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Read Ebook: Carnet d'une femme by Lano Pierre De

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Ebook has 743 lines and 41459 words, and 15 pages

C'?taient donc l?, les choses que j'ignorais, jeune fille, et au-devant desquelles j'allais, tout ? l'heure, presque ?mue?

J'eusse d? m'indigner. Je ne m'indignai pas, je le confesse, et, quoique je reconnusse la sottise de ceux qui m'avaient ainsi ennuy?e, je trouvai quelque attrait que je ne saurais expliquer au danger que cachaient leurs paroles ou leurs gestes et que, dans un instinct, je devinai.

Je me faisais un plaisir de conter tout cela ? Jean, lorsque nous sortirions.

Mais, aux premiers mots que je lui adressai, dans la voiture, ? ce sujet, il m'arr?ta:

--On vous a fait la cour, tant que cela?... Eh bien, vous ne devriez pas me le dire. Une femme, dans notre monde, ne dit jamais ? son mari qu'on lui fait la cour.

Etonn?e, je r?pliquai:

--Je ne vous comprends pas.

Alors, un peu brusque, Jean conclut:

--C'est simple, pourtant.--Une femme ne peut emp?cher qu'on lui fasse la cour. Cela ne l'engage en rien et ne regarde qu'elle.

En mettant son mari au courant de tous ces d?tails de salon, elle le rend ridicule. Songez-y.

Je restai muette et, comme le d?sirait Jean, je songeai... je songeai que le mariage apprend, aux femmes, de singuli?res choses... dans notre monde.

L'INCONSTANCE DU MARI

J'ai appris, aujourd'hui, une chose abominable... une chose qui m'a fait un mal affreux.

J'ai appris que mon mari, que Jean a une ma?tresse, c'est-?-dire ne m'aime plus, sans doute.

Cette r?v?lation explique bien des faits que je ne comprenais pas depuis le retour de notre voyage de noces.

Jean, d?s le lendemain de ce retour, presque, s'?tait montr? nerveux, ennuy? et, comme une sotte que j'?tais, je pensais que cet ?tat d'esprit correspondait, chez lui, ? un simple <> de mondain. C'?tait une femme qui le changeait ainsi, et cette femme a ?t? plus forte que moi, puisque je n'ai pas su la deviner et lui retirer mon mari, m?me, et surtout, sans conna?tre qu'elle ?tait ma rivale.

Je n'oserais affirmer que Jean n'avait pas un peu lass? ma patience par ses singularit?s de caract?re et d'attitude, en ces derniers temps; je n'oserais affirmer que je l'aime autant que jadis. Cependant, en apprenant qu'il a une ma?tresse, j'ai ?prouv? un gros chagrin et, l'avouerai-je, un froissement d'orgueil tr?s profond.

On assure que lorsque l'orgueil se m?le ? un sentiment de tendresse, cette tendresse est ? son d?clin. Je ne sais si cette observation est juste; mais il me semble tr?s naturel qu'une femme, jeune, jolie--parfaitement, jolie!--? peine mari?e, comme je suis, se sente humili?e ? la pens?e qu'une autre femme lui prend celui qu'elle a aim? ou qu'elle aime.

Je ne suis pas une niaise et j'eusse pardonn?, ? Jean, un caprice--une passade--selon l'expression de cette folle d'Yvonne, apr?s laquelle passade l'infid?le me f?t revenu tout entier, au moins moralement. Mais non; il a une ma?tresse, une ma?tresse qu'il adore, sans doute, et aupr?s de laquelle il vit le plus grand nombre de ses heures.

Comment ai-je su l'inconstance de Jean? Tr?s simplement et, probablement, comme on sait ordinairement ces choses-l?. Une imprudence de mon mari m'a mise au courant des faits.

Etant entr?e, cette apr?s-midi, dans sa chambre, je ne l'y trouvai pas, mais j'y vis, en revanche, tra?nant sur un meuble, une lettre dont il m'a sembl? reconna?tre l'?criture. La tentation fut plus puissante que mon d?sir de ne pas lire, que l'avis de ma conscience qui me conseillait de ne pas ?tre curieuse; j'ouvris la lettre et je la parcourus. Je ne me trompais pas. L'?p?tre ?tait de cette petite peste de Rolande qui, mari?e au duc de Bl?rac--le monsieur qui passe ses journ?es ? jouer du tambour et qui m'a fait la cour r?cemment--s'ennuie et se distrait, je le vois, en volant, ? ses amies, leurs maris.

Il y avait, l?, quatre pages d'extraordinaire passion exprim?e dans un langage, par des mots que je n'ai pas tr?s bien compris, toujours. Je ne croyais pas Jean, dans ses grands airs froids, guind?s et c?r?monieux, que jamais le rire n'?claire, capable de parler un tel patois amoureux, capable, surtout, d'inspirer ? une femme l'enthousiasme que t?moigne Rolande.

Ce fait pr?sente, ? mes yeux encore mal ouverts de petite mari?e, comme on me nomme depuis mon retour ? Paris, une ?nigme qui m'intrigue et que je ne devinerai jamais, si je reste ce que je suis, une pauvre b?te d'?pous?e que tout ?tonne.

J'ai pleur? en lisant la prose de Rolande--cette prose o? il y a des phrases d'amour si pr?cises, que je n'ai pu douter une seconde de l'intimit? de ses relations avec Jean--des phrases aussi qui me feraient supposer que cette intimit? date de plus loin que notre retour ? Paris, existait avant notre mariage.

J'ai pleur?. Mais Jean ne saura pas ma peine. Je ne suis pas si na?ve que je ne sache qu'un plaisir se double par la douleur ou, simplement, par l'ennui qu'il procure ? autrui, dans un contre-coup logique. En apprenant que j'ai pleur?, Jean qui consid?re sa trahison, peut-?tre, ainsi qu'une incidence insignifiante dans sa vie, l'envisagerait comme une chose sinon m?ritoire, du moins fort appr?ciable, et en go?terait le charme d'autant plus d?licieusement qu'il se saurait devin?, qu'il se croirait surveill?.

Je ne l'ai pas vu, d'ailleurs, aujourd'hui, et j'ai des <> pour ne le point voir jusqu'? demain.

Yvonne seule--ma meilleure amie du Sacr?-Coeur--cette t?te folle d'Yvonne de Mercy, est venue me troubler dans mes m?ditations et me tirer, un peu aussi, de mon chagrin.

Elle a d?n? avec moi et sa pr?sence m'a certainement consol?e.

C'est un coeur excellent, mais quelle cervelle d?traqu?e!

Mari?e depuis deux ans, elle parle de tous et de tout sur un ton qui n'admet pas de r?plique. Elle professe une grande exp?rience des choses d'amour, surtout, et comme je ne suis pas assez savante, en cette mati?re, pour la contredire, je suis bien forc?e de m'incliner devant ses raisonnements.

On lui fait une cour terrible, dans le monde, et elle a, sans cesse, un troupeau d'amoureux sur ses pas. On l'a baptis?e, pour cette cause, la Berg?re.--Gare au loup, madame; les moutons attirent le loup qui croque m?me les berg?res.

On ne peut rien lui cacher, et elle s'est aper?ue que j'avais les yeux rouges... que j'avais pleur?. Elle m'a questionn?e et quoique j'eusse voulu ne pas r?v?ler le secret humiliant qui me faisait souffrir, elle m'a oblig?e, par ses instances, par ses caresses, ? le lui avouer.

Je m'attendais ? ce qu'elle s'indign?t avec moi contre la conduite de Jean. Mais elle s'est mise ? rire, ? rire, ? tellement rire, que sa ga?t? m'a choqu?e. Voyant qu'elle me contrariait, elle est redevenue s?rieuse et m'a dit:

--Ton mari te trompe, et tu te lamentes, et tu pleures, au risque d'ab?mer tes jolis yeux. C'est insens?.

--Tu ne voudrais pas, pourtant, que je me r?jouisse, r?pliquai-je.

--Non. Mais je tiens ? ce que tu ne perdes pas ton temps et ta beaut? en des g?missements inutiles. La surprise que tu ?prouves, actuellement, tu l'aurais ?prouv?e demain. Un peu plus t?t, un peu plus tard, va, c'est ainsi dans le mariage, pour nous autres, femmes, et le mieux, souvent, est quand c'est un peu plus t?t.

--Que signifie cela?

--Cela signifie qu'on a, ainsi, plus de temps devant soi, pour se consoler.

--C'est affreux ce que tu dis l?.

--Mais non, ce n'est pas affreux. C'est simplement conforme ? la morale mondaine.

Comme je ne trouvais rien ? r?pondre ? cette ?trange th?orie, Yvonne se rapprocha de moi et, s'emparant de mes mains, me parla affectueusement.

--Ecoute-moi bien. Jean t'a aim?e pendant sept mois d'une fa?on ? peu pr?s exclusive. Eh bien, r?signe-toi s'il ne t'aime plus ainsi, et songe que tu es parmi les heureuses. Combien de femmes, dans le monde, pourraient avoir le souvenir d'amour que tu poss?des et y puiser une compensation ? leur abandon? Nous donnons beaucoup, en entrant dans le mariage, ma pauvre ch?rie, tandis que l'homme ne nous offre qu'un coeur fatigu? d'avoir battu la charge, un peu sur tous les champs de bataille, qu'un d?sir superficiel, ?mouss?, qui ressemble ? un feu pr?t ? s'?teindre, sans cesse, et en lequel il est n?cessaire de jeter, ? toute minute, de nouveaux fagots. Nous sommes des fagots, aux yeux de ces messieurs; lorsque nous sommes consum?s, ils vont au bois en chercher d'autres. Pourquoi nous plaindre et pourquoi leur demander plus qu'ils ne peuvent donner? La vie--la vie mondaine--est ainsi et rien ne la changera. Dans ton cas particulier, tu dois te f?liciter. Apr?s huit mois de mariage, ton mari ne t'a pas rendue m?re et tu restes libre, par cons?quent.--Un enfant est un ?l?ment consolateur, pour la femme d?laiss?e, dans le monde bourgeois. Mais, chez nous, il n'apporte, souvent, qu'une amertume de plus. On ne saurait pr?voir ce que l'avenir r?serve ? une mondaine d?daign?e par son mari. Or, quoi qu'elle fasse, quelqu'aventure dont elle soit l'h?ro?ne, si elle n'a pas d'enfant, elle sera excus?e. Un bambin, au contraire, lui vaudrait la s?v?rit?, le contr?le des gens qu'elle fr?quente, et ces gens la condamneraient, la mettraient ? l'index si le plus l?ger incident venait rompre la monotonie de son existence. Je ne te souhaite ni te conseille cet incident, ma ch?rie, mais, enfin, s'il survenait, tu es ind?pendante et ton mari lui-m?me se r?jouirait de te savoir d?gag?e de tout devoir envers un enfant--fille ou gar?on--qui porterait son nom. Je n'ai pas eu d'enfant, et lorsque M. de Mercy m'a oubli?e, je me suis bien trouv?e de n'?tre pas m?re; m'as-tu comprise?

J'ai compris, certes, le discours d'Yvonne, ou plut?t--car elle n'a pas voulu m'en dire davantage, aujourd'hui, et s'en est all?e en coup de vent--je sens que ma vie d'innocence, si je puis ainsi m'exprimer, est finie; je sens que j'ai l'?me et tout l'?tre troubl?s, et il me semble que je quitte une demeure famili?re et paisible, pour entrer dans une maison inconnue et en laquelle, au bruit de chacun de mes pas, r?pond un ?cho myst?rieux.

PSYCHOLOGIE DE LA FEMME TROMP?E

D?cid?ment, Yvonne est une gentille, une sinc?re amie. Depuis qu'elle sait ma situation de demi-veuve, elle ne m'abandonne pas et vient assid?ment me voir. Ses visites m'ont consol?e. Sans cette folle, en effet, je me serais certainement laiss? prendre par un chagrin na?f et sot, tandis que me voil? sinon gu?rie de la blessure que m'a faite mon mari, du moins fort dispos?e ? en ?tre gu?rie.

Yvonne est une savante doctoresse et les amants heureux ou malheureux devraient bien la consulter.

Ce matin, nous avons fait ensemble une longue promenade, ? cheval, dans le Bois, et nous avons bavard?.

Comme je lui disais que j'avais m?dit? ses paroles et que j'?tais r?solue ? accepter, paisiblement, ma situation de femme tromp?e, elle s'est mise ? rire et s'est tourn?e vers moi.

--Ce ne sont pas mes paroles qui t'ont ainsi calm?e, d?clara-t-elle, qui t'ont ainsi amen?e ? ne point te r?volter contre l'infid?lit? de ton mari. Si tu avais ?t? une femme sentimentale, au lieu d'?tre ce que tu es--une nerveuse, une sensuelle, mes discours n'auraient gu?re servi ? te rendre raisonnable.

--Quelle folie me contes-tu l??

--Je ne plaisante pas, ma mignonne.

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