Read Ebook: Les grands froids by Bouant Emile Weber Theodore Illustrator
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Ebook has 724 lines and 75059 words, and 15 pages
Illustrator: Theodore Weber
BIBLIOTH?QUE DES MERVEILLES
PUBLI?E SOUS LA DIRECTION DE M. ?DOUARD CHARTON
LES GRANDS FROIDS
PAR ?MILE BOUANT
ANCIEN ?L?VE DE L'?COLE NORMALE
OUVRAGE ILLUSTR? DE 31 VIGNETTES
PAR TH. WEBER
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C^ie
Droits de propri?t? et de traduction r?serv?s
INTRODUCTION
Nous estimons d'habitude l'?tat calorifique d'un corps par l'impression qu'il produit sur la main. Le corps nous semble chaud ou froid suivant qu'il donne de la chaleur ? la main ou qu'il lui en enl?ve. Mais le jugement que nous portons ainsi est incomplet et sujet ? bien des erreurs. Il nous suffira de le montrer par quelques exemples.
Plongeons la main droite dans un vase rempli d'eau tr?s froide, la gauche dans un second vase rempli d'eau tr?s chaude. Apr?s quelques instants d'attente, sortons les mains du liquide et plongeons-les toutes les deux ? la fois dans de l'eau ti?de: nous la trouverons chaude ? la main droite, froide ? la gauche.
Voici, rapproch?es l'une de l'autre, une plaque de cuivre et une de bois: la main, ?tendue de fa?on ? s'appuyer sur les deux plaques, trouve la premi?re beaucoup plus froide que la seconde, quoiqu'elles soient certainement toutes les deux dans le m?me ?tat calorifique. C'est que le cuivre, qui conduit bien la chaleur, refroidit la main beaucoup plus rapidement que ne le fait le bois.
Je suis dans la campagne, expos? au froid le plus vif, je retire mon gant et j'applique ma main sur mon visage. Mon visage est glac?, la main me semble chaude; je la pose sur ma poitrine, qui est chaude, la main me semble glac?e.
Lorsqu'il s'agit d'appr?cier le degr? de chaleur ou de froid de l'air, que nous ne pouvons toucher directement, les erreurs sont encore plus faciles. L'impression produite sur l'organisme entier d?pend alors de mille circonstances: de notre ?tat de sant? ou de maladie, des v?tements qui nous couvrent, de l'endroit d'o? nous sortons... De plus, la sensation ne laissant aucune trace, il est absolument impossible de comparer le froid ?prouv? ? deux ?poques diff?rentes, si peu ?loign?es qu'elles soient.
Aussi, d?s le dix-septi?me si?cle, les savants ont-ils senti le besoin d'imaginer un instrument pr?cis, susceptible de nous renseigner exactement sur le froid et le chaud, susceptible en m?me temps de traduire par des nombres l'?tat calorifique des divers corps avec lesquels on le met en contact: cet instrument se nomme le thermom?tre. Apr?s maintes transformations, il est arriv? ? la disposition que nous allons indiquer.
Si nous plongeons le petit appareil ainsi construit dans de l'eau chauff?e, nous remarquerons que le liquide s'?l?ve de plus en plus dans le col ? mesure que l'eau devient de plus en plus chaude. C'est qu'il se produit une augmentation de volume sous l'action de la chaleur: cet effet se nomme dilatation.
Qu'on enl?ve le feu, nous verrons le niveau baisser peu ? peu, pour revenir ? la hauteur primitive quand le refroidissement sera complet.
De l? il faut conclure: d'abord, que le liquide augmente de volume en s'?chauffant, diminue de volume en se refroidissant; ensuite, qu'? chaque ?tat calorifique du liquide correspond un volume d?termin?, de telle sorte que le niveau dans la tige reviendra le m?me chaque fois que l'appareil sera plac? dans les m?mes conditions de chaleur.
Nous pouvons donc, en marquant une graduation sur la tige, d?finir les divers ?tats calorifiques par les num?ros en face desquels s'arr?tera le liquide dans chaque cas.
Pour que les indications ainsi obtenues soient comparables entre elles, il suffit de faire des conventions auxquelles chacun se conformera.
Les conventions universellement adopt?es aujourd'hui sont fond?es sur les faits suivants: 1? Le thermom?tre, plong? dans la glace fondante, c'est-?-dire dans la glace plac?e depuis plusieurs heures dans une pi?ce chauff?e, s'arr?te ? un niveau fixe qui ne d?pend ni de l'origine de la glace, ni du froid ext?rieur, ni de la chaleur de l'appartement. En ce point, on place l'origine de la graduation, le degr? z?ro. 2? Le m?me appareil, plac? dans la vapeur d'eau bouillante, monte beaucoup plus haut par suite de la dilatation, et finit par s'arr?ter ? un nouveau point fixe, ind?pendant de l'eau choisie et du feu qui la fait bouillir. Ce second point fixe d?termine le centi?me degr? de la graduation.
L'espace compris entre les deux points fixes est divis? en cent parties ?gales, et l'on a le thermom?tre dit centigrade. La division est prolong?e au-dessus de 100 degr?s pour les chaleurs plus fortes que celle de l'eau bouillante, au-dessous de z?ro pour les froids plus grands que celui de la glace fondante.
Un thermom?tre gradu? d'apr?s ces principes ?tant plac? dans un lieu d?termin?, le liquide qu'il renferme s'?l?vera jusqu'? une certaine division: le num?ro de cette division est ce que l'on nomme la temp?rature du lieu.
Exemples: Dans une chambre, le mercure du thermom?tre s'arr?te en face de la division 12; on dit que la temp?rature de la chambre est de 12 degr?s centigrades au-dessus de z?ro, et cette temp?rature s'?crit +12?. Dehors, au contraire, le mercure s'arr?te en face de la division 8 au-dessous du z?ro; on dit que la temp?rature est de 8 degr?s centigrades au-dessous de z?ro, et cette temp?rature s'?crit -8?.
Bien d'autres conventions avaient ?t? successivement adopt?es avant celle que nous venons d'indiquer. Maintenant encore on se sert en certains pays de graduations nomm?es graduation Fahrenheit, graduation R?aumur. Nous n'en exposerons point les principes, parce qu'elles sont actuellement presque compl?tement abandonn?es. Du reste, pour ?viter toute confusion, nous rapporterons, dans le courant de cet ouvrage, toutes les temp?ratures ? la graduation centigrade.
Le liquide contenu dans le thermom?tre est tant?t du mercure, tant?t de l'alcool; mais, les bases de la graduation ?tant toujours les m?mes, la temp?rature indiqu?e dans chaque cas est la m?me, quel que soit le liquide choisi. Le mercure est le plus souvent employ? pour mesurer les hautes temp?ratures; mais comme il a l'inconv?nient de se solidifier ? la temp?rature de -40 degr?s, on le remplace par de l'alcool quand on veut ?tudier les froids excessifs.
LES GRANDS FROIDS
LIVRE PREMIER
LES EFFETS DU FROID
CHAPITRE PREMIER
ACTION DU FROID SUR L'HOMME.
Quand il se transporte du p?le ? l'?quateur, l'homme observe des temp?ratures bien diverses. Pendant ce long parcours, tout change autour de lui. A l'?quateur il voit, accompagnant la chaleur extr?me, des jours ?gaux aux nuits, une v?g?tation luxuriante, une flore et une faune nombreuses, des orages effroyables, des pluies torrentielles, des cyclones d?vastateurs. Dans les r?gions froides, ce sont des jours de plusieurs mois, des nuits presque sans fin, ? peine quelques animaux et quelques plantes; au lieu de for?ts, des amas de glaces ?ternelles, les pluies remplac?es par des neiges, les orages par des aurores bor?ales.
Pour ne citer que les points extr?mes de l'?chelle thermom?trique, M. Duveyrier a observ? dans le pays des Touaregs une chaleur de +67?.7 ? l'ombre, tandis qu'? Nijni-Kdinsk, en Sib?rie, on a eu ? supporter un froid de -62?.5. Ce qui donne un ?cart total de 130 degr?s. A ces deux temp?ratures si ?loign?es l'une de l'autre l'homme peut vivre, et la chaleur de son corps est sensiblement la m?me dans l'un et l'autre pays. Ce n'est qu'? cette condition, du reste, qu'il r?siste ? des climats si dissemblables, car la mort arrive tr?s rapidement d?s que la chaleur du corps s'?carte de quelques degr?s en plus ou en moins de sa temp?rature normale, qui est de +38 degr?s.
Comment cette temp?rature de notre corps peut-elle ainsi demeurer stationnaire? Comment l'homme ne s'?chauffe-t-il pas, de m?me que les substances inanim?es, quand il est dans un milieu chaud? Comment ne se refroidit-il pas quand il est plong? dans une atmosph?re glaciale?
Il semble d'autant plus difficile de s'expliquer la r?sistance ? la chaleur que, nous le savons, notre corps est le si?ge d'une combustion incessante, la respiration, produisant ? chaque instant une quantit? de chaleur consid?rable. Comment d?s lors concevoir que, chauff?s int?rieurement, plong?s ? l'ext?rieur dans un milieu ? temp?rature ?lev?e, nous ne nous ?chauffions pas tr?s rapidement?
Il n'en est rien pourtant. C'est que l'homme, pour se d?fendre, a plusieurs moyens ? sa disposition.
D'abord, l'habitant des pays chauds mange peu, et par suite respire peu. L'ennemi int?rieur, foyer qui ne peut s'?teindre compl?tement, ne produit que la quantit? de chaleur strictement n?cessaire ? l'entretien de la vie. Nous n'avons ? lutter que contre le r?chauffement ext?rieur.
Pour nous prot?ger, nous avons d'abord les v?tements, tout aussi propres ? arr?ter le chaud que le froid. Ces m?mes ?toffes qui, pendant l'hiver, emp?chent la chaleur de sortir des corps, emp?chent aussi dans les r?gions chaudes, et de la m?me mani?re, la chaleur ext?rieure de p?n?trer jusqu'? nous.
Outre les v?tements, cuirasse passive qui se laisserait traverser ? la longue, nous avons l'?vaporation, source active de froid r?pandue sur toute la surface de la peau, d?fense bien autrement efficace.
Chacun sait que l'?vaporation d'un liquide produit du froid, et un froid souvent consid?rable. Qui n'a v?rifi?, en effet, que si on se mouille en ?t? les mains et le visage, on ?prouve bient?t une sensation de fra?cheur d?licieuse due ? l'?vaporation de l'eau. Quelques gouttes d'?ther, liquide tr?s volatil, vers?es sur la main d?terminent par leur ?vaporation un froid quelquefois assez intense pour amener l'insensibilit?.
C'est au moyen du froid produit par l'?vaporation du gaz ammoniac liqu?fi? qu'on arrive actuellement, dans l'appareil Carr?, ? obtenir la glace industriellement ? tr?s bas prix pendant l'?t?.
Eh bien, la surface de la peau est constamment, mais surtout pendant l'?t?, le si?ge d'une ?vaporation consid?rable. C'est elle qui garantit notre corps d'une ?l?vation de temp?rature qui ne tarderait pas ? lui ?tre funeste. Quand le danger devient plus grand, les glandes sudoripares produisent abondamment un liquide qui ruisselle sur le corps. Cette sueur, par son ?vaporation rapide, maintient l'?quilibre de temp?rature n?cessaire ? notre existence.
L'action combin?e des v?tements et de l'?vaporation de la sueur est telle, que nous pouvons supporter non seulement des temp?ratures de 62 degr?s, mais des temp?ratures de 120 degr?s, 130 degr?s, de beaucoup sup?rieures ? celle de l'eau bouillante. Pour n'en citer qu'un exemple, en 1874, neuf observateurs p?n?tr?rent dans une chambre chauff?e ? 128 degr?s et y demeur?rent huit minutes. Dans cette chambre on avait plac?, ? c?t? des observateurs, des oeufs qui ne tard?rent pas ? bouillir, un bifteck qui fut rapidement cuit, de l'eau qui entra presque imm?diatement en ?bullition.
Cependant ces d?fenses ne sont efficaces que si la grande chaleur ne se maintient pas trop longtemps; et elles deviennent insuffisantes pour toute temp?rature un peu sup?rieure ? 38 degr?s qui serait longtemps prolong?e. Ainsi, l'abb? Gaubil rapporte que, du 14 au 23 juillet 1743, par une temp?rature soutenue de 40 degr?s, 11400 personnes moururent de chaud dans les rues de P?kin.
Quand il s'agit de se garantir du refroidissement, le probl?me semble plus facile; et, en effet, la protection peut ?tre plus efficace.
C'est que le foyer int?rieur de la respiration compense en partie les pertes caus?es par le rayonnement de notre corps dans un air trop froid. Aussi notre premier moyen de lutter contre le froid est dans l'activit? plus grande que prend la respiration. Cette activit? sera encore exalt?e par le mouvement, l'exercice continuel, qui est comme le courant d'air qui avive la combustion.
L'exercice, en effet, a pour action de d?terminer une circulation plus active du sang, un renouvellement plus rapide de l'air qu'il renferme, et de doubler dans certains cas la somme de chaleur qui se produit au dedans de nous. Mais, de m?me qu'un courant d'air violent n'activera le feu que si le combustible ne manque pas, de m?me l'exercice n'activera la respiration d'une mani?re permanente que si nous fournissons au sang des mat?riaux susceptibles d'?tre br?l?s. De l? la n?cessit? d'une alimentation abondante quand on a ? lutter contre le froid, et tout aussi bien d'une alimentation convenablement choisie. Les viandes, les substances grasses surtout, devront ?tre mang?es en abondance.
Les habitants des r?gions polaires sont dou?s d'un app?tit f?roce; ils mangent, ou plut?t ils d?vorent une quantit? prodigieuse d'aliments, parmi lesquels les huiles et les graisses, ?minemment propres ? produire de la chaleur, sont pr?pond?rantes.
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