Read Ebook: La Danse de Sophocle: Poèmes by Cocteau Jean
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Ebook has 623 lines and 19131 words, and 13 pages
JEAN COCTEAU
DANSE DE SOPHOCLE
PO?MES
Dans sa premi?re jeunesse, Sophocle fut choisi par Ath?nes pour danser aux f?tes de Salamine. ATH?N?E
PARIS
MERCURE DE FRANCE
LES PO?MES DE PARIS LE DELIRE MATINAL ENTHOUSIASME D'UN MATIN D'AVRIL C'EST L'HELLESPONT, LA MER ?G?E! LE DERNIER CHANT DU PRINCE FRIVOLE
LA FLOTTE ENGUIRLAND?E HYMNE A LA PO?SIE LE VOYAGE IMMOBILE LA D?P?CHE AU JARDIN NO?L LE FAUNE TROUBL? LA CORBEILLE D'H?LIOTROPES LE COEUR ?TERNEL LE PAGE LES PAPILLONS LE CR?PUSCULE LA PEUR DU SOIR L'AUTOMNE ET LE D?SIR TH?OSOPHIE LES DEUX LABYRINTHES DE MON LIT LE SUBLIME CACHOT LE DRAPEAU DE V?RONIQUE PIRO?S ET LES SIR?NES ? UNE FUGITIVE LES VILLES
LA JOIE PANIQUE L'ORGUEIL LA M?DITERRAN?E LA FAIBLESSE D'ULYSSE PRI?RE DU CAP MARTIN LE VISAGE LA PALLAS D'HOM?RE APR?S AVOIR RELU DES NOMS DE L'ILIADE
LE S?JOUR PR?S DU LAC TROIS PO?MES
LE SOIR LE JET D'EAU LE COUPLE ET LES PARFUMS LA LAMPE ET LES PHAL?NES LES SOLITUDES LE MONOLOGUE DE L'AMOUR
LES ARCHERS DE SAINT S?BASTIEN
LES STANCES DE SEPTEMBRE
LES PO?MES DE PARIS
Pensez-vous si Virgile, ou l'aveugle divin, Renaissaient aujourd'hui, que leur savante main N?glige?t de saisir ces f?condes richesses?
ANDR? CH?NIER.
LE DELIRE MATINAL
Comme un tapis divin que p?trira ma danse, Le jour se d?roulant peu ? peu sous mes pas, Offre ? l'?lan brutal de ma jeune imprudence Tous les dessins secrets que je ne voyais pas.
S?r du tr?sor cach? dont je suis le seul garde, Et sachant que pour vaincre il faut des ennemis, Je vois sur ce tapis que ma fiert? regarde, Des serpents attentifs et des tigres soumis.
Je sais bien que ce jour b?n?vole ou farouche Br?le en me remplissant des cendres du pass?, Qu'il est le beau fuyard que nul appel ne touche Et qui n'?coute pas le cri qu'on a pouss?.
Je sais bien qu'il m'emporte et sans que je m'en doute, Comme un char sur lequel un vaincu tremble et fuit, Et ne regarde, au lieu de contempler la route, Que le fond de ce char qui se sauve avec lui!
Mais quel ample plaisir de laisser dans la chambre Le fauteuil, les journaux, le livre et l'encrier! Pour aller se plonger mollement, membre ? membre, Dans ce miraculeux matin de F?vrier.
Tout attend le Printemps! tout s'?nerve d'attendre! Avril s'est insurg? pour para?tre plus t?t; Et mon visage ?mu s?pare en deux l'air tendre Qu'enfonce avec douceur la bondissante auto.
Le froid gard?nia qui se p?me ? ma veste Parfume comme un arbre au centre d'un verger. Mon chagrin hivernal s'?croule et me d?leste. Je ne suis plus qu'un coeur palpitant et l?ger.
Si quelque Dieu vermeil laissait tomber un aigle, Tel un archange obscur, pour s'emparer de moi, Mon espoir sans limite et mon d?sir sans r?gle N'attendraient pas son vol d'un plus superbe ?moi.
Je me sens na?tre un coeur semblable au fauve avide Qui tourne et qui bondit, plus fou que courageux. Lorsqu'on lui cache encor le cirque intense et vide Pour l'horreur du carnage ou pour l'?clat des jeux.
Quel soleil path?tique aussi devait descendre Sur le monde ?clatant et gai comme un bazar, Le jour o? sur son socle un buste d'Alexandre Fit couler de regret les larmes de C?sar!
? chaleur qui descend! O fra?cheur qui s'?l?ve! Ce dut ?tre un matin semblable ? celui-l?, O? Lamartine vit, sur le lac de Gen?ve, Byron gant? de clair rentrer dans sa villa.
Je me trouve ? la fois si fort et si fragile Que j'ai peur de mourir ? vivre trop d'un coup; Et, sans bouger, je suis pareil au faon agile Qui court et qui hal?te et renverse le cou!
Mais si j'ignore encor mes ?lans et mes doutes, Mes espoirs, mes essais, mes larmes et mes cris, Je sais que le chaos de ces multiples joutes Aura pour y lutter l'ar?ne de Paris.
Je sais que sous le ciel qui lui pose un rond d?me Il ne m'est plus besoin de regarder pour voir Le bassin lumineux de la place Vend?me, O? la gloire palpite en haut d'un jet d'eau noir!
Je sais que sous l'?cran des paupi?res gris?es, Comme un objet demeure et persiste longtemps, Je verrai, les yeux clos, les purs Champs-?lys?es, O? les arbres ont l'air des soldats du printemps!
Je sais de quel instinct mon amour capte et jauge, V?rone si fran?aise et seule entre ses murs, Le carr? rose et gris de la place des Vosges, Avec sa galerie et ses porches obscurs.
Invisible miracle au milieu d'une marche, ?vanouissement par quoi je suis dissous, Lorsque je passe aupr?s de l'Arc ? la grande arche, Je sais qu'un peu de moi veut bondir par-dessous!
Et tout cela m'?meut d'un si large vertige, Ce matin, lorsqu'hier encore il faisait froid, Laisse en mon corps, flexible et haut comme une tige, Circuler un tel miel de douceur et d'effroi,
Que je suis Pha?ton pendant quelques secondes, Lorsque vaincu, puni d'un impossible effort, Son char d?sattel? tombant entre les mondes, Il semait son cri droit, comme un sillage d'or!
ENTHOUSIASME D'UN MATIN D'AVRIL
La ville est un pont de navire Avec des agr?s de rayons; Appareillons, appareillons, Vers le grand soir o? tout chavire! Comme il fait clair! Comme il fait beau! Je ne songe plus au tombeau, Je d?sire ? chaque boutique, Je me sens brave et path?tique, Et soudain parce que je vois, Chez un fleuriste, une an?mone, J'entends les appels et les voix Des guerriers de Lac?d?mone, Qui marchaient, cette fleur aux dents, Au milieu des trilles stridents Et des purs soupirs de la fl?te, Vers la sanglante et sombre lutte! Et je songe en voyant un ciel D'o? pleut un ti?de et p?le miel Sur ma t?te et sur mes ?paules, Qu'il devait enchanter C?sar, Ivre de risque et de hasard, Sur le bord d'un marais des Gaules! Pourquoi des rails, pourquoi des mers, Le voyage aux d?parts amers, Et l'encombrement des valises? Un autre ciel? un autre sol? Les roses en rond parasol Sous lequel Bulbul gonfle un col Plein de persanes vocalises? Pourquoi la Sicile o? l'on doit Sentir sur sa tempe le doigt De l'adorable Th?ocrite? ? cause d'une phrase ?crite Ou d'une toile de Roussel, Pourquoi le vif baiser au sel D'un peu de M?diterran?e? Pourquoi cette peur de l'ann?e? J'ai bien le temps! J'ai bien le temps! Voici l'incroyable Printemps Qui surgit, tournoie et s'?tale, Et rien de tout ce que j'attends Ne vaut la blanche capitale! ? Paris! Paris! cher Paris! Je t'adore et je te souris Avec mes yeux et ma m?moire, Et je ne cesse de te boire Dans le cristal de la saison Avec tout mon corps qui s'?broue Comme la figure de proue Qui boit la ligne d'horizon. Partir! Quelle inutile offense ? cet oiseau qui sur la France Glorieusement s'est pos?! Seul et perdu sur notre sph?re S'acharner, se mouvoir, oser, Pour des lieux o? rien ne diff?re Malgr? les fleuves, les d?troits, Si ce n'est ? l'eau d'une source De voir, au lieu de la Grande Ourse, Miroiter une grande Croix. Plus de voyage! Plus de livre! Ce matin, vivre me rend ivre, Je ne sais plus ce que je crois, Et m?lange divin, m?lange O? je vois d'un oeil ?bloui Mercure voler pr?s d'un Ange, Pour un culte neuf, inou?! Assis les uns contre les autres Au fond du translucide ?ther, Je vois J?sus et Jupiter Et les dieux avec les Ap?tres!
C'EST L'HELLESPONT, LA MER ?G?E!
C'est l'Hellespont, la mer ?g?e! Une aube sur l'archipel grec. Toute la ville est all?g?e D'un parfum d'algue et de varech. Tout s'efforce, tout recommence, C'est la salutaire d?mence; Le Printemps et la Gr?ce avec! Et ses chars et ses ?difices....
Pur matin qui trembles et glisses, D?nouant ton obscur lien Comme un navire ath?nien Vers de t?n?breuses d?lices, D?livre-moi! Brise le scel Qui me tient captif et malade! Emporte-moi vers l'Iliade, Vers le plaisir universel.
? promenade! ? clair voyage, O? l'on croit respirer le sel D'une mythologique plage!
Matin calme, net, balanc?, Joyeux comme une flotte ? l'ancre, La cit? s'incruste et s'?chancre Sur ton vaste ciel nuanc? O? du bleu ? du bleu succ?de; Tandis que si haut et si clair,
Un vif aviateur a l'air De cingler vers une Androm?de. Salubre, suave rem?de! Onde qu'on boit en s'y trempant! Rire in?vitable de Pan Joie ardente, immense, panique, O? flotte et claque la tunique Des p?les nymphes s'?chappant! Envahisseur que nul n'emp?che... ... Comme un g?ant filet de p?che La tour Eiffel ? l'azur pend! Et l?-bas c'est l'arche fragile, Si jeune et si brillante encor , Suspendue ? huit ailes d'or.
Beau temps d'Ovide et de Virgile, Solaire et brusque crescendo Sur le tapis, sur le rideau, Paix lumineuse qui circule! Boucl?, rieur petit Hercule ?touffant, ? peine au berceau, L'hiver qui succombe et bascule,
Mon coeur s'aur?ole de toi. Il est la colombe du toit, La dentelle de la fen?tre, Le lys des pays merveilleux Qui n'existent que par mes yeux, Que mon humble regard fait na?tre, Mais o? je sens que tu dois ?tre, Multiple et seul comme les dieux! Plus rien dans le soleil n'h?site, Il est stable, ?norme, certain, Et j'aurai la blonde visite, ? mon r?veil demain matin, Immobile au seuil de la chambre, De cet archange aux ailes d'ambre, Avec un regard enfantin.
C'est vous Paris, ma ch?re Ath?nes, Ses intarissables fontaines, Ses Dieux pr?s du sol et du ciel, Ses douces collines lointaines, Ses olives, son lait, son miel, Ses Pallas debout sur leur socle, Et c'est ce matin de Printemps O? le jeune et divin Sophocle,
Parmi les cuivres ?clatants Qu'un soleil oblique illumine, Pour les vainqueurs de Salamine Jonglait avec ses dix-sept ans!
LE DERNIER CHANT DU PRINCE FRIVOLE
L'oisivet? m'emplit d'une aimable fatigue, Un beau soir violet et bon comme une figue M?lange la nature et l'artificiel... Plus de jeux, de nounous ni de t?tes fris?es, Car la lune de Mai sur les Champs-?lys?es Pose un blanc nymph?a dans le bol bleu du ciel.
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