Read Ebook: Les Précieuses ridicules by Moli Re
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Ebook has 663 lines and 12539 words, and 14 pages
Les Pr?cieuses Ridicules
Source:
Jean-Baptiste Poquelin , alias Moli?re, "Oeuvres de Moli?re, avec des notes de tous les commentateurs", Tome Premier, Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie, Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56, 1890.
Pages 151-181.
PR?FACE DES PR?CIEUSES RIDICULES
C'est une chose ?trange qu'on imprime les gens malgr? eux ! Je ne vois rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plut?t que celle-l?.
Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et m?priser par honneur ma com?die. J'offenserais mal ? propos tout Paris, si je l'accusais d'avoir pu applaudir ? une sottise ; comme le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence ? moi de le d?mentir ; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du monde de mes "Pr?cieuses ridicules" avant leur repr?sentation, je dois croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des gr?ces qu'on y a trouv?es d?pendent de l'action et du ton de la voix, il m'importait qu'on ne les d?pouill?t pas de ces ornements, et je trouvais que le succ?s qu'elles avaient eu dans la repr?sentation ?tait assez beau pour en demeurer l?. J'avais r?solu, dis-je, de les faire voir qu'? la chandelle, pour ne point donner lieu ? quelqu'un de dire le proverbe , et je ne voulais pas qu'elles sautassent du th??tre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu l'?viter, et je suis dans la disgr?ce de voir une copie d?rob?e de ma pi?ce entre les mains des libraires, accompagn?e d'un privil?ge obtenu par surprise. j'ai eu beau crier : O temps ! ? moeurs ! on m'a fait voir une n?cessit? pour moi d'?tre imprim?, ou d'avoir un proc?s ; et le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser aller ? la destin?e, et consentir ? une chose qu'on ne laisserait pas de faire sans moi.
Mon Dieu ! l'?trange embarras qu'un livre ? mettre au jour ; et qu'un auteur est neuf la premi?re fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on m'avait donn? du temps, j'aurais pu mieux songer ? moi, et j'aurais pris toutes les pr?cautions que messieurs les auteurs, ? pr?sent mes confr?res, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur que j'aurais ?t? prendre malgr? lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tent? la lib?ralit? par une ?p?tre d?dicatoire bien fleurie, j'aurais t?ch? de faire une belle et docte pr?face ; et je ne manque point de livres qui m'auraient fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la trag?die et la com?die, l'?tymologie de toutes deux, leur origine, leur d?finition, et le reste.
J'aurais aussi parl? ? mes amis, qui, pour la recommandation de ma pi?ce, ne m'auraient pas refus? ou des vers fran?ais, ou des vers latins. j'en ai m?me qui m'auraient lou? en grec ; et l'on n'ignore pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace ? la t?te d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me reconna?tre ; et je ne puis m?me obtenir la libert? de dire deux mots pour justifier mes intentions sur le sujet de cette com?die. j'aurais voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire honn?te et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes ? ?tre copi?es par de mauvais singes qui m?ritent d'?tre bern?s ; que ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont ?t? de tout temps la mati?re de la com?die, et que, par la m?me raison que les v?ritables savants et les vrais braves ne se sont point encore avis?s de s'offenser du Docteur de la com?die, et du Capitan, non plus que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin , ou quelque autre, sur le th??tre, faire ridiculement le juge, le prince, ou le roi ; aussi les v?ritables pr?cieuses auraient tort de se piquer lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes veut m'aller faire relier de ce pas : ? la bonne heure, puisque Dieu l'a voulu.
Moli?re fait allusion ? ce proverbe : "Elle est belle ? la chandelle, mais le grand jour g?te tout."
Le "Docteur", le "Capitan" et "Trivelin", ?taient trois personnages ou caract?res appartenant ? la farce italienne.
Ce de Luynes ?tait un libraire qui avait sa boutique dans la galerie du Palais.
LES PR?CIEUSES RIDICULES
Com?die .
PERSONNAGES ACTEURS
La Grange, La Grange. Du Croisy, amants rebut?s. Du Croisy. Gorgibus, bon bourgeois. L'Espy. Madelon, fille de Gorgibus, Mlle De Brie. Cathos, ni?ce de Gorgibus, pr?cieuses ridicules. Mlle Du Parc. Marotte, servante des pr?cieuses ridicules. Madel. B?jart. Almanzor, laquais des pr?cieuses ridicules. De Brie. Le Marquis de Mascarille, valet de la Grange. Moli?re. Le Vicomte de Jodelet, valet de du Croisy. Br?court. Deux porteurs de chaise. Voisines. Violons.
La sc?ne ? Paris, dans la maison de Gorgibus.
SC?NE PREMI?RE. - La Grange, Du Croisy.
- Du Croisy -
Seigneur la Grange...
- La Grange -
Quoi ?
- Du Croisy -
Regardez-moi un peu sans rire.
- La Grange -
Eh bien ?
- Du Croisy -
Que dites-vous de notre visite ? En ?tes-vous fort satisfait ?
- La Grange -
A votre avis, avons-nous sujet de l'?tre tous deux ?
- Du Croisy -
Pas tout ? fait, ? dire vrai.
- La Grange -
Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalis?. A-t-on jamais vu, dites-moi, deux pecques provinciales faire plus les rench?ries que celles-l?, et deux hommes trait?s avec plus de m?pris que nous ? A peine ont-elles pu se r?soudre ? nous faire donner des si?ges. Je n'ai jamais vu tant parler ? l'oreille qu'elles ont fait entre elles, tant ba?ller, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle heure est-il ? Ont-elles r?pondu que Oui et Non ? tout ce que nous avons pu leur dire ? Et ne m'avouerez-vous pas enfin que, quand nous aurions ?t? les derni?res personnes du monde, on ne pouvait nous faire pis qu'elles ont fait ?
- Du Croisy -
Il me semble que vous prenez la chose fort ? coeur.
- La Grange -
Sans doute, je l'y prends, et de telle fa?on, que je me veux venger de cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait m?priser. L'air pr?cieux n'a pas seulement infect? Paris, il s'est aussi r?pandu dans les provinces, et nos donzelles ridicules en ont hum? leur bonne part. En un mot, c'est un ambigu de pr?cieuse et de coquette que leur personne. Je vois ce qu'il faut ?tre pour en ?tre bien re?u ; et, si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une pi?ce qui leur fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre ? conna?tre un peu mieux leur monde.
- Du Croisy -
Et comment, encore ?
- La Grange -
J'ai un certain valet, nomm? Mascarille, qui passe au sentiment de beaucoup de gens, pour une mani?re de bel esprit, car il n't a rien de meilleur march? que le bel esprit maintenant. C'est un extravagant qui s'est mis en t?te de vouloir faire l'homme de condition. Il se pique ordinairement de galanterie et de vers, et d?daigne les autres valets, jusqu'? les appeler brutaux.
- Du Croisy -
Eh bien ! qu'en pr?tendez-vous faire ?
- La Grange -
Ce que j'en pr?tends faire ? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant.
- Gorgibus -
Eh bien ! vous avez vu ma ni?ce et ma fille ? Les affaires iront-elles bien ? Quel est le r?sultat de cette visite ?
- La Grange -
C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous. Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons gr?ce de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos tr?s humbles serviteurs.
- Du Croisy -
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