Read Ebook: An Examination of Weismannism by Romanes George John
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 121 lines and 4788 words, and 3 pages
--On dirait une niole qui passe sur le grand canal, fit observer un des gendarmes.
--C'est la jambe de bois! s'?cria le brigadier surpris; comment diable se trouve-t-il ici ? cette heure? D'o? viens-tu, vagabond, et que t'est-il arriv??
Niv?se voulut r?pondre, mais l'ivresse et la peur encha?naient sa langue: ? demi renvers? sur le banc plac? pr?s du seuil de la cabane, il tendait les mains vers le massif de saules du grand canal, en b?gayant des mots entrecoup?s.
--Comprenez-vous ce qu'il veut dire? demanda Durand ? ses hommes.
--Le pauvre diable n'a plus sa raison, reprit le gendarme qui avait d?j? parl?.
Et me saisissant la main:
--C'est l?, dit-il, comme j'abordais.... elle est sortie du milieu des roseaux.... et elle a fil? sous les arbres!
--Mais qui? quoi? s'?cria le brigadier impatient?.
Les gendarmes firent un mouvement de surprise; Durand haussa les ?paules.
--Il aura aper?u un rayon de lune qui glissait sur l'eau! reprit-il.
Mais le coureur de bois insista.
--J'ai aper?u le mort qu'il emportait.
--Un mort?
--Sa t?te pendait ? l'avant de la niole et tra?nait dans les joncs.
--Allons, ivrogne! dis que tu as eu peur, interrompit le brigadier.
--Non! s'?cria le coureur de bois; au premier instant, l'eau-de-vie m'a soutenu le coeur, et la preuve, c'est que je lui ai parl?.
--Et il t'a r?pondu?
--Nous sommes encore pas mal innocents d'?couter ici ce p?re la Soif, dit-il; pendant ce temps-l?, notre conscrit se donne de l'air. Vite, les enfants, pr?parez les armes et commen?ons la chasse!
Nous entend?mes craquer les batteries des carabines, puis les gendarmes s'avanc?rent avec leur chef dans la direction du grand canal.
Nous les suiv?mes tous par un mouvement involontaire; B?rard lui-m?me se laissa entra?ner, en protestant toutefois que nous courions ? notre perte. Le brigadier arriva le premier au massif de saules. Le canal, plong? dans la nuit, formait un large sillon noir que tachetaient, de loin en loin, les touffes de plantes aquatiques. Durand se retourna en ricanant:
Tous les yeux se fix?rent en m?me temps sur le point indiqu?: en avant, d'un jet de clart? stellaire qui argentait les eaux, une forme vague glissait l?g?rement dans l'obscurit?; elle atteignit bient?t la ligne lumineuse, et nous reconn?mes une petite barque recouverte de blanc.
Cette fois le brigadier parut c?der au saisissement g?n?ral.
--Mais elle nous a laiss? auparavant son chargement, acheva Fait-Tout.
Il d?signait du doigt un petit atterrissement qui, jusqu'alors, avait ?t? cach? par la berge; nous nous pench?mes tous ? la fois, et nous aper??mes le cadavre d'un noy?.
Le corps du noy? fut port? ? la cabane, et on le d?posa dans un petit appentis ferm? attenant au logis d'habitation. Le hasard ayant appris au brigadier Durand que j'avais quelques notions de m?decine, il me pria de dresser proc?s-verbal. Il fallait, pour cela, proc?der ? l'examen du cadavre, afin d'en conna?tre l'?tat et de constater la cause du d?c?s. Cependant les deux gendarmes, qui ?taient retourn?s ? Chaill?, avaient r?pandu le bruit de ce qui venait d'arriver. Malgr? la nuit, on accourut bient?t du voisinage pour voir le mort.
Le grand berger ?tait debout devant l'appentis, contemplant cette forme humaine ? jamais immobile qui se dessinait dans l'obscurit?. Il tenait des deux mains son chapeau appuy? sur sa poitrine, ses longs cheveux gris tombaient sur ses ?paules, et un pli douloureux crispait son front tann?.
--Voil? donc ce qu'on gagne ? vieillir! dit-il, en ayant l'air de penser tout haut plut?t que de s'adresser ? quelqu'un; ceux qu'on a vu na?tre sont ?tendus sur les tr?teaux, et la fille de la maison pleure ? la porte!
Le berger remua la t?te.
--Oui, dit-il doucement. Je sais qu'on ne peut pas lui demander compte; mais il y a des fois o? il est dur de se soumettre!.... Et c'est donc vrai qu'on ne sait pas comment la chose est arriv?e?
--On ne sait rien, dit la jeune fille.
Jacques regarda le cadavre quelque temps en silence.
--On dit toujours du bien de ceux qui sont partis pour l'?ternit?, reprit-il enfin; mais quand celui-ci ?tait vivant, on en parlait d?j? comme d'un mort. O? est l'homme qui serait capable, dans tout le Marais, de lui reprocher une mauvaise action ou seulement un mauvais mot? Sa pr?sence riait ? tout le monde, et quand il vous avait dit bonjour en passant, on se croyait plus riche.
--Qui aurait pu penser que le vieux Jacques le mettrait en terre? reprit le berger revenant toujours ? son ?tonnement douloureux; qui l'aurait dit, quand il courait avec mes moutons dans la p?ture, quand je lui faisais des sifflets de fr?ne, quand il me lisait l'histoire de la grande guerre au coin d'un foss??
--Taisez-vous, vieux Jacques, dit-elle tr?s bas et sans regarder le grand berger, vos paroles sont comme un couteau qui entre dans le coeur; pourquoi rendre la peine plus lourde en rappelant la joie?
--Ce que vous dites, c'est la raison, ma fille, reprit le paysan d?j? remis; aussi voil? qui est fini, je ne parlerai plus; seulement vous laisserez bien le grand berger voir une derni?re fois le fils de la maison?
--Faites vite, Jacques, dit-elle, ou tout le monde viendra troubler la tranquillit? des morts.
Et s'adressant ? la brebis:
--Comment n'as-tu pas senti le malheur venir sur nous? dit-il avec un ton de tristesse et de reproche; le bon Dieu t'aurait-il retir? ton instinct, ou bien as-tu oubli? Guillaume?
La brebis s'approcha lentement, tourna autour du noy?, passa la langue sur une de ses mains, puis s'?loigna avec indiff?rence, et sortit de l'appentis.
Le grand berger parut stup?fait. Il regarda le visage d?figur? du cadavre, laissa retomber le suaire, et, tournant la t?te:
--Allons, murmura-t-il, l'animal et l'homme se ressemblent; ils oublient les absents et ils abandonnent les morts.
Il s'agenouilla alors pr?s des tr?teaux, fit une courte pri?re, puis se signa de nouveau, et sortit en silence.
Tout en d?shabillant le noy?, B?rard m'avait remis sur la voie de ces pr?ventions populaires.
Le cadavre que nous avions sous les yeux ?tait loin d'annoncer une pareille vigueur, et j'en fis l'observation.
--C'est ce que je me disais tout en vous parlant, reprit le coureur de bois ?tonn?; j'aurais jur? que le grand Guillaume ?tait plus membru et mieux en point.
Je lui fis remarquer les jambes gr?les du mort, ses mains allong?es et ses ?paules ?troites.
--Faut voir les bras, dit-il en les d?gageant de leur dernier v?tement.
Mais il s'arr?ta tout ? coup, se pencha vivement vers le cadavre, et se r?cria.
--Qu'y a-t-il? demandai-je.
--Un tatouage.
--Qui repr?sente?
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page