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Read Ebook: Candide ou l'optimisme by Voltaire

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Ebook has 276 lines and 36669 words, and 6 pages

Produced by: Carlo Traverso

OEUVRES

VOLTAIRE.

DE L' IMPRIMERIE DE A. FIRMIN DIDOT,

RUE JACOB, N? 24.

OEUVRES

VOLTAIRE

PR?FACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC.

PAR M. BEUCHOT.

A PARIS,

CHEZ LEF?VRE, LIBRAIRE,

RUE DE L'?PERON, K? 6. WERDET ET LEQUIEN FILS,

RUE DU BATTOIR, N? 20.

CANDIDE,

OU L'OPTIMISME

Pr?face de l'?diteur

Voltaire en avait envoy? le manuscrit ? la duchesse de La Valli?re, qui lui fit r?pondre qu'il aurait pu se passer d'y mettre tant d'ind?cences, et qu'un ?crivain tel que lui n'avait pas besoin d'avoir recours ? cette ressource pour se procurer des lecteurs.

Lettre de J. J. Rousseau au prince de Wirtemberg, du 11 mars 1764.

Les notes sans signature, et qui sont indiqu?es par des lettres, sont de Voltaire.

Les notes sign?es d'un K sont des ?diteurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun.

Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes des ?diteurs de Kehl, en sont s?par?es par un--, et sont, comme mes notes, sign?es de l'initiale de mon nom.

BEUCHOT.

CANDIDE,

L'OPTIMISME,

TRADUIT DE L'ALLEMAND

DE M. LE DOCTEUR RALPH,

AVEC LES ADDITIONS

QU'ON A TROUV?ES DANS LA POCHE DU DOCTEUR, LORSQU'IL MOURUT

? MINDEN, L'AN DE GR?CE 1759

Il y avait en Vestphalie, dans le ch?teau de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune gar?on ? qui la nature avait donn? les moeurs les plus douces. Sa physionomie annon?ait son ?me. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soup?onnaient qu'il ?tait fils de la soeur de monsieur le baron et d'un bon et honn?te gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais ?pouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre g?n?alogique avait ?t? perdu par l'injure du temps.

Monsieur le baron ?tait un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son ch?teau avait une porte et des fen?tres. Sa grande salle m?me ?tait orn?e d'une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin; ses palefreniers ?taient ses piqueurs; le vicaire du village ?tait son grand-aum?nier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il fesait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par l? une tr?s grande consid?ration, et fesait les honneurs de la maison avec une dignit? qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cun?gonde, ?g?e de dix-sept ans, ?tait haute en couleur, fra?che, grasse, app?tissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son p?re. Le pr?cepteur Pangloss ?tait l'oracle de la maison, et le petit Candide ?coutait ses le?ons avec toute la bonne foi de son ?ge et de son caract?re.

Pangloss enseignait la m?taphysico-th?ologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le ch?teau de monseigneur le baron ?tait le plus beau des ch?teaux, et madame la meilleure des baronnes possibles.

Il est d?montr?, disait-il, que les choses ne peuvent ?tre autrement; car tout ?tant fait pour une fin, tout est n?cessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont ?t? faits pour porter des lunettes; aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement institu?es pour ?tre chauss?es, et nous avons des chausses. Les pierres ont ?t? form?es pour ?tre taill?es et pour en faire des ch?teaux; aussi monseigneur a un tr?s beau ch?teau: le plus grand baron de la province doit ?tre le mieux log?; et les cochons ?tant faits pour ?tre mang?s, nous mangeons du porc toute l'ann?e: par cons?quent, ceux qui ont avanc? que tout est bien ont dit une sottise; il fallait dire que tout est au mieux.

Candide ?coutait attentivement, et croyait innocemment; car il trouvait mademoiselle Cun?gonde extr?mement belle, quoiqu'il ne pr?t jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'apr?s le bonheur d'?tre n? baron de Thunder-ten-tronckh, le second degr? de bonheur ?tait d'?tre mademoiselle Cun?gonde; le troisi?me, de la voir tous les jours; et le quatri?me, d'entendre ma?tre Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par cons?quent de toute la terre.

Un jour Cun?gonde, en se promenant aupr?s du ch?teau, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une le?on de physique exp?rimentale ? la femme de chambre de sa m?re, petite brune tr?s jolie et tr?s docile. Comme mademoiselle Cun?gonde avait beaucoup de disposition pour les sciences, elle observa, sans souffler, les exp?riences r?it?r?es dont elle fut t?moin; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s'en retourna tout agit?e, toute pensive, toute remplie du d?sir d'?tre savante, songeant qu'elle pourrait bien ?tre la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi ?tre la sienne.

Elle rencontra Candide en revenant au ch?teau, et rougit: Candide rougit aussi. Elle lui dit bonjour d'une voix entrecoup?e; et Candide lui parla sans savoir ce qu'il disait. Le lendemain, apr?s le d?ner, comme on sortait de table, Cun?gonde et Candide se trouv?rent derri?re un paravent; Cun?gonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa; elle lui prit innocemment la main; le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacit?, une sensibilit?, une gr?ce toute particuli?re; leurs bouches se rencontr?rent, leurs yeux s'enflamm?rent, leurs genoux trembl?rent, leurs mains s'?gar?rent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa aupr?s du paravent, et voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du ch?teau ? grands coups de pied dans le derri?re. Cun?gonde s'?vanouit: elle fut soufflet?e par madame la baronne d?s qu'elle fut revenue ? elle-m?me; et tout fut constern? dans le plus beau et le plus agr?able des ch?teaux possibles.

CHAPITRE II Ce que devint Candide parmi les Bulgares.

Rien n'?tait si beau, si leste, si brillant, si bien ordonn? que les deux arm?es. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons; formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renvers?rent d'abord ? peu pr?s six mille hommes de chaque c?t?; ensuite la mousqueterie ?ta du meilleur des mondes environ neuf ? dix mille coquins qui en infectaient la surface. La ba?onnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter ? une trentaine de mille ?mes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie h?ro?que.

Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village: il appartenait ? des Bulgares, et les h?ros abares l'avaient trait? de m?me. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou ? travers des ruines, arriva enfin hors du th??tre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais mademoiselle Cun?gonde. Ses provisions lui manqu?rent quand il fut en Hollande; mais ayant entendu dire que tout le monde ?tait riche dans ce pays-l?, et qu'on y ?tait chr?tien, il ne douta pas qu'on ne le trait?t aussi bien qu'il l'avait ?t? dans le ch?teau de M. le baron, avant qu'il en e?t ?t? chass? pour les beaux yeux de mademoiselle Cun?gonde.

Il demanda l'aum?ne ? plusieurs graves personnages, qui lui r?pondirent tous que, s'il continuait ? faire ce m?tier, on l'enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre ? vivre.

Il s'adressa ensuite ? un homme qui venait de parler tout seul une heure de suite sur la charit? dans une grande assembl?e. Cet orateur le regardant de travers lui dit: Que venez-vous faire ici? y ?tes-vous pour la bonne cause? Il n'y a point d'effet sans cause, r?pondit modestement Candide; tout est encha?n? n?cessairement et arrang? pour le mieux. Il a fallu que je fusse chass? d'aupr?s de mademoiselle Cun?gonde, que j'aie pass? par les baguettes, et il faut que je demande mon pain, jusqu'? ce que je puisse en gagner; tout cela ne pouvait ?tre autrement. Mon ami, lui dit l'orateur, croyez-vous que le pape soit l'antechrist? Je ne l'avais pas encore entendu dire, r?pondit Candide: mais qu'il le soit, ou qu'il ne le soit pas, je manque de pain. Tu ne m?rites pas d'en manger, dit l'autre: va, coquin, va, mis?rable, ne m'approche de ta vie. La femme de l'orateur ayant mis la t?te ? la fen?tre, et avisant un homme qui doutait que le pape f?t antechrist, lui r?pandit sur le chef un plein..... O ciel! ? quel exc?s se porte le z?le de la religion dans les dames!

Un homme qui n'avait point ?t? baptis?, un bon anabaptiste, nomm? Jacques, vit la mani?re cruelle et ignominieuse dont on traitait ainsi un de ses fr?res, un ?tre ? deux pieds sans plumes, qui avait une ?me; il l'amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de la bi?re, lui fit pr?sent de deux florins, et voulut m?me lui apprendre ? travailler dans ses manufactures aux ?toffes de Perse qu'on fabrique en Hollande. Candide se prosternant presque devant lui, s'?criait: Ma?tre Pangloss me l'avait bien dit que tout est au mieux dans ce monde, car je suis infiniment plus touch? de votre extr?me g?n?rosit? que de la duret? de ce monsieur ? manteau noir, et de madame son ?pouse.

Le lendemain, en se promenant, il rencontra un gueux tout couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rong?, la bouche de travers, les dents noires, et parlant de la gorge, tourment? d'une toux violente, et crachant une dent ? chaque effort.

Candide, plus ?mu encore de compassion que d'horreur, donna ? cet ?pouvantable gueux les deux florins qu'il avait re?us de son honn?te anabaptiste Jacques. Le fant?me le regarda fixement, versa des larmes, et sauta ? son cou. Candide effray? recule. H?las! dit le mis?rable ? l'autre mis?rable, ne reconnaissez-vous plus votre cher Pangloss? Qu'entends-je? vous, mon cher ma?tre! vous, dans cet ?tat horrible! quel malheur vous est-il donc arriv?? pourquoi n'?tes-vous plus dans le plus beau des ch?teaux? qu'est devenue mademoiselle Cun?gonde, la perle des filles, le chef-d'oeuvre de la nature? Je n'en peux plus, dit Pangloss. Aussit?t Candide le mena dans l'?table de l'anabaptiste, o? il lui fit manger un peu de pain; et quand Pangloss fut refait: Eh bien! lui dit-il, Cun?gonde? Elle est morte, reprit l'autre. Candide s'?vanouit ? ce mot: son ami rappela ses sens avec un peu de mauvais vinaigre qui se trouva par hasard dans l'?table. Candide rouvre les yeux. Cun?gonde est morte! Ah! meilleur des mondes, o? ?tes-vous? Mais de quelle maladie est-elle morte? ne serait-ce point de m'avoir vu chasser du beau ch?teau de monsieur son p?re ? grands coups de pied? Non, dit Pangloss, elle a ?t? ?ventr?e par des soldats bulgares, apr?s avoir ?t? viol?e autant qu'on peut l'?tre; ils ont cass? la t?te ? monsieur le baron qui voulait la d?fendre; madame la baronne a ?t? coup?e en morceaux; mon pauvre pupille trait? pr?cis?ment comme sa soeur; et quant au ch?teau, il n'est pas rest? pierre sur pierre, pas une grange, pas un mouton, pas un canard, pas un arbre; mais nous avons ?t? bien veng?s, car les Abares en ont fait autant dans une baronnie voisine qui appartenait ? un seigneur bulgare.

A ce discours, Candide s'?vanouit encore; mais revenu ? soi, et ayant dit tout ce qu'il devait dire, il s'enquit de la cause et de l'effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux ?tat. H?las! dit l'autre, c'est l'amour: l'amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l'univers, l'?me de tous les ?tres sensibles, le tendre amour. H?las! dit Candide, je l'ai connu cet amour, ce souverain des coeurs, cette ?me de notre ?me; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable?

Pangloss r?pondit en ces termes: O mon cher Candide! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j'ai go?t? dans ses bras les d?lices du paradis, qui ont produit ces tourments d'enfer dont vous me voyez d?vor?; elle en ?tait infect?e, elle en est peut-?tre morte. Paquette tenait ce pr?sent d'un cordelier tr?s savant qui avait remont? ? la source, car il l'avait eu d'une vieille comtesse, qui l'avait re?u d'un capitaine de cavalerie, qui le devait ? une marquise, qui le tenait d'un page, qui l'avait re?u d'un j?suite, qui, ?tant novice, l'avait eu en droite ligne d'un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai ? personne, car je me meurs.

O Pangloss! s'?cria Candide, voil? une ?trange g?n?alogie! n'est-ce pas le diable qui en fut la souche? Point du tout, r?pliqua ce grand homme; c'?tait une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingr?dient n?cessaire; car si Colomb n'avait pas attrap? dans une ?le de l'Am?rique cette maladie qui empoisonne la source de la g?n?ration, qui souvent m?me emp?che la g?n?ration, et qui est ?videmment l'oppos? du grand but de la nature, nous n'aurions ni le chocolat ni la cochenille; il faut encore observer que jusqu'aujourd'hui, dans notre continent, cette maladie nous est particuli?re, comme la controverse. Les Turcs, les Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la connaissent pas encore; mais il y a une raison suffisante pour qu'ils la connaissent ? leur tour dans quelques si?cles. En attendant elle a fait un merveilleux progr?s parmi nous, et surtout dans ces grandes arm?es compos?es d'honn?tes stipendiaires bien ?lev?s, qui d?cident du destin des ?tats; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rang?e contre des troupes ?gales en nombre, il y a environ vingt mille v?rol?s de chaque c?t?.

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