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Read Ebook: Jours de famine et de détresse: roman by Doff Neel

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Ebook has 910 lines and 32481 words, and 19 pages

Elle retroussa ses l?vres de n?gresse et fit: <>, d'un air si d?daigneux que j'en bafouillai pour de bon.

Cet hiver-l?, nous f?mes expuls?s de notre impasse, et j'aurais d? suivre le cat?chisme ? l'?glise de notre nouvelle paroisse. Mais je voulais avoir l'image de Saint qu'on recevait au dixi?me bon point: j'en avais d?j? sept et le vieux cur? m'avait promis que mon image serait belle, parce qu'il voyait bien maintenant que j'?tais une brave petite fille. Je continuai donc ? me rendre ? mon ancienne ?glise.

Or, voil? que le jour du dixi?me point, ce fut le vicaire qui fit le cat?chisme et, pour comble de malchance, je tirai la langue ? l'Indienne ? un moment o? le vicaire se retournait. Il se f?cha et dit que c'?tait manquer de respect ? Dieu d'oser tirer la langue dans sa maison. Pour me punir, il me fit m'agenouiller devant le ma?tre-autel, les bras lev?s au-dessus de la t?te et un tabouret dans chaque main. Quand tous furent partis, je d?posai un tabouret,--car deux, c'?tait trop lourd,--et des deux mains, je soutins l'autre aussi haut que je pouvais. Mais vaincue par le chagrin d'avoir perdu mon dixi?me point, je finis par d?poser aussi celui-l?, et, pleurant ? chaudes larmes et sacrant comme mon p?re, je me couchai tout du long devant le ma?tre-autel, sans m'inqui?ter de Dieu.

Ainsi me trouva une des servantes du cur?, qui s'enquit pourquoi je pleurais. Je le lui racontai, en ajoutant que mes dix points ?taient irr?m?diablement perdus, puisque, pour faire ma premi?re communion, je devais aller ? ma nouvelle paroisse. Elle partit sans m'encourager; mais, quelques instants apr?s, le vicaire vint, cachant derri?re sa soutane un rouleau de papier blanc. Il me demanda si je regrettais d'avoir manqu? de respect ? Dieu, et comme je r?pondais: <>, il me donna l'image: un Saint Pierre avec les cl?s du ciel. J'aurais pr?f?r? une Ascension de la Vierge, pour les guirlandes de fleurs qui l'entouraient, mais enfin ceci ?tait un prix que j'avais gagn?.

A l'?cole, je n'en avais jamais eu, parce que j'?tais tr?s sale, toujours d?chir?e, et peu assidue. Nous devions continuellement d?m?nager sous menace d'expulsion, ? cause du loyer qu'on ne pouvait payer, et ma m?re, n?gligente, attendait parfois six mois avant de faire la transcription d'une ?cole ? l'autre. Aussi ?tais-je toujours la derni?re, comme du reste tous mes fr?res et soeurs. J'?tais cependant capable d'apprendre ce qu'on aurait voulu, et j'avais des dons. Ma voix ?tait si jolie qu'un des instituteurs ne manquait jamais de se mettre de mon c?t?, la t?te pench?e vers moi, quand on chantait en choeur. A la gymnastique, on faisait grimper aux ?chelles filles et gar?ons; mais moi, qui ?tais souple comme un chat, je devais descendre d?s le troisi?me ?chelon: l'instituteur de garde, voyant mes dessous en guenilles, n'osait pas me laisser monter; que n'aurais-je donn? cependant pour grimper l?-haut!

Et ainsi pour tout!

La premi?re communion approchait. Le cur? de notre nouvelle paroisse venait d'?tre nomm?: il ?tait plein de z?le et de d?licate bont?, et s'occupait beaucoup de donner un grand ?clat ? cette c?r?monie.

Au lieu de distribuer aux pauvres des uniformes qui les d?signaient, il s'arrangea avec les dames patronnesses pour remettre aux m?res l'argent des toilettes.

Depuis longtemps, ma m?re et moi, nous parlions de cette robe qui allait me stigmatiser; mais elle re?ut dix florins, et nous p?mes acheter tout ? notre go?t. J'eus un chapeau blanc entour? de gaze, une robe grise ? ruches effil?es, raide comme une planche, qui m'encaissait au lieu de m'habiller, de hautes bottines ? lacets de soie blanche avec deux petites floches sur le pied, et des gants de coton blanc.

Une dame me donna du linge de sa fille, si bien lav? et repass? que c'?tait plus beau que du neuf.

Mes cheveux bouclaient naturellement, mais l'avant-veille de la premi?re communion, on me mit trois ?tages de papillotes, et, le matin m?me, on tourna chaque boucle sur un b?ton, en la mouillant de caf? sucr? pour la tenir raide: cela me faisait une chevelure toute brune, ? moi qui ?tais blond ?pi.

Je m'habillai de grand matin et, frissonnante d'?tre aussi belle, je me rendis ? la cure avec ma m?re. Je la pr?c?dais de deux pas, tenant de la main gauche un petit mouchoir de mousseline d?pli? devant moi, et de la main droite mon livre de pri?res.

Toutes les fillettes ?taient un peu p?les d'?tre ? jeun; moi, cela ne me faisait rien, j'?tais entra?n?e. Nous nous montr?mes toutes, riches et pauvres, nos robes, nos souliers, jusqu'aux jupons: pour ma part, tout mon orgueil allait aux petites floches de mes bottines, et je relevais continuellement ma robe sur le devant pour qu'on les remarqu?t.

Le cur? ?tait parvenu ? m'effrayer tr?s fort. Il avait dit que celles qui n'?taient pas sinc?res auraient certainement une maladie le jour de la communion, ou tomberaient mortes en s'approchant de la Sainte Table; puis qu'il fallait laisser fondre l'hostie, car si on la mordait, le sang nous sortirait de la bouche.

Je ne pouvais prendre aucun go?t ? la religion. Comme contes de f?es, je pr?f?rais Cendrillon et le Petit Poucet ? ceux des Saints et des Saintes. J'avais n?anmoins tr?s peur. J'?tais convaincue, comme malgr? mes efforts, je me souciais peu de Dieu, qu'il m'aurait foudroy?e, et, en m'approchant de l'autel, je le suppliais de me donner la foi et la sinc?rit?.

--Dieu! faites que je sois sinc?re quand je dis que je vous aime! Donnez-moi la croyance, je vous en supplie!

Il m'?tait rest? une dent de lait, et derri?re celle-ci avait pouss? une autre dent, tr?s pointue, avec laquelle je me mordais souvent cruellement la langue. Or, au moment de la communion, je claquais tellement des dents qu'en fermant la bouche, j'incrustai l'hostie dans ma dent pointue: je me mis ? chanceler et ? zigzaguer, comme ivre.

Je m'attendais ? voir le sang jaillir de ma bouche, ?clabousser toutes les toilettes des autres, et me g?ter ma robe.

Et quel scandale! je sentis litt?ralement le cur? me chasser de l'?glise, et vis tous les assistants me livrer passage comme ? une pestif?r?e.

Puis, si mon p?re nous quittait encore, on ne nous aiderait plus. On dirait:

--C'est une des leurs qui a mordu le Bon Dieu: qu'ils meurent de faim! J'eus toute la peine du monde ? suivre les autres et ? regagner ma place. A la sacristie, on nous offrit des petits pains et du caf?; une dame me prit dans ses bras, en disant:

--Ah! la pauvre petite! elle va s'?vanouir de faim.

Mais non! c'?taient les affres terribles par lesquelles je venais de passer.

Et voil? que rien n'?tait arriv?!

J'ENTENDS LES PUCES MARCHER

Nous habitions une chambre unique, dans une impasse gluante d'Amsterdam. Le soleil n'y p?n?trait jamais et si, en hiver, le froid humide y ?tait glacial, en ?t? la chaleur moite nous an?antissait. Il n'y avait qu'une alc?ve ? ?tage, ainsi que dans les barques de p?cheurs, mais cloisonn?e: on y ?tait comme dans un placard. Les parents dormaient dans le compartiment du bas; quelques-uns des enfants dans celui du haut, les autres ? terre, sur une paillasse. Dans un coin, un petit tonneau servant de chaise perc?e ? la famille; dans d'autres, des langes d'enfant souill?s, puis les d?tritus de tout un m?nage mis?reux. L'odeur de la pipe de mon p?re et les ?manations de dix pauvres rendaient l'atmosph?re irrespirable.

Par une nuit d'effroyable chaleur, j'?tais ?tendue avec trois de nos enfants dans la couchette du haut. Ils dormaient; moi, je ne pouvais pas: je me tournais et retournais en m'agitant. Nous ?tions couch?s sur des sacs en grosse toile, remplis de balle d'avoine qui, r?duite en poudre et imbib?e d'urine d'enfant, formait une mati?re immonde et corrosive. La toile m'aga?ait et me br?lait la peau; les puces me harcelaient affreusement; j'?touffais; j'avais des bruissements d'oreilles qui me donnaient des hallucinations. J'appelai doucement ma m?re et lui dis que je ne pouvais pas dormir, parce que j'entendais les puces marcher.

--Tu entends les puces marcher? Ah! cette cr?ature enfantine! et tu me r?veilles pour cela? tu vas te taire, n'est-ce pas? je suis ?reint?e et veux dormir. Je me tus, mais continuais ? m'agiter. N'y tenant plus, je me laissai glisser ? terre, en m'aidant de la corde, m'habillai et sortis.

Il pouvait ?tre quatre heures du matin. Il n'y avait dans la rue que les ?veilleurs . En dehors d'eux, personne; tous les magasins du Nieuwendyk ferm?s; le calme partout: ah! que j'aimais cela!

J'allai vers la Haute Digue qui avan?ait dans l'Y. La Haute Digue ?tait ma promenade favorite; j'y faisais souvent l'?cole buissonni?re avec ma petite soeur Naatje. Des deux c?t?s, l'Y clapotait contre les berges; on y trouvait des coquillages; plus loin ?tait une oasis d'arbres et d'herbe fleurie. Quand j'arrivai ? la digue, l'air frais du large et la brise matinale me caus?rent un tel soulagement qu'en jubilant je happais l'air: je levais les bras, en ?cartant les doigts, pour mieux sentir jouer le vent sur ma peau irrit?e. Je restai ainsi longtemps ? me griser, puis continuai ma promenade pour chercher des fleurs. Arriv?e sous les arbres, je fus surprise de voir dans l'herbe les pissenlits et les p?querettes ferm?es. Je n'avais jamais vu de fleurs la nuit et ne connaissais pas ce ph?nom?ne; je fus si ?tonn?e que je n'en cueillis aucune, comme prise de m?fiance, et j'allai m'asseoir sur un banc.

Il y avait ? cet endroit un chantier o? des hommes travaillaient; un d'eux vint se mettre ? c?t? de moi et dit:

--Ah! la grande fille qui est d?j? dehors! et o? vas-tu?

Je lui r?pondis que, ne pouvant dormir, j'?tais sortie, mais je n'eus garde de parler des puces. Puis je lui demandai pourquoi les pissenlits et les p?querettes ?taient ferm?es.

--Ah! mon Dieu, quel ange! mais elles dorment, ma ch?rie, elles dorment.

Ce disant, il me souleva et me mit ? cheval sur ses genoux. J'y ?tais ? peine que je me sentis empoign?e, flanqu?e dans l'herbe, et qu'un homme sauta ? la gorge de l'individu, lui hurlant ? la face:

--Ignoble Sodomite! tu as ?t? en prison pour avoir abus? des petites filles et, ? peine sorti, voil? que tu recommences! Et toi, que fais-tu dehors ? cette heure? D?campe!

En Hollande, l'appellation de <> est, par extension, couramment usit?e parmi le peuple, comme terme d'injure et de m?pris, sans signification pr?cise.

Je ne me le fis pas r?p?ter. Je m'encourus et arrivai hors d'haleine chez nous, o? j'entrai en coup de vent. Ma m?re se r?veilla en sursaut.

--Qu'y a-t-il? qu'y a-t-il? s'?cria-t-elle.

J'avais eu grand'peur, mais ne me rendais pas compte du danger auquel je venais d'?chapper: aussi, au lieu de raconter ce qui m'?tait arriv?, je lui dis:

--M?re, sais-tu pourquoi les pissenlits et les p?querettes sont ferm?es la nuit? Eh bien! elles dorment comme nous.

--Quoi? Que racontes-tu? Tu es sortie?

--Oui, je suis all?e ? la Haute Digue pour me rafra?chir et chercher des fleurs, mais elles dorment.

--Ah! cette cr?ature enfantine! Tant?t elle entendait les puces marcher, maintenant les pissenlits dorment! Mais, avec tout cela, tu me r?veilles ? chaque instant, et je suis ?reint?e, ?reint?e. Allons, va dans ton lit et dors.

Je n'y songeais pas, et quand ma pauvre m?re s'assoupit ? nouveau, je sortis doucement dans l'impasse, o? je me mis ? jouer aux osselets sur la pierre de la citerne.

D?CEPTION

J'?tais invit?e ? une f?te de charit? pour enfants. Il ?tait express?ment dit que les m?res devaient les conduire et venir les reprendre, et, comme il n'y avait pas de vestiaire, emporter les chapeaux et les manteaux. Vous voyez d'ici que ma m?re allait l?cher tous ses mioches pour me conduire ? une f?te! Si je voulais m'y rendre, je pouvais aller seule. Ce qui m'inqui?tait le plus, ?tait mon chapeau: je m'?tais mis dans la t?te que je serais chass?e si on d?couvrait que ma m?re n'?tait pas l? pour l'emporter. Or, je voulais absolument assister ? cette f?te: il y avait une tombola; si j'allais gagner une bo?te ? coudre, le r?ve de toute ma vie! car, depuis l'?ge de six ans, je confectionnais les robes et les coiffures de mes poup?es, et le fameux chapeau, sujet de mes transes, je l'avais fait moi-m?me.

Enfin la tombola!

--Y a-t-il des bo?tes ? coudre?

On regardait par les carreaux.

--Oui, l?, plusieurs m?me.

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