Read Ebook: L'Impeccable Théophile Gautier et les sacrilèges romantiques by Nicolardot Louis
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Note de transcription:
Quelques erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es. La liste de ces corrections est donn?e ? la fin du texte. La ponctuation a fait l'objet de quelques corrections mineures.
L'IMPECCABLE TH?OPHILE GAUTIER ET LES SACRIL?GES ROMANTIQUES
M?NAGE ET FINANCES DE VOLTAIRE, 1 vol. in-8, de 412 pages. ?puis?, rare.
HISTOIRE DE LA TABLE, curiosit?s gastronomiques de tous les temps et de tous les pays, 1 vol. grand in-18 3 50
LA CONFESSION DE SAINTE-BEUVE, 1 vol. grand in-18 3 50
IMPRIMERIE G?N?RALE DE CHATILLON-SUR-SEINE.--J. ROBERT.
L'IMPECCABLE
TH?OPHILE GAUTIER
LES SACRIL?GES ROMANTIQUES
PAR
LOUIS NICOLARDOT
PARIS TRESSE, ?DITEUR 8, 9, 10, 11, GALERIE DU TH?ATRE-FRAN?AIS PALAIS-ROYAL
L'IMPECCABLE TH?OPHILE GAUTIER ET LES SACRIL?GES ROMANTIQUES
Th?ophile Gautier a obtenu une voix, un jour d'?lection ? l'Acad?mie. Ce bulletin que la presse attribua ? Lamartine ?tait de Sainte-Beuve. C'?tait tout naturel. Gautier n'a jamais parl? de son p?re qui est devenu directeur d'un bureau d'octroi, comme l'avait ?t? M. de Sainte-Beuve, le p?re de Sainte-Beuve; il est incontestablement le fils unique de Joseph Delorme.
Gautier avait commenc? les visites d'usage pour chaque candidat d'un fauteuil d'immortel; il dut les cesser. Les dominateurs de l'Acad?mie le re?urent froidement, comme un inconnu et feignirent d'ignorer ses titres. C'est que parmi ses ouvrages figure un roman dont le genre est un pr?texte d'exclusion.
L'Acad?mie a ouvert ses bras ? Littr? et ? Renan, mais elle se pique de respecter la morale: c'est l? une incons?quence. Qu'est-ce que la morale sans la religion?
Pour qui l'a hant? ou lu, ce volcan de passions est tout simplement du givre; il en a l'?clat et la frigidit?. Le givre ne pla?t que parce qu'il rompt la monotonie des jours de brouillards et de neige. La neige a son utilit? dans l'hiver; mais le givre?
La camaraderie est venue en grossissant toujours apr?s Baudelaire. Gautier a eu son apoth?ose; gr?ce ? une souscription, un monument est consacr? ? sa m?moire.
Sainte-Beuve n'a jamais fum? et fut toujours tr?s sobre; il n'avait d'app?tit de Gargantua que pour les livres et croyait toujours ne rien savoir; il restait sous l'impression de sa derni?re lecture. Gautier mangeait beaucoup et fumait toujours; mais de tous les livres, ceux qu'il pr?f?rait c'?taient les lexiques. Tous ceux qui l'ont le plus hant? s'accordent ? lui reconna?tre cette manie dont ses lecteurs ne se douteront pas, comme on verra.
Ayant toujours pr?f?r? la po?sie parfaite ? la prose parfaite, et ne m'?tant jamais donn? la peine de commettre de mauvais vers, je puis me flatter de n'avoir aucun pr?jug? pour examiner ces deux volumes; j'esp?re les juger sans fanatisme comme sans envie, puisque je n'ai point connu Gautier et que j'ai une bonne provision de sympathie ? la disposition de quiconque l'admire.
Ce qui m'a sugg?r? l'id?e de consacrer une ?tude ? ces deux volumes, c'est la grande importance qu'ils ont rapport?e ? l'auteur, avant et apr?s sa mort.
Cette unanimit? de t?moignages dont aucun ?crivain n'avait jamais joui, prouve: 1? que les po?tes ne sont maintenant plus envieux;--2? que les po?tes n'ont aucun doute sur l'immortalit? de l'?me ? laquelle ils sacrifient publiquement tant de vers;--et 3? que le m?tier de courtisan n'?tait pas absolument abject sous la monarchie, puisque les r?publicains de la veille ou du lendemain, de principes ou d'int?r?ts, ont mis tant de z?le ? le r?tablir. Ces trois choses sont dignes de louanges.
Tous ceux qui se donnent la peine de faire des vers, ont cru devoir cette marque publique de reconnaissance ? la m?moire de Gautier. Le premier il a dit et redit que tout le monde peut faire des vers, et que c'est le travail et non l'inspiration, qui fait le m?rite de la versification. C'?tait r?tablir la corv?e des mots au d?triment des facult?s natives. Autrefois on enseignait que, pour ?tre po?te, il fallait ?tre n? po?te. Gautier a chang? cela. Aussi tous ceux qui sont en ?tat d'observer les r?gles de la prosodie affirment, avec la foi de Trissotin, qu'ils sont des po?tes. Tant pis pour l'exp?rience, si elle rejette ce sophisme, si fanfaron de sa hardiesse et de sa nouveaut?!
Il y avait bien quelque chose comme cela dans la prose et les vers de Victor Hugo, mais pas ? l'?tat de symbole. Il jouissait du droit d'a?nesse et du droit du plus fort; on ne songea point ? lui disputer le premier rang. Mais on reconnut Gautier comme le second po?te; c'?tait Dieu et Mahomet, son proph?te. Donc on adora et on pria, en esprit et en v?rit?, Victor Hugo comme le P?re ?ternel de la Po?sie; pareillement on adora et on pria, en esprit et en v?rit?, Th?ophile Gautier comme le Fils Unique du Dieu de la Po?sie. De tous ceux qui se condamnent ? la corv?e des vers, il n'y en a pas un qui ne croie proc?der du P?re et du Fils, et ne se regarde comme l'Esprit de la Trinit? Po?tique. Ceci explique pourquoi les po?tes qui abusent de tout, laissent le Saint-Esprit assez tranquille; B?ranger avait affirm? que l'Esprit est de trop dans la Trinit?.
Cet adjectif qualificatif, essentiellement catholique, n'avait jamais ?t? appliqu? ? un homme, ni ? plus forte raison ? un ?crivain. L'Eglise Romaine allait proclamer solennellement, en plein concile, le dogme de l'Immacul?e Conception de la Sainte Vierge: de l? l'id?e de retirer le mot impeccable de sa retraite, si rarement troubl?e, et de le graver sur le front d'un po?te. Il est digne de remarque que tous les prosateurs et po?tes, qui ont pr?c?d? et suivi le mouvement r?volutionnaire de 1830, se sont ing?ni?s ? jouer le r?le de Tartuffes par l'affectation exclusive et permanente de tous les substantifs, verbes et adjectifs, cr??s ou consacr?s par la Religion et respect?s par l'usage. Au moyen de cette hypocrisie de mots, ils se sont insinu?s dans les familles chr?tiennes et chez tous les honn?tes gens pour y d?poser le germe du scepticisme qu'ils ont tenu bien cach?, suivant leurs int?r?ts, mais qu'ils n'ont pas manqu? de professer et d'?taler d?s que leur fortune le leur permit, sans courir aucun risque. Ils ont recours ? l'enterrement civil pour se venger de la longue contrainte de leur pass? de saltimbanque. Par cette manifestation ne se rendent-ils pas la justice qu'ils ne m?ritent que le n?ant et l'oubli pour avoir autant tartufi? que versifi??
Cette ?tude de mots nous donnera toute l'histoire des sacril?ges romantiques.
Dans une station ? Dijon, sous la R?publique, le R. P. Lacordaire pr?chait sur l'Eucharistie; il devint si ?blouissant, si path?tique qu'un g?n?ral transport? d'admiration, se leva subitement et s'?cria: <
Napol?on a ?t? enivr? de toutes les jouissances humaines; il avoua, un jour, ? ses mar?chaux ?blouis de sa gloire, que c'?tait le jour de sa premi?re communion qu'il regardait comme le plus beau de sa vie. A Sainte-H?l?ne, il s'humilia sous les verges du Dieu des Arm?es, confessa ses fautes et mourut muni des sacrements de l'?glise, en d?sirant que ses restes fussent un jour port?s dans l'?glise des Invalides.
Sous la Commune, la premi?re communion se fit ? Paris, comme d'habitude, mais avec moins de pompe. On a nomm? dans le temps les chefs de la Commune qui ont assist?, vivement ?mus, ? la premi?re communion de leurs enfants. Il y a eu des ?glises qui n'ont pas ?t? profan?es, comme on s'y attendait, parce qu'elles ont eu pour protecteurs de ces p?res dont les enfants venaient d'y faire la premi?re communion.
Le plus auguste des sacrements est devenu pour les romantiques le plus habituel sujet de profanations. Depuis Michelet jusqu'au romancier, le mot de communion est ?tendu ? tout; c'est la famille, c'est le mariage, c'est le concubinage, c'est le viol, c'est m?me une cohue.
Sainte-Beuve a consacr? une partie de sa vie ? ?tudier l'histoire de Port-Royal, il n'a pas h?sit? ? scruter les myst?res de la th?ologie que les docteurs de l'Eglise n'ont abord?s qu'en tremblant. Aussi lui est-il arriv? de laisser pour d?finitions des images qui font la ris?e des th?ologiens et des ?crivains aussi bien chez les protestants que chez les catholiques. Il n'a pas m?me compris le sens des mots latins les plus simples, les plus clairs pour quiconque se donne la peine d'ouvrir un dictionnaire latin-fran?ais.
Blasph?mez et criez, oui,--mais ne p?chez plus.
Lorsque je fis ces observations ? M. de Saint-Maur, il eut honte de son ignorance et de sa b?vue. Ses lecteurs comme ses critiques, ne s'en ?taient pas aper?us.
Gautier avait fait ses preuves en linguistique dans son premier recueil de po?sie. Sur soixante-deux pi?ces, il n'y en a qu'une qui se passe d'?pigraphe, parce que c'est une imitation; en comptant bien, on y trouve cent douze ?pigraphes, savoir vingt pi?ces qui sont r?duites ? une ?pigraphe, trente-sept pi?ces qui marchent sur deux ?pigraphes, deux pi?ces qui tiennent le triangle de trois ?pigraphes, et enfin trois pi?ces qui s'?l?vent ? quatre ?pigraphes, la plus haute puissance de l'?pigraphe.
Trois po?tes seulement sont rappel?s trois fois sur la sc?ne des ?pigraphes: Alfred de Musset, puis Joseph Delorme, J. Delorme qui se rel?ve Sainte-Beuve, et enfin Marot, qui devient Cl?ment Marot et reste Ma?tre Cl?ment Marot.
Le triomphe des quatre citations est r?serv? ? Ronsard tout court, une fois, qui repara?t trois autres fois avec ses nom et pr?nom de Pierre Ronsard. Victor Hugo est le seul qui monte sur le char apr?s lui.
L'?pigraphe est le flambeau comme le r?sum? d'une composition, et doit donner le diapason du morceau. Un auteur se r?v?le dans le choix des ?pigraphes, aussi bien que dans le style. Au lieu d'?tre le Saint-Denis des rois et des princes du sang de l'Intelligence, l'?pigraphe de Gautier n'est qu'un cimeti?re o? les personnages les plus fameux sont confondus, dans la fosse commune, avec les gens les plus m?diocres, avec les ?crivains morts-n?s. Le p?dantisme d'une ?rudition de noms propres d?g?n?re en badauderie, et le badaud ne montre que la niaiserie.
Il y a des bougies de diff?rentes dimensions, de divers prix; mais il n'y en a point de quatre ? cinq.
On ne joue gu?re au colin-maillard du pr?cieux sans toucher au galimatias. Contentons-nous de quelques citations, car on pourrait en prendre ? chaque page:
Par del? le soleil et par del? l'espace O? Dieu n'arriverait qu'apr?s l'?ternit?:
Puisqu'on persiste ? prendre Gautier pour un ?minent coloriste, le premier apr?s le premier peintre, il est bon d'entrer dans son atelier et de bien regarder sa palette.
Ce serait la perfection du bleu, si on n'avait pas oubli? le petit poisson bleu, qui aurait eu tant de gr?ce ? fr?tiller ? travers les jets de gaz bleu, ? expirer dans le gaz bleu.
Le bleu fait pied de grue en po?sie puisqu'il n'a qu'un pied. Le bleu ? deux pieds irait beaucoup plus vite et serait meilleur ouvrier. O? le chercher?
Voil? assur?ment trop de bleu pour qu'il n'en passe pas un peu. Cette nuance de langueur sera le bleu?tre, autre esp?ce de bleu ? trois pieds, qui remplira tous les devoirs du service ? trois pieds avec les rares sujets fournis par l'azur?, l'outremer et l'indigo.
Certes voil? bien du bleu; le sujet est si f?cond qu'il serait facile de trouver encore, si l'on se donnait la peine de chercher. Il est temps de faire la facture de toutes ces livraisons de bleu. Il se trouve que le bleu a servi de pittoresque deux cents fois. Lamartine para?tra bien mod?r?, si l'on se donne la peine de compter les touches de bleu que Timon lui reprochait comme une profusion de couleur.
Il est ?vident que le dor? n'est ?tendu le plus souvent que comme synonyme d'or, et qu'on le pr?f?re ? l'or, parce qu'il a un pied de plus.
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