'on en avoit faict en France, et l'a tir? incontinent de sa pochette pour me le monstrer, me demandant si elle estoit ainsy en bon poinct, et le teint si beau, comme la peinture le remonstroit; et qu'au reste elle ne vouloit faillir de vous randre le plus expr?s grand mercys, qu'il luy estoit possible, pour la tant favorable r?ception, que vous aviez faicte non seulement ? milord de Boucard, car celle l? estoit convenable pour ung qui eust est? plus grand que luy, bien qu'il soit son parant, mais encores ? toutz ses aultres gentishommes, qu'elle avoit envoyez en sa compaignie, qui s'en louoient infinyement: de quoy elle vous avoit une bien fort grande obligation, et r?putoit trop plus que bien employ? l'honneur qu'elle avoit desir? vous faire par ceste visite; qu'elle auroit grande occasion de se douloir de moy, si je ne vous avois desj? faict entendre le contantement et grande satisfaction qu'elle avoit receu de vostre bonne responce sur les choses d'Yrlande; et que si, du temps que voz aff?res n'alloient gui?res bien, elle avoit monstr? par euvre sa ferme pers?v?rance en vostre amyti?, vous debviez bien croyre, Sire, que meintenant, en vostre prosp?rit?, elle ne seroit pour s'en despartyr, et que vous ne doubtiez, quoy que puysse advenir, que, de son cost?, il y ayt jamais faulte; que la pleinte d'Yrlande se transf?roit meintenant sur le Roy d'Espaigne, lequel, s'il pers?v?roit en ce qu'elle en avoit desj? entendu, il monstreroit que non seulement il aymoit les trahysons, desquelles quelquefoys les princes se s?avent ayder, mais encores les traystres, que nulz vrays princes n'ont jamais vollu regarder de bon oeil; et qu'elle s'esbahyssoit bien fort comme, estant si catholique, il ne mettoit fin ? la guerre du Turc, premier que d'en commancer une aultre ? une princesse chrestienne; et qu'elle esp?roit, en tout ?vennement, que Vostre Majest? ne trouveroit mauvais qu'elle entrepr?nt de tr?s bien se deffandre.

Je luy ay respondu, Sire, ? ung chacun poinct de ses honnestes propos, le plus gracieusement qu'il m'a est? possible, conforme aulx motz bien expr?s et fort propres, qu'il vous a pleu souvent m'en mander en voz lettres, et me semble qu'elle en est demeur?e bien fort contante; et, quant ? l'entreprinse d'Yrlande, que j'estimois, Sire, que vous auriez grand regrect de voir sourdre aulcune occasion de guerre entre deux si prochains vos alliez, comme sont le Roy d'Espaigne et elle, et s'il estoit en vostre puyssance d'y obvier que vous y employeriez tr?s vollontiers; et de la deffance, dont elle m'avoit parl?, si, d'avanture, il en failloit venir l?, je ne faisois doubte que Vostre Majest? ne la r?put?t de droict naturel et estre loysible ? ung chacun de l?gitimement s'en ayder. Sur la fin, Sire, je luy ay dict que vous me commandiez de vous donner compte en quoy l'on estoit meintenant du trett? de la Royne d'Escoce, et que vous ayant, elle, faict dire par ses ambassadeurs, et escripre par moy, que la dicte Dame luy avoit faict des offres, lesquelles elle avoit trouv?s bien honnorables, vous r?putiez desj? l'accord comme conclud entre elles, et ainsy le respondiez ? ceulx qui vous incistoient en ceste affaire, tant princes que aultres; par ainsy, qu'il luy pleust me dire ce que j'aurois meintenant ? vous en mander.

La dicte Dame m'a respondu, en fa?on, ? la v?rit?, peu contante, qu'elle se doubtoit bien que je ne passerois ceste audience sans luy parler de la Royne d'Escoce, laquelle elle desiroit estre moins en vostre souvenance, et encores moins en la mienne; n?antmoins que je vous pouvois escripre qu'il n'estoit possible d'user de plus grande dilligence que celle qu'on mettoit ? parfaire le trett?, et qu'elle laissoit ? Mr de Roz de me dire particulli?rement en quoy l'on en estoit meintenant. Et soubdain s'est mise ? discourir aulcunes particullaritez, qu'on luy a rapport?es, que Mr le cardinal de Lorrayne avoit dictes et faictes contre elle; lesquelles j'ay miz peyne de luy dissuader, et s'est l'audience termin?e bien fort gracieusement.

Ainsy que je signois la pr?sente, l'on m'est venu advertyr que, hyer au soir, monsieur le cardinal de Chastillon avoit perdu la parolle et estoit hors de toute esp?rance; et ung aultre me vient de dire qu'il est desj? trespass?.

Audience.--Retour de lord Buchard ? Londres.--Remerc?ment de la reine pour l'accueil qu'il a re?u en France.--Nouveaux pouvoirs demand?s par le comte de Morton aux ?tats d'?cosse.--Nouvelles de Flandre et d'Irlande.--Mission de sir Henri Coban en Espagne.

AU ROY.

Sire, je suys all?, de rechef, trouver la Royne d'Angleterre ? Grenvich, pour le mercyment que Vostre Majest?, par ses lettres du Xe du pr?sent, me commandoit de luy faire; laquelle a est? de tant plus curieuse d'entendre ce que je luy en ay vollu dire, que milord de Boucard n'estoit encores arriv?, et a monstr? d'avoir ung extr?me playsir que Voz Majestez ayent vollu prandre ? honneur ceste sienne visite et son pr?sent d'hacquen?es; et que je l'aye asseur?e que vous n'estimez que cella soit tant proc?d? de l'ordinaire observance d'entre les princes, comme d'une habondance d'affection et de bienveuillance qu'elle vous porte, et que vous l'avez receu pour ung tr?s asseur? gaige, qu'elle veult fermement pers?v?rer en vostre amyti?; et que ceste sienne publique d?monstration de vous honnorer vous a est? de grande satisfaction, non seulement pour Voz Majestez Tr?s Chr?tiennes et pour vostre court, mais encores pour les princes et estatz estrangiers qui avoient l? leurs ambassadeurs; adjouxtant quelque mot de l'ellection, qu'elle avoit vollu faire de ce milord, son parant, pour le vous envoyer, qui s'estoit fort dignement acquitt? de sa charge; dont me commandiez l'asseurer que l'obligation, que vous lui aviez de toutes ces choses, ne seroit colloqu?e en ung prince ingrat ny mescognoissant, ains en ung prince tr?s dispos? de l'honnorer, et de luy randre avec pareilles d?monstrations les vrayes oeuvres de sa bonne intention envers elle; et que, pour revanche des hacquen?es, si elle avoit envye d'aulcune chose, qui se peult recouvrer entre toutes les commoditez de vostre royaulme, que vous auriez tr?s grand playsir de l'en gratiffier.

La dicte Dame m'a respondu qu'en nulle chose de ce monde, il ne luy estoit advenu d'obtenir si bien tout l'effect de son desir, fors en ung poinct seulement, qu'en ceste cy; qui n'avoit pr?tandu par icelle que d'en satisfaire ? son debvoir, vous donner contantement, et monstrer au monde qu'elle vous veult de tout son pouvoir honnorer, ce que vous aviez vollu luy agr?er si grandement, et vous en contanter, et le recepvoir encores avec une si publique d?monstration d'honneur, qu'elle remercyoit Dieu de luy avoir miz au cueur de le faire; et qu'en cella seul se trouvoit int?ress?e qu'ayant estim? vous obliger par ce moyen vers elle, elle s'en trouvoit en tr?s grande obligation vers vous, me priant de luy ayder, par mes lettres, ? vous en randre ung tr?s grand mercys, et vous donner aultant d'asseurance de son affection et d?votion envers Voz Tr?s Chrestiennes Majestez, en tout ce qui concerne vostre grandeur, et la f?licit? de vostre mariage, la paix de vostre royaulme, l'establissement de voz affaires, l'inviolable observance de son amyti? et intelligence avec la France, comme il est en sa foy et parolle, devant Dieu et le monde, de le vous pouvoir jurer et promettre. Et ne s'est diverty pour lors le propos ? nulz aultres termes qu'? continuer ceulx cy, et semblables, avec grande affection et avec beaucoup de contentement de la dicte Dame.

--du premier jour d'apvril 1571.--

AU ROY.

Il y a trois jours qu'on n'a rien touch? au trett? de la Royne d'Escoce, attendant la responce que la dicte Dame fera sur le cong? que le comte de Morthon demande, lequel je ne voys pas qu'il se puysse bonnement empescher, bien qu'il semble que la dicte Royne d'?Escoce le reffuzera du tout; mais l'on essayera au moins d'obliger le dict de Morthon ? de si expresses conditions, de son brief retour, et d'aporter le pouvoir d'accorder ? la restitution de la dicte Dame, que, s'il y fault, le trett? ne layssera pourtant de passer oultre sans luy. Et j'ay bien opinion, Sire, que nul des deux partys des ?Escou?oys, qui sont meintenant icy, ne se trouve gui?res contant de la proc?dure des Anglois: ce que j'esp?re qui les fera devenir plus saiges entre eulx. J'ay escript, ces jours passez, au Sr de V?rac, et luy ay envoy? par chiffre l'extret de l'article de voz derni?res qui le concernoit, et luy ay donn? toute l'instruction, que j'ay peu, des choses qui peuvent importer vostre service par dell?.

Les provisions d'Yrlande vont, despuys trois jours, ung peu plus froydes pour avoir milord Sideney escript qu'il a aprins, par aulcuns partisans d'Estuqueley, et des sauvaiges du pays, que le Roy d'Espaigne n'estoit encores bien prest d'y entreprendre; ? quoy les bonnes lettres, que le duc d'Alve a nagui?res escriptes ? la Royne d'Angleterre par le depput? de Flandres, et les bonnes parolles, que l'ambassadeur d'Espaigne luy a faictes dire, l'ont aulcunement confirm?e, de sorte qu'elle esp?re que le voyage du jeune Coban sera de grand proffict; sur les desportemens duquel sera bon, pour beaucoup de respectz, Sire, qu'on y preigne ung peu garde par dell?. L'on attand une responce du duc d'Alve touchant aulcunes difficultez qui se sont offertes en l'entr?e de cest accord, sur la forme d'y proc?der; et, apr?s qu'elle sera venue, l'on pourra mieulx juger de ce qui s'en debvra esp?rer; cependant ung chacun estime que le faict des prinses s'accommodera.

Mademoyselle de Lore m'a envoy? dire comme, ayant est? trouv? que feu Mr le cardinal de Chastillon estoit mort de poyson, et qu'en estant la Royne d'Angleterre et toute sa court merveilleusement escandalizez, qui en vouloient, comment que soit, adv?rer le faict, ils avoient envoy? mestre en arrest toute la famille, et resserrer en basse fosse les deux qui servoient en sa chambre, et faict saysir et sceller les coffres, meubles et papiers du deffunct; mais que, d'advanture, elle avoit retir? les trois derniers pacquetz, que Dupin luy avoit envoyez, lesquelz n'estoient encores ouvertz; et que, sellon l'adviz que je luy avois donn?, elle les avoit brullez sans les ouvrir, me priant de vouloir faire entendre ? Vostre Majest? le piteux estat de toute ceste famille, et qu'il luy playse avoir piti? d'eulx toutz, et qu'au reste je la veuille conseiller de ce qu'elle et eulx auront ? faire. Je luy ay mand? les meilleures parolles de consollation, qu'il m'a est? possible, avec asseurance que j'en escriprois en bonne sorte ? Vostre Majest?, et qu'au reste elle m'excus?t, si je ne m'osois mesler plus avant de son affaire, jusques ? ce que j'en eusse receu vostre commandement; attendant lequel, Sire, je supplie tr?s humblement Vostre Majest? n'avoir mal agr?able que, vous envoyant expr?s le Sr de Sabran, pour l'ocasion que je luy ay donn? charge vous dire de bouche, je vous face par luy une tr?s humble requeste de ma part ? ce que, en la distribution de tant de biens, qui vous est advenue par ceste vaccance, il vous plaise avoir recordation de la b?n?ficence que j'ay toutjours tr?s justement esp?r?e de Vostre Majest?, pour le service que, avec grande affection et fidellit?, j'ay miz, toute ma vie, grand peyne de vous faire; et je suplieray le Cr?ateur, etc. Ce Ier jour d'apvril 1571.

A LA ROYNE.

Madame, par les deux derni?res lettres, que j'ay receues, escriptes de vostre main, et par le fidelle r?cit, que le Sr de Vassal m'a faict, des choses que luy avez command? me dire, j'ay veu l'advancement que Vostre Majest? a sceu tr?s saigement donner ? ce qui se debvoit faire par dell?, et ay comprins ce qu'elle desire qui se conduyse ? pr?sent icy. Dont, sans rem?morer le propos du comte de Lestre, lequel je vous ay nagui?res mand? par une petite lettre, dans le pacquet du Roy, avant que m'eussiez deffandu de rien plus y commettre de ce faict, je vous diray ? pr?sent, Madame, que, despuys le dict propos, j'ay est? deux fois devers la Royne d'Angleterre avant le retour de milord Boucard; laquelle a monstr? qu'elle estoit tr?s marrye de ne pouvoir cognoistre, par aulcune chose que le dict Boucard ny le Sr de Valsingan luy escripvissent de dell?, ny par le r?cit d'aulcun qui en v?nt, qu'il y eust que toute froydeur de vostre cost?, jusques ? me dire, avec regrect, que ce avoit est? ung bruict et puys rien, et qu'elle voyoit bien que vous adjouxtiez plus de foy aulx persuasions que ? la v?rit?, et que, de son cost?, elle prioyt Dieu de ne luy donner ? vivre une heure apr?s qu'elle auroit pens? d'user de moquerie.

Je n'ay est? marry de la veoir en ceste opinion, ains luy ay confirm? que plusieurs, ? la v?rit?, s'effor?oient par leurs artiffices de traverser la bonne intention, que Voz Majestez pouvoient avoir en cest endroict, et que pourtant il la vous failloit ayder.--<>--Je luy ay aussitost r?pliqu? que <> Et sommes entrez en des propoz fort honnestes, ?s quelz m'a sembl? qu'elle n'y apportoit rien de simulation.

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