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Read Ebook: Mémoires de l'Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même by Catherine II Empress Of Russia

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Ebook has 305 lines and 93849 words, and 7 pages

La conduite, la mineure;

La fortune ou l'infortune, la conclusion.

En voici deux exemples frappants:

Cette cour de Holstein, arriv?e en Russie, y fut bient?t suivie par une ambassade Su?doise qui venait demander ? l'Imp?ratrice son neveu pour succ?der au tr?ne de Su?de. Mais Elisabeth, qui avait d?j? d?clar? ses intentions par les pr?liminaires de la paix d'Abo, comme il est dit ci-dessus, r?pondit ? la di?te de Su?de qu'elle avait d?clar? son neveu h?ritier du tr?ne de Russie, et qu'elle s'en tenait aux pr?liminaires de la paix d'Abo, qui donnaient ? la Su?de le prince-administrateur de Holstein pour h?ritier pr?somptif ? la couronne. .

Dans son appartement int?rieur le grand-duc, d'abord, ne s'occupait d'autre chose que de faire faire l'exercice militaire ? une couple de domestiques qui lui avaient ?t? donn?s pour le service de la chambre. Il leur donnait des grades et des rangs, et les d?gradait selon sa fantaisie. C'?taient de vrais jeux d'enfants et un enfantillage continuel. En g?n?ral il ?tait tr?s enfant, quoiqu'il e?t d?j? seize ans. L'ann?e 1744, la cour de Russie ?tant ? Moscou, Catherine II y arriva avec sa m?re, le 9 f?vrier.

La cour de Russie se trouvait divis?e alors en deux grandes fractions ou parties. A la t?te de la premi?re, qui commen?ait ? se relever de son abaissement, ?tait le vice-chancelier comte Bestoujeff Rumine. Il ?tait infiniment plus craint qu'aim?, excessivement intrigant et soup?onneux, ferme et intr?pide dans ses principes, pas mal tyrannique, ennemi implacable, mais ami de ses amis, qu'il ne quittait que quand ceux-ci lui tournaient le dos; d'ailleurs difficile ? vivre et souvent minutieux. Il ?tait ? la t?te du d?partement des affaires ?trang?res. Ayant ? combattre les entours de l'Imp?ratrice, il avait eu du dessous avant le voyage de Moscou; mais il commen?ait ? se remettre. Il tenait pour la cour de Vienne, pour celle de Saxe, et pour l'Angleterre. L'arriv?e de Catherine II et de sa m?re ne lui faisait point plaisir: c'?tait l'ouvrage secret de la faction qui lui ?tait oppos?e. Les ennemis du comte Bestoujeff ?taient en grand nombre, mais il les faisait tous trembler. Il avait sur eux l'avantage de sa place et de son caract?re, qui lui en donnait infiniment sur les politiques de l'antichambre.

Le parti oppos? ? Bestoujeff tenait pour la France, sa prot?g?e la Su?de, et le Roi de Prusse. Le marquis de la Ch?tardie en ?tait l'?me. Les courtisans venus du Holstein en ?taient les matadores. Ils avaient gagn? Lestocq, un des principaux acteurs de la r?volution qui avait port? l'Imp?ratrice Elisabeth au tr?ne de Russie. Celui-ci avait une grande part dans sa confiance. Il avait ?t? son chirurgien depuis le d?c?s de l'Imp?ratrice Catherine I, ? laquelle il avait ?t? attach?; il avait rendu ? la m?re et ? la fille des services essentiels; il ne manquait ni d'esprit, ni de man?ges, ni d'intrigues, mais il ?tait m?chant et d'un coeur noir et mauvais. Tous ces ?trangers l'?paulaient et portaient en avant le comte Michel Woronzoff, qui avait aussi eu part ? la r?volution, et avait accompagn? Elisabeth la nuit qu'elle monta sur le tr?ne. Elle lui avait fait ?pouser la ni?ce de l'Imp?ratrice Catherine I, la comtesse Anna Karlovna Skavronsky, qui avait ?t? ?lev?e pr?s de l'Imp?ratrice Elisabeth, et qui lui ?tait tr?s attach?e. De cette faction encore s'?tait rang? le comte Alexandre Roumianzoff, le p?re du mar?chal, qui avait sign? la paix d'Abo avec la Su?de, paix pour laquelle Bestoujeff avait ?t? peu consult?. Ils comptaient encore sur le procureur-g?n?ral, Troubetzkoy, sur toute la famille Troubetzkoy, et par cons?quent sur le prince de Hesse-Hombourg, qui avait ?pous? une princesse de cette maison. Le prince de Hesse-Hombourg, tr?s consid?r? alors, n'?tait rien par lui-m?me, et sa consid?ration lui venait de la nombreuse famille de sa femme dont le p?re et la m?re vivaient encore: celle-ci ?tait fort consid?r?e.

Le reste des entours de l'Imp?ratrice consistait alors dans la famille Schouvaloff. Ceux-ci balan?aient en tout point le grand-veneur Razoumovsky qui, pour le moment, ?tait le favori en titre.

Le grand-duc parut se r?jouir de l'arriv?e de ma m?re et de la mienne. J'?tais dans ma quinzi?me ann?e. Pendant les premiers jours il me marqua beaucoup d'empressement. D?s-lors, et pendant ce court espace de temps, je vis et je compris qu'il ne faisait pas beaucoup de cas de la nation sur laquelle il ?tait destin? ? r?gner; qu'il tenait au luth?rianisme; qu'il n'aimait pas ses entours, et qu'il ?tait fort enfant. Je me taisais et j'?coutais, ce qui me gagna sa confiance. Je me souviens qu'il me dit, entre autres choses, que ce qui lui plaisait le plus en moi, c'?tait que j'?tais sa cousine, et qu'? titre de sa parente il pourrait me parler ? coeur ouvert; ensuite de quoi il me dit qu'il ?tait amoureux d'une des filles d'honneur de l'Imp?ratrice, qui avait ?t? renvoy?e de la cour lors du malheur de sa m?re, une madame Lapoukine, qui avait ?t? exil?e en Sib?rie; qu'il aurait bien voulu l'?pouser, mais qu'il ?tait r?sign? ? m'?pouser moi, parce que sa tante le d?sirait. J'?coutais ces propos de parentage en rougissant, et le remerciant de sa confiance pr?matur?e; mais au fond de mon coeur je regardais avec ?tonnement son imprudence et manque de jugement sur quantit? de choses.

Le dixi?me jour apr?s mon arriv?e ? Moscou, un samedi, l'Imp?ratrice s'en alla au couvent de Tro?tza. Le grand-duc resta avec nous ? Moscou. On m'avait d?j? donn? trois ma?tres: l'un, Simon Th?odorsky, pour m'instruire dans la religion grecque; l'autre, Basile Adadouroff, pour la langue russe; et Laud?, ma?tre de ballet, pour la danse. Pour faire des progr?s plus rapides dans la langue russe, je me levais la nuit sur mon lit, et, tandis que tout le monde dormait, j'apprenais par coeur les cahiers qu'Adadouroff me laissait. Comme ma chambre ?tait chaude et que je n'avais aucune exp?rience sur le climat, je n?gligeais de me chausser, et j'?tudiais comme je sortais de mon lit. Aussi d?s le quinzi?me jour je pris une pleur?sie qui pensa m'emporter. Elle se d?clara par un frisson qui me prit, le mardi, apr?s le d?part de l'Imp?ratrice pour le couvent de Tro?tza, au moment que je m'?tais habill?e pour aller diner avec ma m?re chez le grand-duc. J'obtins avec difficult? de ma m?re la permission d'aller me mettre au lit. Lorsqu'elle revint du diner elle me trouva presque sans connaissance, avec une forte chaleur et une douleur insupportable au c?t?. Elle s'imagina que j'allais avoir la petite v?role, envoya chercher des m?decins, et voulut qu'ils me traitassent en cons?quence. Ceux-ci soutenaient qu'il fallait me saigner. Elle ne voulut jamais y consentir, et dit que c'?tait en saignant son fr?re qu'on l'avait fait mourir de la petite v?role en Russie, et qu'elle ne voulait pas qu'il m'en arriv?t autant. Les m?decins et les entours du grand-duc, qui n'avaient pas eu la petite v?role, envoy?rent ? l'Imp?ratrice faire un rapport exact de l'?tat des choses, et je restai dans mon lit, entre ma m?re et les m?decins qui se disputaient, sans connaissance, avec une fi?vre brulante et une douleur au c?t? qui me faisait souffrir horriblement et pousser des g?missements pour lesquels ma m?re me grondait, voulant que je supportasse mon mal patiemment.

Enfin, le samedi soir, ? sept heures, c'est ? dire le cinqui?me jour de ma maladie, l'Imp?ratrice revint du couvent de Tro?tza, et en mettant pied ? terre de la voiture, elle entra dans ma chambre et me trouva sans connaissance. Elle avait ? sa suite le comte Lestocq et un chirurgien, et, apr?s avoir entendu l'avis des m?decins, elle s'assit elle-m?me sur le chevet de mon lit et me fit saigner. Au moment que le sang partit je revins ? moi, et en ouvrant les yeux, je me vis entre les bras de l'Imp?ratrice qui m'avait soulev?e. Je restai entre la vie et la mort pendant 27 jours, durant lesquels on me saigna seize fois, et quelquefois quatre fois dans un jour. On ne laissait presque plus entrer ma m?re dans ma chambre. Elle continuait d'?tre contre ces fr?quentes saign?es, et disait tout haut qu'on me faisait mourir. Cependant elle commen?ait ? ?tre persuad?e que je n'aurais pas la petite v?role. L'Imp?ratrice avait mis pr?s de moi la comtesse Roumianzoff et plusieurs autres femmes, et il paraissait qu'on se m?fiait du jugement de ma m?re. Enfin, l'abc?s que j'avais dans le c?t? droit creva par les soins du m?decin Sanch?s, Portugais. Je le vomis, et d?s ce moment je revins ? moi. Je m'aper?us tout de suite que la conduite qu'avait tenue ma m?re pendant ma maladie, l'avait desservie dans tous les esprits. Quand elle me vit fort mal, elle voulut qu'on m'amen?t un pr?tre luth?rien. On m'a dit qu'on me fit revenir, ou qu'on profita d'un moment o? je revins ? moi, pour m'en faire la proposition, et que je r?pondis: <> On me l'amena, et il parla avec moi, en pr?sence des assistants, d'une fa?on dont tout le monde fut content. Ceci me fit grand bien dans l'esprit de l'Imp?ratrice et de toute la cour. Une autre petite circonstance nuisit encore ? ma m?re. Vers P?ques, ma m?re, un matin, s'avisa de m'envoyer dire par une femme de chambre, de lui c?der une ?toffe bleu et argent que le fr?re de mon p?re m'avait donn?e, lors de mon d?part pour la Russie, parcequ'elle m'avait beaucoup plu. Je lui fis dire qu'elle ?tait la ma?tresse de la prendre; qu'il ?tait vrai que je l'aimais beaucoup, parceque mon oncle me l'avait donn?e, voyant qu'elle me plaisait. Ceux qui m'entouraient, voyant que je donnais mon ?toffe ? contre-coeur, et qu'il y avait si long-temps que j'?tais alit?e entre la vie et la mort, et un peu mieux seulement depuis une couple de jours, se mirent ? dire entr' eux qu'il ?tait bien imprudent ? ma m?re de causer ? une enfant mourante le moindre d?plaisir, et que bien loin de vouloir s'emparer de cette ?toffe, elle aurait mieux fait de n'en pas faire mention. On alla conter cela ? l'Imp?ratrice qui, sur le champ, m'envoya plusieurs pi?ces d'?toffes riches, superbes, et, entre autres, une bleu et argent; mais cela fit chez elle du tort ? ma m?re. On accusa celle-ci de n'avoir gu?re de tendresse pour moi, ni de m?nagement. Je m'?tais accoutum?e pendant ma maladie d'?tre les yeux ferm?s; on me croyait endormie, et alors la comtesse Roumianzoff et les femmes disaient entr' elles ce qu'elles avaient sur le coeur, et par l? j'apprenais quantit? de choses.

Comme je commen?ais ? me mieux porter, le grand-duc venait passer la soir?e dans l'appartement de ma m?re, qui ?tait aussi le mien. Lui et tout le monde avait paru prendre le plus grand int?r?t ? mon ?tat. L'Imp?ratrice en avait souvent vers? des larmes. Enfin, le 21 Avril 1744, jour de ma naissance, o? commen?ait ma 15i?me ann?e, je fus en ?tat de para?tre en public, pour la premi?re fois apr?s cette terrible maladie.

Je pense que tout le monde ne fut pas trop ?difi? de me voir. J'?tais devenue maigre comme un squelette; j'avais grandi, mais mon visage et mes traits s'?taient allong?s, les cheveux me tombaient, et j'?tais d'une p?leur mortelle. Je me trouvais moi-m?me laide ? faire peur, et je ne pouvais retrouver ma physionomie. L'Imp?ratrice, ce jour-l?, m'envoya un pot de rouge, et ordonna de m'en mettre.

Avec le printemps et les beaux jours cess?rent les assiduit?s du grand-duc chez nous. Il aimait mieux aller se promener et tirer dans les environs de Moscou. Quelquefois cependant il venait d?ner ou souper chez nous, et alors ses confidences enfantines vis-?-vis de moi continuaient, tandis que ses entours s'entretenaient avec ma m?re, chez qui il venait beaucoup de monde, et o? il y avait maint et maint pourparler qui ne laissait pas de d?plaire ? ceux qui n'en ?taient pas, et entre autres au comte Bestoujeff dont tous les ennemis ?taient rassembl?s chez nous, entre autres le marquis de la Ch?tardie, qui n'avait encore d?ploy? aucun caract?re de la cour de France, mais qui avait en poche ses lettres de cr?ance d'ambassadeur.

Au mois de mai, l'Imp?ratrice s'en alla de nouveau au couvent de Tro?tza, o? le grand-duc, moi, et ma m?re, nous la suiv?mes. L'Imp?ratrice, depuis quelque temps, commen?ait ? traiter ma m?re avec beaucoup de froideur. Au couvent de Tro?tza la cause s'en d?veloppa au clair. Une apr?s-d?ner que le grand-duc ?tait venu dans notre appartement, l'Imp?ratrice y entra ? l'improviste et dit ? ma m?re de la suivre dans l'autre appartement. Le comte Lestocq y entra aussi. Le grand-duc et moi nous nous ass?mes sur une fen?tre en attendant. Cette conversation dura tr?s longtemps, et nous v?mes sortir le comte Lestocq qui, en passant, s'approcha du grand-duc et de moi qui ?tions ? rire, et nous dit: <> Et puis, se tournant vers moi, il me dit: <> Le grand-duc voulut savoir pourquoi cela. Il r?pondit: <> et s'en alla faire le message dont il ?tait charg? et que j'ignorais. Il nous laissa, le grand-duc et moi, ? ruminer sur ce qu'il venait de nous dire. Les gloses du premier ?taient en paroles, les miennes en pens?es. Il disait: <> Je lui r?pondis: <> Je vis clairement qu'il m'aurait quitt?e sans regret. Pour moi, vu ses dispositions, il m'?tait ? peu pr?s indiff?rent; mais la couronne de Russie ne me l'?tait pas. Enfin la porte de la chambre ? coucher s'ouvrit, et l'Imp?ratrice en sortit avec un visage fort rouge et un air irrit?; et ma m?re la suivait avec les yeux rouges et mouill?s de pleurs. Comme nous nous h?tions de descendre de la fen?tre, o? nous nous ?tions juch?s, et qui ?tait assez haute, cela fit sourire l'Imp?ratrice qui nous embrassa tous les deux et s'en alla. Lorsqu'elle fut sortie nous appr?mes ? peu pr?s ce dont il ?tait question.

Le marquis de la Ch?tardie qui autrefois, ou, pour mieux dire, ? son premier voyage en mission en Russie, avait ?t? fort avant dans la faveur et la confidence de l'Imp?ratrice, au second voyage se trouva d?chu de ses esp?rances. Ses propos ?taient plus mesur?s que ses lettres: celles-ci ?taient remplies du fiel le plus aigre. On les avait ouvertes, d?chiffr?es; on y avait trouv? les d?tails de ses conversations avec ma m?re et avec beaucoup d'autres personnes, sur les affaires du temps, et sur le compte de l'Imp?ratrice; et comme le marquis de la Ch?tardie n'avait d?ploy? aucun caract?re, l'ordre fut donn? de le renvoyer de l'Empire. On lui ?ta l'ordre de St Andr? et le portrait de l'Imp?ratrice, mais on lui laissa tous les autres pr?sents en bijoux qu'il tenait de cette princesse. Je ne sais si ma m?re r?ussit ? se justifier dans l'esprit de l'Imp?ratrice, mais tant il y a que nous ne part?mes pas; toutefois ma m?re continua ? ?tre trait?e avec beaucoup de r?serve et tr?s froidement. J'ignore ce qui s'?tait dit entre elle et de la Ch?tardie, mais je sais qu'un jour il s'adressa ? moi et me f?licita d'?tre coiff?e en Moyse. Je lui dis que pour plaire ? l'Imp?ratrice je me coifferais de toutes les fa?ons qui pourraient lui plaire. Quand il entendit ma r?ponse, il fit une pirouette ? gauche, s'en alla d'un autre c?t?, et ne s'adressa plus ? moi.

Revenues ? Moscou avec le grand-duc nous f?mes plus isol?es, ma m?re et moi. Il venait chez nous moins de monde, et l'on me pr?parait ? faire ma confession de foi. Le 28 juin fut fix? pour cette c?r?monie, et le lendemain, jour de St Pierre, pour mes fian?ailles avec le grand-duc. Je me souviens que le mar?chal Brummer s'adressa, pendant ce temps, plusieurs fois ? moi pour se plaindre de son ?l?ve, et il voulait m'employer pour corriger ou redresser son grand-duc; mais je lui dis que cela m'?tait impossible, et que par l? je lui deviendrais aussi odieuse que ses entours lui ?taient d?j?. Pendant ce temps ma m?re s'attacha fort intimement au prince et ? la princesse de Hesse, et plus encore au fr?re de celle-ci, le chambellan de Retzky. Cette liaison d?plaisait ? la comtesse Roumianzoff, au mar?chal Brummer, et ? tout le monde, et tandis qu'elle ?tait avec eux dans sa chambre, le grand-duc et moi nous ?tions ? faire tapage dans l'antichambre, et, en pleine possession de celle-ci: tous les deux nous ne manquions pas de vivacit? enfantine.

Aux mois de juillet l'Imp?ratrice c?l?bra ? Moscou la f?te de la paix avec la Su?de, ? l'occasion de laquelle on me forma une cour comme grande-duchesse de Russie, fianc?e, et tout de suite apr?s cette f?te l'Imp?ratrice nous fit partir pour Kiev. Elle partit elle-m?me quelque jours apr?s nous. Nous allions ? petites journ?es, ma m?re et moi, la comtesse Roumianzoff et une dame de ma m?re dans le m?me carrosse; le grand-duc, Brummer, Berkholz, et Decken dans un autre. Une apr?s-diner le grand-duc, qui s'ennuyait avec les p?dagogues, voulut venir avec ma m?re et moi. D?s qu'il y fut, il ne voulut plus bouger de notre carrosse. Alors ma m?re, qui s'ennuya d'aller avec lui et moi tous les jours, imagina d'augmenter la compagnie. Elle communiqua son id?e aux jeunes gens de notre suite, parmi lesquels se trouvaient le prince Galitzine, depuis mar?chal de ce nom, et le comte Zachar Czernicheff. On prit une des voitures qui portaient nos lits, on y arrangea des bancs tout ? l'entour, et d?s le lendemain, le grand-duc, ma m?re et moi, le prince Galitzine, le comte Czernicheff, et encore un ou deux des plus jeunes de la suite y entr?rent; et c'est ainsi que nous f?mes le reste du voyage fort ga?ment pour ce qui regardait notre voiture; mais tout ce qui n'y entra pas fit schisme contre cet arrangement, qui d?plaisait souverainement au grand-mar?chal Brummer, au grand-chambellan Berkholz, ? la comtesse Roumianzoff, ? la dame de ma m?re, et ? tout le reste de la suite, parcequ'ils n'y entraient jamais, et tandis que nous riions pendant le chemin, ils pestaient et s'ennuyaient.

De cette mani?re nous arriv?mes au bout de trois semaines ? Koselsk, o? nous attend?mes trois autres semaines l'Imp?ratrice, dont le voyage avait ?t? retard? en route par plusieurs incidents. Nous appr?mes ? Koselsk, qu'en chemin il y avait eu plusieurs personnes d'exil?es de la suite de l'Imp?ratrice, et qu'elle ?tait de fort mauvaise humeur. Enfin ? la moiti? d'ao?t elle arriva ? Koselsk, et nous y rest?mes encore avec elle jusqu'? la fin d'ao?t. On y jouait, depuis le matin jusqu'au soir, au pharaon, dans une grande salle au milieu de la maison, et on y jouait gros jeu. Au reste tout le monde y ?tait fort ? l'?troit. Ma m?re et moi nous couchions dans la m?me chambre, la comtesse Roumianzoff et la dame de ma m?re dans l'antichambre, et ainsi du reste. Un jour que le grand-duc ?tait venu dans la chambre de ma m?re et la mienne, tandis qu'elle ?crivait et avait sa cassette ouverte ? c?t? d'elle, il voulut y fureter par curiosit?. Ma m?re lui dit de n'y pas toucher, et r?ellement il s'en alla sauter par la chambre d'un autre c?t?. Mais en sautant ?a et l? pour me faire rire, il accrocha le couvercle de la cassette ouverte et la renversa. Alors ma m?re se f?cha, et il y eut de grosses paroles entr'eux. Ma m?re lui reprochait d'avoir renvers? sa cassette de propos d?lib?r?, et lui il criait ? l'injustice, l'un et l'autre s'adressant ? moi et r?clamant mon t?moignage. Moi qui connaissais l'humeur de ma m?re, je craignais d'?tre soufflet?e si je n'?tais de son avis; et ne voulant ni mentir ni d?sobliger le grand-duc, je me trouvais entre deux feux. N?anmoins je dis ? ma m?re que je ne pensais pas qu'il y e?t de l'intention de la part du grand-duc, mais qu'en sautant son habit avait accroch? le couvercle de la cassette qui ?tait plac?e sur un fort petit tabouret. Alors ma m?re me prit ? partie, car quand elle ?tait en col?re il lui fallait quelqu'un pour quereller. Je me tus et me mis ? pleurer. Le grand-duc, voyant que toute la col?re de ma m?re tombait sur moi parceque j'avais t?moign? en sa faveur, et que je pleurais, accusa ma m?re d'injustice et traita sa col?re de furie; et elle lui dit qu'il ?tait un petit gar?on mal ?lev?. En un mot il est difficile de pousser plus loin la querelle, sans se battre cependant, qu'ils ne le firent tous les deux.

Depuis ce moment le grand-duc prit ma m?re en grippe, et jamais il n'oublia cette querelle. Ma m?re de son cot? aussi lui garda noise, et leur fa?on d'?tre l'un vis-?-vis de l'autre contracta de la g?ne, de la m?fiance, et une disposition ? l'aigreur. Ils ne s'en cachaient gu?re avec moi tous les deux. J'eus beau travailler ? les adoucir l'un et l'autre; je n'y r?ussis que dans des circonstances momentan?es. Pour se picoter l'un et l'autre avaient toujours tout pr?t quelque sarcasme ? l?cher. Ma situation devenait par l? tous les jours plus ?pineuse. Je t?chais d'ob?ir ? l'un et de complaire ? l'autre, et r?ellement le grand-duc avait alors avec moi plus d'ouverture de coeur qu'avec personne, car il voyait que souvent ma m?re me prenait ? partie, quand elle ne pouvait s'accrocher ? lui. Ceci ne me desservit point chez lui, parcequ'il se crut s?r de moi.

Enfin le 29 ao?t nous entr?mes dans Kiev. Nous y rest?mes dix jours, apr?s lesquels nous repart?mes pour Moscou, de la m?me mani?re absolument que nous y ?tions venus.

Arriv?s ? Moscou, tout cet automne se passa en com?dies, ballets, et mascarades ? la cour. Malgr? cela on voyait que l'Imp?ratrice avait souvent beaucoup d'humeur. Un jour que nous ?tions ? la com?die dans une loge vis-?-vis de Sa Majest?, ma m?re et moi avec le grand-duc, je remarquai que l'Imp?ratrice parlait avec beaucoup de chaleur et de col?re au comte Lestocq. Quand elle e?t fini, M. Lestocq la quittant vint dans notre loge, s'approcha de moi et me dit: <> Je lui dis que oui. <> dit-il, <>--<> fut ma r?ponse. <> dit-il, <> Il me dit tout cela d'un air f?ch? et sec, afin qu'elle v?t de sa loge, apparemment, comment il s'acquittait de sa commission. Les larmes me vinrent aux yeux et je me tus. Apr?s qu'il e?t tout dit il s'en alla. Le grand-duc, qui ?tait ? c?t? de moi et qui avait entendu ? peu pr?s notre conversation, apr?s m'avoir demand? ce qu'il n'avait pas entendu, par des mines me donna ? conna?tre plut?t que par des paroles, qu'il entrait dans l'esprit de madame sa tante, et qu'il n'?tait pas f?ch? qu'on m'eut grond?e. Ceci ?tait assez sa m?thode, et alors il croyait se rendre agr?able ? l'Imp?ratrice en entrant dans son esprit quand elle se f?chait contre quelqu'un. Pour ma m?re, quand elle apprit de quoi il ?tait question, elle dit que ce n'?tait qu'une suite des peines qu'on s'?tait donn?es pour me tirer de ses mains, et que, comme on m'avait mise sur le pied d'agir sans la consulter, elle s'en lavait les mains. Ainsi l'un et l'autre se rang?rent contre moi.

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