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Read Ebook: Chacune son Rêve by Lesueur Daniel

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Ebook has 2389 lines and 78182 words, and 48 pages

--Hein?... Qu'est-ce...? Que me voulez-vous?... Ah! c'est vrai...>>

Et, sautant dans la voiture:

--<>

La course rapide, dans l'air vif, le restituait ? son r?ve. Toutefois, une ordonnance, une logique, des d?ductions s'esquiss?rent dans ce net esprit.

Et, d'abord, quelle attitude devait-il adopter? Quelles r?solutions prendre?

Le message posthume de Francine,--d?couvert le matin m?me, par un si prodigieux hasard, entre les feuillets de l'ancien livre de prix, dans la petite maison de Claire-Source, lui parvenait dans un moment critique.

Eh quoi!... ce manuscrit mille fois pr?cieux, il ?tait en partie la cause d'une nouvelle fatalit?. N'?tait-ce pas l'affolement de l'avoir trouv?,--enfin!--qui, distrayant Raymond de sa vigilance, avait permis le rapt de l'enfant? L'enfant... Toute l'attention ardente de Delchaume se concentra soudain sur lui. Que serait-il d?sormais, ce petit Fran?ois?--le petit Serge de nounou Favier--Serge... naturellement... Le dernier mot... presque le seul mot, de sa m?re. La raison apparaissait pour laquelle Francine, sa marraine, l'avait baptis? ainsi.

Mais il n'?tait plus question de Serge, n? de p?re et m?re inconnus. Raymond, dans son incomparable amour, dans son immense piti? pour la morte, avait fait sien cet enfant qu'il supposait celui de Francine. Reconnu par lui, Fran?ois Delchaume ?tait l?galement son fils. Et on le lui avait pris! Qui? Nul doute. L'auteur de l'enl?vement ne s'en cachait pas. Cette carte de visite, la carte du prince Boris Omiroff, signait le crime.

Boris Omiroff...

Comme, tout ? l'heure, l'image de l'enfant, voil? celle de l'insultant ennemi qui s'?voquait... Raymond fixa mentalement sa vision ?tonn?e sur ce visage. Quel changement encore! La perspective se transformait. Tout se d?pla?ait: les ?tres, les sentiments, les rapports. Cette physionomie du Russe, la face agressive, la haute silhouette, la brutale beaut?, il pouvait donc maintenant contempler cela sans l'atroce ?vocation... sans que surgisse ? c?t?, comme une vapeur qui se condenserait, qui, peu ? peu, prendrait une figure de femme...--supplice sans nom!--celle de Francine, et qui, malgr? tout l'effort de sa volont?, glisserait, caressante... caress?e... entre les bras... Ah! cela... c'?tait fini. Jamais plus!... jamais plus!... Raymond en purifiait sa pens?e... Ce prince abominable... elle ne lui avait pas appartenu... <>

Le ha?ssait-il moins?

Non. Sa haine ?voluait, ne diminuait pas. A cette image, une autre se substituait,--d'horreur moindre--mais tout aussi d?testable d'audace, de cruaut?. L'homme, au pied du lit de l'accouch?e, cet homme de haute taille, despote arrogant,--c'?tait bien lui! Combien reconnaissable sous le masque! Raymond le voyait, dans la chambre inconnue, la chambre saccag?e par son ordre, avec une victime agonisante, tandis qu'il offrait de l'argent ? son autre victime, ? celle dont il avait d?vast? la vie, en attendant que, plus tard, il la fasse assassiner, ? la douce Francine--qui se r?voltait devant l'odieux salaire,--pauvre enfant!

<> pensait Delchaume, <>

Tatiane... A ce nom le jeune homme tressaillit douloureusement. Pauvre fille! en prison, au secret, compromise dans l'affaire des explosifs, inculp?e de complicit? dans le complot contre la vie d'Omiroff, pr?cis?ment... Pourrait-il la faire citer? La croirait-on? N'aggraverait-il pas sa situation, ? elle, sans profit pour l'oeuvre de justice qu'il entreprenait? Tatiane... Il s'attarda au souvenir de l'?tudiante. Il reconstitua mot ? mot ce qu'elle lui avait appris. Avec quelles r?ticences, quel trouble effray?, elle insinuait ce dont Boris ?tait capable! On e?t dit qu'elle gardait des secrets terrifiants... Savait-elle quelque chose de cette naissance myst?rieuse?... D?voilerait-elle la personnalit? de la m?re?... Avait-elle ?t? m?l?e?... Cette jeune femme pr?s du lit, si c'?tait elle...

Le raisonnement intervint, chez Raymond, pour retenir l'imagination emport?e. Ses conjectures faisaient fausse route. Non, Tatiane ignorait tout de ce drame-l?. Autrement, elle n'aurait pas pris le change. Elle n'aurait pas cru, elle aussi, que Francine Delchaume ?tait la ma?tresse du prince, et la m?re...

Dans cette folie, dans ce d?sordre, dans cette fi?vre, Delchaume s'avisa qu'il atteignait Paris. L'arr?t de l'auto, ? la grille, devant l'octroi, interrompit sa m?ditation effr?n?e, lui rendit le sens du r?el.

<> pensa-t-il, se rappelant soudain pourquoi il revenait ainsi ? toute vitesse, <>

?tait-ce aussi simple?... La secousse d'un revirement fit osciller sa r?solution:

<>

--<> demanda le chauffeur.

Raymond h?sita une seconde. A dix heures seulement, il avait rendez-vous avec le chef de la S?ret?. Il n'en ?tait gu?re plus de six et demie. L'intention de tout ? l'heure, en quittant Claire-Source, persistait au fond de lui: se rendre avant tout chez Flaviana. Comme ce serait doux d'apporter son coeur br?lant, tourment?, ? cette amie d?licieuse!... Il crut la voir, l'entendre... Noble cr?ature... En ce moment, elle s'appr?tait ? partir pour le National-Lyrique. Paradoxe... une telle femme, ?toile de la danse... Et cependant, non. Son art, la po?sie qu'elle y mettait, c'?tait encore si bien elle!

<>

Ces r?flexions, rapides, s'?bauch?rent dans la pens?e tumultueuse de Delchaume, tandis que le chauffeur attendait son ordre. Le jeune docteur pronon?a presque tout haut:

--<>

Puis, devant la mine interloqu?e de son conducteur, que lui r?v?lait la lumi?re d'un bec de gaz, il jeta sa propre adresse:

--<>

Rentr? chez lui, Delchaume, apr?s un coup d'oeil sur la liste des clients venus ? sa consultation, et qu'avait re?us son rempla?ant, refusa de d?ner, s'enferma dans son cabinet de travail.

C'?tait l'ancien cabinet de Francine.

En ce m?nage de deux docteurs, avant que la mort ne l'e?t bris?, la jeune femme gardait, pour la r?ception de sa client?le--surtout f?minine,--la pi?ce la plus ?l?gante, la mieux expos?e. Au lendemain de son veuvage, le mari au d?sespoir--amant plus que mari, et en deuil d'un bonheur si court!--ne voulut pas d?payser sa douleur, ses souvenirs. Il garda l'appartement de la rue du G?n?ral-Foy,--le cher appartement install? avec tant de soins, tant de go?t, t?moin de tant de joie, de tant d'espoirs! Et il prit, comme sanctuaire de son labeur, le cabinet de Francine, o? il sentait flotter plus constamment, plus pr?s de lui, l'?me vaillante et tendre de l'adorable compagne perdue.

Ce soir, lorsqu'il y rentra, il pla?a sur son bureau, dans la clart? de la lampe ?lectrique, le livre qu'il rapportait de Claire-Source. Avant de le rouvrir, pour y trouver la suite des confidences tragiques, interrompues par la tomb?e de la nuit, il contempla encore l'ext?rieur de l'humble volume. Sur la couverture, ? teinte jadis vive, aujourd'hui fan?e, aux dorures ?teintes, il relut le titre:

LA GUIRLANDE DES MARGUERITES

Il lui sembla entendre la pauvre voix mourante balbutier ces mots ?tranges:

<>

Qui donc ne s'y serait tromp? comme lui? Dire qu'il avait fouill? la corbeille des fleurs vivantes, alors que ces tristes fleurs mortes se fermaient sur le fr?missant myst?re, parmi les autres livres, dans la petite biblioth?que, au fond de l'ancienne chambre de jeune fille, o? flottait un si nostalgique parfum!...

La reliure soulev?e montrait, coll? ? la feuille de garde, un bulletin ? vignette, mentionnant le prix d'excellence accord? ? l'?l?ve Francine. Ensuite commen?aient les biographies, illustr?es par les traditionnels portraits, des Marguerites,--reines, princesses ou artistes,--c?l?bres dans l'histoire. Mais des feuillets avaient ?t? coup?s et remplac?s par une sorte de cahier d'une ?paisseur ?quivalente,--le manuscrit.

Raymond passa rapidement sur ce qu'il avait lu,--d?vor? plut?t,--devin? presque, sous la nuit envahissante qui lui disputait les mots. Le r?cit s'arr?tait d'ailleurs peu apr?s le passage o? il avait d? fermer le livre, et ? la suite duquel il avait bondi hors de l'auto, pour ?tre seul, pour tomber ? genoux, pour exhaler son transport dans la solitude. La fin de ce r?cit narrait, en quelques mots, une co?ncidence qui d?termina, facilita, la r?solution prise par Francine de faire elle-m?me ?lever l'enfant. Une pauvre brave femme du village de Champagne,--pays de Claire-Source,--la garde-barri?re, venait de perdre un b?b? de quelques jours, qu'elle commen?ait d'allaiter. Lui mettre au sein le petit nouveau venu, c'?tait doublement une bonne action. On la sauvait, et l'on assurait ? l'enfant une tendresse exclusive, maternelle. Francine mentionnait la circonstance et ajoutait:

Les yeux de Raymond se voil?rent. Il repassa les dates... fit un bref calcul... Quatre ans!... Il y avait de cela quatre ans,--moins un mois, puisqu'on ?tait en octobre. Non, elle ne le connaissait pas encore. Mais lui... Il l'avait d?j? vue. D?j? il r?vait d'elle. Doucement... sans espoir d?fini, sans r?solution prise. Il l'avait rencontr?e ? des cours, dans les h?pitaux, parmi la suite attentive de quelque ma?tre fameux. De quelle s?duction grave, profonde, elle lui avait ravi le coeur! Il ne s'en douta pas tout d'abord. Quatre ans... C'est l'ann?e suivante qu'ils se connurent davantage, et que naquit leur grand amour.

Le jeune homme reprit sa lecture.

Delchaume eut un sanglot en achevant cette page.--<> murmura-t-il... <>

Il frissonna, se frappa la poitrine. Pourtant, il n'avait ? s'accuser que de sa propre torture. Pas un sentiment vil ne souilla en lui la m?moire de Francine, m?me quand il subissait la douleur de croire qu'un autre l'avait rendue m?re.

Le manuscrit de la morte ne se terminait pas avec cette sorte d'acte de naissance, r?dig? sur-le-champ, dans la nettet?, la vivacit? du souvenir. Des notes suivaient, rapides, d?cousues, jet?es au fur et ? mesure des pu?riles p?rip?ties qui marquent la premi?re croissance. Une sorte de tr?s bref journal, tenu par scrupule vis-?-vis de l'inconnu qui pourrait un jour se targuer d'un droit ? savoir: la m?re de l'enfant... le mari de Francine... l'enfant lui-m?me...

Avant d'en prendre connaissance, Delchaume se reporta aux premi?res lignes, ? cette esp?ce d'?pigraphe o? figurait son nom, et que sa femme ajouta peu de jours apr?s leur mariage. La date l'indiquait.

Maintenant il en comprendrait sans doute la port?e.

Un pressentiment!... C'?tait autre chose encore. C'?tait pire. Les derni?res pages du manuscrit expliqu?rent mieux au jeune veuf pourquoi Francine ne rompit point le silence. Dans quelle angoisse la ch?re cr?ature de bont?, de douceur, qu'il adorait avec tant de passion, v?cut les derniers jours de sa courte vie! Pr?s de lui, alors m?me qu'il l'entourait de ses bras, le cauchemar la poursuivait. Et elle avait le courage de se taire!... Elle pouvait lui dissimuler tant d'horrible effroi! Elle pouvait lui sourire avec tant de calme! H?ro?que petite martyre!...

Le malheureux rencontra des notes telles que celles-ci:

Ici, intercal? dans le manuscrit de Francine, un carr? de papier ?colier, sur lequel, en lettres d'imprimerie, se lisait:

Aucun commentaire imm?diat de Francine Delchaume ne suivait ces lignes. Elle resta jusqu'au vingt-cinq d?cembre sans rien ajouter.

Puis une nouvelle note:

Des notes moins significatives suivaient.

Francine continuait ? rendre visite, de temps ? autre, r?guli?rement, ? son filleul, comme si nulle menace n'eut tendu ? l'en emp?cher. Le petit gar?on ?tait toujours avec ses parents nourriciers, le brave couple Favier, transplant? ? Saint-R?my-l?s-Chevreuse, l? o? Delchaume le d?couvrirait plus tard. Le docteur Francine Delchaume, avec sa client?le, avec la n?cessit? de se cacher de son mari, n'accomplissait pas tr?s souvent le voyage,--gu?re plus de deux fois par mois. Au retour, elle enregistrait toujours quelque d?tail, sur sa visite, sur la sant? de l'enfant.

Et Raymond se souvint de la prudente m?fiance montr?e par la nourrice, lorsqu'il ?tait all? chez elle, apr?s la mort de sa femme. Rien qui d?cel?t la pr?sence d'un b?b?. Et quelle circonspection dans les paroles! Et le truc de son homme qui dormait, qu'on ne devait pas r?veiller. Brave cr?ature!

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