Read Ebook: Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies by Aimard Gustave
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Ebook has 1286 lines and 45379 words, and 26 pages
--Se?or caballero, lui dit-il avec cette politesse que poss?dent ? un si supr?me degr? tous les Mexicains, j'ai l'honneur de boire ? votre sant?.
A cette invitation, l'inconnu leva lentement la t?te, fixa un instant les yeux sur son interlocuteur, et lui r?pondit d'une voix s?che et br?ve:
--C'est inutile, se?or don Juan, car je ne boirai pas ? la v?tre; ce que je dis ? vous, ajouta-t-il en appuyant sur ces mots, le se?or don L?pez Arriaga, peut ?galement le prendre pour lui, si bon lui semble.
--Qu'est-ce ? dire, se?or? demanda don L?pez en se levant avec violence. Auriez-vous l'intention de m'insulter?
--Il y a des gens avec lesquels on ne peut avoir cette intention, reprit l'inconnu d'une voix incisive. Mais, se?ores, continuez donc votre conversation. Elle ?tait, ? mon arriv?e, des plus int?ressantes: vous parliez, je crois, d'une exp?dition que vous pr?parez, et m?me n'?tait-il pas question, ? l'instant o? je suis entr?, d'une femme indienne que votre digne associ?, le seigneur P?p? Na?p?s, a enlev?e pour votre compte, et qui doit, je le suppose, vous servir d'otage aupr?s de ses compatriotes? Que je ne vous d?range pas; je serais charm?, au contraire, de savoir ce que vous comptez faire de cette jeune femme.
Aucune expression ne saurait rendre le sentiment de stupeur et d'?pouvante qui s'empara des trois associ?s ? cette r?v?lation accablante et impr?vue de leurs projets. Un instant ils se figur?rent avoir affaire au g?nie du mal, et firent simultan?ment le geste de se signer. Mais don L?pez et don Juan ?taient des hommes qu'un ?v?nement, si grave qu'il fut, ne pouvait longtemps abattre; le premier moment pass?, il se raidirent, et, l'?tonnement faisant place ? la col?re, don Juan tira de sa botte vaquera un couteau ? lame bien ac?r?e, et fut se placer devant la porte, afin de barrer le passage ? l'inconnu; tandis que don L?pez, le sourcil fronc? et le machette ? la main, s'avan?ait r?solument vers la table derri?re laquelle leur ?trange interlocuteur, debout et les bras crois?s, semblait les d?fier apr?s les avoir si cruellement raill?s.
--Qui que vous soyez, se?or caballero, dit don L?pez en s'arr?tant ? deux pas de son adversaire, le hasard vous a rendu ma?tre d'un secret qui tue, et vous allez mourir.
--Vous croyez, se?or don L?pez? r?pondit l'autre avec un sourire ironique.
-D?fendez-vous si vous ne voulez pas que je vous assassine; car, vive Dieu! je n'h?siterais pas, je vous en pr?viens.
--Je le sais, dit l'inconnu, et je ne serais pas la premi?re personne que vous tueriez l?chement; les mornes et les quebradas de la Sierra Nevada ont entendu d?j? les cris d'agonie de vos victimes.
A cette allusion faite par l'inconnu ? un crime que don L?pez croyait ignor? de tous, une p?leur livide envahit son visage, un tremblement convulsif agita tous ses membres. Il poussa un cri de rage et se pr?cipita sur l'?tranger. Celui-ci attendit impassible le choc qui le mena?ait; mais, d?s que don L?pez fut ? sa port?e, il se d?barrassa vivement de son manteau et le jeta sur la t?te de son ennemi, qui roula sur le sol sans pouvoir se d?livrer de l'?toffe maudite qui l'enveloppait comme un r?seau inextricable.
D'un bond l'?tranger sauta par dessus la table, et, sans plus s'occuper de don L?pez, il se dirigea vers la porte; mais l?, il trouva don Juan, qui, s'?lan?ant sur lui, chercha ? lui enfoncer son couteau dans la poitrine. Sans se d?concerter, l'inconnu saisit le poignet de son agresseur, et, avec une force que celui-ci ?tait loin de soup?onner, il lui tordit le bras de telle fa?on que ses doigts se d?tendirent, et qu'il laissa ?chapper le couteau avec un cri de douleur.
L'?tranger le ramassa, et, serrant don Juan ? la gorge:
Et, appuyant la pointe du couteau sur le visage bl?mi du Mexicain, il lui fit deux entailles en forme de croix qui lui partag?rent la figure dans toute sa longueur.
--Au revoir, dit-il en jetant le couteau avec d?go?t, nous nous retrouverons dans la Prairie!
Et, s'?lan?ant hors de la salle, il disparut.
Lorsque les trois hommes se retrouv?rent seuls, une expression de rage impuissante et de haine mortelle contracta leur visage.
--Oh! s'?cria don L?pez en grin?ant des dents et en montrant le poing au ciel, je me vengerai!
--Et moi! murmura don Juan d'une voix sourde en ?tanchant le sang qui souillait son visage.
--C'est ?gal, dit ? part lui P?p? Na?p?s en jetant sur ses compagnons un regard de compassion ironique, je ne le connais pas, mais, caray! c'est un rude homme!
Fermiers.
Sac de noix .
Auberge.
Fa?on de se saluer dans la nouvelle Espagne.
Herbe qui ressemble au tr?fle.
Chercheurs d'or.
Jeu de cartes.
Lazzarone.
Mani?re de saluer qui ?quivaut ? un bonsoir.
Dieu vous le donne bon.
LES CHASSEURS DE BISONS.
A deux lieues au plus de Santa F?, dans une clairi?re situ?e sur le bord de la petite rivi?re qui borde le presidio, le soir du jour o? s'?taient pass?s les ?v?nements que nous venons de rapporter, six hommes aux traits durs, profond?ment accentu?s, et portant le costume des chasseurs de bisons, c'est-?-dire le chapeau ? larges bords, la veste de velours garnie de r?ales perc?es en guise de boutons, la culotte serr?e aux hanches par une ceinture de soie rouge, les bottes vaqueras et le zarap? bariol?, ?taient r?unis autour d'un grand feu qu'ils entretenaient avec soin et causaient entre eux tout en s'occupant activement des pr?paratifs de leur souper. Frugal repas, du reste, que ce souper! Il se composait d'une bosse de bison, produit de leur chasse, de quelques patates et de tortillas de ma?s cuites sous la cendre: le tout arros? d'eau de smilax et d'aguardiente.
La nuit ?tait sombre, de gros nuages noirs couraient lourdement dans l'espace, interceptant parfois les rayons blafards de la lune, qui ne r?pandait qu'une lueur incertaine. Le paysage ?tait noy? dans ces flots d'?paisses vapeurs qui, dans les pays ?quatoriaux, s'exhalent de la terre ? la suite d'une chaude journ?e. Le vent soufflait violemment au travers des arbres, dont les branches s'entrechoquaient avec un bruit sinistre, et, dans les profondeurs des bois, les miaulements des chats sauvages se m?laient aux glapissements des carcajous et aux hurlements des pumas et des jaguars.
--Je crois que la nuit sera mauvaise, dit un des chasseurs tout en retournant les patates dont il surveillait la cuisson.
--Je suis de votre avis, Fleur-de-Gen?t, r?pondit un grand homme sec en ce moment occup? ? rendre le m?me service ? la bosse de bison; le soleil ?tait, ? son coucher d'une couleur de cuivre qui ne pr?sage rien de bon.
--Entre nous, Castor, j'ai bien peur que le Faucon-Noir n'ait commis une faute en allant trouver seul ce mis?rable L?pez.
--Fr?re, vous savez que je n'ai pas approuv? cette d?marche; mais le Faucon est prudent, et il aura su sortir des griffes de cet homme.
--Dieu le veuille! cependant vous conviendrez que, pour de vieux coureurs de bois, nous avons agi en v?ritables enfants en nous fourrant ? l'?tourdie dans un v?ritable gu?pier dont je ne vois pas comment nous sortirons.
--Bah! fit le Castor, avec un bon rifle et un oeil s?r on vient ? bout de bien des choses, et sept hommes d?termin?s en valent cinquante dans la Prairie. Et puis, pouvions-nous laisser notre fils adoptif sans secours lorsqu'il r?clamait notre aide?
Tous les chasseurs se r?cri?rent en protestant de leur d?vouement au Faucon-Noir.
--Depuis vingt ans que nous arpentons les llanos dans tous les sens, reprit le Castor, notre plus grande joie a ?t? de voir grandir ? nos c?t?s et devenir un hardi et vigoureux chasseur l'enfant ch?tif et malingre que nous avons sauv? si miraculeusement lors de l'incendie de l'hacienda del Toro. Nous avons fait le serment solennel de nous d?vouer ? son bonheur: le moment est arriv?, h?siterons-nous?
--Nous ne le pouvons ni ne le devons, dit Fleur-de-Gen?t.
--Bien parl?! s'?cria le Castor. Et maintenant, fr?res, soupons.
La bosse de bison fut tir?e du feu, pos?e sur une large feuille d'abanijo au milieu du cercle form? par les chasseurs. Chacun s'arma de son couteau, et ils commenc?rent ? manger de bon app?tit.
--Cette affaire de l'hacienda n'a jamais ?t? bien ?claircie, dit l'un d'eux en engloutissant une ?norme tranche de bison saupoudr?e de piment, et, dans l'int?r?t de l'enfant, peut-?tre aurions-nous d? faire des recherches.
--Chut! r?pondit le Castor en baissant la voix, T?o Perico et moi nous nous en sommes occup?s. Croyez-vous donc que je n'aie pas song? comme vous ? retrouver la famille de notre cher enfant?
--Eh bien, demanda un des chasseurs, qui ?tait rest? silencieux jusque-l? et qu'on appelait le Grand-Li?vre, qu'avez-vous d?couvert?
--H?las! r?pondit T?o Perico, en secouant tristement la t?te, ce que nous avons appris se borne ? bien peu de chose.
--Oui, interrompit le Castor, ? force d'interroger ?? et l? les voisins de l'hacienda del Toro, ce qui n'?tait pas facile, voici ? quoi se bornent les renseignements que nous avons recueillis: Le p?re du Faucon-Noir se nommait don Gutierrez de la Fuente; c'?tait un homme riche et consid?r? dans le pays, qu'il n'habitait, du reste, que depuis peu de temps, sans que l'on s?t d'o? il ?tait venu. Le jour de l'incendie,--que l'on suppose ?tre le r?sultat d'une vengeance,--des personnes dignes de foi nous ont assur? l'avoir aper?u, lorsque tout espoir de sauver sa demeure fut ?vanoui, prendre la route des Prairies sur un cheval, emportant sur le devant de sa selle le cadavre ? demi calcin? de sa femme. Depuis ce jour, nul n'a revu don Gutierrez. Est-il mort de d?sespoir dans quelque lieu retir? de la Pampa? Vit-il encore? Voil? ce que personne ne saurait dire.
--Et rien qui puisse nous mettre sur la trace de ce myst?re! dit Fleur-de-Gen?t. Et puis quand m?me, chose impossible, le Faucon retrouverait son p?re, comment s'en ferait-il reconna?tre, apr?s vingt ans pass?s?
--Avez-vous donc oubli?, r?pondit vivement le Grand-Li?vre, que, lorsque nous sauv?mes l'enfant, il portait au cou un scapulaire de velours bleu brod? d'argent contenant des reliques?
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