Read Ebook: An Examination of Weismannism by Romanes George John
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 121 lines and 4788 words, and 3 pages
LES
DERNIERS PAYSANS
PAR
?MILE SOUVESTRE
PARIS
MICHEL L?VY FR?RES, LIBRAIRES-?DITEURS
LA NIOLE BLANCHE.
A la vue du gendarme qui venait de para?tre sur le seuil, J?r?me devint tr?s p?le, le verre qu'il allait porter ? ses l?vres resta ? moiti? chemin, le brigadier nous salua avec la politesse joviale ordinaire ? ses pareils.
--Bon app?tit, dit-il, et ne vous d?rangez point pour moi; il para?t que la sant? se soutient, p?re J?r?me?
--La... la sant?! b?gaya le cabanier, tenant toujours son verre ? la m?me hauteur.
--Est-ce qu'elle n'est pas l?? dit le cabanier, qui regarda autour de lui.
--Vous le savez bien, vieux finot, reprit le brigadier, et vous allez m'avouer tout de suite o? elle est.
--Je vais...... je vais la chercher, dit J?r?me, qui fit un mouvement vers la porte.
Mais le gendarme lui barra le passage.
--Minute! s'?cria-t-il, on ne sort pas, mon brave.
--Justement nous ne voulons pas qu'on puisse l'avertir, r?pliqua le brigadier en clignant de l'oeil, et c'est pourquoi j'ai laiss? un homme ? l'ext?rieur. Voyons, p?re Blaisot, il n'y a plus ? faire le malin avec nous; on sait que votre fils est ici.
--Guillaume! s'?cria le cabanier avec un saisissement de surprise trop naturel pour ?tre jou?.
--Et nous venons l'arr?ter comme r?fractaire, ajouta le gendarme. Croyez-moi, l'ami, engagez-le ? se rendre.
J?r?me jura par tous les saints du haut et du bas Poitou qu'il ignorait le retour de son fils, et qu'il n'?tait pour rien dans sa r?sistance ? l'arr?t du sort qui l'appelait sous les drapeaux; mais le brigadier connaissait ?videmment son homme, et, persuad? que J?r?me cachait le r?fractaire, il voulut l'effrayer.
Blaisot voulut protester de sa soumission au gouvernement de juillet.
--Faites donc pas le c?lin, reprit l'agent de la force publique d'un ton presque mena?ant; on vous conna?t, peut-?tre! Est-ce que vous-m?me vous n'avez pas refus? de rejoindre dans le temps? Si on ?tait m?chant gar?on, on pourrait le dire assez haut pour ?tre entendu de Fontenay, et alors gare l'amende, la prison et le reste!
--Le reste! murmura le cabanier, qui se rappelait avoir vu fusiller les r?fractaires et ceux qui leur donnaient asile pendant la guerre de la Vend?e.
--Quoi qu'il arrive, continua le gendarme, je vous aurai averti; il ne faudra vous en prendre qu'? vous-m?me, si le procureur du roi se f?che et si les garnisaires vous mangent.
A ce mot de garnisaires, Blaisot devint encore plus p?le.
Ceux qui ont v?cu dans le pays o? a fleuri ce syst?me odieux de la R?publique et de l'Empire peuvent seuls comprendre tout ce qu'un pareil mot renferme. Pour nos paysans, recevoir les garnisaires, c'?tait souffrir le sort de pays conquis. Livr?s ? des soudards dont la mission ?tait surtout de se rendre insupportables, il fallait subir ? la fois la ruine et l'insulte, car ces loups officiels, en d?vorant leur proie, ne manquaient jamais de la railler d'?tre si maigre. L'id?e de se trouver expos? ? une telle ?preuve ?pouvanta Blaisot. Aux ?motions de sa poltronnerie vinrent se joindre les inqui?tudes de son avarice; il vit ses ?pargnes englouties et sa cabane au pillage.
--C'est-il la loi maintenant, s'?cria-t-elle, qu'on arr?te les gens quand ils rentrent tranquillement chez eux? Votre uniforme vous rend bien effront?s, mes gas!
--Ah! ah! c'est la cabani?re, dit le brigadier; et d'o? viens-tu comme ?a, ma vieille?
--D'un endroit o? on ne tutoie pas les filles qui ne vous connaissent pas! r?pondit-elle avec une hardiesse provocante.
--Bah! j'ai donc bien chang? depuis mon dernier voyage? demanda le gendarme.
--Alors tu ne sais pas qui je suis?
--Je vois que vous n'?tes pas des gens polis, toujours, r?pliqua la jeune fille aigrement.
Il ?tait ?vident que cette exag?ration de mauvaise humeur avait surtout pour but de cacher son trouble et de gagner du temps; le brigadier parut le comprendre:
--C'est bien malais? ? savoir, dit la paysanne du m?me ton bourru, j'?tais all?e porter la pitance au grand berger.
--Elle ne venait pas du c?t? o? nous avons vu le troupeau, dit le gendarme qui ?tait entr? avec elle.
--On ne prend pas le plus long pour son plaisir, objecta Durand.
--Mais on le prend pour son devoir, r?pliqua la paysanne, et j'avais oubli? quelque chose pr?s du grand canal.
--Quoi donc?
--Vous le voyez bien.
Elle avait tir? de dessous son tablier une petite faucille qu'elle jeta derri?re la porte, sur un tas d'herbe fra?chement coup?e. Durand et son compagnon se regard?rent: les r?ponses de la jeune fille ?taient si vraisemblables et faites d'un tel accent, que tous deux se trouvaient ?videmment embarrass?s; mais le brigadier n'?tait pas homme ? se payer de pareils subterfuges.
--Ma foi, dit-il apr?s un instant de silence, je vois que vous ?tes une fine mouche et qu'il n'y a pas moyen de vous prendre au gluau; vaut mieux alors tout vous dire franchement. Voil? l'histoire, ma fille: le grand Guillaume est pinc?!
--On l'a rencontr? en route, nous avons ?t? avertis; il n'y a plus moyen de nous ?chapper.
La paysanne joignit les mains.
Les deux gendarmes ?chang?rent encore un regard: en prenant au mot le brigadier, la jeune fille l'avait compl?tement d?rout?. Ainsi battu pour la seconde fois dans ses propres embuscades, il se d?cida ? attaquer de front.
--Ainsi tout ce que vous avez dit ?tait des menteries! s'?cria la paysanne.
--On vous demande o? vous avez laiss? Guillaume, interrompit le brigadier.
--Voil? qui est glorieux! dit-elle; tromper une pauvre fille, pour qu'elle soit dommageable ? son propre fr?re!
--Tonnerre! vous ne voulez donc pas r?pondre? dit Durand impatient?.
--Non! r?pliqua la cabani?re avec ?nergie; puisque vous me tendez des pi?ges, je n'ouvrirai plus la bouche; on me hacherait menu comme balle d'avoine plut?t que de me faire dire un mot.
Il avait regagn? la porte; je le suivis. La nuit ?tait ?toil?e; mais de grands nuages passaient par instants et amenaient des alternatives d'ombre et de lumi?re. Lorsque nous sort?mes, tout ?tait plong? dans l'obscurit?. Le brigadier appela deux hommes qui veillaient en dehors et commen?a ? leur donner ses instructions ? voix basse, mais il ne tarda pas ? s'interrompre; la brise venait d'apporter jusqu'? nous un bruit que je ne reconnus point d'abord.
--On dirait une niole qui passe sur le grand canal, fit observer un des gendarmes.
Add to tbrJar First Page Next Page