Read Ebook: Cours familier de Littérature - Volume 21 by Lamartine Alphonse De
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Ebook has 980 lines and 79267 words, and 20 pages
COURS FAMILIER DE LITT?RATURE
UN ENTRETIEN PAR MOIS
PAR M. A. DE LAMARTINE
TOME VINGT ET UNI?ME.
PARIS ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR, RUE DE LA VILLE L'?V?QUE, 43. 1866
L'auteur se r?serve le droit de traduction et de reproduction ? l'?tranger.
COURS FAMILIER DE LITT?RATURE
REVUE MENSUELLE.
Paris.--Typographie: Firmin Didot fr?res, imprimeurs de l'Institut et de la Marine, rue Jacob, 56.
CONVERSATIONS DE GOETHE,
PAR ECKERMANN.
Ne nous ?tonnons pas de cette admiration minutieuse qu'un grand esprit comme Goethe inspire ? ceux qui sont capables et dignes de l'entendre dans le repos de sa vieillesse ? la fin de ses jours. C'est la loi du sort; et cette loi compensatrice est consolante ? ?tudier. Les grands hommes ont deux sortes de d?nigrements syst?matiques ? combattre ? la fin de leur carri?re: premi?rement, les ennemis de la v?rit? qu'ils portent en eux et qui, en les tuant par la raillerie, esp?rent tuer la v?rit? elle-m?me; secondement, la jalousie et l'envie de leurs rivaux, sup?rieurs ou m?diocres, qui, en les ravalant, esp?rent les rabaisser ou les subordonner ? leur orgueil. De l? pour les vraies sup?riorit?s humaines, po?tiques, philosophiques, politiques et religieuses, cet acharnement de leurs ennemis qui ne pardonnent qu'? la mort.
Il faut donc, sous peine de forcer ces grandes natures ? se r?fugier dans le tombeau avant l'heure marqu?e par le destin et ? chercher la paix dans le suicide, il faut que la Providence, dans sa bont? infinie pour tous les ?tres, donne ? cet homme d'?lite la goutte d'eau de l'?ponge qu'on laisse tomber sur les l?vres p?les du Nazar?en dans son agonie sur la croix; cette goutte d'eau, c'est le culte fid?le de quelques rares et tendres admirateurs au-dessus du monde par leur intelligence et leur d?vouement, qui s'attachent aux pas, aux malheurs m?me des hommes sup?rieurs et pers?cut?s, et qui les suivent de station en station jusqu'? leur supplice ou ? leur mort. Eckermann ?tait pour Goethe un de ces disciples. Pendant dix ans il ne quitta plus le ma?tre qu'il ?tait venu chercher de Berlin ? Weimar; et, s'il y avait quelque exag?ration dans son apostolat, le motif en ?tait sublime.
On con?oit que les hommes de son temps se soient inclin?s devant Goethe et consacr?s ? l'?couter dans le d?sert de sa vieillesse, et que, plus ils ?taient grands et forts eux-m?mes, plus ils se sont volontairement abaiss?s devant lui. Il y a une obs?quiosit? m?le qui n'est pas de la bassesse, mais de la religion. Ainsi ?tait saint Jean devant le Christ.--Telle ?tait celle d'Eckermann, disciple de Goethe. Ne nous scandalisons pas, ?difions-nous! S'il existait sur terre un homme capable d'?crire Faust, et qui e?t besoin d'un ?cho, je me ferais muraille pour r?percuter cette voix d'en haut!
Revenons ? Eckermann.
< < < < <<--Que voulez-vous! r?pliqua Goethe. Je n'ai pas non plus fait deux fois mes chansons d'amour et mon Werther. Cette illumination divine, cause des oeuvres extraordinaires, est toujours li?e au temps de la jeunesse et de la f?condit?. Napol?on, en effet, a ?t? un des hommes les plus f?conds qui aient jamais v?cu. Oui, oui, mon ami, ce n'est pas seulement en faisant des po?sies et des pi?ces de th??tre que l'on est f?cond; il y a aussi une f?condit? d'actions qui en maintes circonstances est la premi?re de toutes. Le m?decin lui-m?me, s'il veut donner au malade une gu?rison vraie, cherche ? ?tre f?cond ? sa mani?re, sinon ses gu?risons ne sont que des accidents heureux, et, dans leur ensemble, ses traitements ne valent rien. <<--Vous paraissez, dis-je, nommer f?condit? ce que l'on nomme ordinairement g?nie. <<--G?nie et f?condit? sont deux choses tr?s-voisines en effet: car qu'est-ce que le g?nie, sinon une puissance de f?condit?, gr?ce ? laquelle naissent les oeuvres qui peuvent se montrer avec honneur devant Dieu et devant la nature, et qui, ? cause de cela m?me, produisent des r?sultats et ont de la dur?e?>> < <<--Cette f?condit? du g?nie est-elle tout enti?re dans l'esprit d'un grand homme ou bien dans son corps? <<--Le corps a du moins la plus grande influence, dit Goethe. Il y a eu, il est vrai, un temps en Allemagne o? l'on se repr?sentait un g?nie comme petit, faible, voire m?me bossu; pour moi, j'aime un g?nie bien constitu? aussi de corps.>> < < <