Read Ebook: La Danse de Sophocle: Poèmes by Cocteau Jean
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Ebook has 623 lines and 19131 words, and 13 pages
L'oisivet? m'emplit d'une aimable fatigue, Un beau soir violet et bon comme une figue M?lange la nature et l'artificiel... Plus de jeux, de nounous ni de t?tes fris?es, Car la lune de Mai sur les Champs-?lys?es Pose un blanc nymph?a dans le bol bleu du ciel.
Avec l'orgueil sacr? des pigeons de Venise, Les marronniers pansus que l'heure divinise Dorment leur sommeil grave et font la haie au bord; Ils versent en r?vant leurs ruisseaux d'odeurs molles, Et l'on craint de troubler par le choeur des paroles Ce troupeau parfum? qui s'aligne et qui dort.
--Une miraculeuse indulgence m'inonde, Je voudrais ?tre un peu l'ami de tout le monde, Et d?ployer mes bras autour des beaux corps nus! Je berce mille ?ros que des regards font na?tre, Et je songe aux pays que je voudrais conna?tre Et que je m'?teindrai sans m?me avoir connus.
Je pr?f?re ce bar sans fleurs et sans tziganes ? ces lieux de plaisir aux captieux organes O? les femmes d'amour, le menton sur la main, Combinant sous le flot d'un cymbalum qui saute L'heure de la modiste et l'heure de la faute, Songent au clair et vide et banal lendemain.
On y voit mal... le bar pourrait ?tre une auberge, Une auto glisse... il rampe une fra?cheur de berge, Et l'on dirait que tous ils sont venus s'asseoir Chercher, loin des fracas du luxe et de la foule, L'oubli du jour actif sur les berges du soir.
--Je t'adore, ? Paris, d'un oeil visionnaire! Sur ton Arc de Triomphe un aigle a fait son aire Parce qu'un cerf-volant s'?tire au bout d'un fil. Et lorsque le soleil qu'un monument confisque Va blanchir en ?gypte un bleu?tre ob?lisque Son adieu roseau tien change la Seine en Nil!
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--L?-bas mon parc m'oublie, un jet d'eau s'y fracasse, Sur un perchoir d'?mail chante un oiseau cocasse, Un livre de Hafiz tra?ne au fond du hamac; Le silence est peupl? d'un doux jasmin de Perse, Le noir cypr?s le troue et le paon blanc le perce, Et mon palais sommeille ? l'envers dans le lac.
--On ratisse le sable autour d'une pelouse... La princesse qui doit devenir mon ?pouse Ignore le rimmel et la poudre de riz; Et me griffonne un mot que ce soupir termine: <
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Bien que je laisse en paix les journaux sous leur bande, Je sais qu'on me reveut ce qu'on me redemande, La r?volution fait place au d?sarroi! Mon peuple est un Pylade et je suis son Oreste! Qu'importe! Il m'a chass? ? L'exil me pla?t, je reste; J'ai trop peur de la mort pour vouloir ?tre roi.
--Ma joie augmente au lieu que mon regret empire, L'avenir pavois? semble un joyeux empire O? j'entre en souriant comme un jeune vainqueur. Je ne suis pas de ceux qu'un grand r?ve d?vaste, Le coeur le plus tranquille est le coeur le moins vaste, Et je porte une rose ? la place du coeur.
Le Printemps verse en moi son superbe malaise, Je pr?f?re ? mon ample tr?ne une humble chaise, Mon parc oriental ?tait un triste enclos! L'?pouvante et l'ennui me d?truisaient l'extase! La plus modeste rose a droit au plus beau vase, Et Paris est le vase o? mon coeur est ?clos.
Mes fr?res de Paris, votre divin royaume Rayonne tout autour de la place Vend?me Que vous aimez peut-?tre avec des yeux ingrats, ? l'heure o? vous fl?nez, silhouettes pareilles, Votre chapeau trop large entr? jusqu'aux oreilles, Votre oeillet rouge, et votre canne sous le bras.
Je conna?trai le mal d'?tre loin de vos rues; Et, prince ?vocateur des choses disparues, Je pleurerai la ville o?, les nuits de Printemps, Je pouvais, spectateur que le respect fascine, Toucher apr?s un bal la maison de Racine, Et celle o? Bonaparte esp?rait ? vingt ans!
LA FLOTTE ENGUIRLAND?E
--La jeunesse est une chose charmante; elle part au commencement de la vie, couronn?e de fleurs comme la flotte ath?nienne pour aller conqu?rir la Sicile et les d?licieuses campagnes d'Enna.
CHATEAUBRIAND.
HYMNE A LA PO?SIE
? l'?ge sans d?sirs, sublime Po?sie, D?j? je t'attendais! Et maintenant mon coeur, avec sa fr?n?sie, Palpite sous ton dais.
Ivre de toi, je cours, je titube et je marche Sous l'invisible toit, Et veux, puisque David dansait autour de l'arche, Danser autour de toi!
Lorsque je n'avais pas dans ma ch?tive gorge, Ta musique et tes mots; Que j'ignorais encor la cristalline forge O? cuisent tes ?maux;
Lorsque ta lumineuse et soudaine magie Ne m'avait pas encor Appris qu'on peut, le soir, pleurer de nostalgie, Au choc d'un seul accord!
Que je ne tenais pas l'in?puisable conque O? l'on souffle en marchant, Et qui fait d'une phrase ou d'un appel quelconque Un innombrable chant!
Lorsque je languissais dans ma prison na?ve, Tel un prince captif, Qui regarde un vaisseau balanc? sur la rive Entre un if et un if...
Sous la lune de Juin qui roule entre les mondes Son globe abandonn?, Alors je me croyais, avec mes m?ches blondes, ?ternellement n?.
Je pensais ? quelqu'un de vague et de superbe Qui viendrait un beau soir, Entrant par la fen?tre avec l'odeur de l'herbe, Contre mon lit s'asseoir.
? quelqu'un qui serait simple comme un archange Et pompeux comme un roi, Et dont, malgr? ce trouble et nocturne m?lange, Je n'aurais nul effroi;
C'est alors, Po?sie, ? travers le doux prisme Des larmes de mes yeux, Que je te vis surgir sur le char du lyrisme, Aux bondissants essieux!
Sur le bouillonnement ?panoui des harpes Je me sentis ?lu; J'?tais envelopp? d'?clatantes ?charpes, J'avais tout su! tout lu!
Tout vu! tout entendu! L'Histoire et ses tumultes M'impr?gnait jusqu'aux os, Et j'?tais brusquement les Dieux de tous les cultes Avec tous les H?ros!
Je sortais du lotus! Je pr?chais sur des plages! Je frappais un cheval! Et j'?tais ?touff? par la cendre des ?ges, Jusqu'? m'en trouver mal.
?tait-ce un pur poison? ?tait-ce un vif rem?de? J'?tais tout, au hasard! Pha?ton et Kritchna, saint Jean et Ganym?de! Bonaparte et C?sar!
C'?tait toi, Po?sie! indispensable et neuve, Troublant, envahissant, Pour t'apaiser ensuite et te joindre ? son fleuve, Les sources de mon sang.
... Jusqu'au jour o? j'aurai si peur, une peur telle, Une si froide peur, Que je n'entendrai plus ta pr?sence immortelle Affluer ? mon coeur!
LE VOYAGE IMMOBILE
L'arrosage mouvant sur la pelouse fra?che Tourne comme un derviche habill? de cristal. Je suis dans l'herbe molle ? c?t? de ma b?che. Un nuage ?chafaude un fort monumental.
Imagination, fille de la paresse, Empenne-moi le corps, remplis-moi d'air les os! Et... Dans les marronniers qu'aucun vent ne caresse, Ah! les secrets divins que chantent les oiseaux!
Voyageur magnifique et toujours immobile Je ne veux pas savoir ce que les autres font... Je m'envole ? D?los consulter la Sybille! Et j'enfourche P?gase avec Bell?rophon!
Je menais du b?tail, un aigle me d?robe; Je verse l'hydromel ? la place d'H?b?; Th?tis saute ? la mer, je m'accroche ? sa robe, Et les monstres marins nous regardent tomber!
Que de temples si nets au bord des rouges c?tes! De d?serts ennoblis d'un st?rile abandon! Je pars pour la Colchyde avec les Argonautes Et je fuis le b?cher o? va p?rir Didon.
Quel voyage innombrable au hasard des ?poques! Par la terre et la mer aux inlassables flots, O? les dauphins, luisants comme de petits phoques, Se poursuivent ? l'aube autour des bleus ?lots.
Quel auguste d?part sans vulgaires fatigues, Vers l'hymne initial qu'on n'a jamais ou?, Sous un ciel o? Ph?bus est le beau roi prodigue, Dispersant tout son or sur son peuple ?bloui!
? l'ivresse de voir ? la m?me seconde, L'enfant Dyonysos berc? dans un pressoir, David choisir au sol des silex pour sa fronde, Et Pomp??, le soir avant le fameux soir!
?tre , ?tre ? Lac?d?mone, Et vaincre, et regarder apr?s qu'on est vainqueur, Adonis que V?nus transforme en an?mone, Ariane et le fil enroul? sur son coeur.
Enfin, las de bondir toujours, de date en date, D'un vol universel et de plus en plus haut, Descendre, apr?s avoir, sur le globe ?carlate, Vu, par un matin pur, na?tre Hom?re ? Chio!
LA D?P?CHE AU JARDIN
Las or est-il ? sa derni?re danse.
CL?MENT MAROT.
Il fait chaud. Une rose escamote une abeille, Comme un pourpre et charmant prestidigateur. Le bassin arrondit une fra?che corbeille, D'o? jaillirait un lys enivr? de hauteur.
On pense ? des ruisseaux sur des chemins de marbre Pour oublier le joug implacable du sol. Cet oiseau qui s'?chappe a l'air d'un cri de l'arbre. Je suffoque, ?tendu sous un clair parasol.
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