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Read Ebook: L'Illustration No. 0072 11 Juillet 1844 by Various

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Ebook has 1086 lines and 50255 words, and 22 pages

Mademoiselle Louise ?tait la ni?ce d'un sieur Bouchard, qui se disait descendant direct des Bouchard de Montmorency, et avait un gros moulin ? bl? sur la rivi?re du Loir. Louise passait, dans le pays, pour un tr?s-bon parti, mais les pr?tendants ? sa main ?taient fort rares parce que, de bonne heure, Antoine Bouchard, son cousin, fils du meunier, avait bonnement annonc? qu'il casserait les reins au malappris qui marcherait sur ses traces conjugales. Cet Antoine ?tait haut de pr?s de six pieds, il avait des ?paules carr?es comme la porte de son moulin, et des poings ?normes toujours au service, de son humeur rev?che, et de son caract?re batailleur. Mais Antoine joignait ? ces solides qualit?s une laideur au moins ?gale ? sa stature. La roue de son moulin loi avait un beau jour attrap? la joue gauche, dont un morceau fut enlev?, que les plus habiles m?decins ne purent jamais remplacer.

Mademoiselle Louise, ?lev?e au moulin, grandit dans le respect absolu et dans l'admiration des g?ants: tout le jour elle entendait son oncle et son cousin, ces deux colosses, m?priser le reste des hommes et appr?cier chacun de leurs voisins au degr? de sa vigueur ou de sa taille. Le soir, apr?s souper, il n'?tait question, entre le p?re et le fils, que des fameux coups de poing que l'un et l'autre se vantaient d'avoir donn?s, et des tours de force incomparables que tous deux avaient ex?cut?s. Le p?re avait un jour, disait-il, arr?t? d'une main sa voiture lanc?e au grand galop; le fils avait soulev? un tonneau tout rempli de vin; le p?re s'?tait, en son jeune temps, battu contre cinq goujats ensemble; le fils avait, d'un coup d'?paule, jet? bas un gros mur, etc., etc.

Louise, qui tricotait au coin du feu, entendant le r?cit de ces prouesses, levait ses yeux timides vers les deux Hercules, qui lui semblaient alors les premiers du monde, et dont un geste, un regard m?me, la faisait trembler de tous ses membres. Mais son cousin ?tait si laid!... Louise avait bien soin de toujours placer sa chaise du c?t? droit d'Antoine, c'est-?-dire du c?t? de la joue qui n'?tait point balafr?e; et pourtant, malgr? cette pr?caution, la pauvre demoiselle ne pouvait s'emp?cher de penser souvent ? cette horrible, joue gauche qu'elle serait bien, un jour, oblig?e de voir: car, quand on se marie, c'est pour longtemps, comme disait Oscar, et votre mari, madame, ne sera pas toujours tourn? du c?t?, droit.

Othon avait ?puis? d?j? la plus grande partie de l'Orl?anais, et, en d?sespoir de cause, il r?solut d'aller chercher de la graine de luzerne au moulin du sieur Bouchard. Il n'ignorait point les charitables avertissements que le terrible Antoine avait sem?s dans le pays, mais il savait aussi que les Bouchard avaient entendu parler de lui d'une fa?on qui devait leur donner de la jalousie; et comme jusqu'alors Othon avait toujours ross?, il ne s'imaginait pas qu'il p?t trouver ? son tour qui le ross?t.

Donc, il s'en allait fort tranquille et donnant des coups de poing dans l'air pour se faire le bras. A deux port?es de fusil du moulin, il entendit une voix lamentable qui implorait son assistance; c'?tait le vieux Bouchard qui s'?tait d?mis la jambe en tombant de cheval et gisait sur la route, sans pouvoir m?me se tra?ner. L'occasion ?tait belle. Othon chargea vigoureusement, sur ses ?paules le gros homme bless?, et, leste sous ce faix ?norme, il fit une entr?e triomphale au moulin.

Louise et Antoine pouss?rent un cri d'admiration ? sa vue; le fils Bouchard p?lit d'?tonnement et de jalousie, car, s'il pr?tendait avoir soulev? un tonneau de vin, assur?ment il ne s'?tait jamais vant? d'avoir soulev? l'auteur de ses jours. Louise, qui, par habitude, regardait d'abord le nouvel arriv? du c?t? droit, sembla surprise agr?ablement lorsque la joue gauche de M. Othon lui parut tout ? fait semblable ? la droite, et d?sormais elle levait sans pr?caution ses yeux sur le bel ?tranger.

Antoine consid?rait le baronnet d'un oeil sournois, et plusieurs fois il grogna en voyant les regards d'Othon dirig?s fixement sur mademoiselle Louise. Le soir venu, Bouchard le p?re, la jambe envelopp?e, ?tait ?tendu sur une berg?re, et la conversation se tourna naturellement vers son objet habituel, je veux dire la force des poignets. Antoine se vanta magnifiquement: ? l'en croire, chacun de ses coups de poing aurait tu? un boeuf. Othon avec modestie rappelait quelques succ?s obtenus par lui dans les foires du d?partement; sur quoi, le jeune meunier lui prit la main, et, tout en feignant de rire, il lui serrait le poignet de fa?on ? le briser. Othon ne sourcilla pas; de la main qui lui restait libre il saisit ? son tour l'autre poignet d'Antoine, et celui-ci ne put s'emp?cher de jeter un cri.--D?s ce moment, Antoine fut d?chu du premier rang aux yeux de Louise.

Trois jours apr?s, Othon, qui ne perdait point de temps, s'?tait gliss? dans la chambre de l'h?riti?re, et, ? genoux, lui demandait sa main en les termes les plus fleuris que lui pouvait fournir sa litt?rature fabli?re. Louise rougissait, baissait les yeux, ne r?pondait rien, mais son silence ?tait beaucoup plus clair que les plus longs discours du monde. Tout ? coup un bruit de pas se fit entendre dans le corridor.

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--Fuir? jamais! r?pliquait le superbe Othon.

--C'est Antoine, il vous tuera!

--Me tuer?>>

Othon retroussait d?j? ses manches. Louise joignit les mains, et si vivement elle le supplia, que, maugr?ant et jurant, il consentit enfin ? se blottir au fond d'un placard, que la demoiselle referma sur lui. Antoine frappait ? la porte d'entr?e, il frappait ? coups redoubl?s;

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Louise alla ouvrir ? son cousin. Quand il la vit p?le et chancelante, il ne conserva plus aucun doute: la col?re lui monta au visage, et sa balafre, devenue pourpre, ?tait horrible ? voir.

<> s'?criait-il, heurtant violemment son b?ton sur le carreau; <> Louise ?tait pr?s de se trouver mal; Othon, blotti au fond du placard, se contenait encore, quoique ses oreilles commen?aient ? s'allumer. <> s'?criait le terrible cousin, frappant du pied; <>

Craquelin! extermin?! Othon, bouillonnant dans son trou, donna violemment du poing dans la porte du placard, et s'?cria de toute sa force:

<>

Et il frappait coups sur coups dans la porte. Mais Antoine, renversant des chaises de droite et de gauche:

<

--Ouvre-moi donc, gredin! l?che! b?litre! ouvre-moi donc, grand gladiateur!>>

Othon faisait rage dans son placard et y pi?tinait sur la fa?ence avec un vacarme effroyable. Louise avait pris le parti de s'?vanouir.--Antoine l?cha encore une vingtaine de jurons ?pouvantables, frappa du pied et du b?ton sur tous les meubles, et sacra de toutes ses forces en s'?criant qu'il tuerait Othon, partout o? il le rencontrerait.--L?-dessus il sortit.

Othon, ?cumant, parvint ? forcer la porte de sa prison, et s'?lan?a, le poing lev?, ? la poursuite de son exterminateur; mais la premi?re personne qu'il rencontra dans le corridor, ce fut le vieux Bouchard, qui le prit par le milieu du corps et, avec l'aide de deux valets de charrue, le jeta enfin ? la porte, dans un foss? plein d'eau.

Louise d?clara ? son oncle qu'elle n'?pouserait jamais Antoine, et celui-ci, par vengeance, conseilla ? son p?re d'accepter la demande de M. Verdelet, pharmacien retir? et adjoint au maire d'Orl?ans.--Ce fut ainsi que Louise devint madame Verdelet, ? son grand deuil. Othon, dans sa premi?re exasp?ration, avait bien song? ? massacrer le vieil apothicaire, mais il se ravisa, et sachant que Louise avait conserv? de lui un tendre souvenir, il pr?f?ra la ruse ? la force vis-?-vis du mari. Electeur influent, la maison de l'adjoint lui fut ouverte d'abord, et quoique M. Verdelet le juge?t par derri?re t'animal le plus insupportable, par-devant il le traitait flatteusement, et l'invitait toujours ? d?ner lorsqu'il venait en ville. Louise, tr?s-r?serv?e avec son ancien pr?tendant, lui marquait n?anmoins un reste d'int?r?t ou d'admiration; et M. Othon, triomphant de quelques regards qu'on lui adressait tous les huit jours, s'apitoyait d?j? publiquement, comme nous avons vu, et tr?s-pr?matur?ment, ce semble, sur le sort futur r?serv? ? ce pauvre mari Verdelet.

D'o? il suit que le jeune Oscar avait eu grand tort de prendre un avenir douteux pour un pass? bien accompli; et d?sormais, nous le promettons ? nos lecteurs, notre h?ros se gardera, dans ses jugements, d'une semblable t?m?rit?.

AVANT D'ARRIVER A ORL?ANS.

Le jeune Oscar, plac?, on s'en souvient, vis-?-vis de madame Verdelet dans le wagon, se perdait en toutes sortes de r?flexions analytiques; car c'?tait l? le faible ou le fort, comme vous voudrez, de notre personnage, de vouloir toujours analyser ses moindres impressions, et d'employer un tiers de sa vie ? chercher int?rieurement le pourquoi des deux autres; encore souvent cette recherche n'aboutissait-elle ? rien de satisfaisant.--Or, ? ce moment, Oscar se demandait compte ? lui-m?me du plaisir manifeste que lui causaient les jolis yeux de madame Verdelet, et ? bon droit il s'?tonnait de se trouver si jeune en voyage, lui ? qui les dames de Paris reprochaient de valser comme aurait pu faire Caton le censeur dans ses jours de liesse.

<>

Tandis que le jeune Oscar m?ditait ainsi dans son for, le vieil abb?, ami de la conversation, et passionn?, en sa qualit? de g?ographe, pour les beaux discours, avait recommenc? ? deviser avec le gros Verdelet sur les chemins de fer, les diligences et autres modes de transport; et, de fil en aiguille, il en vint ? trouver pour sa fameuse histoire l'?-propos qu'il guettait, ou plut?t qu'il s'effor?ait d'amener depuis dix minutes. Il s'?cria donc... modestement toutefois;

<

<>

Le convoi arrivait ? Orl?ans. Madame Verdelet donna deux ou trois coups du coude ? son mari, qui enfin, d'un ton froid se r?signa ? offrir l'hospitalit? ? nos deux voyageurs. La politesse du gros monsieur ?tait si forc?e et si impolie, que notre h?ros, par malice, accepta ses offres avec une cordialit? apparente qui dut faire enrager l'amphitryon.

<>

Madame Verdelet avait un air m?content qui r?concilia un peu le jeune Oscar avec elle.

Albert Aubert.

Les Romanciers contemporains.

M. EUG?NE SUE.

Ce serait une ?tude int?ressante que de suivre dans les romans de M. Eug?ne Sue le progr?s et la transformation du syst?me perp?tuel de l'auteur, qui repose tout entier sur ce vieil antagonisme, deux principes, le bien et le mal. A son d?but, le romancier, frapp? d?j? de la double domination qui se partage le monde, imagine toujours, ? c?t? du ses h?ros excellents par le coeur et par l'esprit, un personnage effroyable dans lequel semblent se r?unir les vices et les m?chancet?s, une sorte de tra?tre un peu m?lodramatique, disons-le sans compter l'imitation de M?phistoph?l?s. Ainsi nous allons du Szaffie de la Salamandre au Lugarto de Mathilde, ? travers plusieurs h?ros du mal coul?s dans le m?me monde. Mais aujourd'hui le romancier a fait ce grand progr?s de ne plus imaginer de semblables parangons de vertu ou de vice, et de chercher plut?t le bien et le mal dans la r?alit? m?me. Alors, au lieu de Lugarto, ce monstre impossible, charg? de r?tablir l'?quilibre quand Mathilde et Rochegune font par trop pencher la balance du c?t? de la vertu; au lieu, dis-je, de Lugarto, nous avons eu les mis?res du peuple et les vices affreux engendr?s par ces m?mes mis?res; un lieu des noirceurs d'une ?me diabolique, l'auteur nous a montr? ce gouffre sans fond plein d'infamies, de crimes et de douleurs qui se creuse nuit et jour au plus bas de la soci?t?. Alors aussi s'est subitement ?lev? le talent du conteur. Soutenu, pour ainsi dire, par la force de la r?alit?, l'?crivain ne s'est plus ?puis? en ces paginations excessives qui p?chaient toujours par leur exc?s m?me; d?sormais il n'avait besoin que de refl?chir dans son oeuvre ces v?rit?s effrayantes qu'on n'invente point, et qui laissent bien loin, pour la terreur et la piti?, pour la curiosit? m?me, toutes les inventions humaines; d?sormais le roman devenait presque de l'histoire.--Apr?s cela, on a cri? de toutes parts ? l'immoralit?. A quoi non parler aux pauvres de leur pauvret?, aux mis?rables de leur mis?re, aux d?sesp?r?s de leur d?sespoir? S'ils allaient s'irriter enfin ? la vue de ce tableau trop vrai de l'atroce destin?e que le monde leur a faite?... Rognez ce chapitre, la morale le r?prouve; cachez cette plaie, l'humanit? n'en supporte point la vue; ?touffez ce cri, l'ordre public en serait troubl?; taisez ce scandale, la religion s'en indignerait, etc. Ainsi les scrupuleux effarouchaient de la nudit? de ces tableaux; les d?licats ne pouvaient tol?rer la crudit? de ces tons, et les uns et les autres condamnaient chaque chapitre en particulier, oubliant en vue de quel enseignement g?n?ral l'auteur les avait trac?s, ne voyant pas quelle haute moralit? il avait eu le g?n?reux dessin de tirer de ces pages immorales et scandaleuses!

Aujourd'hui le spectacle est beaucoup moins philosophique, et se tourne de pr?f?rence vers la description.

Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales.

Revue comique de l'Exposition, par Cham.

Une Soir?e ? Saint-P?tersbourg.

STATUE DE LA N?VA, PAR JACQUES.

C'?tait la N?va. Depuis longtemps, les architectes russes ou ?trangers ?tablis ? Saint P?tersbourg cherchaient, sans pouvoir les trouver, les moyens de construire sur la N?va un pont qui li?t ensemble, ? l'?poque de la d?b?cle, les deux parties de la capitale de la Russie. Personne n'ignore qu'au moment de la fonte des glaces toutes les communications sont interrompues souvent pendant plusieurs jours entre la rive droite et la rive gauche du fleuve. Plus d'un habitant de Saint-P?tersbourg reste ainsi parfois une semaine enti?re forc?ment absent de son domicile. Une multitude de projets avaient ?t? successivement pr?sent?s au comit? sp?cial charg? de les examiner: tous furent rejet?s.

Enfin, en 1841, un nouveau plan obtint, l'assentiment universel. Pour l'ex?cuter il fallait, il est vrai, abattre un nombre consid?rable de maisons, combler des canaux, percer des rues, etc. Une vaste place devait, en outre, aboutir au pont, du c?t? du quai Anglais. A peine M. Jacques eut-il connaissance de ce projet, il con?ut l'id?e de sculpter une statue colossale destin?e ? l'ornement de cette place, et il fit, en cons?quence, un mod?le en pl?tre qui excita des transports unanimes d'admiration.

Heureux et fier de ce premier succ?s l'artiste croyait toucher au terme de ses voeux; d?j? il s'appr?tait ? transformer ce mod?le fragile en un bloc de pierre ici imp?rissable, lorsqu'un matin,--? douleur!--on vint lui apprendre que pendant la nuit un incendie avait tout d?vor?; son atelier, son mod?le, sa petite fortune, son avenir, sa gloire, ses esp?rances et ses r?ves... Il supporta ce coup affreux avec une noble fermet?; mais, s'il se montra r?sign?, s'il cacha ses douleurs ? tous les yeux, son d?sespoir n'en fut pas moins violent.

M. Jacques a donc ?t? rembours? de ses frais; il a pu faire honneur ? sa signature; mais, de son chef-d'oeuvre, il ne reste plus maintenant qu'un souvenir... et notre dessin.

Le Sacrifice d'Alceste.

Le mariage projet? entre Nathaniel de Keraudran et Mathilde de Larcy, reprit mon oncle Antoine commen?ant une seconde histoire, avait surtout pour but de terminer des d?m?l?s d'int?r?ts qui avaient divis? leurs familles. Mathilde, par ses id?es romanesques, en exigeant un homme qui e?t sacrifi? sa vie pour elle, rompit tous ces projets. Aussit?t que Keraudran eut refus? la fiole de poison, elle refusa son alliance. Les proc?s recommenc?rent; et au lieu du notaire on vit para?tre les avocats.

Nathaniel de Keraudran en ?tait d?sol?.

<> disait-il.

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