bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Les origines de la Renaissance en Italie by Gebhart Emile

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 169 lines and 86034 words, and 4 pages

NOTE DE TRANSCRIPTION

LES ORIGINES DE LA RENAISSANCE EN ITALIE

NANCY, IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT ET Cie.

LES ORIGINES DE LA RENAISSANCE EN ITALIE

PAR ?MILE GEBHART

Professeur de litt?rature ?trang?re ? la Facult? des Lettres de Nancy Ancien membre de l'?cole fran?aise d'Ath?nes

PARIS

A MON AMI EUG?NE BENOIST Professeur ? la Facult? des Lettres de Paris

LES ORIGINES DE LA RENAISSANCE EN ITALIE

CHAPITRE PREMIER

Consid?rons donc, ? part l'une de l'autre, ces deux moiti?s de la France, et, d'abord, la contr?e qui, venue seulement ? la seconde heure, apr?s un si?cle de vie brillante et de po?sie, succomba tragiquement et sortit la premi?re de l'histoire.

Il n'y eut gu?re de po?sie plus profond?ment populaire; aucune ne fut plus d'accord avec les sentiments du si?cle et du pays o? elle se d?veloppa. Elle est favoris?e par les grands et n'est point aristocratique; elle est pratiqu?e par des rois, tels qu'Alphonse II d'Aragon, par les hauts seigneurs f?odaux du Poitou, de la Saintonge, de la Guyenne, du P?rigord et de la Provence propre; par les nobles dames, telles que la comtesse B?atrice de Die; mais les bourgeois, tels que Faydit, les simples ?cuyers, les pages, des fils de marchands, tels que Jauffre Rudel, ou d'artisans, tels que Bernard de Ventadour; des hommes du peuple, tels que Pierre d'Auvergne et Pierre Rogier; un pauvre ouvrier, ?lias Cairels, reprennent sans embarras l'instrument sonore des mains de leurs ma?tres et en jouent all?grement; car l'id?al qu'ils glorifient tous, tous peuvent y atteindre: ce n'est point la grandeur, inaccessible aux petits, du paladin ?pique que la main de Dieu et les enchantements des f?es ont port? si haut au-dessus de la multitude, mais la g?n?rosit? du coeur, la bravoure du combattant, suzerain ou vassal, la courtoisie et la sagesse de l'homme d'esprit, l'amour surtout, l'amour d?sint?ress?, patient et fid?le, qui n'est point le privil?ge de la naissance et se repose, disait Platon, dans toutes les ?mes jeunes. Enfin, voici une lyrique vibrante et vivante, chant de toute une nation, peuple et seigneurs, unis dans le concert de leur po?sie, comme ils l'?taient dans le r?gime de la vie publique, comme ils le furent aussi dans l'enthousiasme de la croisade.

Cet art compliqu? de la m?trique convenait au g?nie musical de la langue: ?videmment, les troubadours ont tent? de tirer le plus grand effet possible de la sonorit? du proven?al. Mais ils formaient, par cet effort m?me, une langue litt?raire commune de ces idiomes m?ridionaux que la prose n'avait pas encore assouplis, que l'?pop?e n'avait point ennoblis. Le travail du versificateur imprima l'unit? aux formes flottantes de plusieurs dialectes tr?s-voisins entre eux; il discerna celles qui se pliaient le plus docilement aux exigences de la prosodie; le troubadour, po?te errant, ne quittait point un ch?teau sans emporter quelque mot bien frapp?, quelque tour heureux d'expression, et la langue g?n?rale, ainsi accrue et fa?onn?e, devenait chaque jour davantage, entre la Loire et les Pyr?n?es, la voix ?clatante de la vieille France.

Ces races sensuelles, d'esprit alerte et mobile, ce si?cle ?nergique, tout retentissant du choc des armes, se reconnurent dans l'oeuvre des troubadours. Pour la premi?re fois, les ?mes ?chappaient ? la discipline chr?tienne; la passion que les saints avaient terrass?e et que les docteurs condamnaient; le plaisir, o? l'?glise ne voyait qu'une tentation mortelle, la joie depuis si longtemps perdue, toutes ces causes de vie renaissaient et refleurissaient. La croisade vient d'?largir le monde, et la po?sie s'?lance librement et d'un grand coup d'aile vers toutes les beaut?s et toutes les volupt?s. Fr?d?ric Barberousse, qui fut parfois troubadour, disait en proven?al ? B?renger II: <> Ils pourraient soupirer, comme Shakespeare: <> Ils en ont si bien chant? toutes les langueurs et toutes les ardeurs, les impatiences et les sacrifices, qu'autour d'eux et apr?s eux la casuistique de l'amour a ?t? l'?tude et le d?lassement des esprits d?licats. Ils se plongent si franchement dans la passion qu'ils en touchent la profondeur derni?re, la souffrance. Ceux-ci se r?signent ? attendre, avec une humilit? h?ro?que, que leur dame les prenne en piti?. <> Mais leur mysticisme est comme ?gay? de sensualit?. <> Ceux-l?, las des rigueurs de la belle, s'emportent et l'outragent. <> D'autres enfin, moins ?l?giaques, go?tent les douceurs de ce rayon d'aurore qui r?veillera Rom?o sur le sein de Juliette. <>

Les premi?res chansons de Geste, qui s'inspirent des cantil?nes primitives, nous montrent la France entr?e dans la bonne voie des litt?ratures tr?s-originales. Le r?cit ?pique en langue vulgaire est l'oeuvre spontan?e d'une nation adolescente sur laquelle ont pass? des ?v?nements tragiques et qui redit sans cesse le nom et les hauts faits de ses h?ros. Des convulsions profondes de l'histoire barbare nos p?res avaient conserv? le souvenir de l'homme dont la rude main mit un commencement d'ordre dans la confusion de l'Occident, Charlemagne. Aucune m?moire n'?tait plus auguste, car l'Empereur--l'Empereur romain et non pas germanique--avait accompli trois grandes choses: il avait fond? la justice, ?lev? l'?glise et repouss? les pa?ens. L'imagination du peuple gardait surtout la trace des exploits guerriers qui sauv?rent la foi chr?tienne. Ce roi catholique qui entra?ne sur ses pas les arm?es de toute la chr?tient?; ce paladin ? barbe blanche, vieux de deux cents ans; ce vicaire de Dieu, que les anges assistent, n'a-t-il pas fait trembler la terre sous les pas de son cheval? Et pourtant, si Charlemagne demeure au plus haut degr? du culte populaire, c'est un autre, jeune et beau, c'est Roland, le vaincu, que l'amour des Fran?ais a surtout glorifi?. Car c'est pour la <>, la <>, qu'il s'est battu en d?sesp?r? et qu'il est mort sur <> de Roncevaux. La France l'a pleur?,

Plurent Franceis pur pitiet de Rollant.

De Karlemaine, de Rollant Et d'Oliver et des vassaux Ki morurent ? Renchevaux,

Jamais je n'entre en paradis S'ils ne m'ont perdu ma jeunesse.

Il faut noter un fait int?ressant. Cette satire est joyeuse et n'est point am?re; c'est une com?die, et non un pamphlet. Elle a l'entrain, la bonhomie et parfois la finesse d'une v?ritable oeuvre d'art. La forme, fa?onn?e pour plaire au petit monde, est m?diocre, mais les deux principaux moules de l'invention ironique, le conte et le po?me h?ro?-comique, sont trouv?s. Malheureusement, les conditions sociales qui avaient inspir? cette satire ne devaient point durer, et la crise que les libert?s civiles allaient subir nous frappa, de ce c?t? encore, d'impuissance.

Ainsi, au si?cle m?me de Dante et de P?trarque, la France perdit ? la fois les deux causes sup?rieures de toute vie morale: l'ind?pendance de la pens?e et la libert? politique. Les ?mes, d?courag?es et attrist?es par les mis?res de la patrie, alanguies par l'?ducation scolastique, laiss?rent s'affaiblir les qualit?s g?n?reuses du g?nie national: l'enthousiasme, la curiosit? d'invention, le go?t de l'h?ro?sme, le sentiment de la gr?ce, la vivacit?, la s?r?nit? et la gaiet?. Toutes les sources baiss?rent en m?me temps, et pour l'esprit fran?ais l'heure de la vieillesse vint ? la place de la maturit?. C'est un des ph?nom?nes les plus douloureux de l'histoire que cette civilisation frapp?e en pleine adolescence, au moment o? elle s'appr?tait ? donner ses plus beaux fruits.

Le mal ?tait donc sans esp?rance, et les d?fauts que la discipline classique aurait contenus ou att?nu?s, purent produire, dans la litt?rature et les arts de la France, des ravages tr?s-rapides. Tel genre litt?raire, l'?pop?e chevaleresque, dispara?t ou se transforme de la fa?on la plus f?cheuse: tant?t de plats compilateurs abr?gent les anciens po?mes; tant?t ils les remanient et les d?veloppent outre mesure: une chanson ainsi retouch?e peut grossir de trente mille vers, mais les vers sont m?diocres. Enfin, la traduction en prose recouvre et travestit la moiti? des Chansons de Geste et tous les romans de la Table-Ronde. C'est la biblioth?que de Don Quichotte qui commence.

Se gentis hom mais n'engendroit, Ne jamais louve ne portoit, Tout le monde vivroit en paix.

Jacques Bonhomme sort enfin de sa chaumi?re d?vast?e, tout noir de mis?re, et marche aux ch?teaux avec sa faux et sa torche:

Bien avons contre un chevalier Trente ou quarante paysans;

? la lueur des incendies, il proclame l'?galit? des fils d'Adam:

Nous sommes hommes comme ils sont.

<>

CHAPITRE II

La Renaissance en Italie n'a pas ?t? seulement une r?novation de la litt?rature et des arts produite par le retour des esprits cultiv?s aux lettres antiques et par une ?ducation meilleure des artistes retrouvant ? l'?cole de la Gr?ce le sens de la beaut?; elle fut l'ensemble m?me de la civilisation italienne, l'expression juste du g?nie et de la vie morale de l'Italie; et, comme elle a tout p?n?tr? dans ce pays, la po?sie, les arts, la science, toutes les formes de l'invention, l'esprit public, la vie civile, la conscience religieuse, les moeurs, elle ne se peut expliquer que par les caract?res les plus intimes de l'?me italienne, par ses habitudes les plus originales, par les faits les plus grands et les plus continus de son histoire morale, par les circonstances les plus graves de son histoire politique. Il s'agit donc de d?terminer toutes les causes d'une r?volution intellectuelle, dont l'effet s'est manifest? dans toutes les oeuvres et dans tous les actes du peuple qui a rendu ? l'Europe la haute culture de la pens?e; mais comme ces causes sont tr?s-diff?rentes les unes des autres, et que les unes ont ?t? lointaines et permanentes, les autres accidentelles et transitoires, il importe de les classer avec ordre, selon leur importance, et, pour ainsi dire, leur hi?rarchie propre. Il faut donc rechercher, dans les conditions initiales de cette civilisation, les origines de son d?veloppement tout entier, et montrer ensuite quelles influences ext?rieures se sont ajout?es ? la source premi?re pour en ?largir le courant. Or, ces causes profondes de la Renaissance, que l'Italie portait en elle-m?me, sont d'abord la libert? de l'esprit individuel et l'?tat social, puis la persistance de la tradition latine et la r?miniscence constante de la Gr?ce, enfin la langue qui m?rit ? l'heure opportune. Les affluents qui, tour ? tour, ont vers? leurs ondes dans le lit primitif, sont les civilisations ?trang?res dont les exemples ont h?t? l'?ducation de l'Italie, les Byzantins, les Arabes, les Normands, les Proven?aux, la France.

II, 8, 9; IV, 7.

Cette libert?, qui demeure intacte dans la vie intellectuelle des Italiens, tient d'ailleurs aux fibres secr?tes de la conscience religieuse. Nous touchons, sur ce point, ? un trait singulier de leur histoire morale. La fa?on dont ils entendent le christianisme et l'?glise est le signe caract?ristique de leur g?nie.

VILLANI, X, 39.

Lib. X, c. 21.

S'il eut l'esprit libre, c'est que l'amour poss?dait son coeur. Ses po?sies, comme sa vie, ne sont qu'un chant d'amour:

il est dans la fournaise, il se meurt de douceur. A force d'amour, il chancelle comme un homme ivre, il r?ve comme un fou. J?sus lui a vol? son coeur: <> <> Il ne fait plus qu'un avec le Sauveur, dont les stigmates sont marqu?s sur ses mains et sur ses pieds; comme lui, il a ses t?moins, ses ap?tres qui vont porter dans toute l'Italie et jusqu'au bout du monde la bonne nouvelle d'Assise. <> Les ?mes italiennes, auxquelles il a ouvert un champ infini de mysticisme, attendent sans angoisse, ? l'ombre m?me de l'?glise, la r?novation de l'?glise.

Il calavrese abate Giovacchino, Di spirito profetico dotato.

Vers le m?me temps, se place une tentative de schisme entreprise au sein de l'?glise de Sicile par Fr?d?ric II et Pierre des Vignes; cette id?e, apr?s la chute de la maison de Souabe, repara?t en France sous Philippe le Bel.

Cependant, l'?me humaine souffre du r?gime qui p?se sur la vie priv?e comme sur la vie publique. Le ressort de la personnalit? s'est affaibli; la volont?, l'action, l'?nergie de l'esprit, la recherche ind?pendante, la curiosit? de l'invention, l'autonomie morale, en un mot, telle que les anciens l'avaient connue, le moyen ?ge l'a perdue. On vient de voir comment, dans une ?chapp?e ouverte sur la libert?, la France avait commenc? ? sortir de ce long sommeil, et pourquoi son effort avait ?t? vain. L'Italie fut plus heureuse. Montrons dans quelle mesure l'oeuvre sociale qu'elle sut accomplir a contribu? ? sa fortune.

Lib. X, cap. 26.

<>

Ainsi le r?gime des tyrannies r?pond non-seulement ? l'?tat politique, mais ? l'?tat psychologique de l'Italie. La cit? ou la province, que l'association ne sait plus gouverner, s'abandonne ? la volont? du plus hardi, du plus rus?, du plus illustre de ses citoyens, souvent m?me d'un ?tranger. Le tyran demeure l'expression tr?s-forte du g?nie de son pays et de son si?cle; c'est pourquoi il n'arr?te ni ne d?tourne la civilisation. Ce pouvoir, ill?gitime par ses origines, et qui commence g?n?ralement par un coup de main, sinon par un crime, n'est point un despotisme oriental. Le tyran, comme autrefois la Commune, doit compter avec l'ind?pendance individuelle de ses sujets. Son autorit?, qui ne repose ni sur le droit, ni sur l'h?r?dit?, est ? la merci des circonstances: la r?volte ouverte, la concurrence des familles rivales, l'intervention de ses voisins, la conspiration, le poison et le poignard lui rappellent sans cesse que son pouvoir est pr?caire et r?vocable; aussi ne s'y maintient-il qu'en s'accommodant au caract?re des villes sur lesquelles il r?gne. Il tombera, s'il n'est soutenu par l'opinion publique. L'horrible Jean Marie Visconti, ? Milan, peut bien quelque temps jeter des hommes en p?ture ? ses b?tes fauves et ? ses chiens; il meurt assassin? dans une ?glise. On n'imagine point Florence soumise ? une tyrannie autre que celle des premiers M?dicis. P?trarque doit rendre d'une fa?on juste le sentiment de ses contemporains dans le trait? qu'il ?crit pour Fran?ois de Carrare, tyran de Padoue. <>--<> Mais ce sont les tyrans qui p?rissent, victimes de leurs exc?s: la tyrannie reste. Car seule, d?sormais, elle peut garantir l'int?r?t supr?me de chaque citoyen, l'ind?pendance nationale.

VI, 1.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top