Read Ebook: Cours familier de Littérature - Volume 14 by Lamartine Alphonse De
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Ebook has 656 lines and 39407 words, and 14 pages
<<--Cela sera fait, r?pondit Criton; mais vois si tu as encore quelque chose ? nous dire.>>
< < Voil? le dialogue ou plut?t le po?me de la mort de Socrate, selon Platon, sur le r?cit du dernier entretien de Socrate. La philosophie humaine ne s'?leva jamais plus haut par la seule puissance du raisonnement. Ce qui donne par-dessus tout son caract?re et son autorit? ? cette philosophie, c'est la conscience, sup?rieure encore ici ? la philosophie. Socrate ne fonde ses dogmes et ses esp?rances que sur des raisonnements; quelques-uns sont tr?s-sophistiques, tel que celui qui fait engendrer toute chose par son contraire. Sa foi, comme il l'avoue lui-m?me, n'est que probabilit?, conjectures, vraisemblance, r?v?lation de la pens?e ? la pens?e, cet ?ternel r?v?lateur avec lequel tout homme s'entretient dans ses esp?rances et dans ses doutes. Aucun prestige ou aucun prodige n'impose cette foi ? lui-m?me ou aux autres; il n'appelle en t?moignage que la raison sinc?rement interrog?e et logiquement r?pondue dans ses entretiens sur les choses divines; c'est en cherchant ? se persuader lui-m?me qu'il acquiert la conviction dans son ?me, et qu'il la r?pand dans l'?me de ses disciples: mais cette conviction raisonn?e, ou cette foi acquise, est si absolue et si confiante en lui qu'il n'h?site pas ? mourir volontairement pour elle. Mais, ind?pendamment de l'expression de la physionomie et du ton de plaisanterie que la parole ?crite ne peut rendre dans le dialogue de Platon, physionomie et accent qui devaient donner leur v?ritable signification un peu railleuse ? ces paroles du sage, il convient de se souvenir que Socrate ne rejetait pas, dans sa pens?e, l'id?e de ces dieux inf?rieurs, de ces divinit?s secondaires, de ces personnifications populaires des attributs du Dieu unique, nomm?s par toutes les nations de noms divins qui n'attentaient pas ? la divinit? unique et supr?me. D'ailleurs, sa th?orie, infiniment plausible, d'une hi?rarchie de puissances c?lestes, d'une ?chelle incessante d'?tres, agents de la divinit? cr?atrice, dans les astres, dans les ?l?ments, sur la terre, sur les ?mes, cette th?orie n'?tait nullement en contradiction avec le Dieu exclusif et souverain que sa raison d?couvrait et adorait au-dessus de toutes ces divinit?s d'emprunt. Cette th?orie ?tait, au fond, celle de tous les sages des religions antiques; ce qu'on a appel? polyth?isme n'?tait, dans ces religions, que symbolisme. On a calomni? le genre humain, en lui attribuant plus d'incons?quence et plus de superstition qu'il n'en a eu dans la partie ?clair?e de l'humanit? de tous les ?ges. Socrate pouvait donc, sans scandaliser ses disciples, qui comprenaient ce qu'il voulait dire, parler en souriant d'Apollon, qui ?tait pour lui et pour eux l'inspiration divine; de libation, qui ?tait un acte de pi?t?; de sacrifice ? Esculape, qui ?tait le symbole enjou? de la d?livrance de tout mal par la d?livrance de la vie. Voici cette philosophie: Un Dieu supr?me, unique, parfait, dont l'existence est un myst?re et se d?montre par soi-m?me; Une hi?rarchie d'?tres ?man?s de lui, et investis plus ou moins de sa sagesse, de sa puissance, de sa bont?, cr?ant et gouvernant, sous son regard, les astres, les mondes, les ?mes; L'?me, ou l'esprit, distinct de la mati?re, mais m? par la volont? de Dieu, dans l'homme ou dans d'autres ?tres pensants; La mati?re p?rissable, l'?me immortelle; La vertu, exercice de l'?me pendant la vie, pour conqu?rir une vie plus parfaite par sa victoire sur les sens. La v?rit?, la libert?, la justice, la charit?, la temp?rance, la mortification des sens, le d?vouement ? ses semblables, le d?sir de la mort pour revivre plus saint; le sacrifice de soi-m?me, jusqu'au sang, ? Dieu; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la r?surrection, voil? les victoires de l'?me. La r?compense, apr?s la mort, de ces vertus; le ch?timent, soit temporaire, soit ?ternel, des vices ou des crimes contraires, voil? ses destin?es. Telle est toute la philosophie de Socrate. Elle para?trait plus belle encore si elle ?tait plus simplement expos?e par Platon, non dans le style de l'?cole et de l'acad?mie grecques, mais dans le style simple, na?f, limpide et populaire des paraboles ?vang?liques. Forme pour forme, j'avoue que je pr?f?re la parabole au dialogue: la parabole est l'?pop?e de la v?rit? pour les simples; le dialogue de Platon est le cliquetis des id?es pour les sophistes. Cette mort, v?ritable transfiguration de l'?tre mortel en ?tre immortel, par la seule raison, dans un cachot devenu le Thabor de la philosophie humaine, a ?t? appel?e par J.-J. Rousseau la mort d'un sage; mais c'est plus qu'une mort, c'est une ?closion visible ? l'immortalit?. J.-J. Rousseau ne l'a pas assez vu: il ?tait plus semblable ? Platon qu'? Socrate. Il faut une certaine mesure de vertu dans une ?me, pour que cette ?me puisse s'?lever ? une v?ritable philosophie. Les grandes pens?es viennent des grandes ?mes; celle de J.-J. Rousseau ?tait tr?s-?loquente, mais pas assez grande. Aussi, comparez ces deux morts! Socrate meurt en plein soleil, le sourire sur les l?vres, sans un doute, sans une angoisse, sans un g?missement, sans un reproche ? Dieu ni aux hommes. J.-J. Rousseau meurt ou se tue dans une retraite o? il a fui les hommes qu'il accuse et qu'il redoute, livr? aux reproches m?rit?s d'une femme qu'il a fl?trie en lui d?robant ses fruits ? sa mamelle pour aller les jeter ? la voirie humaine des enfants perdus! Il meurt isol? dans sa solitude, et son isolement est un remords qui venge en lui la nature offens?e par l'?go?sme. Rousseau ne juge pas sainement la mort de Socrate. Car, s'il y a quelque chose de surhumain dans l'humanit?, ce n'est pas la mort d'un Dieu, s?r de revivre parce qu'il se sent Dieu m?me en mourant: c'est la mort d'un homme qui ne se sent qu'homme, mais en qui la raison, exerc?e pendant une longue vie de lutte avec son corps, triomphe de la nature et ressuscite en esprit avant qu'il soit mort, par la sainte ?vidence de sa foi! Tant qu'on ne touche qu'aux id?es, on peut toucher faux: mais, une fois qu'on touche aux hommes, il faut toucher juste. Cela nous m?nera ? Aristote. LAMARTINE. SOCRATE ET PLATON. PHILOSOPHIE GRECQUE. L'intelligence humaine n'est que le reflet de l'intelligence divine; nos id?es ont leur source et leur type en Dieu, id?e et type supr?me de tout ce qui est dans l'ordre moral comme dans l'ordre mat?riel. Les id?es de Dieu sont le moule et le mod?le de tout, la raison efficiente de toute beaut? et de toute bont? dans les choses. Ces id?es ne nous sont point donn?es par les sens; les sens, ?tant mati?re, ne peuvent pas penser, ni par cons?quent produire les id?es. Les id?es sont n?es avec notre ?me, et ne font que s'appliquer, pendant notre existence terrestre, aux ph?nom?nes qui sont sous notre perception. Comment l'?me, qui est immat?rielle, peut-elle agir sur nos sens, qui sont mati?re? et comment les sens, qui sont mati?re, peuvent-ils agir sur l'?me immat?rielle? Platon s'arr?te ici comme l'esprit humain; il s'embarrasse dans ses paroles ?quivoques, et il ne conclut pas, parce qu'il n'y a ?videmment rien ? conclure. Un seul mot explique cette inexplicable union de l'?me et du corps, et ce mot est: myst?re. La philosophie arabe dit seule le vrai mot de ce myst?re, comme la philosophie du christianisme: DIEU L'A VOULU AINSI! C'est le mot vrai, et hors ce mot tout est absurde. L'autre science, qui pr?existe en nous, et qui est en nous une sorte de r?miniscence des choses divines, est la science de ce qui est et ce qui doit ?tre en soi-m?me, de ce qui est conforme au mod?le int?rieur divin des choses, le beau, le bon, le juste, le saint, le parfait, l'absolu, l'id?al, comme nous disons aujourd'hui. Platon d?gage de cette th?orie toutes les applications morales ou politiques qui en d?coulent. Sa th?ologie et sa l?gislation sont d'une seule et m?me nature: l'id?al de la perfection. Les th?ogonies indienne, persane, ?gyptienne, biblique m?me, qui toutes pr?sentent au commencement une sorte de mati?re confuse et inorganique, nomm?e chaos, sur laquelle Dieu op?re, en apparaissant, la forme, la vie, l'ordre, la lumi?re, la beaut?, ont donn? l'exemple de cette erreur. Ici encore, Platon se trouble et balbutie comme tous ses pr?d?cesseurs, faute de reconna?tre son insuffisance ? expliquer l'inexplicable, et ? prononcer le grand mot de myst?re, seule d?finition des op?rations de Dieu. Mais, nous le r?p?tons avec douleur, l? s'arr?te la divinit? philosophique de Platon; presque dans tous ses autres dialogues le saint dispara?t, le rh?teur se montre, argumente, et le dialecticien, faisant un ennuyeux abus de la parole, se livre ? des pu?rilit?s d'esprit qui font rougir le g?nie grec. < <<--Oui, par Jupiter, ? moins que je ne sois fou <<--Mais celui qui ment dit-il la chose dont il est question, ou ne la dit-il pas? <<--Il la dit. <<--S'il la dit, il ne dit rien autre chose que ce qu'il dit. <<--Sans doute. <<--Or, ce qu'il dit, n'est-ce pas une certaine chose? <<--Qui en doute? <<--Donc celui qui la dit dit une chose qui est? <<--Oui. <<--Mais celui qui dit ce qui est dit la v?rit?. Si donc Dionysodore a dit ce qui est, il a parl? vrai et n'a pas menti? <<--Oui, Euthyd?me, r?pondit Ct?sippe; mais qui dit cela ne dit pas ce qui est?>> Alors Euthyd?me reprenant: <
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