Read Ebook: Traité touchant le commun usage de l'escriture françoise by Meigret Louis Active Th Century
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Ebook has 278 lines and 25915 words, and 6 pages
Traite touchant
LE COMMUN USAGE
FRANCOISE, FAICT PAR
Loys Meigret, Lyonnois: auquel est debattu des faultes, & abus en la vraye, & ancienne puissance des letres.
Avecq privilege de la court.
De l'Imprimerie de Jeanne de Marnef, vefve de feu Denys Janot, demourant en la rue neufve nostre Dame, ? l'enseigne sainct Jean Baptiste.
EXTRAICT DES REGISTRES DE PARLEMENT.
La Court luy a permis & permet imprimer & faire imprimer ung livre par luy recouvert, & compos? par Loys Meigret, touchant l'escriture Fran?oyse: & iceluy exposer & distribuer en vente le temps de quatre ans prochainement venant. Defendant ? tous imprimeurs, libraires & aultres de ce ressort, iceluy livre imprimer ou faire imprimer, ou exposer en vente ledict temps, sur peine de confiscation desditz livres, qui aultrement seroient imprimez & distribuez, & d'amende arbitraire ? la discretion de la court. Faict en Parlement l'unzeiesme jour d'Octobre, l'an mil cinq cens quarante deux.
Collation faicte. Berruyer.
PRO?SME DE L'AUTHEUR.
Si l'ordre, & la raison que nous tenons en noz euvres, est de tant digne de los, ou de blasme, que l'experience maistresse de toutes choses le conferme, ou condemne: je ne voy point de moyen suffisant ny raisonnable excuse, pour conserver la fa?on que nous avons d'escrire en la langue Fran?oyse. A la verit? aussi est elle trop estrange, & diverse de la prononciacion, tant par une curieuse superfluit? de letres, que par une vicieuse confusion de puissance entre elles. Or sont ce vices, que je ne s?ay quelle supersticion, ou bien nonchallance de noz ancestres, & de nous, a miz en avant avec une grande observance: je dy observance, qui a est? & est en si bonne recommandation, & reverence tant bien gard?e, que le devoir, & loix de bien escrire, & former l'Image au vray de la prononciacion, n'ont pas seulement est? delaiss?es, mais d'avantage reprouv?es comme vicieuses, & inutiles. Et combien que la difficult? que nous sentons en la letre nous en donne assez bonne evidence: pas ung de nous toutesfois n'a os? mettre en avant quelque moyen pour y remedier: tant pour la longue & commune fa?on de faire, que pour la crainte de sembler controuver nouvelles invencions, & de forger nouveaux troubles ? ung peuple en ses coustumes tant usit?es, & de si longue main receues: & qui au demourant nous sont si recommand?es en toutes noz oeuures, que bien souvent sans autre cognoissance de cause, & sans en vouloir recevoir, nous les tenons par trop opiniatrement pour loix, & ordonnances justes, & necessaires. Il est vray que l'entreprinse de forcer, & corrumpre les bonnes coustumes, & ais?es fa?ons de vivre d'ung peuple pour l'assubjectir ? autres confuses, supersticieuses, & serviles, seroit digne de reprehension & blasme: comme qui est poursuivie au grand dommage de l'aisance, & commun proufit d'une chose publique. Au contraire aussi devra celle estre trouv?e raisonnable, ou pour le moins digne de quelque support, l? ou elle fera diligence de trouver les moyens pour amender les manieres de vivre corrompues, & pour d'avantage y donner l'ordre si suffisant qu'on s'en puisse ayder, & les ramener ? quelque bonne fin. Or n'est il comme je pense, Fran?oys tant soit il de petit jugement, & de grande affection en nostre usage d'escrire, qui ne se treuve souvent perplex, & empesch? en la lecture: d'autant que pour la confusion & commun abus des letres, elle ne quadre point entierement ? la prononciation. Parquoy considerant ce mal tant apparant, & esperant que la raison aura plus de pouvoir envers vous, qu'une obstination en ung vicieux, & confus usage: j'ay entreprins ce traict? de l'escriture Fran?oyse. Et tout ainsi qu'ung bon medecin apres avoir bien decouvert la nature, & circonstance d'une maladie, fait son devoir de donner d'avantage le moyen de guarison pour parvenir ? la sant?: en semblable aussi j'ay en decouvrant les faultes, & vices de nostre maniere d'escrire, qui nous donnent occasion de faire mauvaise lecture, faict finablement diligence de trouver les moyens, suyvant lesquelz vous pourrez, se bon vous semble, user d'une escriture certaine, ayans tant seulement egard ? la prononciation Fran?oyse, & ? la nayve puissance des letres.
DES CAUSES DE FAULSE ESCRITURE AVEC LEUR BLASME.
Chapitre Premier.
Priscian au commancement de son premier livre dit, que les Philosophes donnans la diffinition de la voix, la disent estre un battement d'air, ou bien le vray sensible de l'oye.
Mais pour parler proprement, & en general en la langue Fran?oyse nous appellerons Son, toutes choses sensibles ? l'oye: comme qui est terme plus general que voix, d'autant qu'il s'estend universellement, ? toutes manieres de battement d'air qui est oyble: comme gemissemens, souspirs, brayemens, hurlemens, parolles, & toutes autres manieres de criz, de chants, & bruytz faitz en l'air, tant par les corps animez, que par les inanimez.
Or laissons toutes ces infinies fa?ons de Sons, & venons ? celuy, que Priscian appell? voix articul?e, & que les Fran?oys peuvent bien dire voix d'artifice: d'autant que les hommes diversement, & selon les contr?es, s'aydent des voix par ung commun artifice, & usage, pour faire entendre plus ais?ment leur fantaisies, les ungs aux aultres.
Et pour lesquelles d'avantage ilz ont invent? pour une plus grande aisance des notes, que nous appellons letres: tant pour advertir les absens, que refreschir leur memoire, & pour aussi la laisser perpetuelle d'eulx & des choses, que bon leur sembleroit faire entendre ? leur posterit?.
La letre doncques est la moindre partie de la voix compos?e. Et fault entendre que les simples voix ont est? anciennement appell?es Elemens, ? la semblance de ceux du monde: car elles composent les vocables, tout ainsi que font ces autres, tous les corps composez. Consequemment doncques il fault inferer que tout ainsi que les voix composent en la prononciation ung vocable, qu'aussi les letres qui sont leurs notes feront le semblable en l'escriture: & que la difference des voix, & des letres sera d'autant que les voix sont les elemens de la prononciation, et les letres, les marques ou notes des elemens. Disons donques que la letre est la note de l'element; & comme quasi une fa?on d'image d'une voix form?e: laquelle on cognoit selon la qualit?, & quantit? de sa figure. Et que tout ainsi que tous corps composez des elemens sont resolubles en eux, & non en plus ny moins: qu'aussi tous vocables sont resolubles es voix dont ilz sont composez. Parquoy il fault confesser que puis que les letres ne sont qu'images de voix, que l'escriture devra estre d'autant de letres que la prononciation requiert de voix: & que si elle se treuve autre, elle est faulse, abusive, & damnable. Or voyla la touche ? la quelle il nous fault faire l'epreuve de nostre escriture, pour voyr si elle est telle, en qui nous trouvions les letres en mesme nombre, que requiert la prononciation, suyvant leurs puissances de tout temps receues: de sorte que la lecture en puisse estre ais?e, sans confusion, & sans desordre.
Pour ? quoy pervenir il fault entendre, qu'une escriture peult estre corrompue en troys manieres: qui sont diminution, ou superfluit?, ou usurpation d'une letre pour autre.
L'escriture peut doncq'estre faulse par diminution, quand elle default d'une, ou de plusieurs letres, qui sont requises pour representer au vray la prononciation: ce que nous voyons es aucuns de noz vocables fran?ois, comme en Chef, Cher, Danger: es quelz indubitablement nous pronon?ons la diphthongue, ie, parquoy nous devons escrire, Chief, Chier, Dangier. Et si on me debat que la prononciacion ne le requiert pas, qu'on laisse la diphthongue, & escris comme tu prononces. J'entens bien que l'ung, & l'autre sont en usage: mais celuy qui est profer? par diphthongue est plus armonieux, & plus usit?. Or passons oultre, car ce vice n'a pas tant ancr? en nostre escriture, qu'ont fait les deux ensuyvans, sinon de tant qu'une letre prent la place d'une autre: par ce qu'allors l'escriture default en la letre requise, quoy qu'autrement il y ayt autant de letres qu'il y a de voix au vocable prononc?.
L'escriture secondement peut estre mauvaise, quant elle est compos?e de plus de letres que ne requiert la prononciation: par ce que telle escriture donne occasion de faire faulse lecture, & de prononcer voix, qui n'est point au vocable.
C'est ung vice si grand en nostre langue fran?oyse qu'il n'y a letre quasi en l'alphabeth dont nous n'abusions quelquefois par superfluit?. Comme de l'a, en aorn?: du b, en debvoir, doibt, doibvent: du c, en infiniz vocables, comme faict parfaict, dict. Du d, comme admonestement, advis, adverse. De l'e, en battera, mettera, pour mettra, battra, qui est ? faulte de considerer les formaisons des verbes.
Et fault entendre que tous verbes qui se terminent en re en l'infinitif present, forment leur futur de l'indicatif en ray, ras, ra. &c. comme mettre, qui fait mettray, mettras, mettra, exceptez ceux qui fault excepter. comme estre, & si autres y en a. Mais quant l'infinitif se treuve en er, adjouste ay, as, a, comme fraper, fraperay, fraperas frapera. Passons aux autres letres, & venons ? l'f, comme en briefvement. au g, comme, ung, besoing. i, comme ? meilleur. l, comme default, & autres infiniz. o, comme en oeuvre. p, comme escripre, escript, & autres aussi infinis. s, comme en estre, honneste, & autres presques innombrables. t, comme en et, copulative, en faicts, dicts, vents, & en tous les pleuriers du participe present, comme amants, beuvants, disants. En u, comme en la diphthongue, ou qui n'est point fran?oyse. Au regard d'x, final comme en chevaulx, loyaulx, il n'est point fran?oys. Je crains que vous vous scandalisiez de plusieurs exemples que j'ay icy mis en avant comme vicieux en leur escriture, jusques ? ce que vous ayez veu mes raisons, que j'espere donner suffisantes en debatant l'usage d'une chascune letre en particulier. Et pourtant je vous prye d'avoir patience, & de ne me condamner point sans m'oyr.
Il reste encores cest autre vice d'usurpation de letre en une escriture, qui est, quant une letre ou plusieurs usurpent la puissance d'une autre: veu que c'est occasion de faire lecture d'une voix pour autre, & par consequence mauvaise, & faulse prononciation. C'est un vice qui est venu pour avoir corrompu les puissances des letres, & les avoir confondues les unes avecq' les autres. Comme nous faisons celle du c, qui ne deut estre employ?e qu'en semblable puissance que le K, duquel toutesfois nous usons en son d's, comme en fa?on, fran?oys, de ?a, Cicero. Et ainsi des autres letres tant voyelles que consonnantes, dont nous parlerons quant viendra ? leur ranc. Voyla doncques les principaux vices qui ont corrompu, & forc? nostre escriture, & qui aujourd'huy la tiennent en telle servitude qu'ilz la nous rendent confuse, & presque du tout inutile.
Or ceux qui en prennent la defense, & aux quelz l'amendement des choses est ennuyeux, & deplaisant: ont de coustume de se remparer & fortifier, premierement de l'usage comme d'ung Bellouard imprenable, & hors de toutes batteries. Secondement ilz ont pour renfort, que pour marquer la difference des vocables il n'y a point de danger d'abuser d'aucunes letres. Tiercement ilz s'efforcent de defendre la superfluit? des letres pour monstrer la derivaison, & source d'ung vocable tyr? d'une autre langue: craignans ? mon advis d'estre blasmez d'ingratitude, si autrement ilz le faisoient. Voyla en somme les plus grandes & plus apparantes raysons que mettent en avant ceux qui veulent couvrir & excuser les vices de l'escriture fran?oise: selon qu'en divisant j'ay peu decouvrir par les responses que communement font, autant le savant que l'ignorant. Or il nous fault battre, & miner ces troys forts, de sorte qu'il ne reste plus de moyen de defense aux opiniastres que nous ne puissions ais?ment, & sans crieries forcer l'escriture vicieuse, & la reduire ? l'obeissance de la prononciation, comme qui est par raison sa dame, & princesse. Mais pour autant qu'entre ces defenses l'usage a la plus grande apparence, & qu'estant forc? les aultres se trouveront bien tost habandonn?es: j'ay advis? de premierement faire mes effors contre luy avecq' bonnes raysons, & de le ruiner de sorte, qu'il ne se treuve home entendant rayson qui s'en ose plus doresenavant remparer. Voyons donc premierement si ce qu'? toutes hurtes nous appellons tousjours usage, devra point quelque fois plus raysonnablement prendre le nom d'abus: & pour nous garder d'abuser des termes, sachons premierement la diffinition d'usage.
Lequel n'est aultre chose qu'une commune fa?on de vivre d'homes, guid?e par raison.
Parquoy abus au contraire est une commune fa?on de vivre confuse, sans ordre, & sans rayson. Par ce moyen l'usage n'est en rien different de l'abus, sinon qu'il est fond? en rayson, & l'autre en desordre & confusion. Ce n'est doncq' pas assez messieurs pour approuver une fa?on de vivre, de dire, que de tous temps on a de coustume d'ainsi faire. Autrement il nous faudroit confesser que les vices & mauvaises coustumes de vivre seroient beaucoup plus louables que les vertus: comme qui sont beaucoup plus en usage entre les homes, & de plus long temps, veu nostre fragilit?. Vous me direz, & tresbien, que nous avons la loy, la conscience, l'honneur de dieu, qui les nous defendent, & commandent de bien faire. Aussi diray je que j'ay la loy, & la rayson par la puissance des letres qui veult qu'elles seront en l'escriture pour representer les voix de la prononciation, pour qui elles sont escrites: & non pas pour y estre oysives en leur puissance, ou bien usurper celle des autres. Car d'une telle fa?on d'escrire se cause une incertitude, & confusion de lecture.
Et afin que nous n'oblions rien, disons encor ce qu'on pourroit mettre en avant. Comme que la puissance des letres ? peu este chang?e avecq' le temps, & par consequence la maniere d'escrire: tout ainsi que l'usage de la langue se change, quoy qu'il ayt est? quelquefois receu: & que finablement l'usage ? peu amener une fa?on d'escrire, en laquelle une letre seroit quelquefois escrite pour estre prononc?e comme s, en ministre, & autrefois autrepart, pour ne l'estre point: & pourtant seulement servir de remplage: ou bien comme aulcuns disent de rendre la voyelle precedente longue, comme s, en estre: & en semblable des differences & derivaisons. Brief que les letres ont aujourd'huy prins ung usage tout autre qu'elles n'avoient anciennement. Et que nous anciens n'ont point eu plus grand droit de nous obliger ? jam?s de suyvre leurs inventions en la puissance des letres sans les povoir diversifier, qu'il n'ont eu en l'usage du langaige: lequel est aujourd'huy tout autre qu'anciennement & qui de jour ? autre se change peu ? peu. Or pour satisfaire ? cest argument, je suis bien d'advis qu'il est raysonnable, que toutes les fois que nous pourrons amender non seulement noz nouvelles fa?ons de faire: mais aussi celles que nous ont laiss? noz anciens, & venir ? meilleur fin, & perfection: qu'allors en obeissant ? la rayson nous n'ayons egard, ny ? noz usages, ny ? ceux que nous tenons de tout temps, & qui semblent avoir est? de tout jamais: car la vertu & la rayson doivent tout dompter. Ny n'est en la puissance de tous les homes de faire que vertu soit vice, ou vice vertu, non plus que de commander au soleil faire son mouvement autre qu'il fait. Mais pourquoy attribue l'on ? l'home la rayson par sus les autres animaux: sinon d'autant qu'il doit mener ses euvres par la cognoissance d'elle? Et pourtant ceux doyvent estre tenuz pour coulpables de crime de lese majest? envers la rayson tant divine qu'humaine, & ennemys mortelz du genre humain: qui reputent chose vicieuse ? l'home de chercher la cognoissance du moien de bien vivre tant envers dieu, qu'envers les homes, qu'en ses privez affaires. Si aussi la fa?on de faire de noz anciens, ou celle qu'on invente de nouveau, nous mene ais?ment, & sans confusion ? la fin que nous pretendons: il me semble qu'il n'est point d'home de si petit jugement, ne de tant foyble entendement s'il n'a du tout le sens perdu, qui ne jugea l'advis de ceux vraye simplesse, & folie, qui en delaissant une si grande aisance pour pervenir ? ce que nous pourchassons, mettroient en avant une fa?on de faire confuse, & incertaine: & pour ne pervenir jam?s ? la fin pretendue. Or est il que l'usage par lequel on permet ? une letre representer quelque fois la voix, & autresfois rien, ou bien tant seulement quelque accident ? la voix comme longueur, difference, ou sourse de vocable, sans diversifier sa figure: ne peut estre qu'incertaine, & confuse: ny donner qu'occasion de faulse lecture. Car comme cognoistroy'je qu'en ministre, monstre il fault prononcer s, plustost qu'en benistre, & monstre, qui est verbe? Je dy aussi par mesme moien que l'usage qui donne diverses puissances ? une letre, rend la lecture incertaine & confuse, comme quant nous escrivons: il est advenu ung cas de?a les monts d'estrange fa?on & condition, quelle difference treuve je en l'escriture par laquelle je cognoisse le premier & dernier c, devoir plustost estre prononcez en K, que les deux autres qu'il fault suyvant la prononciation proferer en s? J'entens tresbien que le refuge sera de dire qu'ung home qui aura quelque peu l'usage de prononciation fran?oise, se donnera garde de faire faulse lecture. Mais aussi sera ce tacitement confesser que l'escriture est incerteine, & dangereuse: & qu'il fault que le lecteur recoure ? sa memoyre, l? ou la prononciation telle qu'elle s'y treuve est bien plus perfectement escrite. Au demourant je vouldroys bien savoir quel bien, ou quel profit il en vient, ou bien quelle necessit? nous y contraint? sinon que sans point de doubte le vocable en a tant plus belle apparance. Mais ou est celuy qui ne blasmast le peinctre qui entreprenant de pourtraire la face de quelqu'ung: feit en son pourtraict des cicatrices, ou autres marques notables qui ne fussent point au vif? Car toute pourtraicture pour estre louable, doit estre faicte telle, qu'en la voyant on cognoisse le vif; & qu'en voyant le vif, on la cognoisse. Or me semble il messieurs, que je vous ay amen? assez de raysons, & suffisantes pour ne nous fortifier point de l'usage en noz euvres, sinon de tant que nous le trouverons necessaire, & fond? en rayson. Je s?ay bien toutesfois, qu'il s'en trouvera quelques ungs qui courroucez demanderont en fureur, si je pense plus savoir que les autres. Aux quelz aussi je demanderay en semblable, si lors qu'un Capitaine est assieg? dedans une ville qu'on bat, & mine de toutes pars, doit demander aux ennemys, s'ilz cuydent bien pouvoir forcer la place? car il me semble qu'alors le temps & la necessit? le forcent assez d'aviser par tout, en faisant diligence de contreminer, de remparer, & d'envoyer force es lieux plus necesseres. Autrement en s'amusant en ses demandes, & depris des ennemys, il se trouveroit bien tost forc? avecq' le dangier de sa vie, & honneur. Aussi esse une bestise ? ung home de faire telles demandes ? celuy qui met en avant des raysons, & moiens pour confondre ung abus en quelque fa?on de vivre que ce soit, au lieu d'y respondre: & de les debatre particulierement, & par le menu, & non pas recourir, ? je ne s?ay quelle arrogante fa?on de response, que les ignorans oultrez, & conveincuz, & ne sa?hans plus de quel boys faire fleche ont souvent ? la bouche, disans les raysons qui les forcent estre si foybles, qu'elles n'ont point besoing de response. Voyla l'excuse dont bien souvent s'aydent ceux qui veulent bien avoir la reputation d'homes savans, & bien entenduz, mesmement quand ilz font profession de sciences: ayans opinion qu'ung consentement ? la doctrine, & rayson propos?e par autruy, sent sa honte, & infamie: & qu'une obstination opiniastre en ignorance, & faulse doctrine, donne apparance de grand savoir, & pourtant honnorable. Au demourant je ne suis pas de ceux qui cuydent plus savoir que les autres. Mais je suis bien de ceux qui prennent la hardiesse de mettre en avant des raysons, & moiens pour corriger sa propre faute, & celle d'autruy. Mais combien de Fran?ois, quants Italiens, quants Allemans, & Hespagnols? Brief toutes nations estranges qui donnent dans nostre escriture la blasment: comme qui est par trop estrange de la prononciation fran?oise. Je confesse bien qu'? bonne rayson on me jugera en ce traict? le plus impatient, le plus oultrecuyd?, & finablement le plus damnable de tous: j'entens si l'impacience de l'home es choses corrompues, & faictes sans raison est vicieuse, & digne de blasme. Concluons doncques que l'usage gard? de si longue main qu'on vouldra en tout art, & fa?on de vivre, par lequel nous ne pervenons point ? la fin que nous pretendons: mais au contraire ? une confusion, & desordre, est damnable, comme qui est inutile.
Poursuivons doresenavant les deux autres defenses, dont se fortifient ceux, qui n'ayment que confusion, & desordre: & commen?ons ? vuyder celle par la quelle ilz estiment la superfluite des letres estre non seulement tollerable: mais d'avantage necessere en l'escriture fran?oise, pour monstrer la difference des vocables. Ce qu'ilz font d'une creinte qu'ilz ont, que le lecteur ne prenne quelque mauvais sens pour la mesme semblance des vocables en l'escriture. Aux quelz premierement par mesme rayson je dy, qu'il faudroit user de voix superflues en la prononciation: d'autant que les escotans peuvent tumber par la semblance de plusieurs vocables au mesme inconvenient que fait le lecteur: & par consequence il nous faudra parler jargon pour contenter ces observateurs de differences.
Or je treuve que la cognoissance des differences des vocables se peut faire en troys sortes en nostre escriture, & paravanture en quatre si nous voulions prendre garde aux accens. Mais pour autant qu'ilz sont encores incogneuz aux fran?ois, nous nous en somes deport?. Premierement donques on cognoit la difference des vocables, quant toutes les voix ou aucunes de celles dont ilz sont composez sont diverses, comme Roy, Paris, Lyon, Hector. La seconde maniere de difference est, quant les vocables ne sont point differens en substance de voix: mais en la seule quantit?, d'une, ou de plusieurs voyelles: comme quant nous disons, qu'ung home a effondr? ung huys ferm? d'une buche ferme. Ces deux ferme ne sont en rien differens en substance de voix: mais tant seulement en la quantit? de la derniere syllabe du premier ferm?, qui est longue, ? cause de l'e que vous appellez masculin, & que proprement je vouldroys appeller e long: attendu que les quantit?s longue, ou briefve sont es voix, & qu'improprement nous leur attribuons sexe. La tierce maniere de cognoistre la difference des vocables, est celle qui vuyde nostre question: la quelle depend du sens, & du jugement de l'home qui saura discerner les diverses significations des vocables qui ne sont en rien differens, sinon d'autant que la rayson du propos le requiert. Comme si en parlant du Zodiac, & des estoilles fixes qui y sont, quelqu'ung dye ou bien escrive, que le cueur du Lyon est en la vingt & deuziesme partie du Lyon ou environ: la matiere nous devra donner occasion de ne juger ce Lyon estre une beste comme nous le voyons en terre. Et toutesfois la prononciation, ny l'escriture ne sont point autre de ce vocable Lyon, soit qu'il signifie une beste terrestre, ou l'ung des signes du Zodiac. Combien d'avantage pourroys je amener de mots fran?ois, es quelz nous ne faisons point de difference ny en prononciation, ny en escriture: quoy que les significations soient diverses.
Comme quant nous disons: cest arbalestier qui passe, a frapp? une passe, d'une arbaleste de passe: l? ou nous pronon?ons troys passe, d'une mesme prononciation, & les escrivons de mesmes letres. Or me dictes maintenant messieurs les observateurs de differences, la rayson pourquoy vous n'avez point mise de note de difference en ceux cy, ny en ung milion d'autres: & qu'au contraire vous en faictes es aucuns en corrompant la loy de l'escriture? Il semble que ce soit de peur qu'elle ne soit trop ais?e, & lisable. Dictes moy d'avantage quant nous disons: tu dis, tu fais en sorte, que tes dictz, & tes faicts nous sont dix fois plus griefs, qu'ung fes, ou est la difference que vous trouvez en la prolation de dis, dicts, & dix, & en celle de ces autres, fais, faicts, fes? Pourquoy doncq' auront ilz plus grand privilege de corrompre l'escriture, que ces autres dont nous avons parl?? Mais ou est la langue tant soit elle diserte, & opulente, qui se soit exempt?e de pluralit? de significations en ung vocable? combien qu'au demourant elle ne se treuve faire autre difference en l'escriture que fait la prononciation, aumoins en la corrompant: & l? ou elle l'auroit faict, la fa?on en seroit digne de blasme. Concluons doncques que quelque difference que nous desirions mettre entre les vocables en nostre escriture, il la fault ranger ? la prononciation, & ne corrompre point la propriet?, & puissance des letres.
Il ne nous reste doncq' plus ? debatre que la difficult? des derivaisons qui est le dernier refuge de ceux qui veulent defendre la superfluit? des letres en l'escriture: & mesmement des Latins, disans, qu'il n'y a point de danger: & que d'avantage nous sommes tenus d'escrire quelque marque de derivaisons quant nous tirons quelque vocable d'une autre langue, comme par une maniere de reverence, & recognoissance du bien que nous avons receu en faisant tel emprunt. De sorte qu'ilz nous contraignent bien souvent d'estre superfluz en escriture, comme, en recepvoir escripre, faict, & autres infinis vocables. Pour ausquelz satisfaire il nous fault premierement entendre que s'il y gist obligation ? telle recognoissance, elle est, ou par loy naturelle, ou bien d'une priv?e obligation de peuple ? autre par une convention, ou quasi convention. Au regard de celle qui vient de crime elle n'a point icy de lieu: d'autant qu'il n'y a non plus d'offense en tel emprunt, que d'allumer son tyson au feu d'autruy. Premierement quant ? la loy naturelle, il me semble qu'elle nous commande ne faire rien ? autruy que nous ne volussions bien qu'on nous feit. Aussi ne seroit il pas raysonnable, que nous comme envieux fissions querelle aux Grecz, Latins, ou autre nation estrange, si en semblable ilz tyroient de nostre langue aucung vocable. Et l? ou nous la voudrions dresser, il faudroit qu'elle fust color?e de quelque perte, ou dommage, aultrement elle seroit deraysonnable. Premierement quant ? la perte, je n'y en treuve non plus en l'emprunt d'ung vocable pour celuy dont on le tyre, qu'il s'en trouvera en celuy que fait ung peuple des bonnes loix, & coustumes d'une autre nation. Parquoy il n'y a point de dommages: mais au contraire ung merveilleux gain de gloire, & honneur pour la langue de qui on fait l'emprunt, si nous considerons, qu'il se fait d'une bonne estime qu'on a de sa suffisance, & bonne invention en ses vocables. Et si d'avantage il y gisoit obligation, ou est le peuple au monde qui s'en sceut excuser, soit Grec, soit Latin, Juif, ou Indien? Brief toutes nations du monde ont est? quelquefois troubl?es de quelque autre peuple, de sorte qu'attendu les longues demeures que par le moien des guerres & victoires, ont est? faictes des homes sur autres pays: il est impossible qu'il ne se soit faicte quelque confusion, & mutuel emprunt de langage. Et toutesfois nous ne voyons point les Romains, ny les Grecz, & Hebreux, satisfaire ? telle obligation en corrompant la puissance, & l'ordre de l'usage des letres. Il reste doncques que vous me direz, que nonobstant toutes ces remonstrances, qu'il est bien raisonnable de recognoistre le bien de celuy, dont tu l'as receu, encores qu'il ne fasse perte, comme qui t'a est? moyen de venir ? ce bien l?. Quant ? cela je confesse bien que ce seroit ingratitude, de mescognoistre celuy duquel tu auras receu ung bien tant petit qu'on vouldra, l? ou l'occasion s'offriroit de le recognoistre ou nyer. Comme si le propos se mettoit sus de la sourse de quelque vocable tyr? de la langue Latine, & que tu la voulusses taire, & l'attribuer ? la tienne, ou autre, par malice. A la verit? aussi esse l?, ou il fault estre soigneux de la derivaison des vocables: comme quant on veult faire une grammaire, & eplucher la nayve sourse d'une diction ? la coustume des Latins, qui est trop plus que raisonnable: & non pas user de ceste fa?on de marque par une corruption, ou superfluit? de letres, & par je ne s?ay quel emprunt que fait la plume plus que l'usage de la langue. Et quant ainsi seroit que noz anciens s'y seroient obligez de leur franche volunt?, je ne croy point que les Grecz, ny Latins qui ont mis tant de peine ? rendre leur escriture la plus perfecte, & plus approchant de leur prononciation qu'il leur a est? possible, eussent jam?s accept? une tant inique, & deraisonnable obligation. Joint qu'il me semble qu'une recognoissance de quelque bien receu d'autruy, doit estre faicte telle qu'elle luy soit aggreable. Et l? ou ilz auroient accept?, elle se pourroit maintenir nulle, comme qui est faicte contre les loix, & ordonnances de bien escrire. Or il n'est point de bien faict si grand qui te puisse obliger ? mal faire, ny faire chose sotte, & digne de reprehension. Au demourant si ainsi estoit que nous fussions tenuz ? ceste maniere de recognoissance par superfluit? de letres, il me semble que la loy deut estre generalle, & que nous serions tenuz le faire autant aux ungs qu'aux autres. Comment doncques nous excuserons nous en infiniz vocables tyr?s des autres langues, esquelz nous n'avons point mis de letre superflue? comme, dire, ame, home, forme, figure, pain, vin, letre, peindre, pourriture, fievre, rumeur, beau, cheval, egal, larmes. Brief ilz sont en infiny nombre.
Venons d'avantage ? ceux qui sont descenduz d'une mesme source, & qu'on me rende raison pourquoy es aucuns il y a une letre superflue qui n'est point gard?e es autres? comme en dict, & faict, esquelz le c, est superflu, ny n'est point en la prononciation. Vous me direz incontinant que c'est pour monstrer qu'ilz viennent de dictum & factum, esquelz est le c: mais aussi repliqueray je pourquoy en semblable dy, dis, dit, dire, fais, fait, & faire, ne sont escris avecq' le mesme c, veu qu'ilz viennent de dico, dicis, dicit, dicere, facio, facis, facit, facere: lesquelz tous sont escris du c, & desquelz dictum & factum ne sont que derivez.
Que dirons nous de ceux qui mettent des letres qui ne sont point ? la sourse? comme qui escrivent escripre. Je ne puis bonnement entendre ? quelle intention ilz mettent ce p. Car il me semble que suyvant leurs regles de derivaisons, il falloit plustost mettre ung b, d'autant qu'il est decendu de scribere. Il est vray qu'ilz me pourront dire qu'il n'y a non plus de danger en l'ung qu'en l'aultre, comme qui ny servent que d'estonner le lyseur ainsi que fait ung espovantal de cheneviere les oysillons, corneilles, & pies. Concluons doncques que telles observations de derivaisons faictes contre la rayson, & l'ordre d'escriture sont vicieuses, comme qui la corrompent, & la rendent incertaine, & confuse: & que finablement nonobstant toutes les susdictes defenses amen?es par ceux qui veulent maintenir les vices de l'escriture Fran?oise, il la fault ranger au seul usage de la prononciation: de sorte qu'elle devra changer de letres, ainsi que l'usage de la langue changera de voix, comme celle qui luy sert ? representer son Image. Laquelle nous y devons mirer tout telle & ainsi entiere suyvant les puissances des letres, qu'on a de coustume de mirer en ung mirouer les Images des choses qui luy sont present?es. Mais pour autant qu'il est impossible de bien escrire selon les voix de la prononciation, que premierement nous ne cognoissions les puissances des letres, & ? quelles voix elles servent: tout ainsi que ce n'est pas assez ? ung peinctre d'avoir le vif present s'il ne cognoist les coleurs propres pour faire le pourtrait perfect: il est necessaire pour rendre nostre entreprinse perfecte de les rechercher par le menu, & faire en sorte que nonobstant l'abus nous en puissions bien user: & telement qu'il ne se treuve point de fa?on de voix Fran?oyse, qui ne se puisse escrire si distinctement, que le lecteur n'ayt point d'occasion de demourer perplex par ung desordre d'escriture.
DES LETRES, & DE LEURS PUISSANCES.
Ceux qui premierement ont divis? les voix simples, & subsequemment les letres, les ont divis?es en voyelles, & consonantes: tenans les voyelles comme ames vivifiantes les consonantes, d'autant que sans elles, elles ne peuvent estre prononc?es: non plus qu'ung corps ne peut avoir mouvement, ny vie sans l'ame.
Or n'ont ilz au commancement assign? que cinq voyelles en general: qui sont, a, e, i, o, u, comme desquelles les autres moyennes participoient, sans avoir egard ? la diversit? qui pouvoit provenir ? cause de la quantit?. Mais depuis les Grecz considerans leur prononciation, inventerent la letre, ?, comme qui estoit une voix moienne entre a, & e: & qui d'avantage estoit longue, ou bien si vous voulez masculine. Aussi ont ilz fait l'? mega que nous pouvons appeller le grand O, le composans de deux o micron qui est ung o petit, pour aucuns vocables esquelz la prononciation de l'o estoit plus longue. Or me semble il que la langue Fran?oise a beaucop de diversitez de voyelles, si nous y voulons prendre garde: & qui ont besoing d'estre not?es en nostre escriture, si nous la voulons rendre perfecte. Car je treuve qu'entre ces cinq voyelles nous avons aucunes qui sont moyennes.
Et premierement il me semble que tout ainsi que nous avons cest e, commun que nous divisons en masculin, & femenin comme en bonne, & bont?: & que nous devons appeller e clos: qu'en semblable aussi avons nous ung e ouvert masculin, & femenin, duquel la prononciation est entre a, & e, que j'appelle e ouvert, comme qui requiert une prolation plus ouverte que l'e commun, ainsi que nous voyons en mes, tes, ses, semblablement: esquelz certainement l'e sonne plus ouvert qu'en bonne, bont?.
Et croy bien que pour la craincte qu'on avoit qu'au lieu de l'e ouvert on ne leust ung e clos, on a abus? de la diphthongue ai, tout ainsi que font aucuns Latins qui la prononcent en e ouvert. De sorte qu'au lieu d'escrire m?s, f?s, ilz ont escrit, mais, faicts: qui est une mauvaise escriture, & abusive, comme je le vous monstreray quant nous viendrons ? vuyder les diphthongues. Et pourtant estoit il beaucop meilleur de l'escrire d'ung simple e. Ilz ont voulu d'avantage exprimer cest e ouvert en adjoustant au commun e une s, comme en estre beste, esquelz il suffisoit ung ? ouvert masculin.
Car comme je vous ay dict tout ainsi que nous avons l'e commun & clos masculin, & femenin, nous avons aussi l'e ouvert de mesme.
De sorte que nous pronon?ons en ?tre, b?te ? ouvert masculin, & en bonnet, briquet, furet, semblablement, nous pronon?ons l'e femenin.
Et not?s que tous noms & participes qui se terminent en ?t au singulier, ont la terminaison du pleurier en ?s par ? ouvert masculin comme bonnet, bonn?s, furet, fur?s: fet, perfet, escris comme requiert leur prononciation, font, f?s, & perf?s. Et si on te debat que ceste fa?on d'escriture est bien diverse de la Latine, respons qu'aussi est bien la prononciation Fran?oise, que tu entens escrire, & non pas la Latine. Au demourant il n'y a Calomniateur si dificile, qui se sceut pleindre de faire prononciation autre que Fran?oise en lisant ceste fa?on d'escriture. Mais pour autant qu'on me pourroit dire que ceste difference d'e, est malais?e ? faire, vous avez ung remede qui est de recourir aux vocables esquelz ilz sont cognuz.
Et pourtant si je veux savoir comme se doit escrire maistre, mon recours sera ? ?tre: comme qui sont d'une mesme prononciation au premier e, par ce moien tu despouilleras ce maistre, de la diphthongue ai, avecq' s, & y mettras le seul ? ouvert masculin escrivant m?tre. Or entendez que combien qu'on ayt invent? de diversifier ? masculin du femenin par la ligne dont les Latins notent leur accent aigu, qu'il ne s'ensuyt pas pourtant que l'? masculin ait tousjours l'accent aigu de sa nature. Car si nous considerons bien la langue Fran?oise nous trouverons que communement l'accent aigu se treuve bien e femenin, comme es secondes personnes du plurier des verbes du present indicatif. Ce que nous voyons quant nous disons, vous comm?ncez, vous rev?nez, esquelz l'accent aigu n'est pas en la derniere syllable mais en la penultime, qui est ung e femenin. Avecq' ce que jam?s l'accent ne change la quantit? de la syllabe. Il est vray qu'il y en a d'autres qui diversifient cest ? masculin avecq' une ligne oblique qui prent sa naissance en l'e, en ceste sorte , que je trouverois beaucop meilleur par ce que cest autre marque qui ja est en usage, est beaucoup plus propre pour signer les accens ? qui les vouldroit marquer. Quoy que ce soit tout revient ? ung.
Croyez que par faute d'avoir consider? les quantit?s des voyelles noz ancestres sont en partie tombez au vice de superfluit? de letres: non seulement en l'e, mais aussi es autres voyelles, comme de l'a, es tierces personnes du preterit perfect d'aucuns verbes, escrivans, allast, donnast, aymast: esquelz comme il est notoire, s est superflue, & suffit seulement de marquer a ainsi que l'? masculin: ou bien si cela vous semble ennuyeux de laisser l'a simple. Car encor' qu'on profera a brief, si ne seroit il pas si estrange de nostre prononciation que si on proferoit s.
Nous faisons aussi le semblable de l'i, comme quant nous escrivons fist, fistes, dist, & ainsi des autres: esquelz nous sentons evidemment la seule prononciation d'un ?, long: & devons escrire f?t f?tes.
Il est vray que nous avons voulu r'habiller cela par la diphthongue ei: je ne treuve point toutesfois qu'elle y soit prononc?e, ny ne le peult estre sans mauvaise grace.
Nous usons aussi de l'i consonante, & de mesme figure que la voyelle: toutesfois qui vouldroit rendre nostre escriture perfecte, il la faudroit aucunement diversifier, & la tenir quelque peu plus longue.
Venons maintenant ? l'o, lequel je treuve en la langue Fran?oise estre quelquesfois prononc? ouvert, comme en cor, corps, corne, mort, & autrefois clos, comme en tonner, foller, non, nom: dont es aucuns nous adjoustons ung u, comme en amour, pouvoir, nous:
lequel aussi nous escrivons sans u, comme quant nous disons, noz peres nous ont faict de grans biens. Et toutesfois autant y a il de difference en leur prononciation qu'il y a entre deux gottes d'eau. Parquoy je dy que veu que nous avons des vocables, ou le simple o faict autant en l'escriture que la diphthongue ou, que nous deussions corriger ceste fa?on d'escrire. Car il n'est point de mention de la voyelle u, en toute la langue Fran?oise faisant diphthongue avecq' l'o; attendu qu'il faudroit par necessit? que nous l'oyssions en la prononciation, tout ainsi que nous l'oyons en la diphthongue eu, & qu'il feit une telle resonance en une syllabe qu'il fait en ce mot cohue, hors qu'il est prononc? par division.
J'entens bien qu'on me dira que si nous escrivons amor qu'on prononcera cest o, tout ainsi qu'on fait en cor, mort, corps. Mais aussi diray je qu'on le pourra aussi bien prononcer clos comme on fait en tondre, noz, hoste, compaignon, & en assez d'autres: esquelz certainement la prononciation est toute telle qu'en amour, pour, courir, pouvoir.
Et ? ce que je puis cognoistre nous ne trouvons ceste diversit? de prononciation qu'avecq' r. Car devant les autres consonantes il me semble qu'il se prononce tousjours clos: & s'il s'en treuve de prononcez ouverts, ilz sont bien rares. Parquoy pour le moins nous fault il noter de n'escrire jam?s, ou, devant les autres consonantes: car c'est la vraye prononciation de l'o: & escrirons povoir, covrir, coper, covoitise tout ainsi que nous escrivons bonne, bont?, compaignon.
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