Read Ebook: Introduction to Mathematical Philosophy by Russell Bertrand
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Ebook has 99 lines and 6637 words, and 2 pages
L'ILLUSTRATION Prix du Num?ro: 75 cent.
SAMEDI 21 MARS 1891 49e Ann?e--N? 2508
N'y a-t-il pas une romance qui commence par quelque chose comme:
O beau pays de la Touraine...
L?, le??, le??, le??, ?, ?!
Relisez bien: c'est du touranien. M. Richepin, qui est un bon Touranien et un bon po?te, a, pour nous, ?voqu? ce refrain que je conserve comme un bibelot antique et pr?cieux.
L?, le??, le??, le??, ?, ?!
Mme Dieulafoy nous le dirait peut-?tre.
L?, le??, le??, le??...
Ce jour m?me o? le touranisme p?n?trait ? l'Op?ra, les po?tes avaient suivi le convoi d'un des leurs, un ma?tre, M. de Banville, qui m?ritait bien un peu de soleil autour de son cercueil, lui si ?pris de lumi?re et de joie. H?las! il est parti par un jour humide et triste, cruel aux nerveux et aux rhumatisants, un lugubre temps de car?me.
Mais les amis du mort ont r?par? l'injustice du temps.
Si jamais po?te fut enseveli sous des roses, c'est Th?odore de Banville. Les fleurs qu'on a r?pandues sur son cercueil n'?taient pas des fleurs de rh?torique. On l'aimait beaucoup, on l'a pleur? vraiment. Des po?tes ont tenu les cordons du po?le, et ils ont ajout? des sonnets aux chants de la ma?trise de Saint-Sulpice.
Th?odore de Banville ?tait devenu pour les jeunes po?tes de ce temps le p?re, depuis la disparition de Victor Hugo. On l'e?t profond?ment outrag?, si on l'e?t compar? au ma?tre.
--Il y a tout dans Victor Hugo, disait-il, et je lis tous les matins deux ou trois pages de ce grand homme, en l'admirant chaque jour davantage.
Il n'e?t pas admis le moindre point de comparaison. Mais, si la paternit? po?tique de Victor Hugo, si je puis dire, ?tait faite d'autorit? et de grandeur, celle de Banville ?tait faite de tendresse. Il r?gnait et rayonnait par une grande bont?. Oh! une bont? qui n'allait pas sans quelque d?dain et ne se faisait point parfois faute de railler. Mais une bont? vraiment bonne, souriante, avec une philosophie r?sign?e.
A soixante-huit ans, Th?odore de Banville est mort jeune. Il ?crivait et chantait encore la veille de sa mort. Sa sant?, chancelante autrefois, si chancelante qu'on l'avait cru perdu un moment, il y a des ann?es, s'?tait raffermie, et on pouvait esp?rer que ce jeune vieillard, si je puis dire, deviendrait un a?eul.
Comme il allait partir, l'imp?ratrice Eug?nie, qui aimait ses po?sies, demanda pour lui la croix ? je ne sais quel ministre.
L'Excellence r?pondit:
--Je la donne d'autant plus volontiers que c'est une croix sur un tombeau.
Dieu merci, Banville devait survivre et vivre de longue ann?es encore pour notre joie et nos oreilles, car sa muse chantait une chanson toute particuli?re o? il y avait comme des tintements de rires et des bruits de baisers.
Ce chiffon de toile ? raies roses--semblable au manteau de Scapin--Banville l'a toujours suivi des yeux, comme un soldat suit le drapeau dans la bataille. Il n'a voulu ?tre rien que po?te et il l'a ?t? jusqu'aux moelles. Tout pour lui ?tait un pr?texte ? rimes exquises, ? rimes riches. Les vers, il les disait impassiblement--lui le passionn?--en serrant les dents, avec un sourire ?clairant sa figure sans barbe, paterne et narquoise. Toujours original, il n'a pas voulu qu'on pronon??t de discours sur sa tombe. Cet amoureux des mots avait horreur des phrases. Il n'a pas voulu ?tre de l'Acad?mie. Il en e?t ?t?. On lui avait, je crois, fait des ouvertures. Il r?pondait:
--Non. Trente-huit ou trente-neuf visites, je me fatigue facilement; il y aurait trop d'?tages ? monter.
--On vous donnera des ascenseurs, r?pliquait un de ses jeunes amis, Copp?e ou Sully-Prudhomme.
--Eh bien, voil?: les ascenseurs, je les redoute. La nature nous a donn? des jambes, ce n'est pas pour les ?changer contre des machines. Je suis superstitieux. Tout cela est mauvais.
Superstitieux, on l'a dit, au point qu'il n'e?t rien entrepris un vendredi ou un 13. Or, voyez l'ironie des choses, Th?odore de Banville est mort un vendredi et un 13.
Cette terreur du vendredi est tellement r?pandue que, ce jour-l? , les omnibus font moins de recettes que les autres jours. Avoir peur d'un accident, en omnibus, faut-il dire que voil? qui est bien parisien? Eh non, c'est bien humain. L'humanit? aura toujours de petites terreurs enfantines.
Un po?te, c'est un enfant par la vivacit? des impressions, c'est, par le coeur, un homme ?pris de tout ce qui est beau en ce monde. On a souvent dit que Banville ?tait un pa?en, dans le sens d?licat et ?lev? du mot. Ce pa?en est mort en chr?tien et les lettres de faire-part portaient que sa mort avait ?t? b?nie par le pape. Peut-?tre, comme les voyageurs qui savent que le d?part aura lieu ? l'improviste, Th?odore de Banville avait-il pris d'avance son passeport. Et ce n'est pas peut-?tre, cela est certain. Il croyait.
--Ah! disait-il un jour ? Victor Hugo, parlant de la mort, quelle belle occasion vous avez d'affirmer votre immortalit?! que l'auteur de Notre-Dame de Paris soit enterr? ? Notre-Dame!
Ce nom de Hugo revient encore sous la plume comme une actualit? et il est ?crit qu'aujourd'hui nous ne parlerons que des po?tes, ou de leurs petits-fils.
Le jeune Georges Hugo a dit adieu, pour un temps, ? la vie parisienne et s'est jet? bravement ? la vie de devoir, dans la mer et le vent, parmi les embruns dont Pierre Loti parle ? son fr?re Yves. Du Cirque des Champs-Elys?es passer ? l'Oc?an, c'est bien. O? ai-je lu ce joli mot: Victor Hugo dirait ? son petit-fils: <
Le petit-fils l'a fait, cela, et c'est bien.
--Pourquoi faire porter ? l'argent, dit Zola, la peine des crimes dont il est la cause? L'amour est-il moins souill?, lui qui crie la vie?
C'est le dernier mot du livre et il est ?loquent.
--En comparant la R?volution ? un livre, je dirais que nous en sommes encore ? l'avant-propos, tandis que la France est arriv?e ? peu pr?s--pas tout ? fait--aux derni?res pages.
Rastignac.
LES PIONNIERS DU SAHARA
On sait l'esprit et le but de l'Association fond?e sous ce titre par le cardinal Lavigerie. Les documents, texte et dessins, que nous publions ? ce sujet, nous viennent en droite ligne des confins du Sahara et nous sont fournis par un homme qui, accompagnant l'?minent cardinal dans toutes ses p?r?grinations, travaillant lui-m?me sous ses yeux, ?tait le mieux plac? du monde pour donner de cette grandiose entreprise un tableau empreint de tout le caract?re de v?rit? et de tout le relief d?sirables.
Il n'est pas possible de r?ver plus belle promenade que la route de Tuggourt au sortir de Biskra. Cette magnifique route ensoleill?e traverse l'oasis dans toute sa longueur, elle est sillonn?e par les caravanes apportant du sud les r?coltes de dattes sur le march? de Biskra et par une foule de petits gamins, v?tus des oripeaux les plus bariol?s, qui, chantant, jouant et courant, vivent presque uniquement de la charit? des touristes, nombreux ? cet endroit. Mais o? il faut les voir, c'est sur le passage de Mgr Lavigerie.
Chaque jour, le cardinal se rend au monast?re qui s'ach?ve pour recevoir les pionniers du Sahara, et c'est alors une bousculade g?n?rale parmi tous ces petits n?grillots.
Sit?t que la voiture de Son Eminence para?t, ce sont des cris de joie et des courses ?chevel?es pour attraper au vol les sous que leur jette monseigneur. <
La M'Sallah , telle est l'inscription grav?e sur le fronton de cette maison b?tie un peu dans le style florentin qui vient si joliment r?veiller de sa tache blanche les bouquets de palmiers du bord de la route. Il y a un an ? peine elle commen?ait ? sortir de terre et d?j? toute cette population, si hostile pour nous, sait maintenant que l? seront soign?s les plus pauvres, les plus d?sh?rit?s, les plus humbles; aussi faut-il voir l'?tonnement de ces pauvres diables qui n'attendent habituellement que des coups de b?tons de notre civilisation. Que sera-ce quand bient?t de pareils asiles s'?l?veront l?-bas, bien loin dans le sud, ? El Golea, plus loin ? Amguid, plus loin encore, partout o? il y aura des malheureux, des martyrs!
Nous croyions encore, il y a peu de temps, que l'esclavage et la traite des n?gres ?taient abolie depuis nombre d'ann?es. Malheureusement il n'en est rien et les r?cits rapport?s par les missionnaires nous affirment l'existence de ces horribles coutumes.
< Alors, commence pour eux une s?rie d'?pouvantables mis?res. Tous les esclaves sont ? pied; aux hommes qui paraissent les plus forts et dont on pourrait craindre une r?volte, on attache les mains et quelquefois les pieds, de telle sorte que la marche leur devient un supplice, et sur leur cou on place des cangues ? compartiments, qui en relient plusieurs entre eux. On marche toute la journ?e au milieu des sables ou des terres br?lantes. Les conducteurs barbares sont seuls ? cheval ou sur leurs chameaux. Le soir, lorsqu'on s'arr?te pour prendre du repos, on distribue aux prisonniers quelques poign?es de sorgho cru, c'est toute leur nourriture. Le lendemain il faut repartir. Mais, d?s les premiers jours, les fatigues, la douleur, les privations, en ont affaibli un bon nombre. Les femmes, les vieillards, s'arr?tent les premiers. Alors, afin de frapper d'?pouvante ce malheureux troupeau humain, ses conducteurs s'approchent de ceux qui paraissent plus ?puis?s, arm?s d'une barre de bois, pour ?pargner la poudre. Ils en ass?nent un coup terrible sur la nuque des victimes infortun?es, qui poussent un cri et tombent en se tordant dans les convulsions de la mort. Le troupeau terrifi? se remet aussit?t en marche. L'?pouvante a donn? des forces aux plus faibles. Chaque fois que quelqu'un s'arr?te, le m?me affreux spectacle recommence. C'est ainsi que l'on marche, quelquefois des mois entiers. La caravane diminue chaque jour. Si, pouss?s par les maux extr?mes qu'ils endurent, quelques-uns tentent de se r?volter ou de fuir, leurs ma?tres f?roces, pour se venger d'eux, leur tranchent les muscles des bras et des jambes, ? coups de sabre ou de couteau, et les abandonnent ainsi le long de la route, attach?s l'un ? l'autre par leur cangue, et ils meurent de faim et de d?sespoir. Aussi a-t-on pu dire, avec v?rit?, que si l'on perdait la route qui conduit de l'Afrique ?quatoriale aux villes o? se vendent les esclaves, on pourrait la retrouver ais?ment par les ossements des n?gres dont elle est bord?e! On calcule que chaque ann?e, quatre cent mille n?gres sont les victimes de ce fl?au! Enfin, on arrive sur le march? o? on conduit ce qui reste de ces infortun?s, apr?s un tel voyage. Souvent c'est le tiers, le quart, quelquefois moins encore, de ce qui a ?t? pris au d?part .>> Il a fallu le z?le et le d?vouement infatigables de Son Eminence le cardinal Lavigerie pour concevoir le rem?de ? ces crimes et r?ver la libert? pour ces esclaves. Il a fallu sa voix puissante pour ?mouvoir le monde entier et l'int?resser ? la r?ussite de cette entreprise si pleine de p?rils.
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