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Read Ebook: Histoire des ducs de Normandie suivie de: Vie de Guillaume le Conquérant by Gulielmus Pictaviensis William Of Jumi Ges Guizot Fran Ois Translator

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Ebook has 640 lines and 117972 words, and 13 pages

Contributor: Fran?ois Guizot

Translator: Fran?ois Guizot

Notes du transcripteur:

Les fautes de typographie ?videntes dans l'ouvrage conserv? ? la Biblioth?que nationale de France ont ?t? corrig?es.

Les archa?smes, la ponctuation, l'accentuation et les disparit?s d'emploi de certains mots sont ceux de cet ouvrage.

Lorsqu'elles ?taient conformes au sens du texte ou aux aspects historiques, les corrections manuscrites figurant dans l'ouvrage conserv? ? la Biblioth?que nationale de France ont ?t? prises en compte.

HISTOIRE DES NORMANDS -- VIE DE GUILLAUME-LE-CONQU?RANT

COLLECTION DES M?MOIRES RELATIFS A L'HISTOIRE DE FRANCE. DEPUIS LA FONDATION DE LA MONARCHIE FRAN?AISE JUSQU'AU 13e SI?CLE; PAR M. GUIZOT, PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L'ACAD?MIE DE PARIS. Insigne du libraire ? Paris

A PARIS, CHEZ J.-L.-J. BRI?RE, LIBRAIRE, RUE SAINT-ANDR?-DES-ARTS, No. 68. 1826. HISTOIRE DES DUCS DE NORMANDIE

Tous les Exemplaires doivent ?tre rev?tus de ma signature.

Signature du libraire ? Caen

Cet ouvrage ainsi que ceux indiqu?s ci-contre se trouvent: A PARIS, CHEZ

BRI?RE, rue Saint-Andr?-des-Arts, no. 68. FIRMIN DIDOT, rue Jacob. ARTHUS BERTRAND, rue Hautefeuille. PONTHIEU, Palais-Royal. BOULLAND-TARDIEU, rue du Battoir. RENOUARD, rue de Tournon. BOSSANGE fr?res, rue de Seine. RAYNAL, rue Pav?e-Saint-Andr?-des-Arts. BOSSANGE p?re, rue de Richelieu. RENARD, ? la Librairie du commerce. BLAISE, rue F?rou. TREUTTEL ET WURTZ, rue de Bourbon.

A LONDRES, CHEZ AUGUSTE PUGIN, 105, Great Russel-street, Bloomsbury. JO. BRESTLEY et WEALE, architectural library Holborn. BOSSANGE.

NOTICE SUR GUILLAUME DE JUMI?GE.

Les ?rudits ont am?rement reproch? ? Guillaume, moine de l'abbaye de Jumi?ge, d'avoir reproduit dans les premiers livres de son Histoire des Normands, la plupart des fables dont son pr?d?cesseur Dudon, doyen de Saint-Quentin, avait d?j? rempli la sienne. Si Guillaume n'e?t ainsi fait, cette portion de son ouvrage n'existerait pas, car il n'aurait rien eu ? y mettre; il a recueilli les traditions de son temps sur l'origine, les exploits, les aventures des anciens Normands et de leurs chefs; aucun peuple n'en sait davantage, et n'a des historiens plus exacts sur le premier ?ge de sa vie. A voir la col?re de dom Rivet et de ses doctes confr?res, il semblerait que Dudon et Guillaume aient eu le choix de nous raconter des miracles ou des faits, une s?rie de victoires romanesques ou une suite d'?v?nemens r?guliers, et que leur pr?f?rence pour la fable soit une insulte ? notre raison, comme si elle ?tait oblig?e d'y croire. Il y a ? quereller de la sorte les vieux chroniqueurs une ridicule p?danterie; ils ont fait ce qu'ils pouvaient faire; ils nous ont transmis ce qu'on disait, ce qu'on croyait autour d'eux: vaudrait-il mieux qu'ils n'eussent point ?crit, qu'aucun souvenir des temps fabuleux ou h?ro?ques de la vie des nations ne f?t parvenu jusqu'? nous, et que l'histoire n'e?t commenc? qu'au moment o? la soci?t? aurait poss?d? des ?rudits capables de la soumettre ? leur critique pour en assurer l'exactitude? A mon avis, il y a souvent plus de v?rit?s historiques ? recueillir dans ces r?cits o? se d?ploie l'imagination populaire que dans beaucoup de savantes dissertations.

L'Histoire des Normands fut publi?e pour la premi?re fois par Camden, ? Francfort, en 1603; et Duchesne l'ins?ra en 1619 dans son Recueil des historiens de Normandie; quoiqu'il en e?t revu le texte sur plusieurs manuscrits, il est encore tr?s-fautif.

LETTRE A GUILLAUME, ROI ORTHODOXE DES ANGLAIS, SUR LES FAITS ET GESTES DES DUCS DES NORMANDS.

A Guillaume, pieux, victorieux et orthodoxe roi des Anglais, par la gr?ce du Roi supr?me, Guillaume, moine de Jumi?ge, et le plus indigne de tous les moines, souhaite la force de Samson pour abattre ses ennemis, et la profondeur de Salomon pour reconna?tre la justice.

O ROI tr?s-sage et tr?s-auguste, cet ouvrage que j'ai ?crit sur les faits et gestes des ducs des Normands, j'en ai recueilli les mat?riaux dans divers M?moires, et je les ai rassembl?s selon la port?e de ma faible industrie. En le d?diant ? votre grandeur, j'ai pens? qu'il serait bon de l'ajouter ? la biblioth?que des chroniques, afin de r?unir ensemble des mod?les des actions les plus vertueuses en faisant un choix parmi ceux de nos anc?tres qui ont occup? les plus grandes dignit?s dans l'ordre la?que. Je ne l'ai point orn? du beau langage des graves rh?teurs, ni de l'?l?gance v?nale ou des agr?mens d'un style fleuri; mais ?crivant sans recherche, marchant toujours sur un terrain uni, j'ai t?ch? de mettre ma modeste composition ? la port?e de tout lecteur, quel qu'il soit. Votre majest? est entour?e de tous c?t?s d'hommes illustres, infiniment savans dans la science des lettres, et d'autres hommes, qui parcourant la ville, le glaive nu, repoussant les artifices des m?chans, et veillant sans rel?che au nom de la loi divine, prennent soin de garder la demeure du moderne Salomon. Beaucoup d'entre eux ont fait voir de diverses mani?res comment cette grande habilet? d'esprit, qui vous a ?t? donn?e en privil?ge par le c?leste Dispensateur, se manifeste avec une merveilleuse efficacit?, soit dans le maniement des armes, soit dans toutes les choses que vous voulez entreprendre ou accomplir. Accueillez donc avec bont? cette l?g?re offrande, produit de notre petit travail, et vous retrouverez dans ces pages les actions les plus illustres, les plus dignes d'?tre ? jamais c?l?br?es, tant celles de vos anc?tres que les v?tres m?mes. J'ai puis? le commencement de mon r?cit, jusqu'? Richard II, dans l'histoire de Dudon, homme savant, lequel avait appris tr?s-soigneusement du comte Raoul, fr?re de Richard Ier, tout ce qu'il a confi? au papier pour ?tre transmis ? la post?rit?. Tout le reste, je l'ai appris en partie par les relations de beaucoup d'hommes, que leur ?ge et leur exp?rience rendent ?galement dignes de toute confiance, en partie pour l'avoir vu de mes propres yeux et en avoir jug? avec certitude, en sorte que je le donne comme m'appartenant en propre. Que celui qui voudrait par hasard, et ? raison d'un tel ouvrage, accuser de pr?somption ou de tout autre d?faut un homme vou? aux ?tudes sacr?es, apprenne que j'ai compos? ce petit ?crit pour un motif qui ne me para?t nullement frivole, car j'ai desir? que les m?rites tr?s-excellens des meilleurs hommes, tant pour les choses du si?cle que pour celles du ciel, subsistant heureusement devant les yeux de Dieu, subsistassent de m?me utilement dans la m?moire des hommes. Car se laisser emporter au souffle de la faveur populaire, se d?lecter dans ses applaudissemens flatteurs autant que pernicieux, s'engager dans les s?ductions du monde, ne conviendrait point ? celui qui vit ?troitement enferm? dans des murailles et qui doit les ch?rir de toute la d?votion de son coeur pour travailler ? l'agrandissement de la J?rusalem c?leste, ? celui que le respect qu'il doit ? son habit et la profession ? laquelle il est vou? tiennent ?galement s?par? du monde. Voici, tr?s-sage conqu?rant de royaumes, vous trouverez ici et la paix que vous avez faite, et les guerres aussi qu'ont faites, et votre p?re tr?s-pieux et tr?s-glorieux le duc Robert, et vos pr?c?dens a?eux, princes tr?s-renomm?s de la chevalerie terrestre, qui visant sans cesse aux choses du ciel avec la foi la plus sinc?re, l'esp?rance la plus active, et la charit? la plus fervente, ont ?t? avant tout les plus vaillans chevaliers et les plus z?l?s adorateurs du Christ. Veuille le souverain qui pr?side ? l'empire ?ternel, en qui vous avez mis votre confiance, et par qui vous avez brav? les plus rudes p?rils, renvers? les plus grands obstacles et triomph? par des succ?s miraculeux; veuille le plus puissant de tous les protecteurs veiller sur vous dans toutes vos entreprises, se faire dans votre gouvernement le patron de cette sagesse qu'il vous a lui-m?me donn?e, jusqu'? ce qu'ayant termin? votre bienheureuse course avec le diad?me de ce monde, vous soyez enfin, ? roi pieux, victorieux et orthodoxe, admis dans cette cour qui est la patrie de la v?ritable et supr?me b?atitude, et d?cor? de l'anneau et de l'?tole d'une gloire immortelle.

HISTOIRE DES NORMANDS.

LIVRE PREMIER.

COMMENT HASTINGS OPPRIMA LA NEUSTRIE AVANT L'ARRIV?E DE ROLLON. CHAPITRE PREMIER.

Comment la vigueur des Francs s'affaiblit apr?s avoir long-temps brill? avec ?clat, en sorte qu'ils se trouv?rent moins en ?tat de r?sister aux barbares Pa?ens.

D?S le moment o? la nation des Francs, recueillant ses forces, eut secou? le joug de la servitude romaine, et courb? sa t?te sous la domination des rois, l'?glise du Christ, prenant un rapide d?veloppement et portant des fruits d'un doux parfum, poussa ses conqu?tes jusques aux limites de l'Occident. Car en ce temps les rois eux-m?mes, vaillans dans les exercices de la guerre, et s'appuyant de toute la vigueur de la foi chr?tienne, remportaient fr?quemment de tr?s-grands triomphes sur les ennemis dont ils ?taient de toutes parts envelopp?s. Sous leur gouvernement la vigne du Christ, grandissant sans cesse, produisit d'innombrables rameaux de Fid?les. De cette vigne sortirent de tr?s-nombreuses troupes de moines, lesquelles s'?lan?ant comme des essaims d'abeilles s'?lancent de leurs ruches, transport?rent dans les demeures c?lestes les rayons de leur miel, form? de toutes les fleurs du monde. Par eux a ?t? ?lev?e cette maison de la J?rusalem ?ternelle, semblable ? ces ?toiles brillantes qui resplendissent de toute ?ternit? devant les yeux du roi ?ternel. Durant un long temps cette Eglise puissante d?ploya chez les Francs et sous divers rois une grande vigueur, jusqu'au temps o? les quatre fils de l'empereur Louis ayant renonc? ? la paix, la tr?s-grande gloire qu'avait acquise le royaume des Francs commen?a ? ?tre ?branl?e, de telle sorte que rassemblant de tous c?t?s leurs forces et se battant deux contre deux, sur le territoire d'Auxerre, aupr?s du bourg de Fontenay, ils en vinrent enfin, sous l'instigation du diable, ? satisfaire leurs d?plorables inimiti?s par un massacre r?ciproque de Chr?tiens. Ainsi, d?pouillant presque enti?rement leur patrie de la protection de ses chevaliers par la fr?quence de leurs combats, ils la laiss?rent, sans force, expos?e aux invasions des Barbares ou de tout autre ennemi. En ce temps les Pa?ens, sortant en foule des pays du Norique ou du Danemarck, avec le fils de leur roi Lothroc, qui se nommait Bier, ? la c?te de fer, et avec Hastings, le plus m?chant de tous les Pa?ens, qui dirigeait cette exp?dition, afflig?rent de toutes sortes de calamit?s les habitans des rivages de la mer, renversant les cit?s et incendiant les abbayes. Nous dirons tout ? l'heure quel ?tait ce Lothroc, et de quelle race il descendait. Mais, avant cela, disons quelques mots sur la position de la Dacie.

Des trois parties du monde, de celle dans laquelle est situ?e la Dacie, et de la position de ce pays.

AYANT d?crit le globe de l'univers entier, et mesur? avec habilet? le contour et la superficie de la terre, laquelle est de tous c?t?s envelopp?e ? jamais par l'Oc?an, et ayant suppos? quatre points cardinaux dans l'espace du ciel, les cosmographes ont divis? cette m?me terre en trois parties, et les ont appel?es l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Et puisque nous faisons mention en ce lieu des trois parties de la terre, il ne sera pas inutile que nous rappelions en peu de mots ce que dit ? ce sujet le bienheureux Augustin, dans le seizi?me livre de la Cit? de Dieu: << L'Asie, dit-il, s'?tend, ? l'Orient, du Midi jusqu'au Septentrion; l'Europe, ? l'Occident, vers le Septentrion; et l'Afrique, aussi ? l'Occident, jusqu'au Midi. Ainsi l'Europe et l'Afrique occupent ? elles deux une moiti? du monde, et l'Asie seule l'autre moiti?. On a divis? les deux premi?res parties, parce que c'est entre ces deux-l? que vient de l'Oc?an toute l'eau qui coule au milieu des terres, et qui nous fait une grande mer. Ainsi si l'on divisait le monde en deux parties seulement, celle de l'Orient et celle de l'Occident, l'Asie ferait l'une de ces parties, et l'Europe et l'Afrique feraient l'autre. >> Apr?s cette courte citation, revenons ? notre propos. L'Europe, coup?e d'un grand nombre de fleuves et divis?e en plusieurs provinces, est born?e ? ses extr?mit?s par les eaux de la mer. L'une de ses provinces, la plus ?tendue, qui contient une innombrable population et qui est aussi plus riche que les autres, se nomme Germanie. Dans cette contr?e se trouve le fleuve Ister, qui prend sa source au sommet du mont Athnoe, et qui ?tant augment? ? profusion par les eaux de soixante rivi?res, et coulant avec violence du midi vers l'orient, s?pare la Germanie de la Scythie, jusqu'aux lieux o? il va se jeter dans la mer de Scythie, et est appel? le Danube. Dans ce vaste espace qui s'?tend depuis le Danube jusqu'aux rivages de la mer de Scythie, sont r?pandues et habitent des nations f?roces et barbares qui se sont, dit-on, ?lanc?es de diverses mani?res, mais toujours avec les coutumes des peuples barbares, de l'?le de Scanza, que les eaux de l'Oc?an environnent de tous c?t?s, de m?me que les essaims d'abeilles sortent de leur ruche, ou que le glaive sort du fourreau. L? se trouve en effet le vaste pays de l'Alanie, l'immense contr?e de la Dacie, et la r?gion extr?mement ?tendue de la G?tie. La Dacie est situ?e au milieu des deux autres contr?es, et d?fendue, comme pourrait l'?tre une ville, par les hautes montagnes des Alpes, qui l'enveloppent comme d'une couronne. Les immenses replis de cette vaste contr?e sont habit?s par des peuples farouches et belliqueux, savoir les G?tes, nomm?s aussi Goths, Sarmates, Amacsobes, Tragodites, Alains et beaucoup d'autres peuplades qui r?sident encore aux environs des Palus-M?otides.

De l'origine des Goths, et des lieux o? ils habit?rent d'abord.

LES livres sacr?s attestent que No? eut trois fils. Le plus jeune, nomm? Japhet, eut un fils qu'il appela Magog. La race gothique ayant pris son nom de la derni?re syllabe du nom de son p?re, se multiplia tellement qu'elle se r?pandit sur divers points de la terre, et s'empara au milieu de la mer de l'?le de Scanza, ci-dessus nomm?e. S'?tant infiniment accrue dans cette ?le, ? la suite d'une longue succession de temps, elle produisit deux peuples Goths, tr?s vaillans dans le maniement des armes. L'un de ces peuples, sorti de son berceau avec son roi Thanaus, envahit la Scythie ult?rieure et s'y ?tablit. Dans la suite il se battit souvent contre Vesove, roi des Egyptiens, qui voulut essayer de lui faire la guerre, et s'?tendit au loin ? force de combats. Plus tard les femmes de ces peuples, nomm?es Amazones, ne pouvant supporter leur trop long s?jour aux m?mes lieux, abandonn?rent leurs maris, prirent les armes et mirent ? leur t?te deux reines, savoir Lamp?te et Marpesse, plus courageuses que les autres. Ces femmes, se br?lant la mamelle droite pour mieux lancer leurs traits, attaqu?rent toute l'Asie, et, dans un espace de cent ann?es environ, la r?duisirent sous le joug de leur tr?s-dure domination. Mais en voil? assez sur ces peuples. Que ceux qui en voudront savoir davantage lisent l'histoire des actions des Goths: nous allons revenir ? notre sujet.

Que les Danois sont descendans des Goths. -- Pourquoi ils sont appel?s Danois ou North-Manns, et comment cette race s'est autant multipli?e.

L'AUTRE peuple des Goths, sortant avec son roi, nomm? Berig, de l'?le de Scanza, qui ?tait comme l'atelier des peuples ou le berceau des nations, et descendant bient?t apr?s de ses navires, donna aux terres sur lesquelles il aborda le nom de Scanza, en m?moire du pays qu'il venait de quitter. De l? se portant plus avant et p?n?trant dans l'int?rieur de la Germanie, il occupa les Palus-M?otides et se r?pandit dans diverses autres contr?es. Il fit une seconde station dans la Dacie, appel?e aussi Danemarck, et eut dans ce pays beaucoup de rois merveilleusement savans et vers?s dans la science philosophique, tels que Zeutan, Dicin?e, Zamolxis, et beaucoup d'autres encore. Aussi les Goths furent-ils toujours plus instruits que tous les autres peuples barbares, et presque semblables aux Grecs. Ils disaient que le dieu Mars ?tait n? parmi eux, et l'apaisait par des sacrifices de sang humain. Ils pr?tendaient en outre que les Troyens ?taient issus de leur race, et racontaient qu'Ant?nor, ? la suite d'une trahison qu'il avait commise, s'?chappa avant la destruction de cette ville, avec deux mille chevaliers et cinq cents hommes de suite; qu'apr?s avoir long-temps err? sur la mer, il aborda en Germanie; qu'il r?gna ensuite dans la Dacie et la nomma Danemarck, du nom d'un certain Dana?s, roi de sa race. C'est pour ce motif que les Daces sont appel?s par leurs compatriotes Daniens ou Danais. Ils se nomment aussi North-Manns, parce que dans leur langue le vent bor?e est appel? North et que Mann veut dire homme; en sorte que cette d?nomination de North-Manns signifie les hommes du Nord. Mais quoi qu'il en soit de ces noms, il est reconnu que les Danois tirent leur origine des Goths. Dans la suite, ces Danois se multipli?rent ? tel point que toutes les ?les se trouvant remplies d'hommes, un grand nombre d'entre eux furent forc?s ? ?migrer des lieux qu'ils occupaient, par des lois que publi?rent leurs rois. Or cette race allait ainsi toujours croissant, par la raison que les hommes, adonn?s ? une extr?me luxure, s'unissaient ? beaucoup de femmes. Les fils devenus grands, leur p?re les chassait tous loin de lui, ? l'exception d'un seul, qu'il instituait h?ritier de ses biens.

Comment Bier, fils de Lothroc, roi de Dacie, fut chass? de sa patrie, selon la coutume, avec Hastings son gouverneur.

ENFIN cette loi demeura sans ex?cution sous une longue s?rie de rois, jusqu'au temps o? le roi Lothroc, dont nous avons d?j? parl?, vint ? succ?der ? son p?re. Ce roi, rappelant les lois de ses anc?tres, for?a son fils nomm? Bier, ? la c?te de fer, ? sortir de son royaume, avec une immense suite de jeunes gens et avec Hastings, son gouverneur, homme rempli de m?chancet? en tout point, afin que, se rendant en des pays ?trangers, Bier conqu?t par les armes une nouvelle r?sidence. Ce Bier ?tait appel? c?te de fer, non qu'il se couvr?t le corps d'un bouclier, mais parce que, marchant au combat sans armes, il ?tait invuln?rable et bravait les efforts de toutes les armes, son corps ayant ?t? violemment frott? par sa m?re de toutes sortes de poisons. Hastings se voyant donc chass? et exil? de sa patrie avec son jeune ?l?ve, envoya une d?putation pour inviter les chevaliers des contr?es voisines, hommes l?gers et avides de combats, ? s'associer ? son exp?dition; et il assembla ainsi une arm?e innombrable de jeunes guerriers. Que dirai-je de plus? Aussit?t on construit des vaisseaux, on r?pare les boucliers et les plastrons, on polit les cuirasses et les casques, on aiguise les ?p?es et les lances, et l'arm?e s'approvisionne en outre avec grand soin de toutes sortes de traits; puis, au jour convenu, on met les vaisseaux en mer, les chevaliers accourent en toute h?te, on dresse les banni?res, les voiles sont enfl?es par les vents, et les loups d?vorans s'en vont d?chirer en pi?ces les brebis du Seigneur, r?pandant en l'honneur de leur dieu Thur des sacrifices de sang humain.

Comment ils arriv?rent dans le royaume des Francs, et d?vast?rent d'abord le pays du Vermandois.

TOUT couverts du sang de ces libations et pouss?s par un vent favorable, ces hommes donc abordent ? un port du Vermandois, l'an 851 de l'Incarnation du Seigneur. S'?lan?ant alors hors de leurs navires, ils livrent aussit?t tout le comt? aux feux de Vulcain. Dans leur fureur brutale ils incendient en outre le monast?re de Saint-Quentin et commettent sur le peuple chr?tien d'horribles cruaut?s. L'?v?que de Noyon, Emmon, et ses diacres p?rissent sous leur glaive, et le petit peuple, priv? de son pasteur, est massacr?. De l? allant attaquer les rives de.la Seine, les Danois s'arr?tent avec leur flotte devant Jumi?ge, et commencent ? l'assi?ger. Ce lieu est ? bon droit appel? Gemmeticus; car ils y g?missent sur leurs p?ch?s, ceux qui n'auront point ? g?mir dans les flammes vengeresses. Quelques-uns pensent qu'il a ?t? appel? ainsi Gemmeticus ? raison du mot gemma, pierre pr?cieuse, et parce que la beaut? de son site et l'abondance de ses productions le font resplendir comme resplendit une pierre pr?cieuse sur un anneau. Au temps de Clovis, roi des Francs, ce lieu fut b?ti par le bienheureux Philibert, avec l'assistance de la reine Bathilde, et il prit un tel d?veloppement qu'il en vint jusqu'? contenir neuf cents moines. Un tr?s-grand nombre d'?v?ques, de clercs ou de nobles la?ques, s'y retir?rent, d?daignant les pompes du si?cle, afin de combattre pour le roi Christ, et inclin?rent leur t?te sous le joug le plus salutaire. Les moines et autres habitans de ce lieu, ayant appris l'arriv?e des Pa?ens, prirent la fuite, cachant sous terre quelques-uns de leurs effets, en emportant quelques autres avec eux, et ils se sauv?rent par le secours de Dieu. Les Pa?ens trouvant le pays abandonn?, mirent le feu au monast?re de Sainte-Marie et de Saint-Pierre et ? tous les ?difices, et r?duisirent tous les environs en un d?sert. Cet acte d'extermination ainsi consomm?, et toutes les maisons se trouvant renvers?es et d?truites, ce lieu si long-temps combl? d'honneur et qui avait brill? de tant d'?clat, devint le repaire des b?tes f?roces et des oiseaux de proie, et durant pr?s de trente ann?es on n'y vit plus que des murailles que leur solidit? avait garanties et qui s'?levaient encore dans les airs, des arbustes extr?mement serr?s et des rejetons d'arbres, qui, de tous c?t?s, sortaient du sein de la terre.

De la d?vastation de la Neustrie, qui s'?tend en ligne transversale de la ville d'Orl?ans jusqu'? Lut?ce, cit? des Parisiens.

APR?S cela, fendant les eaux du fleuve de la Seine, ces hommes se rendent ? Rouen, d?truisent cette ville par le feu, et font un horrible carnage du peuple chr?tien. P?n?trant ensuite plus avant dans l'int?rieur de la France, ils envahissent avec une f?rocit? de Normands presque tout le pays de Neustrie, qui s'?tend en ligne transversale depuis la ville d'Orl?ans jusqu'? Lut?ce, cit? des Parisiens. Dans leurs tr?s-fr?quentes irruptions ils se portaient en tous lieux, d?vastant tout ce qu'ils rencontraient, d'abord ? pied, parce qu'ils ne savaient pas encore monter ? cheval, ensuite ? cheval, ? la mani?re des hommes de notre pays, errant de tous c?t?s. Pendant ce temps, ?tablissant leurs navires, comme pour se faire un asyle en cas de danger, en station dans une certaine ?le situ?e en dessous du couvent de Saint-Florent, ils construisirent des cabanes qui formaient une sorte de village, afin de pouvoir garder, charg?s de cha?nes, leurs troupeaux de captifs, et se reposer eux-m?mes de leurs fatigues, avant de repartir pour de nouvelles exp?ditions. De l? allant faire des incursions impr?vues, tant?t ? cheval, tant?t sur leurs navires, ils d?vast?rent enti?rement tout le pays d'alentour. Dans une premi?re course, ils all?rent incendier la ville de Nantes. Ensuite parcourant tout le pays d'Anjou, ils all?rent aussi mettre le feu ? la ville d'Angers; puis ils d?vast?rent et saccag?rent les ch?teaux, les villages et toute la contr?e du Poitou, depuis la mer jusqu'? la ville m?me de Poitiers, massacrant tout le monde sur leur passage. Dans la suite ils se rendirent sur leurs navires dans la ville de Tours, o?, selon leur usage, ils firent encore un grand massacre, et la livr?rent enfin aux flammes, apr?s avoir d?vast? tout le pays environnant. Peu de temps apr?s, remontant sur leurs navires le fleuve de la Loire, ils arriv?rent ? Orl?ans, s'en empar?rent, et lui enlev?rent tout son or; puis s'?tant retir?s pour un temps, ils y retourn?rent une seconde fois, et d?truisirent enfin la ville par le feu. Mais pourquoi m'arr?t?-je ? raconter seulement les d?sastres de la Neustrie? Ou bien les cinq villes dont je viens de parler auraient-elles ?t? les seules victimes de leurs fureurs?

Comment, furent d?truites les villes de Paris, Beauvais, Poitiers, et d'autres villes voisines, ? partir du rivage de l'Oc?an, en se dirigeant vers l'Orient, et jusqu'? la ville de Clermont en Auvergne.

QUE devint Lut?ce, cit? des Parisiens, noble capitale, jadis resplendissante de gloire, surcharg?e de richesses, dont le sol ?tait extr?mement fertile, dont les habitans jouissaient d'une tr?s-douce paix et que je pourrais appeler ? bon droit le march? des peuples? N'y voit-on pas des monceaux de cendres plut?t qu'une noble cit?? Que devinrent Beauvais, Noyon et les villes des Gaules qui furent jadis les plus distingu?es? Ces villes succomb?rent-elles donc sous les coups et devant les glaives ennemis de ces m?mes barbares? Je m'afflige d'avoir ? rapporter la destruction des plus nobles monast?res, tant d'hommes que de femmes, servant Dieu en toute d?votion, le massacre de tant de personnes qui n'appartenaient point ? une ignoble populace, la captivit? des matrones, les insultes faites aux vierges, et les horribles tourmens de toute esp?ce que les vainqueurs firent supporter aux vaincus. Dirai-je les rudes afflictions de cette race de l'Aquitaine qui jadis faisait sans cesse la guerre et qui maintenant pr?f?rait aux combats le travail de ses mains? Ayant d?truit elle-m?me les plus braves rejetons de son sol, elle fut alors livr?e en proie aux races ?trang?res. Depuis le rivage m?me de l'Oc?an, pour ainsi dire, et en se dirigeant vers l'Oc?an jusques ? Clermont, ville tr?s illustre aux temps anciens de l'Aquitaine, nul pays ne fut en ?tat de conserver sa libert?, et il n'y eut aucun ch?teau, aucun village, aucune ville enfin qui ne succomb?t, ? la suite d'un massacre, sous les coups de ces Pa?ens. J'en prends ? t?moin Poitiers, ville tr?s-riche de l'Aquitaine, Saintes, Angoul?me, P?rigueux, Limoges, Clermont m?me, et jusques ? la ville de Bourges, capitale du royaume d'Aquitaine.

Comment, apr?s que la France eut g?mi trente ans environ sous l'oppression des Pa?ens, Hastings se rendant par mer ? Rome pour la soumettre ? la domination de Bier, fut jet? par une temp?te aupr?s de Luna, ville d'Italie.

A la suite de toutes ces calamit?s qui furent pour les Gaules une sorte d'expiation qu'elles eurent ? supporter durant pr?s de trente ann?es, Hastings, desirant ?lever son seigneur ? une plus haute fortune commen?a avec une troupe de complices ? viser plus s?rieusement au diad?me imp?rial. A la fin, apr?s avoir tenu conseil, ces hommes lanc?rent leurs voiles ? la mer, r?solus d'aller attaquer ? l'improviste la ville de Rome et de s'en rendre ma?tres. Mais une grande temp?te s'?tant ?lev?e, ils furent pouss?s par le vent vers la ville de Luna, qui ?tait appel?e de ce nom, ? cause de sa beaut?. Les citoyens, ?tonn?s de l'arriv?e d'une telle flotte, barricad?rent les portes de leur ville, fortifi?rent leurs remparts et s'encourag?rent les uns les autres ? la r?sistance. Hastings, d?s qu'il fut inform? de leurs hardis projets, crut qu'il avait devant lui la ville de Rome, et se mit aussit?t ? chercher avec le plus grand soin comment il pourrait s'en rendre ma?tre par artifice. Enfin, envoyant ? l'?v?que et au comte de cette ville les ministres de sa perfidie, il leur fit dire qu'il n'avait point abord? en ces lieux avec intention et que son unique desir ?tait de retourner dans sa patrie; qu'il ne voulait et ne demandait que la paix, et que lui-m?me, accabl? d'une maladie mortelle, les faisait supplier humblement de vouloir bien le faire chr?tien. Ayant entendu ces paroles, l'?v?que et le comte se livr?rent aux transports de leur joie, conclurent la paix avec ce d?testable ennemi de toute paix, et le peuple normand fut admis ? entrer dans la ville, aussi bien que ses habitans.

Comment Hastings, croyant que la ville de Luna ?tait Rome, et ne pouvant la prendre de vive force, la prit par artifice et la d?truisit.

ENFIN le sc?l?rat Hastings fut transport? ? 1'?glise; l'homme plein de ruse fut arros? des eaux sacr?es du bapt?me et en sortit en loup d?vorant. Pour leur malheur, l'?v?que et le comte le pr?sent?rent sur les fonts du bapt?me, et de l?, apr?s avoir ?t? oint du saint chr?me, il fut rapport? ? bras d'hommes sur son navire. Ensuite, et au milieu du silence de la nuit, s'?tant cuirass?, Hastings se fait d?poser dans un cercueil, et donne ordre ? ses compagnons de rev?tir leurs cuirasses sous leurs tuniques. Aussit?t on entend de grands g?missemens dans toute l'arm?e, sur le bruit que Hastings le n?ophyte vient de mourir. Le rivage de la mer retentit des cris de douleur que provoque la mort d'un tel chef. On le transporte alors hors de son navire et on le conduit l'?glise. L'?v?que se couvre de ses v?temens sacr?s et se dispose ? immoler la tr?s-sainte hostie en l'honneur du d?funt. On chante les pri?res pour son ame, afin que son corps charg? de crimes, vou? ? la perdition et d?j? enferm? dans le cercueil, puisse recevoir la s?pulture. Mais voil?, Hastings s'?lance hors de son cercueil et tue de son glaive l'?v?que et le comte. Ensuite lui et les siens assouvissent ? l'improviste sur le petit peuple leurs fureurs de loups d?vorans. La maison de Dieu devient le th??tre des crimes commis par son fatal ennemi, les jeunes gens sont massacr?s, les vieillards ?gorg?s, la ville d?vast?e, et les remparts renvers?s jusque dans leurs fondemens.

Comment les Pa?ens, ayant d?couvert que cette ville n'?tait pas Rome, se divis?rent. -- Bier voulant retourner en Danemarck, mourut dans la Frise. -- Hastings ayant fait la paix avec le roi Charles, re?ut de lui la ville de Chartres, ? titre de solde, et y habita.

LA ruine de cette ville ainsi accomplie, les Pa?ens ayant d?couvert qu'ils ne s'?taient point empar?s de Rome, craignirent de ne pouvoir r?ussir dans de nouvelles entreprises , et ayant tenu conseil, ils r?solurent de repartir. Bier, sous les drapeaux duquel se commettaient ces d?vastations et qui ?tait le roi de ces arm?es, ayant voulu retourner dans son pays, essuya un naufrage, eut beaucoup de peine ? se faire recevoir dans un port chez les Anglais, et perdit par la temp?te un grand nombre de ses vaisseaux. Il se rendit dans la Frise, et y mourut. Quant ? Hastings, il alla trouver Charles 2, roi des Francs, lui demanda la paix, l'obtint, et re?ut en don la ville de Chartres, ? titre de solde. Par l? la France respira un peu de tant d'horribles d?sastres; la vengeance due ? des crimes si ?normes fut suspendue, et l'on vit se manifester la mis?ricorde du Christ, qui avec le P?re et le Saint-Esprit gouverne le monde de toute ?ternit?, dans sa puissance ineffable.

LIVRE SECOND.

DES FAITS ET GESTES DE ROLLON, PREMIER DUC DE NORMANDIE. CHAPITRE PREMIER.

De la noblesse et valeur du p?re de Rollon, et comment les jeunes gens de la Dacie, qui avaient ?t? d?sign?s par ordre du roi pour en ?tre expuls?s, se rendirent aupr?s de Rollon et de Gurim son fr?re pour implorer leur secours contre le roi.

UN grand nombre d'ann?es s'?taient ?coul?es, ? la suite de ces ?v?nemens, et la France commen?ait ? se reposer quelque peu de ces bruyans d?sordres, lorsque le Danemarck agitant de nouveau des tisons embras?s, en vertu de son droit d'expulsion, r?solut, conform?ment ? ses antiques lois, de chasser de nouveau du sol natal beaucoup de chevaliers, brillans de tout l'?clat de la jeunesse. En ces jours vivait dans la Dacie un certain vieillard, le plus riche de tous en toutes sortes de richesses, environn? de toutes parts d'une foule innombrable de chevaliers, qui jamais ne courba sa t?te devant aucun roi, et jamais ne mit ses mains dans les mains d'un autre, quel qu'il f?t, pour se recommander ? lui et lui promettre ses services. Cet homme, poss?dant presque en totalit? le royaume de Dacie, conquit en outre les territoires limitrophes de la Dacie et de l'Alanie, et par sa force et sa puissance il subjugua les peuples de ce pays, ? la suite d'un grand nombre de combats. Il ?tait le plus distingu? par sa valeur, parmi tous les Orientaux, et se montrait en outre sup?rieur ? eux par la r?union de toutes les vertus. Il mourut et laissa apr?s lui deux fils, vaillans dans les combats, habiles ? la guerre, beaux de corps, remplis de vigueur et de courage. L'a?n? se nommait Rollon et le plus jeune Gurim. Les jeunes gens d?sign?s pour ?tre expuls?s de leur pays all?rent trouver ces deux hommes, et fl?chissant le genou, baissant la t?te, les suppliant avec humilit?, ils leur dirent d'une voix unanime: << Pr?tez nous votre secours et accordez-nous votre appui; nous demeurerons toujours sous votre protection, et nous travaillerons incessamment pour votre service. Notre roi veut nous expulser de la Dacie, et nous enlever enti?rement nos terres et nos b?n?fices. >> Alors les deux fr?res r?pondirent ? ceux qui venaient les supplier humblement, disant: << Nous vous secourrons certainement, nous vous ferons demeurer en Dacie ? i'abri des menaces du roi, et nous vous ferons jouir en paix et en s?curit? de tout ce qui vous appartient. >> Ceux-l? ayant entendu ces paroles, tomb?rent aux pieds de Rollon et de Gurim, les embrass?rent et s'en retourn?rent aussit?t, se f?licitant des r?ponses de ces princes. Cependant la renomm?e r?pand un bruit v?ritable, et le porte m?me aux oreilles du roi de Dacie, savoir que le duc tr?s-puissant, le p?re de Rollon et de Gurim, jouit enfin du supr?me repos. Alors le roi se souvenant de tous les maux que ce duc lui a fait endurer, appelle aupr?s de lui tous les grands de son Empire, et leur dit: << Vous n'ignorez point que le p?re de Rollon et de Gurim est mort. J'attaquerai donc leur pays, je prendrai les villes et les ch?teaux et les lieux les mieux fortifi?s, je me vengerai des actions du p?re sur les fils, et les ?crasant je me r?jouirai ? sati?t? de leurs maux. Je vous prie, vous et les v?tres, pr?parez-vous pour accomplir cette entreprise. >> Puis l'?poque du d?part ayant ?t? d?sign?e, tous s'en retourn?rent avec les leurs aux lieux d'o? ils ?taient venus. Bient?t la jeunesse bouillante de la Dacie, remplie de z?le et d'ardeur, pr?pare toutes les choses n?cessaires pour cette exp?dition. Les uns, appelant ? leur aide l'art du forgeron, fabriquent de l?gers boucliers et des javelots brillans. D'autres aiguisent avec soin leurs dards, leurs ?p?es et leurs haches. La nouvelle de ces faits arrive inopin?ment aux oreilles de Rollon et de Gurim, et ils se troublent en recevant ces premiers rapports. Convoquant, aussit?t une nombreuse arm?e, ils s'entourent d'une foule de jeunes gens, d'une multitude d'hommes de moyen ?ge, de vieillards et de ceux qui ?taient d?sign?s pour ?tre expuls?s, et ?tendant la main ils commandent le silence.

Comment Rollon s'?tant r?volt? contre le roi pendant cinq ans, le roi lui demande et obtient la paix frauduleusement.

A peine les murmures de ce peuple en tumulte sont-ils apais?s, Rollon s'?levant au dessus de tous et se pla?ant sur un si?ge convenable, commence ? parler d'une bouche qui distille le miel: << Vous en qui bouillonne l'ardeur de la jeunesse, qui brillez par tout l'?clat de la plus haute valeur, c'est ? vous que je m'adresse. Imitez par votre activit? vos v?n?rables p?res, vos a?eux et anc?tres. Rassemblez toutes vos forces, d?ployez toute votre vigueur, et ne craignez point de ne pouvoir attaquer ces hommes avec des forces ?gales aux leurs. Voici, le roi de ce royaume a le projet de triompher de nous, d'envahir la monarchie soumise ? notre domination, de nous perdre et de vous perdre tous. Avant donc qu'il s'empare de la terre que nous poss?dons par droit d'h?ritage, devan?ons-le en allant occuper nous-m?mes la terre qu'il gouverne, et opposons-nous ? sa marche en ennemis d?clar?s. >> Tous aussit?t, r?jouis de ces paroles, se r?unissent en plusieurs arm?es, vont envahir les terres du roi et les d?vastent enti?rement, portant de tous c?t?s les feux de Vulcain. Le roi ayant appris ces nouvelles, marche au combat contre Rollon et son fr?re Gurim, et apr?s avoir combattu long-temps, il tourne le dos et court se r?fugier dans ses villes. Alors Rollon ensevelit les morts de son arm?e et laisse sans s?pulture ceux de l'arm?e du roi. Durant tout le cours d'un lustre, la guerre ayant continu? entre le roi et Rollon, enfin le roi adressa ? Rollon des paroles de paix, mais qui cachaient une fraude: << II n'y a rien entre toi et moi, si ce n'est ? raison du voisinage. Permets, je te prie, que la chose publique demeure en repos, en sorte qu'il me soit donn? de poss?der tranquillement ce qui m'appartient de droit, ce qui a appartenu ? mon p?re, et ? toi aussi ce qui t'appartient de droit, ce qui a appartenu ? ton p?re. Que la paix et la concorde soient donc ?tablies entre moi et toi par un trait? inviolable. >> Alors Rollon et Gurim, leurs chevaliers et ceux qui avaient ?t? d?sign?s pour ?tre expuls?s, approuv?rent fort cette paix. On d?termina le moment o? la paix serait jur?e des deux parts: chacun des deux contractans se rendit ? l'assembl?e, et ayant ?chang? mutuellement de riches pr?sens, ils conclurent un trait? d'amiti?.

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