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Read Ebook: Œuvres complètes de Gustave Flaubert tome 1 (of 8): Madame Bovary by Flaubert Gustave

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Ebook has 2946 lines and 147447 words, and 59 pages

Au lecteur

La liste des modifications se trouve ? la fin du texte.

?dition d?finitive d'apr?s les manuscrits originaux

OEUVRES COMPL?TES DE GUSTAVE FLAUBERT

MADAME BOVARY

MOEURS DE PROVINCE

PARIS A. QUANTIN, IMPRIMEUR-?DITEUR RUE SAINT-BENOIT, 7 1885

NOTE DE L'?DITEUR

Depuis la mort de Gustave Flaubert, sa gloire litt?raire n'a cess? de s'accro?tre. Une pleine justice lui a ?t? rendue et il occupe aujourd'hui sa place, l?gitimement consacr?e, au premier rang des prosateurs de ce si?cle.

Le moment ?tait opportun pour r?unir ses oeuvres compl?tes en une ?dition d?finitive. Nous la publions dans le format classique des biblioth?ques.

Nous savions que Gustave Flaubert avait laiss? ? sa ni?ce, Mme Commanville, tous les manuscrits de ses ouvrages, dans la forme arr?t?e par lui. Leur confrontation avec les derni?res ?ditions ?tait ?videmment le meilleur moyen de d?couvrir, le cas ?ch?ant, les fautes que nous avions ? coeur d'?viter, et M. L?on Dierx, de concert avec les amis et les h?ritiers du ma?tre, a bien voulu se charger de cette revision d?licate.

Ce travail a ?t? fructueux autant qu'il ?tait indispensable, car des diff?rences se sont r?v?l?es ?? et l?, les unes manifestement erron?es, les autres permettant encore le doute. Les plus petites alt?rations ont pu ?tre rectifi?es par une entente mutuelle et nous publions aujourd'hui un texte r?tabli dans sa plus grande puret?.

Avril 1885.

MARIE-ANTOINE-JULES SENARD

MEMBRE DU BARREAU DE PARIS EX-PR?SIDENT DE L'ASSEMBL?E NATIONALE ET ANCIEN MINISTRE DE L'INT?RIEUR

GUSTAVE FLAUBERT.

Paris, 12 avril 1857.

MADAME BOVARY

PREMI?RE PARTIE

Le proviseur nous fit signe de nous rasseoir, puis, se tournant vers le ma?tre d'?tude:

On commen?a la r?citation des le?ons. Il les ?couta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant m?me croiser les cuisses ni s'appuyer sur le coude; et ? deux heures, quand la cloche sonna, le ma?tre d'?tude fut oblig? de l'avertir pour qu'il se m?t avec nous dans les rangs.

Mais, soit qu'il n'e?t pas remarqu? cette manoeuvre, ou qu'il n'e?t os? s'y soumettre, la pri?re ?tait finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'?tait une de ces coiffures d'ordre composite, o? l'on retrouve les ?l?ments du bonnet ? poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses enfin dont la laideur muette a des profondeurs d'expression, comme le visage d'un imb?cile. Ovo?de et renfl?e de baleine, elle commen?ait par trois boudins circulaires; puis s'alternaient, s?par?s par une bande rouge, des losanges de velours et de poil de lapin; venait ensuite une fa?on de sac, qui se terminait par un polygone cartonn?, couvert d'une broderie en soutache compliqu?e et d'o? pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en mani?re de gland. Elle ?tait neuve; la visi?re brillait.

--Levez-vous, dit le professeur.

Il se leva; sa casquette tomba. Toute la classe se mit ? rire.

Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude. Il la ramassa encore une fois.

--D?barrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui ?tait un homme d'esprit.

Il y eut un rire ?clatant des ?coliers qui d?contenan?a le pauvre gar?on, si bien qu'il ne savait s'il fallait la garder ? sa main, la laisser par terre ou la mettre sur sa t?te. Il se rassit et la posa sur ses genoux.

--Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom.

--R?p?tez!

Le m?me bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les hu?es de la classe.

--Plus haut! cria le ma?tre, plus haut!

Cependant, sous la pluie des pensums, l'ordre peu ? peu se r?tablit dans la classe, et le professeur, parvenu ? saisir le nom de Charles Bovary, se l'?tant fait dicter, ?peler et relire, commanda tout de suite au pauvre diable d'aller s'asseoir sur le banc de paresse, au pied de la chaire. Il se mit en mouvement, mais, avant de partir, h?sita.

--Que cherchez-vous? demanda le professeur.

Le soir, ? l'?tude, il tira ses bouts de manche de son pupitre, mit en ordre ses petites affaires, r?gla soigneusement son papier. Nous le v?mes qui travaillait en conscience, cherchant tous les mots dans le dictionnaire et se donnant beaucoup de mal. Gr?ce, sans doute, ? cette bonne volont? dont il fit preuve, il dut de ne pas descendre dans la classe inf?rieure; car s'il savait passablement ses r?gles, il n'avait gu?re d'?l?gance dans les tournures. C'?tait le cur? de son village qui lui avait commenc? le latin, ses parents, par ?conomie, ne l'ayant envoy? au coll?ge que le plus tard possible.

Moyennant deux cents francs par an, il trouva donc ? louer dans un village, sur les confins du pays de Caux et de la Picardie, une sorte de logis moiti? ferme, moiti? maison de ma?tre; et, chagrin, rong? de regrets, accusant le ciel, jaloux contre tout le monde, il s'enferma d?s l'?ge de quarante-cinq ans, d?go?t? des hommes, disait-il, et d?cid? ? vivre en paix.

Sa femme avait ?t? folle de lui autrefois; elle l'avait aim? avec mille servilit?s qui l'avaient d?tach? d'elle encore plus. Enjou?e jadis expansive et tout aimante, elle ?tait, en vieillissant, devenue d'humeur difficile, piaillarde, nerveuse. Elle avait tant souffert, sans se plaindre, d'abord, quand elle le voyait courir apr?s toutes les gotons de village et que vingt mauvais lieux le lui renvoyaient le soir, blas? et puant l'ivresse; puis l'orgueil s'?tait r?volt?. Alors elle s'?tait tue, avalant sa rage dans un sto?cisme muet qu'elle garda jusqu'? sa mort. Elle ?tait sans cesse en courses, en affaires. Elle allait chez les avou?s, chez le pr?sident, se rappelait l'?ch?ance des billets, obtenait des retards; et, ? la maison, repassait, cousait, blanchissait, surveillait les ouvriers, soldait les m?moires,--tandis que, sans s'inqui?ter de rien, Monsieur, continuellement engourdi dans une somnolence boudeuse dont il ne se r?veillait que pour lui dire des choses d?sobligeantes, restait ? fumer au coin du feu, en crachant dans les cendres.

Il suivait les laboureurs et chassait, ? coups de mottes de terre, les corbeaux qui s'envolaient. Il mangeait des m?res le long des foss?s, gardait les dindons avec une gaule, fanait ? la moisson, courait dans le bois, jouait ? la marelle sous le porche de l'?glise les jours de pluie, et, aux grandes f?tes, suppliait le bedeau de lui laisser sonner les cloches, pour se pendre de tout son corps ? la grande corde, et se sentir emport? par elle dans sa vol?e.

Aussi poussa-t-il comme un ch?ne. Il acquit de fortes mains, de belles couleurs.

Charles ne pouvait en rester l?; Madame fut ?nergique. Honteux, ou fatigu? plut?t, Monsieur c?da sans r?sistance, et l'on attendit encore un an que le gamin e?t fait sa premi?re communion.

Six mois se pass?rent encore; et, l'ann?e d'apr?s, Charles fut d?finitivement envoy? au coll?ge de Rouen, o? son p?re l'amena lui-m?me, vers la fin d'octobre, ? l'?poque de la foire Saint-Romain.

A force de s'appliquer, il se maintint toujours vers le milieu de la classe; une fois m?me, il gagna un premier accessit d'histoire naturelle. Mais, ? la fin de sa troisi?me, ses parents le retir?rent du coll?ge pour lui faire ?tudier la m?decine, persuad?s qu'il pourrait se pousser seul jusqu'au baccalaur?at.

Sa m?re lui choisit une chambre, au quatri?me, sur l'Eau-de-Robec, chez un teinturier de sa connaissance. Elle conclut les arrangements de sa pension, se procura des meubles, une table et deux chaises, fit venir de chez elle un vieux lit en merisier et acheta de plus un petit po?le en fonte, avec la provision de bois qui devait chauffer son pauvre enfant. Puis elle partit au bout de la semaine, apr?s mille recommandations de se bien conduire, maintenant qu'il allait ?tre abandonn? ? lui-m?me.

Le programme des cours, qu'il lut sur l'affiche, lui fit un effet d'?tourdissement: cours d'anatomie, cours de pathologie, cours de physiologie, cours de pharmacie, cours de chimie et de botanique, et de clinique, et de th?rapeutique, sans compter l'hygi?ne ni les mati?res m?dicales, tous noms dont il ignorait les ?tymologies, et qui ?taient comme autant de portes de sanctuaires pleins d'augustes t?n?bres.

Il n'y comprit rien; il avait beau ?couter, il ne saisissait pas. Il travaillait pourtant, il avait des cahiers reli?s, il suivait tous les cours, il ne perdait pas une seule visite. Il accomplissait sa petite t?che quotidienne ? la mani?re du cheval de man?ge, qui tourne en place les yeux band?s, ignorant de la besogne qu'il broie.

Pour lui ?pargner de la d?pense, sa m?re lui envoyait chaque semaine, par le messager, un morceau de veau cuit au four, avec quoi il d?jeunait le matin, quand il ?tait rentr? de l'h?pital, tout en battant la semelle contre le mur. Ensuite il fallait courir aux le?ons, ? l'amphith??tre, ? l'hospice, et revenir chez lui, ? travers toutes les rues. Le soir, apr?s le maigre d?ner de son propri?taire, il remontait ? sa chambre et se remettait au travail, dans ses habits mouill?s qui fumaient sur son corps, devant le po?le rougi.

Dans les beaux soirs d'?t?, ? l'heure o? les rues ti?des sont vides, quand les servantes jouent au volant sur le seuil des portes, il ouvrait sa fen?tre et s'accoudait. La rivi?re, qui fait de ce quartier de Rouen comme une ignoble petite Venise, coulait en bas, sous lui, jaune, violette ou bleue, entre ses ponts et ses grilles. Des ouvriers, accroupis aux bords, lavaient leurs bras dans l'eau. Sur des perches partant du haut des greniers, des ?cheveaux de coton s?chaient ? l'air. En face, au del? des toits, le grand ciel pur s'?tendait, avec le soleil rouge se couchant. Qu'il devait faire bon l?-bas! Quelle fra?cheur sous la h?tr?e! Et il ouvrait les narines pour aspirer les bonnes odeurs de la campagne, qui ne venaient pas jusqu'? lui.

Il maigrit, sa taille s'allongea, et sa figure prit une sorte d'expression dolente, qui la rendit presque int?ressante.

Naturellement, par nonchalance, il en vint ? se d?lier de toutes les r?solutions qu'il s'?tait faites. Une fois, il manqua la visite, le lendemain son cours, et, savourant la paresse, peu ? peu, n'y retourna plus.

Il prit l'habitude du cabaret, avec la passion des dominos. S'enfermer chaque soir dans un sale appartement public, pour y taper sur des tables de marbre de petits os de mouton marqu?s de petits points noirs, lui semblait un acte pr?cieux de sa libert?, qui le rehaussait d'estime vis-?-vis de lui-m?me. C'?tait comme l'initiation au monde, l'acc?s des plaisirs d?fendus; et en entrant, il posait la main sur le bouton de la porte avec une joie presque sensuelle. Alors beaucoup de choses comprim?es en lui se dilat?rent; il apprit des couplets par coeur, qu'il chantait aux bienvenues, s'enthousiasma pour B?ranger, sut faire du punch et connut enfin l'amour.

Gr?ce ? ces travaux pr?paratoires, il ?choua compl?tement ? son examen d'officier de sant?. On l'attendait le soir m?me ? la maison pour le f?ter de son succ?s!

Il partit ? pied et s'arr?ta vers l'entr?e du village, o? il fit demander sa m?re et lui conta tout. Elle l'excusa, rejetant l'?chec sur l'injustice des examinateurs, et le raffermit un peu, se chargeant d'arranger les choses. Cinq ans plus tard seulement, M. Bovary connut la v?rit?: elle ?tait vieille; il l'accepta, ne pouvant d'ailleurs supposer qu'un homme issu de lui f?t un sot.

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