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Read Ebook: L'Illustration No. 0047 20 Janvier 1844 by Various

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Ebook has 296 lines and 30168 words, and 6 pages

L'Illustration, No. 0047, 20 Janvier 1844.

L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.

Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an, 30 fr. Prix de chaque N?, 75 c.--La collection mensuelle br., 2 fr. 75.

Ab. pour les D?p.--3 mois. 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an, 32 fr. pour l'?tranger. -- 10 -- 20 -- 40

Hudson Lowe.

HUDSON LOWE!--Pourquoi donc le nom et le portrait de cet Irlandais se montrent-ils aujourd'hui sur la premi?re page de notre journal? Nous-m?me, nous l'avouons, nous avons ?prouv? d'abord une vive r?pugnance ? c?der ? un pareil homme la place qu'ont honor?e tour ? tour, pendant un seul mois, un grand po?te, un noble enfant du peuple, un savant agronome.--Casimir Delavigne, Brune et Dombasle, pardonnez-nous! cet outrage apparent est encore un hommage rendu ? vos talents et ? vos vertus. A cot? de vos noms c?l?bres, l'histoire conservera ?ternellement dans ses annales le nom d?sormais immortel de Hudson Lowe. Autant vous ?tes dignes d'estime et de reconnaissance, autant il m?rite de m?pris et de haine. A vous la gloire, ? lui la honte! C'est aussi pour la presse un devoir sacr? de vouer ? l'ex?cration de tous les si?cles futurs les hommes qui, comme Hudson Lowe, se sont rendus fameux par leurs vices ou par leurs crimes.

Hudson Lowe naquit en 1770, nous ne savons en quelle contr?e de l'Irlande. Sa famille ?tait honorable; il fit, ? ce qu'il para?t, de bonnes ?tudes, car il parlait facilement plusieurs langues, et il poss?dait,--ses plus grand-ennemis en conviennent,--une certaine masse de connaissances positives. Une bonne m?moire, tel ?tait le seul don que la nature avait consenti ? lui faire; sous tous les autres rapports, elle s'?tait montr?e atrocement cruelle envers lui: <> L'?me ?tait bien digne de son enveloppe terrestre; elle n'avait que de mauvais penchants, dont l'?ducation essaya vainement de comprimer le d?veloppement h?tif. Les vices nombreux qui s'en empar?rent de bonne heure triomph?rent sans combat, car ils n'y rencontr?rent pas une vertu.

Il occupait ce poste, depuis deux ans et demi, se laissant grossi?rement tromper par tous ses espions, lorsque le g?n?ral Lamarque vint l'attaquer ? l'improviste, avec 1800 hommes, dans une forteresse qui passait pour inexpugnable; trois jours apr?s, Hudson Lowe capitulait. Ce fut son seul fait d'armes. Il alla en Sicile se r?unir au corps d'arm?e command? par le lieutenant-g?n?ral sir John Stuart, et sa sotte confiance dans ses espions, dont il continuait ? ?tre la dupe, fit ?chouer une exp?dition habilement combin?e.--Sans la stupidit? de Hudson Lowe, Murat perdait, ? cette ?poque, la couronne de Naples.

Pendant l'occupation, sir Hudson Lowe commanda la ville de Marseille, et les royalistes, qui lorgnaient la majorit? du conseil municipal, c?d?rent ? la funeste id?e de lui offrir une ?p?e d'argent en t?moignage de leur reconnaissance. Ne devons-nous pas leur pardonner? Ils p?chaient par ignorance.

--Castlereagh et Bathurst surent se montrer dignes de cette preuve de confiance.--Ils avaient invent? Sainte H?l?ne, mais le climat de Sainte-H?l?ne ne tuait pas assez vite, il lui fallait un complice. Honte et gloire ? eux: ils trouv?rent sir Hudson Lowe.>>

Au lieu des atrocit?s et des turpitudes de sir Hudson Lowe, rappelons plut?t les belles paroles que Napol?on faisait traduire sur son lit de mort par le g?n?ral Bertrand au docteur Arnold:

<>

Quand Napol?on exhala son dernier soupir, sir Hudson Lowe se h?ta de quitter Sainte-H?l?ne; le bourreau avait peur sans doute de rencontrer l'ombre mena?ante de sa victime. Il rapportait en Europe une fortune de millions de fr.

--Le minist?re anglais,--nous rougissons de le dire,--le re?ut connue un h?ros. Mais son triomphe fut de courte dur?e.--L'heure de la vengeance et de l'expiation devait suivre de pr?s celle de la perp?tration du crime.

Au mois d'octobre 1822, arrivait ? Londres un jeune homme de coeur, M. Emmanuel de Las Cases.--En 1816, sir Hudson Lowe l'avait exil? de Sainte-H?l?ne avec son p?re, dont il redoutait par instinct les terribles r?v?lations futures. M. E. de Las Cases ?tait malade au moment o? il fut enlev? et d?port? au Cap. Le docteur O'Meara essaya vainement d'obtenir un sursis: <>--M. Emmanuel de Las Cases avait donc des injures personnelles ? venger; mais ce n'?tait pourtant ni pour lui ni pour son p?re qu'il s'empressait d'accourir ? Londres en quittant Sainte-H?l?ne: il avait jur? de tuer le bourreau de son Empereur, ou de p?rir, et il venait tenir ce noble serment.

Hudson Lowe vivait alors retir? ? la campagne, et il ne faisait ? Londres que de courtes apparitions. O? le rencontrer? Comment le forcer ? se battre sans s'exposer aux cons?quences judiciaires d'un duel? M. de Las Cases consulta un avocat distingu?, et, d'apr?s ses conseils, il r?solut de provoquer sir Hudson Lowe en duel sans qu'aucun t?moin put affirmer qu'il fut l'agresseur.

Il chercha longtemps une occasion favorable. Enfin elle se pr?senta. Un jour on l'avertit que sir Hudson Lowe vient d'arriver ? sa maison de Paddington-Green et qu'il y passera la nuit. Il court n'installer dans un h?tel garni situ? en face, et il attend avec la plus vive anxi?t? que son ennemi mortel sorte de son domicile.--Plusieurs heures s'?coulent. Enfin, heureuse nouvelle! il apprend que sir Hudson Lowe a envoy? chercher un fiacre; descendant ? la h?te, il se prom?ne, une cravache ? la main, sur le trottoir de sa maison.

Il affecte un air d'indiff?rence, mais il est vivement ?mu, et il ne perd pas un seul instant de vue la porte par laquelle sir Hudson Lowe va sortir. Soit hasard, soit pressentiment secret, quelques personnes s'arr?tent, regardent et semblent attendre un ?v?nement impr?vu. D'autres curieux accourent; des groupes se forment; tout ? coup la porte s'ouvre, et sir Hudson Lowe para?t sur le seuil; mais ? peine a-t-il descendu la premi?re marche, il rentre pr?cipitamment: un moment M. de Las Cases a craint d'avoir ?t? aper?u, et de perdre une occasion si longtemps d?sir?e... Ce n'est qu'une fausse alarme; sir Hudson Lowe rouvre de nouveau la porte, et, se dirigeant vers le fiacre, vient heurter violemment M. de Las Cases, qui s'est pr?cipit? contre lui.

<> En disant ces mots, il le frappe sur l'?paule d'un coup de cravache.

A cette rencontre, ? ces mots, ? ce coup, Hudson Lowe a relev? la t?te et reconnu son adversaire. Il p?lit, se trouble, et semble d'abord h?siter; puis, sans mot dire, il s'?lance ? son tour, son parapluie en avant, sur M. de Las Cases, qui, parant habilement ce coup, lui fait avec sa cravache, au milieu de la figure, une blessure dont la cicatrice ne pourra plus jamais s'effacer.

Pendant cette sc?ne, Hudson Lowe avait repris son ?quilibre assez gravement compromis, et il s'?tait cach? dans le fiacre, o? son adversaire triomphant n'eut que le temps de lui jeter sa carte et un cartel. Il allait demander ? la justice la r?paration de l'outrage public qu'il venait de recevoir.

Esp?rant encore qu'il n'?tait pas reconnu, il feignit de s'emporter.... Je ne vous retiens plus, monsieur le docteur, lui dit cet homme, d?p?chez-vous de partir; mais, ajouta-t-il d'un ton de voix tout diff?rent, songez que vous ?tes encore en Angleterre, et souvenez-vous de moi.>> En achevant ces mots, il lui tendit sa main, que M. de Las Cases serra affectueusement dans les siennes, et ils se s?par?rent sans ?changer un seul mot; ce langage muet ?tait assez significatif. Le surlendemain, M. de Las Cases ?tait de retour ? Paris.

Mais, avant de l'accuser, racontons aussi bri?vement que possible un ?v?nement myst?rieux qui nous servira peut-?tre ? expliquer son honteux silence.

A cette ?poque, M. E. de Las Cases habitait Paris; il allait tr?s-souvent ? Passy, voir son p?re, et ? Versailles, passer plusieurs jours chez des amis. Un soir du mois de novembre, ? neuf heures environ, il sortait de la maison de son p?re et se dirigeait vers Paris, quand, au d?tour d'une rue isol?e, un homme s'?lan?a sur lui, et, le saisissant violemment par la taille, le frappa ? quatre ou cinq reprises, avec un poignard, dans la poitrine. Sans un portefeuille et des papiers qui remplissaient la poche de son habit, M. F. de Las Cases p?rissait victime de cet odieux guet-apens. Heureusement il n'?tait pas m?me bless?. Se d?barrasser de son assassin, s'?lancer sur lui, le pr?cipiter ? terre et l'accabler de coups, fut pour lui l'affaire d'un moment. Depuis l'arriv?e de sir Hudson Lowe, il portait toujours une canne ? ?p?e. Il ne l'avait pas l?ch?e dans la lutte, et, se relevant vivement, il essaya de tirer la lame du fourreau; mais la lame ?tait rouill?e, et il ?prouva quelque r?sistance. Au moment o? il eut enfin la satisfaction de se sentir arm?, un second assassin, appel? par le premier dans une langue ?trang?re, fondit sur lui. S'?lan?ant ? sa rencontre, il le blessa ? l'?paule et le mit en fuite. Mais, soit que l'autre homme l'e?t retenu par son manteau, soit qu'il e?t fait un faux pas dans l'obscurit?, il tomba au milieu d'une orni?re pleine de boue. Lorsqu'il se releva, ses deux assassins avaient disparu. Il courut chez son p?re, o? il resta six semaines au lit: car, pendant la lutte, il avait re?u trois profondes blessures ? la jambe.

Quels ?taient les auteurs ou l'instigateur d'un si l?che assassinat? L'instruction judiciaire, confi?e ? un homme de coeur, se poursuivit avec la plus louable activit?; mais la police ne put ou ne voulut fournir aucun renseignement ? la magistrature, la presse et l'opinion publique accus?rent hautement sir Hudson Lowe. Au lieu de se justifier et de solliciter lui-m?me une enqu?te, il quitta pr?cipitamment Paris et s'enfuit en Allemagne.

Singuli?re co?ncidence, M. E. de Las Cases habitait Paris, et il allait souvent ? Passy et ? Versailles; sir Hudson Lowe avait trois logements, un ? Paris, un ? Passy, un ? Versailles; le soir m?me de l'assassinat, il quitta celui de Passy pour n'y plus jamais revenir.

Sir Hudson Lowe s'?tait sauv? ? Francfort: le repr?sentant de l'Angleterre lui lit l'accueil le plus honorable et l'invita ? d?ner. Au milieu du repas. Paris devint le sujet de la conversation, <> A cette accusation, sir Hudson Lowe balbutia quelques mots, et toute l'assembl?e garda un profond silence.

De Francfort, sir Hudson Lowe se rendit ? Vienne. M. de Metternich l'invita ? d?ner. Quand il arriva, tous les convives ?taient d?j? r?unis, et l'attendaient depuis un quart d'heure environ. A peine les gens de service eurent-ils prononc? son nom, qu'un officier prit son chapeau et se retira. Un second le suivit, puis un troisi?me, puis un quatri?me... En moins de cinq minutes, ils ?taient tous partis, laissant M. de Metternich seul avec son h?te. On raconte, mais nous ne pouvons garantir ce fait, que l'illustre ministre autrichien ne put retenir un ?clat de rire, et qu'il pria froidement sir Hudson Lowe de lui pardonner un affront dont il d?clinait la responsabilit?. Ce qui est positif, c'est que sir Hudson Low ne rit pas plus ? Vienne qu'il n'avait ri ? Francfort.

Repouss? et insult? partout en Europe, il passa en Asie. Le minist?re anglais l'avait nomm?, non pas, comme l'ont dit ? tort quelques biographes, gouverneur de l'?le de Candie, mais commandant ou gouverneur de la province de Candy, dans l'?le de Ceylan. Le 11 ao?t 1827, il d?barqua ? Colombo, capitale de cette nouvelle conqu?te de l'Angleterre... Il avait alors le grade de major-g?n?ral; si les b?timents en rade et les forts de la ville tir?rent un certain nombre de coups du canon, lorsqu'il mit pied ? terre, les officiers qu'il allait commander l'accueillirent avec une froideur ?vidente. Quelques-uns d'entre eux ne le connaissaient pas encore, m?me de r?putation; ils manifest?rent ? leurs camarades l'?tonnement que leur causait une semblable r?ception. <> D?s lors, en Asie connue en Europe, le major-g?n?ral Hudson Lowe put lire sur tous les visages les sentiments d'horreur et de d?go?t que sa vue seule inspirait m?me ? ses subordonn?s.

Il avait beau la fuir, sa honte le suivait partout. A son retour en Europe, il d?barqua ? l'Ile-de-France, r?cemment conquise par l'Angleterre. A peine surent-ils qu'il ?tait d?barqu?, les habitants de Port-Louis, Fran?ais et Anglais, s'ameut?rent et exig?rent du gouverneur son renvoi imm?diat. Il n'osa pas m?me gagner, sans ?tre prot?g? par une escorte, le navire qui l'avait amen?. Le gouverneur, sachant que sa vie ne courait aucun danger, et craignant que la pr?sence des soldats arm?s n'amen?t une collision f?cheuse, resta sourd ? ses pri?res.--Cependant il lui fallait quitter cette ?le, o? il avait esp?r? prendre quelques jours de repos. La population tout enti?re le poursuivit jusqu'au rivage de ses hu?es et de ses mal?dictions. Arriv? sur le bord de la mer, son aide de camp, un de ses parents, indiqu? de sa l?chet?, tira son ?p?e, la brisa sur ses genoux, et en lan?ant les d?bris dans les vagues, il s'?cria qu'il ne voulait plus servir sous les ordres d'un pareil chef.

La Providence lui laissa la vie ? Hudson Lowe comme pour lui donner le temps de se repentir; mais elle lui prit sa fortune. Ces quatre millions qu'il avait si honteusement gagn?s ? Sainte-H?l?ne, il les perdit ? Londres dans des sp?culations malheureuses d'h?tels garnis. Sa femme, la veuve d'un colonel tu? ? Waterloo, l'avait abandonn?, et se livrait aux plus honteux d?r?glements; il tra?na donc, pendant les derni?res ann?es, une existence mis?rable: tromp? dans ses affections d'?poux, s'il en eut, accabl? d'humiliations, m?pris? de tous ceux de ses semblables qui ne le ha?ssaient pas, trop stupide et trop insensible pour conna?tre les douleurs poignantes du remords; ruin?, et n'ayant d'autres ressources que les revenus et la retraite de son grade de colonel du 50e r?giment, d'infanterie, que lui valurent sans doute des droits d'anciennet?.--Quel exemple et quelle le?on! Enfin la mort eut piti? de lui; frapp? d'une attaque d'apoplexie, il rendit le dernier soupir le mercredi 10 janvier 1844.

Il laisse plusieurs enfants.--Loin de nous la pens?e de faire rejaillir sur eux la honte de leur p?re! Quel que soit le nom qu'il porte, tant qu'il ne l'a pas d?shonor? lui-m?me, tout homme a droit ? l'estime loyale des gens de bien, qui ont assez de courage pour protester, par leur conduite, contre le plus absurde elle plus inique des pr?jug?s.

Tel fut cet homme, tels furent ses crimes et ses ch?timents sur cette terre. Peut-?tre, dans cette notice rapide et n?cessairement incompl?te, avons-nous commis quelque erreur de d?tail involontaire: mais tous les faits que nous avons racont?s sont puis?s ? des sources authentiques o? nous ont ?t? garantis par des t?moins dignes de foi. Ce que nous voulions surtout, et nous esp?rons avoir r?ussi, c'?tait faire suffisamment conna?tre Hudson Lowe ? la g?n?ration nouvelle, pour qu'elle l?gu?t un jour ? celle qui lui succ?dera les sentiments de haine ou de m?pris dont nous avons tous h?rit? de nos p?res.

Nul ne peut pr?dire ici-bas les d?cisions futures de la justice divine; quant ? la justice, humaine, elle a d?j? prononc?; en condamnant Hudson Lowe ? l'ex?cration de l'esp?re humaine tout enti?re, elle a fait clouer au poteau de l'infamie son nom maudit, connue un type monstrueux d'astuce, de bassesse et de cruaut?.

Courrier de Paris.

L'inauguration de la statue de Moli?re a ?t? l'affaire importante de ces jours derniers; le soin de raconter les faits authentiques de cette solennit? revient naturellement ? l'historiographe ordinaire de la semaine; nous le lui disputons d'autant moins, qu'il conna?t Moli?re mieux que personne, pour avoir publi? une excellente ?dition de ses oeuvres, et ?crit sa vie avec une affection pleine de sagacit?. L'ordre et la marche de cette f?te du g?nie seront donc expos?s par lui; il n'oubliera ni M. Samson, ni M. ?tienne, ni M. Arago, ni M. de Rambuteau, inclin?s au pied de la glorieuse statue, et y d?posant, en prose plus ou moins ?l?gante et spirituelle, l'hommage de l'universelle admiration. Pour nous, il ne nous reste qu'? exprimer un regret, qui nous a paru g?n?ralement ?prouv?: c'est que l'autorit?, par une prudence exag?r?e et sur des craintes sans fondement ait cru devoir tellement isoler cette f?te litt?raire, que, de populaire qu'elle devait ?tre, elle n'a ?t? r?ellement qu'une sorte de repr?sentation particuli?re, jou?e au b?n?fice du pr?fet, de l'Acad?mie, et de MM. les com?diens fran?ais; quant ? la masse des citoyens de toutes sortes, qui s'appr?tait ? venir pieusement assister ? la c?r?monie et saluer, ? son tour, le bronze immortel, elle n'a pas ?t? admise; une nombreuse arm?e de gardes municipaux, fermant toutes les issues, a maintenu un vide complet dans toute la longueur de la rue de Richelieu, depuis l'angle de la rue des Petits-Champs jusqu'? la place du Carrousel; ainsi, les entr?es du peuple ont ?t? g?n?ralement suspendues.

Si la statue du grand homme avait pu s'animer et prendre la parole, elle aurait dit sans doute: <>

Moli?re, en effet, par un privil?ge presque sans exemple, a conquis l'universalit? des affections et des suffrages. Si les classes lettr?es et de fine ?ducation sont plus particuli?rement propres ? sentir les beaut?s hardies de ses inventions et de son style, sa franche gaiet?, le naturel et l'?tonnante v?rit? de ses peintures, et surtout son admirable bon sens, vont droit ? la foule, la saisissent irr?sistiblement, et p?n?trent jusqu'? ses fibres les plus intimes. C'est surtout sur les hommes assembl?s que Moli?re exerce sa toute-puissance, et que sa raison et sa saillie, gagnant de proche en proche, comme une ?tincelle ?lectrique, produisent une immense explosion de plaisir et de rires.

Que craignait-on en laissant cette foule, ?prise de Moli?re, arriver jusqu'? sa statue? Avait-on peur qu'Harpagon, M. Jourdain, M. Purgon, ou quelque docteur Mathanasius, se gliss?t jusqu'au pi?destal pour prendre sa revanche contre le po?te et l'insulter? M. Jourdain est trop bonhomme, et d'esprit trop obtus, pour exercer une telle rancune; Mathanasius continue ? se d?battre dans les t?n?bres de sa philosophie, et Harpagon a bien autre chose ? faire que de songer ? Moli?re; ne faut-il pas qu'il visite sa cassette! Quant ? M. Purgon, il n'a pas coutume de parler... ? des statues. Peut-?tre est-ce de Tartufe qu'on ?tait inquiet; il est vrai que Tartufe se d?m?ne depuis quelque temps, lui qu'on croyait bien mort ? tout jamais. Mais, non! Tartufe n'entrait pour rien dans ces terreurs; on m?nage trop le saint personnage pour lui faire cette injure, et ce n'est pas pour arr?ter Tartufe que les rues ?taient barricad?es de gendarmes.--Quoi donc, enfin?--Je ne saurais vous dire; mais la v?rit? est qu'on a eu peur.--Peur de quoi, encore un coup?--Peur de tout et de rien, ce qui est le fait des gens qui ne sont pas braves.

Quoi qu'il en soit, on a d? regretter cet emploi soup?onneux de pr?cautions inutiles, en voyant l'attitude calme et respectueuse des citoyens; qui cherchaient de tous c?t?s ? entrevoir dans le lointain quelques traits de la c?r?monie, ? travers les fusils et les chevaux de la garde municipale. Un fait particulier m'a surtout convaincu du peu d'opportunit? de ces mesures de pr?voyance exag?r?e. A c?t? de moi, sous mes yeux, un de nos plus illustres ?crivains, qui occupe un haut rang dans la po?sie dramatique, cherchait ? se frayer passage vers le monument. <> lui cria une voix rude, et je vis mon fils d'Apollon, venu l? sans doute le coeur gros d'?motion et de tendresse pour Moli?re, oblig? de rebrousser chemin et de se retirer ? pas pr?cipit?s, comme un suspect pourchass? par un sergent de ville. Cependant ce n'?tait qu'un po?te distingu?, qui voulait honorer la m?moire d'un grand po?te!

Le rude assaut livr? par M. F?lix Pyat ? M. Jules Janin avait fait croire ? une rencontre des deux adversaires, du moins la plume ? la main; mais M. Jules Janin n'a pas jug? ? propos de d?gainer, contre la massue de son terrible provocateur, l'arme l?g?re du feuilletoniste: il s'est adress? aux gens du roi, et le champ de bataille va se trouver transform? en chambre de police correctionnelle; le juge du camp portera toge et bonnet carr?; M. Jules Janin aura pour second Me Chaux-d'Est-Ange, et Me Marie servira de t?moin ? M. F?lix Pyat. La lutte promet, vu l'habilet? des champions, un vif int?r?t et passablement de scandale; malheureusement, s'il y a beaucoup d'appel?s, il y aura peu d'?lus. La loi sur la diffamation est positive: elle permet les plaisirs de l'audience, mais d?fend compl?tement la publicit? des d?bats par la voie des journaux. Or, sans les journaux, point de salut pour les curieux: une simple mention de l'arr?t, voil? toute la r?cr?ation que la susceptibilit? du code leur r?serve. D'autre part, l'architecte du Palais-de-Justice n'a pas pr?vu le cas; la chambre de police correctionnelle est si petite, qu'? l'exception des juges, du procureur du roi, des parties, des avocats et des huissiers, personne ou presque personne ne peut y trouver place. Heureux donc les privil?gi?s qui se, glisseront dans cet ?troit paradis du scandale! Si on pouvait louer des stalles d'avance, ou faire le trafic de billets comme ? la porte des th??tres, le prix des places aurait un cours prodigieux; les princes russes et les lords anglais les couvriraient de roubles et de livres sterling. Quand ce ne serait que pour voir ce bon gros Jules, comme il s'appelle lui-m?me, cet homme de tant d'esprit et de style, mettant de c?t? son joli petit sifflet d'ivoire et d'or, pour se r?fugier sous la robe noire du minist?re public, comme un enfant qu'on a fouett? sous la robe de sa nourrice.

Cette fuite de M. Jules Janin vers la police correctionnelle n'a pas obtenu l'approbation g?n?rale; on ne refuse pas ? M. Jules Janin le droit de se d?fendre, bien s'en faut; on ne lui reproche que le choix des armes. Quoi! vous avez entre les mains l'arme la plus s?re et la plus redoutable, la plume, cent fois plus terrible que le fer, plus fine et plus aiguis?e que l'acier; la plume, sous une main habile et prompte, toujours pr?te ? la riposte: la plume, qui frappe un ennemi ? droite et ? gauche, le harcelle, l'?tonne, le surprend, l'?bloui, le d?sar?onne et le laisse ? terre, tout meurtri, et perce d'outre en outre ? la pointe du raisonnement, de l'indignation et du sarcasme, ce triple acier qui fait d'ingu?rissables blessures; vous avez la plume... et vous prenez la police correctionnelle! Vous faites comme un soldat qui, se voyant attaqu? en pleine rue, jetterait l? le sabre qu'il porte au c?t?, et prierait un passant de lui pr?ter ses poings pour avoir raison de l'agresseur.

?crivains, quel que soit votre nom et qui que vous soyez, servez-vous toujours de votre arme naturelle; l'?cusson du tout ?crivain de talent et de coeur doit se composer, non pas d'une griffe d'huissier sur papier timbr?, mais d'une belle plume et d'une bonne ?p?e en sautoir.

La justice cependant ne ch?me pas. Non-seulement le procureur du roi lui fournit depuis quelques jours des proc?s en diffamation et des proc?s de presse assez abondants; mais les attentats contre la propri?t? et contre les personnes ne font jamais rel?che. On n'est pas encore remis de l'assassinat de la veuve Sen?part, que l'assassinat de la veuve L?on vient nous redonner le frisson. C'?tait une bonne vieille renti?re, qui habitait dans le quartier de la rue du Cherche-Midi, lieu isol?, et propice aux bandits. La veille, on l'avait vue encore pimpante et par?e de sa guimpe sexag?naire. Le lendemain le portier, inquiet de ne pas l'entendre comme de coutume, donna l'?veil. Ou entre chez elle, et un ne trouve plus qu'un cadavre horriblement mutil?; deux griffons, les fid?les compagnons de sa vieillesse, ?taient tristement couch?s aux pieds de la victime et la contemplaient d'un oeil morne. La justice s'est aussit?t mise ? la piste des assassins. Si nos pauvres petits griffons allaient renouveler l'histoire du chien de Montargis! en lisant le r?cit de ces horribles trag?dies qui se renouvellent trop souvent, on se demande si v?ritablement on habite le pays le plus doux, le plus ?l?gant, le plus civilis? du monde; si ce n'est pas, au contraire, un mensonge, et si, par quelque coup de baguette infernale, on n'a pas ?t?, sans le savoir, soudainement transport? en terre d'anthropophages.

Ces bandits affreux qui trempent ainsi leurs mains dans le sang humain, ces farouches et cruels d?pr?dateurs sans piti? et sans ?me, se comptent encore; mais les petits bandits, c'est-?-dire les escamoteurs de montres, les preneurs du cassettes, les larrons de toute esp?ce, ne se comptent plus. Tous les soirs la salle Saint-Martin regorge de nouveaux h?tes, h?ros de fausses clefs, de limes ? froid et de monseigneurs. Une esp?ce qui se, propage et pullule particuli?rement, c'est la race des escrocs qui pratiquent ce qu'on pourrait appeler le vol ? la fourchette. La police vient d'en happer une demi-douzaine coup sur coup; ces vauriens ont l'air de tr?s-honn?tes gens. A l'aide de cette mine hypocrite, d'un gant glac? et d'une botte vernie, ils fr?quentent les caf?s ?l?gants et les restaurants en renom. L?, ils soupent ou d?nent avec un app?tit qui devrait seule donner une conscience libre. La carte pay?e, les voici qui tournent les talons. Le gar?on les salue avec respect; puis, tout ? coup, faisant son compte, il s'aper?oit que ces aimables h?tes, pour un d?ner de quinze francs, ont escamot? pour soixante o? quatre-vingt francs d'argenterie.--Un de ces industriels, saisi derni?rement en flagrant d?lit, confessait ses prouesses, et nommait l'un apr?s l'autre tous les restaurateurs qu'il avait exploit?s: V?ry, les Fr?res Proven?aux, le Caf? Anglais, etc. Arriv? ? V?four, il se mit ? sourire. Le greffier du commissaire du police lui en demanda la raison: <>

Histoire de la Semaine.

La discussion de l'adresse de la Chambre des D?put?s a, cette semaine, rempli les colonnes enti?res des journaux comme elle a absorb? l'attention publique. Les orateurs n'ont pas exactement suivi l'ordre que la commission avait voulu leur tracer, et la derni?re phrase du projet a ?t? pr?cis?ment la premi?re sur laquelle la lutte s'est engag?e. On sait que cette phrase renferme la condamnation, en termes qu'on a eu l'intention de rendre fl?trissants, puisque ce verbe s'y trouve, du p?lerinage de Belgrave-Square. M. Berryer, sentant que sa position et celle de ses amis serait fausse pendant toute la discussion, et leur rendrait difficile d'y prendre part avec libert? et autorit?, si la question qui les concernait n'?tait pr?alablement vid?e. M. Berryer est mont? ? la tribune. Le grand orateur, habitu?, sinon aux sympathies, du moins au silence et ? l'attention de la Chambre, a ?t? surpris et troubl? par les interruptions et les apostrophes de la majorit?. Il est descendu de la tribune en protestant contre le refus de l'?couter, puis y est remonta, mais dans la premi?re comme dans la seconde de ces tentatives, il a trop oubli? qu'en pr?sence des passions politiques il est toujours plus habile et plus s?r de prendre le parti d'attaquer que de consentir ? se d?tendre.

M. Thiers a, dans la s?ance suivante, rompu le silence qu'il gardait depuis un assez long temps. Dans sa situation, il ne pouvait parler uniquement pour bien dire; c'?tait donc, suivant l'expression d?j? employ?e par lui dans une autre occasion, non pas un discours, mais un acte qu'il entendait faire. Son apparition ? la tribune ?tait un ?v?nement. L'orateur a ?t? mesur? et habile. Sa double th?se ?tait que, dans la question du droit de visite et dans celle de la loi de dotation, le minist?re a compromis, par imprudence et par faiblesse, et la Chambre et la couronne.--M. le ministre de l'int?rieur lui a r?pondu.

Deux coll?ges ?lectoraux, convoqu?s pour donner des successeurs, ? la Chambre des D?put?s, ? MM. Passy et Teste appel?s ? la Chambre des Pairs, viennent de proc?der ? deux ?lections dont le r?sultat a beaucoup occup? la salle des conf?rences. L'un, le coll?ge de Louviers, a ?lu M. Charles Laffitte, concessionnaire du chemin de Paris ? Rouen, et l'on a pr?tendu que ce choix ?tait l'accomplissement d'un march? dans lequel, d'une part des suffrages, de l'autre un embranchement de chemin de fer, avaient ?t? ?chang?s. On croit que la v?rification des pouvoirs du nouvel ?lu pourra donner lieu ? une discussion anim?e. Il n'en sera pas de m?me de l'autre. M. Labaume, avocat ? Narbonne, qui vient d'?tre ?lu ? Uz?s, entrerait incognito et inaper?u ? la Chambre, n'?taient le nom et la d?convenue, de son concurrent. M. Teste fils, d?put? ?lu au dernier renouvellement par l'arrondissement d'Apt , ? une majorit? assez faible, s'?tait, d?s le premier moment o? la promotion de son p?re fut r?solue, propos? de d?laisser Apt, dont il regardait le d?vouement ? sa personne comme trop incertain, pour Uz?s, ou, il le croyait du moins, l'amour des Teste lui semblait port? jusqu'au culte.

En 1842 le dividende du 2e semestre a ?t? de 72 fr. En 1842 -- -- 1er -- 66 -- -- -- 2e -- 56

pendant que la Banque de Bordeaux, qui n'avait donn? qu'un dividende de 50 fr. pendant le 1er semestre de 1843, a pu l'?lever ? 70 fr. par la r?duction du taux d'escompte de 5 pour 100 ? 4. A Marseille, o? l'on escompte ? 2 et demi pour 100 les actions de la banque, ?mises ? l,000 fr., sont ? 1,800 et plus.

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