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Read Ebook: Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours tome 3/6 by Jacob P L

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Ebook has 163 lines and 98064 words, and 4 pages

Sainte Agn?s, en effet, ne perdit pas sa virginit?, pour avoir ?t? conduite dans un lupanar de Rome. Elle appartenait ? une des premi?res familles de cette ville, et quoique ?g?e de treize ans ? peine, elle avait ?t? d?j? recherch?e en mariage par plusieurs jeunes patriciens. Sa grande beaut? ne la d?tourna pas de la vie aust?re qu'elle avait embrass?e. Elle fut d?nonc?e comme chr?tienne au pr?fet Symphronius par le fils m?me de ce pr?fet, qu'elle avait d?daign? comme les autres pr?tendants; elle proclama hautement sa croyance et d?clara qu'elle avait consacr? sa virginit? ? J?sus-Christ. <> Agn?s r?pondit ? Symphronius, en le bravant. Celui-ci, irrit? de cette audace, ordonne qu'elle soit d?pouill?e de ses v?tements et men?e nue au lupanar, pr?c?d?e d'un h?raut criant ? son de trompe: <> On ex?cute l'ordre du pr?fet. Mais ? peine Agn?s est-elle mise ? nu, que ses cheveux poussent ? l'instant et forment un voile autour de son corps. Un ange marche ? ses c?t?s et l'environne d'une splendeur divine. Elle entre au lupanar, toute resplendissante de clart?, mais d?j? sa pudeur est garantie par une robe, de blancheur ?blouissante, qui la couvre de la t?te aux pieds. Les d?bauch?s, qui l'attendaient dans le mauvais lieu, n'osent pas s'approcher d'elle et la contemplent avec terreur, jusqu'? ce qu'ils se jettent ? ses pieds en implorant son pardon. Le fils du pr?fet accourt avec ses compagnons de plaisir, pour s'emparer de la belle proie qu'il s'est promise; mais d?s qu'il ?tend la main vers Agn?s, il tombe mort, comme frapp? de la foudre.

Tel est le r?cit de saint Ambroise, dans ses ?p?tres ; mais les Actes de la sainte, publi?s par Ruinart, ajoutent ? ce r?cit bien des particularit?s importantes pour l'histoire de la Prostitution. Selon ces Actes, d?s que la sainte fut arriv?e au lupanar, on la rev?tit d'une chemise de gaze transparente, que les filles de joie portaient dans l'int?rieur des mauvais lieux, pour mieux solliciter la luxure, en laissant entrevoir ou deviner tout ce qui pouvait l'enflammer. Aussit?t la populace envahit le lupanar, et chacun s'empresse de faire valoir son droit de premier venu; mais aussit?t cette ardeur impudique s'?teint et s'?vanouit: les libertins restent immobiles, tremblants, ind?cis, sans force et sans volont?; ils rougissent de honte et se retirent, sans avoir touch? la sainte, qui les regarde avec calme. Le lupanar ne se vide que pour se remplir de nouveau; mais le miracle se renouvelle, et les affronteurs demeurent interdits, avant d'avoir fait une tentative de violence que la jeune Agn?s ne semble pas redouter. Tous s'?loignent avec terreur, avec respect, et personne n'ose plus p?n?trer dans le repaire de Prostitution. Un seul se pr?sente encore: le bruit se r?pand que c'est le propre fils de Symphronius; il ne doute pas du succ?s de sa honteuse entreprise; il s'?lance seul derri?re le rideau qui ferme l'entr?e du lupanar; il s'avance imp?tueusement vers Agn?s, il ?tend les bras pour la saisir, mais il tombe mort ? ses pieds. Cependant ses amis l'attendaient ? la porte, curieux, inquiets de savoir si ce loup ravissant s'?tait empar? de la brebis du Christ, selon les paroles m?mes de la l?gende. Comme on ne le voit pas repara?tre, comme on n'entend rien dans la cellule d'Agn?s, quelqu'un se hasarde ? y entrer: ? l'aspect du mort, il se trouble, il invoque la piti? de la sainte, il est converti. Nul ne sera d?sormais assez hardi pour vouloir se faire l'ex?cuteur de l'arr?t de Symphronius, devant qui l'on ram?ne Agn?s encore munie de sa virginit?. Agn?s consent ? ressusciter le mort, qu'elle avait sacrifi? ? la d?fense de sa pudeur, et le ressuscit? ne se soucie plus de s'en prendre aux vierges chr?tiennes; mais cette r?surrection miraculeuse est attribu?e ? des invocations magiques, et Agn?s, condamn?e ? ?tre br?l?e vive, emporte avec elle sa fleur virginale dans les flammes du b?cher. Le savant ?diteur de cette l?gende mentionne la tradition qui pla?ait, sous les vo?tes du Cirque Agonal ou destin? aux jeux publics, ce lupanar o? la virginit? d'Agn?s avait remport? la victoire sur ses impurs ennemis.

Le supplice du lupanar se reproduit souvent dans les Actes des saintes, mais toujours avec des circonstances diff?rentes, qui sembleraient accuser des variantes de d?tails sur un th?me unique. Il n'est pas probable que les m?mes faits se soient repr?sent?s si souvent avec autant de similitude. Le plus c?l?bre de tous les martyres de cette esp?ce est celui de sainte Th?odore, qui doit sans doute la c?l?brit? de son nom ? une mauvaise trag?die de Pierre Corneille, plut?t qu'? la l?gende paraphras?e par saint Ambroise et ? ses Actes publi?s par Ruinart. C'?tait une dame noble d'Alexandrie. Le juge la cita devant lui et la somma de sacrifier aux dieux. <> On la soufflette, par ordre du juge, qui s'efforce de dompter cette rebelle. <> Les trois jours ?coul?s, Th?odore resta aussi ferme dans sa r?solution. <> On la conduit dans une maison de Prostitution; en y entrant, elle adresse une pri?re fervente ? son ?poux c?leste. Le peuple environne la maison: il attend l'issue d'un martyre qui n'est pas chose nouvelle pour lui, et qui se termine ordinairement par la cons?cration de la virginit? des patientes. Cette fois, il y a plus de spectateurs que d'acteurs. Aucun ne se pr?sente pour faire affront ? la chr?tienne. Enfin, un soldat fend la foule et p?n?tre dans le lieu du supplice. Th?odore frissonne au bruit des pas; elle rassemble autour d'elle, avec ses mains craintives, le peu de v?tements qu'on lui a laiss?s, et qui ne cachent pas tout ce qu'elle essaie de voiler. Ce soldat est un chr?tien, qui a pris ce d?guisement pour arriver jusqu'? elle et pour la sauver; il la conjure de changer d'habillement avec lui, et finit par la d?cider, en lui faisant un hideux tableau du sort qui l'attend dans cette vilaine maison. Th?odore, d?guis?e en soldat, couvrant son visage avec sa cape et ses deux mains, sort heureusement de l'antre du vice, sans r?pondre aux questions qui l'assi?gent et aux ?clats de rire qui la poursuivent. Une heure apr?s, le chr?tien conduit devant le juge, ?tait condamn? ? ?tre d?capit? pour avoir aid? la d?livrance de Th?odore. Celle-ci repara?t et dispute ? son lib?rateur la couronne du martyre. <> Ils furent d?capit?s ensemble, et Th?odore mourut vierge.

Palladius, dans la Vie des P?res , rapporte un fait ? peu pr?s semblable, qui se serait pass? un si?cle auparavant, mais dont il ne nomme pas les h?ros, quoiqu'il emprunte son r?cit ? <> Une fille noble et vertueuse vivait ? Corinthe dans la pratique aust?re du c?libat chr?tien. Elle fut d?nonc?e au juge, dans un temps de pers?cution. Ce juge impie avait un amour immod?r? pour les femmes, et afin de satisfaire cet amour charnel, il recourait souvent aux bons offices des l?nons et des marchands de Prostitution . Ceux-ci lui avaient vant? la beaut? merveilleuse de la vierge chr?tienne; il la trouva plus surprenante encore qu'il ne l'e?t imagin?e, et il n'?pargna rien pour s?duire cette vierge, qui repoussa ses pri?res aussi bien que ses menaces. Les tourments ne purent rien obtenir de la pure et douce victime. Le juge alors, indign? de cette r?sistance, eut l'id?e, pour la vaincre, de condamner cette sainte ? la Prostitution publique. Il la place dans un lupanar et il recommande au ma?tre du lieu : <> Le lupanaire accepte le march? et veut y faire honneur sur-le-champ. La nouvelle prostitu?e est annonc?e aux libertins de la ville par un ?criteau, qui lui assigne un nom et qui fixe son tarif. La d?bauche accourt, la bourse ? la main; c'est ? qui aura l'avantage de la premi?re rencontre; ils se disputent, les indignes, le tr?sor de cette virginit? qui ne se d?fend pas. <> Tous se retir?rent, sans demander leur reste. La vierge, se voyant d?livr?e de ces bourreaux pour quelques jours du moins, priait Dieu de compl?ter sa d?livrance en la faisant mourir. Tout ? coup entre dans le lupanar un jeune homme, qui semblait trop anim? pour que la fable de l'ulc?re f?t capable de l'arr?ter dans ses desseins. La malheureuse vierge crut avec effroi que le dernier moment de sa virginit? ?tait venu; mais ce jeune homme ?tait un chr?tien, pieux et chaste, qui avait appris le p?ril que courait sa soeur en J?sus-Christ. Il avait donc form? le projet de la sauver, et il s'?tait fait admettre ? prix d'argent dans ce lieu inf?me. Il changea d'habits avec elle, et il demeura, le visage voil?, ? la place obsc?ne que la jeune fille venait de quitter. D?s que la substitution de personne eut ?t? reconnue et le changement de sexe constat?, le chr?tien fut condamn? ? mort et livr? aux b?tes, ou plut?t, suivant un commentateur, ? toutes les horreurs de la Prostitution antiphysique.

Quelquefois, au lieu d'envoyer la vierge dans un lupanar et de la livrer ainsi ? un outrage public, le juge l'abandonnait ? quelque libertin ?m?rite qui s'engageait ? ne la lui ramener que souill?e et bonne pour le supplice capital. Ainsi en advint-il ? sainte Denise, qui comparut devant le proconsul Optimus avec trois chr?tiens nomm?s Pierre, Andr? et Paul. Le proconsul la mena?ait d'?tre br?l?e vive si elle ne sacrifiait pas aux idoles: <> Le proconsul ne l'envoya pas au b?cher, mais il l'abandonna au bon plaisir de deux jeunes d?bauch?s . Ceux-ci l'emmen?rent avec eux dans leur maison et r?unirent leurs efforts pour la faire c?der ? leurs obsessions criminelles: cette lutte in?gale dura pourtant jusqu'au milieu de la nuit, sans qu'ils triomphassent d'une si courageuse vertu . Cependant leur ardeur commen?ait ? s'affaiblir et le d?mon de l'impuret? se retirait d'eux . Enfin une clart? soudaine illumina toute la chambre, et un ange apparut, qui prit sous sa protection la vierge aux abois. Les deux corrupteurs effray?s tomb?rent aux genoux de la chaste jeune fille, qui les releva en souriant: <> Les deux pa?ens la suppli?rent d'interc?der pour eux aupr?s de ce divin protecteur et promirent de se convertir, en jurant qu'ils n'attenteraient plus jamais aux vierges du Seigneur.

On est autoris? ? croire que ces attentats contre les vierges chr?tiennes avaient lieu principalement ? Alexandrie, pendant la grande pers?cution de Diocl?tien. Le pr?fet de l'?gypte, nomm? Hi?rocl?s, avait enjoint ? tous les juges d'appliquer sans exception cette p?nalit? ? toutes les femmes qui se disaient vierges par amour du Christ. Cet Hi?rocl?s, que les Actes des martyrs appellent souvent H?raclius, s'acharnait surtout ? la pers?cution des femmes, et il les livrait impitoyablement aux agents de Prostitution . On n'a pas de peine ? croire que, dans une foule de cas, le juge ne d?daignait pas d'?tre lui-m?me l'ex?cuteur de ses arr?ts. Ainsi en agissait le juge Priscus, qui fit beaucoup de mal aux chr?tiens ? la m?me ?poque. La L?gende dor?e de Jacques de Voragine le repr?sente comme un homme inique et libidineux. Euph?mie, fille d'un s?nateur, alla s'accuser elle-m?me devant Priscus et r?clama la faveur du martyre, en se plaignant de ce qu'on l'avait ?pargn?e jusqu'alors, en d?pit de sa profession de foi chr?tienne. Priscus la fit battre de verges et l'envoya en prison: il ne tarda pas ? l'y suivre, et il essaya de la violer; mais la sainte se d?fendit fortement, et la gr?ce de Dieu paralysa la lubricit? de ce pa?en. Lui, se crut ensorcel?, et il chargea son intendant d'aller s?duire par des promesses ou vaincre par des menaces l'intr?pide prisonni?re; mais l'intendant ne put pas ouvrir la porte du cachot, contre laquelle les haches m?mes ne faisaient que s'?mousser, et il fut saisi par le diable, qui le for?a de se d?chirer de ses propres mains. Le juge exposa inutilement la vierge ? divers supplices, qui ne r?ussirent pas ? lui ?ter la vie, encore moins sa virginit?. Cependant il avait donn? ordre de la livrer ? tous les jeunes libertins qui voudraient abuser d'elle jusqu'? ce qu'elle en mour?t; mais ces libertins ne se souciaient pas de tenir t?te ? une magicienne, et les plus audacieux ne d?pass?rent pas le seuil de la cellule o? la sainte ?tait renferm?e dans l'attente de son d?shonneur. Un d'eux pourtant, ? qui la luxure donnait du coeur, osa p?n?trer dans cette cellule; il fut bien surpris d'y trouver Euph?mie entour?e de vierges qui priaient avec elle; il confessa timidement sa mauvaise intention et se fit chr?tien. Euph?mie resta donc vierge, malgr? les d?testables projets de Priscus, qui voulut la voir d?capiter et qui n'eut pas m?me le temps de d?voiler les myst?res de ce corps sans tache; car, au moment o? il allait profaner de ses regards impudiques cette virginit? que la mort lui avait d?rob?e, il fut d?vor? par un lion qui s'?tait ?chapp? de la fosse et qui ne laissa pas un seul d?bris du pers?cuteur des vierges. <> De pareils exemples gagnaient ? la virginit? et ? la chastet? chr?tienne toutes les ?mes qu'ils enlevaient ? la Prostitution et ? l'impuret? du paganisme.

Nous avons dit que si la continence et la chastet? des premiers chr?tiens ?taient suspectes aux gentils, les h?r?tiques n'avaient que trop justifi? l'opinion des incr?dules ? cet ?gard. Ces h?r?tiques semblaient surtout avoir pris ? t?che de souiller la morale ?vang?lique et d'?touffer sous la mati?re le flambeau spirituel du christianisme. Ce n'?taient pourtant pas des pa?ens d?guis?s, qui avaient p?n?tr? dans le sanctuaire de l'?glise du Christ, pour le d?shonorer en y introduisant les impuret?s du culte idol?tre et en rench?rissant sur la doctrine d'?picure et des anciens philosophes grecs. C'?taient des illumin?s chr?tiens, si l'on peut se servir de cette expression moderne; c'?taient des novateurs fanatiques, qui voulaient faire servir le puissant auxiliaire de la volupt? au triomphe d'une religion toute m?taphysique. Pendant trois si?cles, le schisme ne cessa de se reproduire et de se transformer dans le sein m?me de l'?glise naissante, et la Prostitution fut presque toujours employ?e, comme un moyen de propagande et de domination myst?rieuses, par ces h?r?sies qui d?coulaient souvent des croyances et des moeurs religieuses de l'Inde.

Les h?r?sies des premiers si?cles se divisaient, pour ainsi dire, en deux classes distinctes: celles du corps et celles de l'esprit. Ces derni?res, entre lesquelles il suffit de nommer celles de Sabellius, d'Eutych?s, de Symmache, de Jovinien, ne s'int?ressaient qu'? des questions de philosophie religieuse et de m?taphysique abstraite; ils se perdaient g?n?ralement en r?veries relatives ? la divinit? et ? la mission de J?sus-Christ. Les h?r?sies du corps joignaient, ? ces imaginations plus ou moins ing?nieuses ou extravagantes, comme but ou comme moyen, un prodigieux d?bordement de sensualit?. Le gnosticisme, ?man? des religions asiatiques, ?tait venu s'attacher ? tous les rameaux de la religion chr?tienne, et les ?touffait de ses branches parasites souvent pleines de poison et de scandale. La doctrine la plus fr?quente chez tous les h?r?tiques, c'?tait la communaut? des femmes et la promiscuit? des sexes. Les carpocratiens et les val?siens professaient cette doctrine vers le commencement du deuxi?me si?cle. Carpocrate, qui avait ?tudi? dans l'?cole pa?enne d'Alexandrie, n'?tait r?ellement qu'un disciple d'?picure, quoiqu'il s'intitul?t chr?tien. Il faisait, en effet, de J?sus-Christ un philosophe ?picurien, qui s'?tait mis, disait-il, en communication directe avec Dieu, et qui avait vaincu les d?mons cr?ateurs du monde. Ces d?mons ayant ?t? renferm?s dans l'enfer, le mal n'existait plus sur la terre, et tout ce qui pouvait ?tre fait par les hommes suivant cette maxime de l'?vangile: Ne faites pas ? autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous f?t ? vous-m?me, tout ?tait licite et autoris?. On comprend qu'un pareil pr?cepte ne laissait rien subsister de la continence chr?tienne, et que les carpocratiens abusaient d'eux-m?mes et des autres, dans l'int?r?t de leurs passions brutales. La pudeur, cette noble et touchante fiction qui distingue les ?tres intelligents de la brute, fut supprim?e par ces sectaires, qui la niaient et qui la regardaient comme injurieuse ? la divinit?. Carpocrate n'emporta pas son h?r?sie avec lui dans la tombe: son fils ?piphane, qui avait ?galement appris la philosophie ?picurienne et platonicienne dans les ?coles d'Alexandrie, eut le temps de compl?ter le syst?me philosophique de son p?re, quoiqu'il mour?t ? dix-huit ans, en d?cr?tant que les femmes seraient communes parmi les carpocratiens, et que nulle d'elles n'aurait le droit de refuser ses faveurs ? quiconque les lui demanderait en vertu du droit naturel. ?piphane fut consid?r? comme un dieu, et on lui ?leva une statue ? Sam?, ville de C?phalonie. Une femme de sa secte, nomm?e Marcelline, vint ? Rome vers l'an 160, et y fit beaucoup de pros?lytes, ? la sueur de son corps. C'?tait dans des agapes ou repas nocturnes, que les carpocratiens et les ?piphaniens commettaient leurs infamies: ils mangeaient et buvaient avec peu de sobri?t?; puis, le repas termin?, les gr?ces dites, le roi du festin criait par trois fois: <> Alors, on ?teignait les flambeaux, et ce qui se passait dans les t?n?bres, sans distinction de sexe, d'?ge et de parent?, ne devait pas m?me laisser de traces dans le souvenir, et repr?sentait aux yeux des docteurs de la secte l'image confuse de la nature avant la cr?ation.

Les adamites avaient fait remonter leur doctrine au premier homme pour n'avoir rien ? d?m?ler avec les ca?nites; mais, du premier homme, ils ne s?paraient pas la femme, comme les h?ritiers de Ca?n et de Sapho. Le fondateur de leur secte fut un nomm? Prodicus, qui avait ?t? carpocratien, et qui n'approuvait pas le myst?re que Carpocrate avait impos? ? l'op?ration charnelle. Selon lui, ce qui ?tait un bien dans les t?n?bres ne pouvait ?tre un mal en plein jour. Il eut donc l'audace de permettre et de prescrire des <> C'est ainsi que Bayle a traduit ce texte de Th?odoret: +prophan?s largeuein+ . Saint Cl?ment d'Alexandrie impute les m?mes infamies ? la secte de Carpocrate, qui, dit-il, devait ?tablir ses lois pour des chiens, des boucs et des pourceaux. L'initiation des adamites avait lieu dans une de ces agapes o? les h?r?tiques libidineux ouvraient le champ ? leurs d?testables myst?res. Prodicus changea quelque chose ? l'usage des accouplements form?s au hasard et r?p?t?s sans choix dans une nuit profonde qui faisait l'?galit? des ?ges et des rangs. Th?odoret raconte que Prodicus, m?content des d?ceptions de cette t?n?breuse orgie, invita ceux qui c?l?braient les agapes ? se pr?cautionner d'avance et ? se concerter entre eux, de mani?re que le consentement et l'accord des deux parties r?glassent leur rencontre et leur union, au moment o? les lumi?res seraient ?teintes. Les conditions de la d?bauche se discutaient et se traitaient ? l'amiable, avant que l'agape e?t rassembl? les convives autour de la table carpocratienne. Th?odoret s'appuie ici du t?moignage de saint Cl?ment d'Alexandrie , qui parle, en effet, de ces conventions impudiques, imit?es, d'ailleurs, des moeurs conviviales de Rome pa?enne; car Horace, dans une de ses odes , signale les adult?res qui s'ex?cutaient ainsi, d'intelligence avec le mari avin? et presque sous ses yeux, quand on avait emport? les flambeaux et livr? la place ? la volupt?.

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On voit par cette citation que les pa?ens et Horace lui-m?me ?taient de v?ritables carpocratiens sans le savoir, d'o? il r?sulte que ceux-ci n'?taient que des pa?ens mal convertis. Prodicus, pour motiver ces d?r?glements monstrueux, pr?tendait <> Il avait, en outre, par un sacril?ge d?testable, voulu repr?senter l'union mystique des fr?res et soeurs en J?sus-Christ, par la conjonction charnelle de l'homme avec la femme. On dut lui savoir gr? pourtant de n'avoir point, ? l'exemple des ca?nites, sanctifi? les moeurs de Sodome et tent? de d?truire l'humanit? dans son berceau.

Cependant, apr?s Prodicus qui vivait en 120, les adamites subirent une r?forme morale dont l'auteur est rest? inconnu: ils se vou?rent ? la continence et ? la virginit?, quoiqu'ils abusassent de l'imitation de leur patron, au point de vouloir revenir ? l'?tat de nudit? du premier homme. Les P?res ne nous donnent pas la raison de cette bizarre h?r?sie, et l'on est r?duit ? des conjectures qui nous am?nent ? croire que les adamites, en adoptant ce costume ind?cent pour leurs c?r?monies secr?tes, sinon pour les rites publics du culte, avaient eu l'intention de se rappeler mutuellement l'innocence de l'homme, ant?rieurement au p?ch? d'Adam. <> Saint Augustin ne fait que r?p?ter presque textuellement les paroles de saint ?piphane. <> Malgr? cette d?licate ?preuve de leur continence, ces adamites restaient chastes ou du moins n'en venaient jamais aux actes de la chair, mais ils ne conservaient pas la pudeur des yeux, et le spectacle de toutes ces nudit?s salissait leur pens?e, en leur donnant plus de peine ? se d?fendre des aiguillons de la concupiscence. Mais saint ?piphane et saint Augustin disent express?ment qu'ils r?sistaient ? cette continuelle provocation de la luxure, et qu'ils finissaient par se regarder comme des choses inertes. N?anmoins, saint Cl?ment d'Alexandrie, qui s'obstine ? voir les imitateurs de Prodicus dans les h?ritiers de son h?r?sie, les accuse toujours de s'accoupler dans les t?n?bres, ? la suite de leurs impures agapes: +to kataischynon aut?n t?n pornik?n taut?n dikaiosyn?n ekpod?n poi?samenous ph?s t? tou lychnou peritrop?, mignysthai+. Nous n'oserons pas nous prononcer, entre des avis si oppos?s, pour ou contre les faits et gestes des adamites; nous pensons pourtant que ces sectaires, qui n'?taient que des gnostiques d'une esp?ce particuli?re, se conduisaient dans leurs assembl?es nocturnes aussi honn?tement que le leur permettait la nudit? dont ils faisaient parade en l'honneur d'Adam et d'?ve.

Cette nudit? all?gorique devint m?me, pour certains adamites des deux sexes, une condition normale de la vie asc?tique. Ils demeuraient nus, avec une ceinture qui leur couvrait les reins, et ils se cachaient, soit par groupes, soit isol?s, dans le fond des bois et des d?serts; ils s'enfuyaient ? l'approche de tout ?tre humain qui se distinguait d'eux par ses v?tements, et ils aspiraient ? se croire revenus aux premiers ?ges du monde, o? l'homme menait la vie des animaux. Cette vie bestiale devait souvent produire chez ces ?tres d?grad?s un oubli complet de leur sexe et un amortissement absolu des sens. Aussi, quand parfois ils rentraient dans la soci?t? de leurs semblables, sans consentir ? se montrer v?tus en public, ils affectaient de n'?tre plus d'aucun sexe, ils paraissaient insensibles ? la vue et au toucher de la chair. <> Cette phrase compl?mentaire implique peut-?tre un sens bien diff?rent de celui qu'?vagrius a cru devoir adopter en rapportant ce fait singulier . Il faudrait comprendre plut?t, en effet, que ces esp?ces de satyres se livraient ? tous les d?portements de leur salacit?, sans distinction de sexe ni de personnes. C'est ainsi du moins que les adamites se perp?tu?rent ? travers les si?cles jusqu'au seizi?me, o? ils apparurent pour la derni?re fois, ? moins qu'on ne veuille les reconna?tre encore dans les convulsionnaires du dix-huiti?me si?cle.

Ces exc?s d'impudicit?, que les h?r?siarques enveloppaient du manteau de la foi nouvelle, devaient in?vitablement produire, en sens contraire, des exc?s de continence et d'asc?tisme. C'?tait toujours le gnosticisme qui empruntait une forme chr?tienne et qui cr?ait un nouveau foyer d'h?r?sie. On vit na?tre successivement plusieurs sectes gnostiques qui se condamnaient ? d'?tranges servitudes de chastet?: les unes, pour ressembler ? J?sus-Christ, qui mourut vierge; les autres, pour se rapprocher autant que possible de l'?tat de l'homme dans le paradis; ceux-ci, pour tuer le p?ch? en ne perp?tuant pas l'humanit?; ceux-l?, pour se soustraire ? l'empire du d?mon qui s'incarnait dans la femme. Les encratites ou les continents, les marcionites et les valentiniens, se firent conna?tre presque en m?me temps, au milieu du deuxi?me si?cle, par leur exag?ration de chastet?. Le fondateur de la secte des marcionites, Marcion, fils d'un pieux ?v?que de Sinope en Paphlagonie, n'avait pas d'abord ?t? un mod?le bien ?difiant de cette continence, qu'il pr?cha plus tard avec autant d'autorit? que saint Paul, car il commen?a ses actes d'h?r?siarque par une fornication dont il ne put se faire absoudre par son p?re; il se vengea de son excommunication en jetant le trouble parmi les orthodoxes. Apr?s avoir d?bauch? une fille, il se lia de corps et d'esprit avec une femme qui l'aida dans son apostolat d'h?r?sie. Il n'admettait que l'?tat de c?libat et la continence absolue chez les chr?tiens, et il ne baptisait que ceux ou celles qui faisaient voeu de conserver leur puret? charnelle et spirituelle. Cependant il trouvait bon que les sodomites eussent ?t? d?livr?s des enfers par les m?rites du R?dempteur, et il assurait que, les corps ne devant pas ressusciter, leur souillure n'alt?rait pas les ?mes qui arrivaient seules devant Dieu purifi?es par la mort. Les marcionites ne se tenaient pas ? l'?cart de la soci?t? des femmes, lorsqu'ils croyaient avoir dompt? la chair; celles-ci pouvaient administrer le bapt?me et dire la messe, pourvu qu'elles eussent les mains pures et l'?me candide. Marcion, ? l'instar des principaux gnostiques, reconnaissait dans la nature l'existence de deux principes, l'un bon et l'autre mauvais, ?ternellement en guerre; il attribuait ? la continence le pouvoir de combattre et de vaincre toutes les emb?ches du d?mon, qui avait son fort dans la t?te de la femme. Cette h?r?sie, en d?pit des privations qu'elle imposait ? ses adeptes, fit de tels progr?s dans tout l'empire, que Constantin le Grand publia un ?dit contre les marcionites en 326, et que, pr?s d'un si?cle plus tard, Th?odoret, ?v?que de Tyr, en convertit plus de dix mille dans le cours de son ?piscopat.

Le christianisme, lorsqu'il ?tait en lutte avec la Prostitution pa?enne, trouva donc, dans son propre sein, d'indignes adversaires qui s'efforc?rent de le souiller de tous les d?sordres les plus abominables. Ces adversaires ?taient quelquefois suscit?s par les religions profanes, que la foi du Christ sapait dans leurs honteuses racines attach?es aux passions sensuelles de l'homme qui avait fait ses dieux ? son image. Quelquefois aussi, les h?r?siarques les plus redoutables n'?taient que des cat?chum?nes ignorants ou des diacres de bonne volont?, exalt?s et aveugl?s par les aust?rit?s, la pri?re et la solitude. Voil? comment la continence excessive pouvait produire l'excessive impuret?; voil? comment des chr?tiens, longtemps chastes et vertueux, se laissaient emporter ? des aberrations criminelles, que les gentils eux-m?mes ne se fussent pas permises. Le principe de la chastet? de l'?me et du corps ?tait la plus grande force de cette loi nouvelle, qui avait fait par l? des esclaves soumis en faisant des pros?lytes. Les docteurs et les P?res de l'?glise ne cess?rent donc, en aucun temps, de poursuivre et de terrasser le paganisme dans les oeuvres de la Prostitution sacr?e et l?gale. Mais, chose ?trange! pendant que le christianisme naissant livrait cette guerre infatigable aux doctrines et aux actes de l'iniquit?, il ne s'apercevait pas que la Prostitution sacr?e, et m?me la Prostitution hospitali?re, ces deux soeurs aussi vieilles que le monde, osaient d?j? repara?tre sous un d?guisement chr?tien, qui changeait compl?tement leur caract?re et dissimulait leur origine primitive. Gr?ce ? ce d?guisement sous lequel on ne les reconnaissait plus, quoiqu'elles se r?v?lassent assez par leurs actes, elles occup?rent une place parasite que l'h?r?sie leur avait conquise, et que la morale religieuse ne parvint ? leur enlever que fort tard, en purifiant tout ce qui avait port? trace de leur passage.

Ce fut dans la vie asc?tique des ermites, des vierges et des premiers moines, que la Prostitution hospitali?re, cette forme na?ve de la Prostitution sacr?e, sembla, sinon rena?tre, du moins essayer de prouver qu'elle avait exist? dans des circonstances analogues. Des solitaires de l'un et de l'autre sexe avaient rompu violemment avec le si?cle, et s'?taient retir?s le long des rives du Jourdain et dans les d?serts de la Th?ba?de, pour y vivre d'une vie contemplative et p?nitente, loin du p?ch?, ce lion d?vorant qu'ils redoutaient cent fois plus que les lions de ces vastes solitudes. Il fallait des ann?es de cette existence laborieuse et sauvage, pour que le d?mon de la chair f?t dompt?, pour que ses ardeurs fussent ?teintes, pour que l'esprit f?t d?finitivement ma?tre du corps. Pendant ces ann?es de lutte et d'?preuve, o? la r?volte des sens mena?ait souvent de briser toutes les entraves de la continence, l'?me avait des heures de doute et de faiblesse, des intervalles de vertige et de folie. Alors, de voluptueuses hallucinations erraient ? l'entour de ces pauvres victimes du Tentateur; le saint homme ou la sainte femme n'avait plus conscience de son individualit? ni de son ?tat; la cellule ?troite et nue, la caverne sombre et froide, la hutte mis?rable et ouverte aux intemp?ries de l'air se transformait, dans les r?ves de celui ou de celle qui l'occupait, en un palais embaum? de parfums, resplendissant d'?toffes de soie, tout rempli de musique et de chants, tout encombr? de vases d'or et d'argent, de tapis et de coussins, de tables charg?es de mets exquis et de vins d?licieux. Ordinairement, la pri?re triomphait de ces pi?ges de l'enfer, et le souffle de Dieu dissipait le nuage fascinateur; mais, dans ces moments difficiles, dans ces nuits d'insomnie br?lantes, dans ces journ?es de retour involontaire vers les choses de la terre, si tout ? coup un voyageur ?gar? p?n?trait dans l'asile de la vierge aux abois, si une femme, une chr?tienne, avide des consolations de la parole de Dieu, apparaissait soudain aux yeux du patriarche en d?lire, le patriarche, la vierge, pouvaient se croire encore aux anciens temps bibliques et s'incliner avec amour devant l'h?te divin que le ciel lui envoyait. Le diable y aidant, la Prostitution hospitali?re reprenait son empire, et laissait ensuite dans les larmes et le repentir la fragile vertu qu'elle avait abus?e, avec les illusions de la science et les vanit?s du coeur humain. ?tait-il m?me besoin que les fr?res ou les soeurs, qui venaient ainsi visiter des solitaires, passassent pour des anges, et le devoir de l'hospitalit? n'?tait-il pas toujours un encouragement au p?ch? que l'occasion d?terminait?

En lisant les vies des P?res du d?sert, on voit ? chaque page quelle ?tait la puissance de la chair sur ces natures ?nergiques, ?puis?es par les je?nes, les mac?rations et les souffrances physiques, mais exalt?es aussi par la terreur du p?ch? et l'impatience de la perfection spirituelle. <>

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