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Read Ebook: Trois Stations de psychothérapie by Barr S Maurice

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Ebook has 67 lines and 10898 words, and 2 pages

L'art de se servir des hommes, l'art de jouir des choses, l'art de d?couvrir le divin dans le monde, qui sont, n'est-ce pas, les trois amusements, le jeu complet d'un civilis?, Rome les enseigne, et d'une ma?trise incomparable!

Peut-?tre, ? ce que je dis du caract?re d'universalit? de l'art ? Rome, objectera-t-on que Michel-Ange semble bien exprimer le g?nie particulier de cette ville avec autant d'?troitesse que Tiepolo la f?te m?lancolique de Venise,--Sodoma l'ardente passion de la ville o? sainte Catherine eut ses extases,--Botticelli la gr?ce c?r?brale de Florence--et Watteau le g?nie indulgent et exquis du vrai Paris des Parisiens. Mais pr?cis?ment de ce fait qu'on voudrait me pr?senter comme une contradiction, je tire mon meilleur argument. Il est vrai que Michel-Ange est si particulier qu'on le confond avec le g?nie de Rome m?me; or, ce que nul ne contestera, c'est qu'il exprime toute la puissance d'?treindre de la sensibilit? humaine. Ses sybilles ne sont pas comme les filles de Watteau, de Botticelli, de Sodoma, de Tiepolo, l'humanit? raffinant ? droite ou ? gauche, elles sont tout l'homme poussant plus avant ses vertus, l'homme plus virilis?.

Le catholicisme! Voil? o? tendent et s'expliquent tous les mouvements de notre coeur, qui n'est obscur et mal ? l'aise que pour avoir accueilli les fi?vres de cinq ou six peuples. C'est tiraill? par elles que le cosmopolite, toujours incompl?tement satisfait, erre ? travers l'Europe; il les satisferait dans la capitale o? convergent toutes les nations.

Tandis que sonnait le beffroi de Bruges, Marie Bashkirtseff, qui venait de visiter les Memling, se sentait, j'imagine, un peu b?guine et une part d'elle demeurait inoccup?e; de m?me, par un lourd soleil de printemps si, quittant le caf? Quadri, elle prit le frais aux vo?tes de saint Marc, elle s'y sentit domin?e d'un r?ve sensuel d'Orient et une part d'elle soupirait encore. J'ai connu ces insuffisances des plus nobles stations, mais un soir de mai, vers les cinq heures, sous le ch?ne de San Onofrio o? le Tasse sentit sa pi?t?, compliqu?e des d?licatesses de l'h?ro?sme et de la volupt?, s'exalter jusqu'? la folie, je voulus baiser cette terre romaine, car je compris que de ceux qui l'ont foul?e, j'ai h?rit? toutes mes ch?res fa?ons de souffrir et de jouir.

Qu'? saint Pierre d'autres discutent ces froids espaces et cette pompe architecturale, pour moi j'y distinguais seulement les confessionnaux qui tapissent cette immense enceinte et o? l'on parle toutes les langues. C'est ici le point math?matique o? tous les soupirs civilis?s se confondent pour former la sensibilit? chr?tienne. Tant d'?motions qui furent apport?es sous cette coupole des points extr?mes de la chr?tient?, en se r?alisant dans une ?me, la formeraient la moins marqu?e de particularit?s qu'on puisse imaginer et la plus capable de s'accommoder sans froissement des milieux les plus divers. L'?me qui serait faite de tous les p?ch?s, inqui?tudes et scrupules qui vinrent ici chercher la paix, serait exactement celle que nous nous repr?sentons sous le nom de sensibilit? cosmopolite. Pour moi, jamais je ne franchis ce seuil fameux sans qu'une ?motion d'?tre au point le plus sensible de l'humanit? m'inclin?t ? m'agenouiller. L? seulement, parmi ces directeurs de consciences polyglottes, j'eusse pu trouver quelqu'un qui parl?t ma langue. L? seulement e?t ?t? chez elle Marie Bashkirtseff, notre soeur, si belle, parce qu'elle ?tait ardente de toutes les inqui?tudes de tous les peuples.

Marie Bashkirtseff se f?t ?tonn?e qu'on confond?t son cosmopolitisme avec le sentiment des catholiques, et ceux-ci de m?me se pourraient choquer. Chez les uns et chez les autres, ne serait-ce pas connaissance insuffisante des besoins qui les animent? Ces gens qui renoncent ? tout et ces gens qui d?sirent tout sont bien faits pour s'entendre. Les uns et les autres, en effet, ne se satisfont de rien; ils ont ? un degr? tourmentant le sens du pr?caire, le d?sir de la perfection. Oui, cosmopolites et catholiques sont de la m?me famille, et simplement nous devons nous ?tonner qu'? une m?me ?poque on puisse mener par des sentiers si diff?rents la m?me poursuite du divin.

Mademoiselle Bashkirtseff, qui ?tait toute remplie d'une ardeur un peu na?ve pour les rapins et pour le dessus du panier parisien, m'e?t sans doute interrompu aux premiers mots que je lui eusse dit d'un livre, r?serv? pour l'ordinaire aux jeunes femmes un peu timor?es de province. <> Ils ont ?prouv? l'amour pur dont Leibnitz a donn? une d?finition que je veux rapporter, car, avec leur s?cheresse, ces esprits, tels encore Comte et Spinosa, passent singuli?rement les gentillesses des artistes. <> Albert de la Ferronays poussa l'amour jusqu'? offrir ? Dieu sa vie pour qu'Alexandrine d'Alop?us, une protestante qu'il aimait, conn?t la vraie religion. Peu apr?s, il mourut, et, aupr?s du lit de leurs br?ves amours, devenu par l'intensit? de son voeu d'id?aliste son lit de mort, une parcelle de l'hostie qui allait ?tre son viatique fut la premi?re communion de sa jeune amante. Combien il m'humilie d?j? cet homme singulier assez d?sint?ress? pour souhaiter la mort entre les bras de celle qui l'enivre, afin qu'elle soit encore ennoblie par la possession de la v?rit?; mais, o? je suis glac? de d?go?t envers moi-m?me, c'est quand je vois celle qui prit sur les l?vres refroidies du mort un don si fort de m?priser les choses p?rissables qu'elle s'?leva jusqu'? dire: <>

Le voil? ce sentiment du pr?caire et cet ?lan vers la perfection, par quoi sont emport?s, aussi fort que les catholiques, ces cosmopolites qui se pressent de pays en pays, de passions en passions, enthousiastes et jamais poss?d?s, renon?ant chaque jour et d?sirant toujours, les yeux fi?vreux et les mains sans prise, parce qu'aucune des formes passag?res qui emplissent l'univers ne leur livre le non-p?rissable, le divin. Hautain id?alisme o? communient, sans se reconna?tre, le cosmopolite qui ne veut plus ni ciel ni patrie, ni foyer, et le catholique qui renie m?me d'?tre de cette terre. Nul lieu ne les contentera, hors Rome o? veillent les Sybilles de Michel Ange, dont les yeux graves font voir une ?me go?tant le plaisir amer d'adorer ce qui ne meurt pas, au milieu de tout ce qui passe.

A notre cosmopolitisme, ? notre dilettantisme, ? notre cher nihilisme enfin, pour dire le mot qui r?sume le mieux notre d?racinement moral, la grande ville catholique restitue leur sens complet, en m?me temps qu'elle leur donne une haute allure. A sa lueur nos d?go?ts et notre ardeur m'apparaissent ce qu'ils sont en r?alit?, un sentiment religieux. Mademoiselle Bashkirtseff fut emport?e par une injuste mort avant d'avoir profit? de l'?ducation de Rome. Il faut pourtant lui en assurer le b?n?fice dans la l?gende que nous lui organisons.

Paris, par sa coquetterie et sa bonne gr?ce, Londres, par l'hospitalit? solide et digne de ses cercles et de ses petites maisons, Venise, par sa fi?vre romantique, se font accepter du premier abord. Mais Rome est une acquisition si lourde qu'une ?me de vingt ans d?faille. Cette ville-l?, tout ?pur?e de vulgarit?, n'est pas une jolie ma?tresse qui accueille et caresse nos habitudes, c'est une imp?rieuse qui froisse et rompt en nous ce qu'elle estime indigne. Plus tard Marie Bashkirtseff s'y f?t plu; qu'y f?t-elle devenue?

Sans qu'on puisse en douter, son boh?mianisme, qui n'?tait d'abord que l'agitation d'une petite personne de race jeune et sensuelle, et que Paris transforma jusqu'? ?tre un sentiment d?sint?ress?, la recherche du beau, Rome l'e?t ?lev? au point qu'il f?t devenu le mal familier aux grands id?alistes qui se lassent de tout parce que seule la perfection les satisferait.

TABLE DES MATI?RES

Une visite ? L?onard de Vinci. . 1

Une visite ? Latour de Saint-Quentin. . 15

La l?gende d'une cosmopolite. . 33

?MILE COLIN.--Imp. de Lagny

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