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Read Ebook: Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies by Aimard Gustave

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Ebook has 1286 lines and 45379 words, and 26 pages

LE LION DU D?SERT

Sc?nes de la vie indienne dans les prairies

Par

GUSTAVE AIMARD

PARIS

ALEXANDRE CADOT, ?DITEUR

MONSIEUR ERNEST MANCEAUX

CONSEILLER D'?TAT

Ce livre est d?di?, comme t?moignage de

respectueuse reconnaissance,

Par l'auteur,

GUSTAVE AIMARD.

Viry-Ch?tillon, 25 ao?t 1864.

LE LION DU D?SERT

Sc?nes de la vie indienne dans les prairies

LE RANCHO

Or, le 5 mars 1855, jour o? commence cette histoire, entre trois et quatre heures du soir, deux cavaliers bien mont?s entraient au grand trot dans le presidio.

Le premier ?tait un homme de quarante-cinq ? cinquante ans; sa taille haute, ses membres vigoureux et bien attach?s indiquaient une force et une agilit? peu communes; son teint ?tait bronz?, et ses traits durs et hautains d?celaient presque la cruaut?; un air de franchise qui rayonnait dans ses yeux temp?rait n?anmoins cette expression et r?pandait m?me sur sa physionomie un charme dont il ?tait difficile de se d?fendre; le bas de son visage ?tait couvert d'une barbe noire et touffue, et d'?paisses boucles d'une longue chevelure brune m?l?es par places de fils argent?s, s'?chappaient de son chapeau de paille ? larges bords et tombaient en d?sordre sur ses fortes ?paules. Son costume, en partie recouvert d'un zarap? aux mille couleurs, et d'un tissu d'une finesse extr?me, ressemblait ? celui des riches hacenderos. Son large pantalon de velours violet, garni d'une profusion de boutons d'or cisel?s avec art, et ouvert ? la hauteur du genou, laissait voir ses bottines de daim aux talons desquelles sonnaient ces lourds ?perons d'argent dont les molettes, larges comme des soucoupes, obligent ? marcher sur la pointe du pied; sa veste, d'une ?toffe et d'une couleur semblables au pantalon, ne lui descendait que de quelques pouces au-dessous des aisselles, et permettait d'entrevoir la fine chemise de batiste que fermait sur sa poitrine un superbe diamant; une ceinture de soie rouge richement brod?e, et dans laquelle ?taient pass?s un revolver ? six coups, un poignard et une hache, lui serrait les hanches, et un rifle damasquin? d'argent ?tait pos? en travers de sa selle. Cet individu se nommait don L?pez Arriaga.

Son compagnon portait un costume ? peu pr?s semblable au sien. C'?tait un grave et long personnage ? la figure taill?e en fer de hache, et qui r?pondait au nom de don Juan Venado.

--Que vous ai-je annonc?, se?or Venado? dit d'un ton satisfait don L?pez ? son compagnon; vous le voyez, nous arrivons juste au bon moment: personne n'est l? pour nous espionner.

--Qui sait? r?pondit l'autre; croyez-moi, se?or don L?pez, dans les villes il y a toujours quelqu'un aux aguets pour voir ce qui ne le regarde pas, et en rendre compte ? sa mani?re.

--Je n'en doute pas. Mais je crois que nous sommes arriv?s enfin au rancho du se?or P?p? Na?p?s: ce doit ?tre cette hideuse masure, si je ne me trompe.

--En effet, c'est ici que nous avons affaire, pourvu que le dr?le n'ait pas oubli? le rendez-vous que je lui ai donn?. Attendez, se?or don Juan, je vais lui faire le signal convenu.

--Ce n'est pas la peine, se?or don L?pez, vous savez bien que je suis toujours aux ordres de votre seigneurie quand il lui pla?t de penser ? moi, r?pondit une voix railleuse partant de l'int?rieur du rancho dont la porte s'ouvrit et laissa voir dans son entreb?illement la haute stature et la figure intelligente de P?p? Na?p?s lui-m?me.

Les deux Mexicains, fatigu?s d'une longue route, s'assirent sur un banc adoss? au mur et attendirent le retour de leur h?te en tordant entre leurs doigts une cigarette de ma?s.

L'endroit dans lequel ils se trouvaient n'avait rien de bien attrayant. C'?tait une grande salle perc?e de deux fen?tres garnies de forts barreaux de fer dont les vitraux crasseux ne laissaient p?n?trer qu'un jour incertain; ses murs nus et enfum?s ?taient couverts d'images enlumin?es repr?sentant divers sujets de saintet?; le mobilier ne se composait que de trois ou quatre tables boiteuses et d'autant de bancs. Quant au plancher, c'?tait tout simplement le sol battu, mais rendu raboteux par la boue qu'avaient apport?e les pieds des chalands. Une porte soigneusement ferm?e conduisait ? une chambre int?rieure dans laquelle couchait le ranchero; une autre porte faisait face ? la premi?re: ce fut par celle-l? que rentra P?p? d?s qu'il eut donn? ses soins aux chevaux des voyageurs.

--Eh bien! se?ores, cria-t-il de la porte, quoi de nouveau? Le g?n?ral Alvarez se pr?pare-t-il ? battre Santa Anna, ou celui-ci s'est-il enfin empar? de son comp?titeur?

--Ma foi, r?pondit don L?pez, je n'en sais rien et je ne m'en occupe gu?re. Nous avons ? parler d'affaires plus int?ressantes.

L'eau-de-vie fut vers?e ? pleins bords et absorb?e d'un trait.

--Oui, interrompit P?p? avec un soupir, nous sommes de vieux amis.

--C'est vrai, r?pondit poliment don Juan, nous avons pass? de bonnes heures ensemble ? M?xico.

--Moi aussi je connais don Juan de longue date, poursuivit don L?pez en jetant un regard amical sur son compagnon; aussi n'ai-je pas h?sit? ? lui confier qu'un Indien nous ayant r?v?l? ? vous et ? moi, se?or P?p?, un riche placer, nous avons form? le projet de r?unir une troupe d'hommes r?solus afin de nous en emparer. Le se?or don Juan, dont vous connaissez la discr?tion, comprit que nous ne voulions pas faire la fortune du gouvernement aux d?pens de la n?tre, et que, par cons?quent, l'exp?dition devait ?tre pr?par?e dans le plus grand secret; car Dieu sait les embarras que nous occasionnerait une parole l?g?re en ce moment o? le monde entier ne r?ve que placers, mines d'or, etc., et o? tous les jours l'Europe vomit sur l'Am?rique des nu?es de vagabonds avides de s'engraisser ? nos d?pens.

--Puissamment raisonn?, observa P?p? d'un air convaincu.

--Je suis en tous points de votre avis, se?or don L?pez; et maintenant qu'avez-vous r?solu?

--Nous n'avons pas de temps ? perdre, reprit le Mexicain; ce soir m?me nous nous mettrons en route: qui sait si d?j? nous n'avons pas diff?r? trop longtemps notre d?part? Peut-?tre quelques-uns de ces vagabonds d'Europe dont je vous ai parl? ont-ils d?couvert notre placer: ces mis?rables ont un flair particulier pour trouver l'or.

--?Caray! mon ma?tre, s'?cria P?p? en frappant du poing sur la table; ce serait ? devenir fou: une affaire si bien combin?e et si bien men?e jusqu'ici!

--J'y ai autant d'int?r?t que vous, se?or P?p?, r?pondit don L?pez avec un aplomb superbe; vous savez que de malheureuses sp?culations m'ont fait perdre toute ma fortune: je veux la r?tablir d'un seul coup.

Pour ces diff?rentes raisons et bien d'autres encore, le se?or don L?pez ?tait le seul homme capable de mener ? bien la difficile exp?dition qu'ils allaient entreprendre, et le se?or P?p? Na?p?s, lui aussi, avait de rudes revanches ? prendre contre le mont?; aussi eut-il l'air d'ajouter la foi la plus compl?te ? ce qu'il plut au se?or don L?pez de dire touchant sa fortune perdue.

--Mais, dit-il apr?s une seconde de r?flexion, et la femme, qu'en faisons-nous?

--La femme?

--Oui.

--Eh bien! nous...

En ce moment, deux coups vigoureux retentirent sur la porte soigneusement verrouill?e. Don L?pez s'interrompit.

--Faut-il ouvrir? demanda P?p?.

--Oui, r?pondit don Juan; h?siter ou refuser pourrait donner l'?veil; dans notre position, il faut tout pr?voir.

Don L?pez consentit d'un signe de t?te, et le ranchero alla ouvrir la porte, contre laquelle on continuait de frapper comme si l'on avait l'intention de la jeter bas.

Un homme emboss? dans un large manteau, et les ailes du chapeau rabattues sur les yeux, entra dans la salle.

--Une bouteille d'aguardiente, r?pondit l'?tranger en s'installant dans l'endroit le plus obscur de la salle.

D?s qu'il fut servi, il se versa un verre d'eau-de-vie qu'il but, et, appuyant sa t?te sur sa main, il sembla se plonger dans de s?rieuses r?flexions, sans s'occuper davantage des gens qui se trouvaient aupr?s de lui.

Cependant l'arriv?e de l'inconnu avait glac? la faconde de nos trois personnages, qui, les bras crois?s et le dos au mur, restaient mornes et silencieux, comme s'ils eussent pressenti que cet homme ?tait un ennemi; ils attendaient avec anxi?t? ce qui allait se passer. Enfin don Juan, voulant savoir ? quoi s'en tenir sur le compte de ce myst?rieux individu, se leva, remplit r?solument son verre et se tournant vers l'?tranger toujours impassible en apparence:

--Se?or caballero, lui dit-il avec cette politesse que poss?dent ? un si supr?me degr? tous les Mexicains, j'ai l'honneur de boire ? votre sant?.

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