Read Ebook: L'Illustration No. 0070 29 Juin 1844 by Various
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Ebook has 241 lines and 28805 words, and 5 pages
Des inspections extraordinaires ont lieu ? l'?le Sainte-Marguerite, par ordre du ministre de la guerre, pour s'assurer que les Arabes y sont trait?s aussi humainement que possible. Outre les visites du lieutenant g?n?ral d'Hautpoul, commandant la huiti?me division militaire, et des g?n?raux plac?s sous son commandement, les d?tenus ont re?u entre autres, en avril 1842, celle de M. Roudin, m?decin en chef des salles militaires de l'H?tel-Dieu de Marseille, et, en septembre 1843, celle de M. le docteur Warnier, membre de la commission scientifique d'Alg?rie, attach?, apr?s le trait? de la Tafna ? la mission fran?aise de Mascara, et auquel un s?jour de plus de deux ann?es dans la capitale d'Abd-el-Kader a permis d'?tudier ? fond les int?r?ts, l'administration, les moeurs et les habitudes des populations arabes. La pr?sence du docteur Warnier ? l'?le Sainte-Marguerite a ?t? signal?e par de nombreux adoucissements au sort des prisonniers.
Un Voyage au long cours ? travers la France et la Navarre.
R?CIT PHILOSOPHIQUE, SENTIMENTAL ET PITTORESQUE.
M. OTHON ROBINARD DE LA VILLEJOYEUSE.
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M. Othon ?tait le fils a?n? et l'h?ritier pr?somptif de M. Hector Robinard de la Villejoyeuse, gentilhomme rural de l'Orl?anais; mais, quoique le p?re e?t tenu et t?nt encore un rang distingu? dans sa province, chacun s'accordait n?anmoins ? trouver que le fils effa?ait la gloire paternelle.
Sur les rives de la Haute-Loire, il n'y avait pas un gentilhomme taill? comme l'?tait le jeune Othon; et, s'il faisait toujours sensation lorsqu'il entrait dans un salon, si puissamment coul? dans ses habits que moule semblait pr?t ? craquer, les fariniers eux-m?mes et les forts de la rivi?re s'arr?taient ? le regarder marcher des ?paules, et s'extasiaient sur le jeu terrible de ses reins et de sa croupe.
M. Othon chassait comme Nembrod, p?chait comme les ap?tres, grimpait aux arbres comme Chactas, buvait comme un fourrier et fumait comme un Turc; mais il n'avait point son pareil pour imiter le cri des animaux, et on l'invitait dans les meilleures maisons pour l'entendre, apr?s un quadrille, contrefaire le chant du coq, l'aboiement du chien, le sifflement du merle, etc., m?me on citait de lui, ? ce sujet, un trait fort amusant. Il avait eu l'id?e, au milieu d'un bal, d'embrasser la paume de sa main, de cette fa?on que les chasseurs emploient pour appeler les geais, et qui ressemble si fort au bruit d'un baiser, que les mamans se retourn?rent toutes ensemble avec effroi; elles s'imaginaient apparemment qu'on embrassait mesdemoiselles leurs filles; mais c'?tait mons. Robinard qui appelait les geais.--Car il ne le c?dait ? personne pour la bonne plaisanterie, et, quand il avait dit quelque mot piquant, il riait avec de si grands ?clats, que personne ne pouvait s'emp?cher de trouver sa fac?tie la plus risible du monde.
M. Othon faisait lui-m?me toutes les serrures de sa maison; il s'entendait aussi en menuiserie, confectionnait de ses propres mains ses poires ? poudre, et ne souffrait jamais qu'un ouvrier tailleur se m?l?t de couper ou de coudre ses habits de plaisance ou de fantaisie.
Enfin, il ne d?daignait point d'entrer quelquefois dans la carri?re du bel esprit, et, au dire de ses amis, il excellait ? faire des fables!
Lorsque M. Othon eut fini de souffler dans sa trompe, sur le talus o? nous l'avons aper?u, les premiers mots qu'il dit furent ceux-ci, qu'il accompagna de son plus beau rire: <
< --Parbleu! s'?cria du haut du talus le beau Robinard, qui avait pris une riche pose sur son ?minence et d?veloppait les avantages de sa taille aux yeux de la foule qu'il dominait, parbleu, n'est-ce pas ce cher monsieur Verdelet que je vois?>> Et ce disant il se laissait glisser sur la pente du talus avec une agilit? surprenante. < < --Pas possible!>> s'?cria Othon; en m?me temps il fendit la foule, repoussa Oscar et l'abb? Ponceau, qui faisaient respirer des sels ? la jeune dame, et se mit ? lui taper dans les mains en criant ? tue t?te: < Il para?t que la voix de M. Othon avait, en effet, une certaine puissance sur celle qu'il secourait; car tout ? coup elle ouvrit les yeux, et apercevant le jeune fablier, elle rougit extr?mement, ce qui donna fort ? penser ? Oscar. < Othon mit, sans g?ne, le bras de la dame sous le sien et s'avan?a, avec elle, vers M. Verdelet, qui ?tait alors occup? ? raconter le sinistre du 8 mai au m?canicien m?me du convoi. Le gros monsieur, apercevant sa femme, s'appr?tait ? lui prouver victorieusement qu'il n'?tait point pusillanime, comme elle le disait, pour avoir eu peur des chemins de fer, lorsque Othon, le regardant fixement, recommen?a ses rires impertinents. M. Verdelet prenait, l'air f?ch? et grommelait; sa femme paraissait toute confuse; Oscar, par humanit?, s'empressa de venir au secours des deux ?poux. < --La tour de Montlh?ry, fit l'abb? Ponceau, qui arrivait clopin dopant; la tour de Montlh?ry! serions-nous donc aussi pr?s de cette fameuse ruine? --Bah! r?pondit Othon en faisant claquer ses l?vres, une belle chose, sur ma parole; un grenier de hiboux et de rats. --Vous en parlez ? votre aise, monsieur, reprit le bon abb? d'un air entendu; mais savez-vous bien ce que disait, au sujet de cette tour que vous m?prisez, le roi Philippe 1er ?... --Que diable me parlez-vous de rois, monsieur l'abb?, je suis r?publicain, moi! --Quelle horreur!>> s'?cria en joignant les mains, M. Verdelet, qui avait entendu parler de 93. Cependant l'avis d'Oscar pr?valut; plusieurs voyageurs se joignirent ? la soci?t? Verdelet, et l'on se mit en route ? travers champs. Mais bient?t la jeune dame, mal remise de son ?motion, fut prise d'une nouvelle d?faillance, et l'on fit une halte sous de grands arbres qui bordaient un chemin vicinal. Aussit?t que l'on fut arr?t?, sans plus de c?r?monie, M. Othon ?ta sa veste de nankin, retroussa la manche de sa chemise, et tendant avec force son bras nu, muscl? ? faire envie ? feu Milon le Crotoniate. < --Quoi toucher? --Mon bras, parbleu! touchez!>> M. Verdelet toucha avec un visible ennui; puis ce fut au tour d'Oscar, de l'abb? Ponceau et des autres voyageurs.--Par bonheur, les dames avaient le dos tourn? ? cette singuli?re exp?rience, ?tant toutes empress?es autour de madame Verdelet. < Enfin il rabattit la manche de sa chemise, et M. Verdelet s'appr?tait ? aller rejoindre sa femme; mais Othon l'arr?ta. < A ces mots, le jeune musculeux se renversa sur l'herbe, appuy? sur ses deux mains et relevant les genoux avec effort, de fa?on ? ce que sa poitrine pr?sent?t une surface convexe. Sa t?te pendait ? terre, et il s'?criait: < --Quelle plaisanterie! O? voulez-vous que je monte? --Vous ?tes le plus gros de la soci?t?; montez! --Allons, monsieur, dit Oscar tout doucement au gros mari; montez sans peur; monsieur m'a l'air d'?tre assez fort pour en supporter de plus lourds que vous.>> M. Verdelet se r?signa ? monter, en murmurant, sur la poitrine de l'athl?te; il y allait avec une extr?me pr?caution. < Et lorsque enfin le gros monsieur fut tout droit en ?quilibre sur la poitrine tendue: < Cet interm?de ?tait ? peine fini... Mais il est temps de nous arr?ter, et nous remettrons la suite de notre r?cit au chapitre suivant. DEUX ALCIDES DE PROFESSION ET UN HERCULE DE BONNE COMPAGNIE. L'interm?de hercul?en donn? gratis par M. Othon ? la soci?t? des voyageurs venait donc de finir, et Oscar regardait avec une curiosit? croissante ce prodigieux baronnet, dont il s'applaudissait d'avoir fait la rencontre. L'abb? Ponceau donnait, pour sa part, peu d'attention ? ce qui se passait autour de lui; le bonhomme ?tait profond?ment occup? ? recueillir ses souvenirs historiques sur la fameuse tour que l'on se proposait de visiter, et il pensait d?j?, non sans un petit mouvement secret de vanit?, aux grands yeux que ferait la soci?t? lorsqu'il leur apprendrait ? tous, lui, l'abb? Ponceau, que la tour de Montlh?ry, autrefois Montlh?ry, avait ?t? fortifi?e en 999 par Thibaud, surnomm? Fil ?toupe, sans doute ? cause de ses cheveux blonds; et bien d'autres d?tails encore, dont l'exactitude e?t ?t? le moindre m?rite, ? coup s?r. A ce moment, une longue voiture peinte en rouge et en vert vint ? passer sur le chemin. M. Othon poussa un cri de joie; < Aussit?t il courut ? la voiture, et annon?a par de nouveaux cris qu'il ne s'?tait pas tromp? dans sa conjecture. C'?taient en effet deux alcides, fort connus dans toutes les foires de la Beauce et de la Brie, et qui m?me, si je ne trompe, ont l'honneur de travailler dans les Champs-?lys?es, aux jours d'enthousiasme impossible ? d?crire. Les deux athl?tes se rendaient en ce moment ? ?tampes, pour une grande foire qui devait avoir lieu, et ils emportaient avec eux leurs boulets de canon et leurs kilos de la plus grosse esp?ce, comme dit l'admirable Bilboquet. A titre de rival, ou simplement d'amateur, M. de la Villejoyeuse les connaissait, je ne dirai pas intimement, mais au moins particuli?rement; et souvent, dans les foires, on l'avait vu s'entretenir avec eux, avant ou apr?s leurs exercices. Il n'eut donc point de peine ? leur persuader de faire une halte sur le chemin, et de d?ployer leurs talents devant l'honorable soci?t? qui campait sous les arbres.
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