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Read Ebook: Histoire des ducs de Normandie suivie de: Vie de Guillaume le Conquérant by Gulielmus Pictaviensis William Of Jumi Ges Guizot Fran Ois Translator

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Ebook has 640 lines and 117972 words, and 13 pages

A peine les murmures de ce peuple en tumulte sont-ils apais?s, Rollon s'?levant au dessus de tous et se pla?ant sur un si?ge convenable, commence ? parler d'une bouche qui distille le miel: << Vous en qui bouillonne l'ardeur de la jeunesse, qui brillez par tout l'?clat de la plus haute valeur, c'est ? vous que je m'adresse. Imitez par votre activit? vos v?n?rables p?res, vos a?eux et anc?tres. Rassemblez toutes vos forces, d?ployez toute votre vigueur, et ne craignez point de ne pouvoir attaquer ces hommes avec des forces ?gales aux leurs. Voici, le roi de ce royaume a le projet de triompher de nous, d'envahir la monarchie soumise ? notre domination, de nous perdre et de vous perdre tous. Avant donc qu'il s'empare de la terre que nous poss?dons par droit d'h?ritage, devan?ons-le en allant occuper nous-m?mes la terre qu'il gouverne, et opposons-nous ? sa marche en ennemis d?clar?s. >> Tous aussit?t, r?jouis de ces paroles, se r?unissent en plusieurs arm?es, vont envahir les terres du roi et les d?vastent enti?rement, portant de tous c?t?s les feux de Vulcain. Le roi ayant appris ces nouvelles, marche au combat contre Rollon et son fr?re Gurim, et apr?s avoir combattu long-temps, il tourne le dos et court se r?fugier dans ses villes. Alors Rollon ensevelit les morts de son arm?e et laisse sans s?pulture ceux de l'arm?e du roi. Durant tout le cours d'un lustre, la guerre ayant continu? entre le roi et Rollon, enfin le roi adressa ? Rollon des paroles de paix, mais qui cachaient une fraude: << II n'y a rien entre toi et moi, si ce n'est ? raison du voisinage. Permets, je te prie, que la chose publique demeure en repos, en sorte qu'il me soit donn? de poss?der tranquillement ce qui m'appartient de droit, ce qui a appartenu ? mon p?re, et ? toi aussi ce qui t'appartient de droit, ce qui a appartenu ? ton p?re. Que la paix et la concorde soient donc ?tablies entre moi et toi par un trait? inviolable. >> Alors Rollon et Gurim, leurs chevaliers et ceux qui avaient ?t? d?sign?s pour ?tre expuls?s, approuv?rent fort cette paix. On d?termina le moment o? la paix serait jur?e des deux parts: chacun des deux contractans se rendit ? l'assembl?e, et ayant ?chang? mutuellement de riches pr?sens, ils conclurent un trait? d'amiti?.

Comment le roi attaqua dans la nuit les villes de Rollon. -- De la mort de Gurim son fr?re, et de l'arriv?e de Rollon dans l'?le de Scanza avec six navires.

ENFIN le roi perfide apr?s avoir m?dit? en son coeur m?chant la fraude qu'il avait d?j? con?ue, assembla un jour son arm?e, et marchant de nuit et envahissant le territoire des deux fr?res, il pla?a une embuscade non loin des murs de la ville et commen?a ? l'assi?ger. Alors Rollon et son fr?re Gurim et ceux qui ?taient avec eux, s'?lan?ant hors de la ville, poursuivirent le roi, qui tourna le dos et feignit de prendre la fuite. Lorsque Rollon eut d?pass? le lieu o? ?tait plac?e une embuscade, une partie des hommes qui s'y ?taient cach?s sortit aussit?t et se dirigea vers la ville. L'ayant trouv?e d?garnie de ses hommes d'armes, les gens du roi y mirent le feu et enlev?rent de riches d?pouilles; les autres cependant se mirent ? la poursuite de Rollon, qui chassait le roi devant lui avec toute la fureur d'un ennemi. Or le roi voyant que la ville ?tait embras?e, et que les gens de l'embuscade avaient repris l'avantage, revint sur ses pas et combattit contre Rollon. Un grand nombre d'hommes du parti de Rollon furent massacr?s, et Gurim son fr?re succomba dans la bataille. Alors Rollon se voyant plac? entre deux arm?es, dont l'une feignait de s'enfuir, tandis que l'autre sortait de son embuscade, voyant en outre son fr?re mort et se trouvant lui-m?me tout couvert de blessures, s'enfuit, non sans peine, suivi seulement d'un petit nombre d'hommes. Le roi assi?geant alors et prenant les villes, soumit ? son joug le peuple qui s'?tait r?volt? et murmurait encore contre lui. Rollon ne pouvant demeurer en Dacie par crainte du roi, dont il se m?fiait, aborda avec six navires ? l'?le de Scanza. Alors la Dacie, priv?e de son brave duc, de son patrice et de son vigoureux d?fenseur, poussa de profonds g?missemens et se mit ? r?pandre des torrens de larmes.

De l'invitation faite ? Rollon en songe pour qu'il e?t ? se rendre en Angleterre, et de sa victoire sur les Anglais.

TANDIS qu'il demeurait depuis longtemps d?j? dans l'?le de Scanza, triste, agit? des pens?es p?nibles qui tourmentaient son ame ardente, et m?ditant de se venger de ses ennemis, un grand nombre de ceux que la duret? du roi avait expuls?s de la Dacie vinrent aupr?s de Rollon. Ses membres ?taient ?puis? de fatigue, il avait succomb? au sommeil quand une fois il entendit retentir une voix divine, qui lui dit: << Rollon, l?ve-toi promptement, h?te-toi de traverser la mer avec tes navires et de te rendre en Angleterre. L? tu apprendras que tu dois retourner sain et sauf dans ta patrie, et y jouir ? jamais et sans aucun trouble d'une douce paix. >> Rollon ayant racont? ce songe ? un certain homme sage et serveur du Christ, cet homme l'interpr?ta de la mani?re que voici: << Dans un temps ? venir qui s'approche, tu seras purifi? par le tr?s-saint bapt?me, tu deviendras un tr?s-digne serviteur du Christ, tu passeras de l'erreur du si?cle pr?sent jusques aux Anglais, c'est-?-dire aux anges, et tu feras avec eux une paix de gloire immortelle. >> Aussit?t faisant attacher des voiles ? ses navires, les munissant de leurs rames, et les chargeant de grain, de vin et de pi?ces de lard, Rollon traversa la mer ? force de voiles, et arriva chez les Anglais, desirant y demeurer long-temps et en repos. Les habitans de ce territoire ayant appris l'arriv?e de Rollon-le-Dace, lev?rent une grande arm?e contre lui et firent tous leurs efforts pour le chasser de leur pays. Lui, selon son usage, marchant au combat sans h?siter, se porta ? leur rencontre, leur tua un grand nombre d'hommes, et les autres ayant pris la fuite, il fatigua leurs ?paules de sa lance. Enfin de plus grandes forces s'?tant r?unies aux hommes du pays qui avaient d?j? pris les armes, ils conduisirent une nouvelle arm?e contre Rollon et cherch?rent ? le tuer ou ? le mettre en fuite. Mais, Rollon instruit aux travaux de la guerre, et rendu plus terrible par la n?cessit? de vaincre, couvert d'un casque merveilleusement garni en or, et rev?tu d'une cuirasse ? triple tissu, marcha vivement et sans h?sitation contre les bandes arm?es qui s'avan?aient pour le combattre; de son bras vigoureux il renversa des milliers d'hommes par terre, et poursuivant les fuyards d'une course rapide, il fit prisonniers plusieurs de leurs chefs; puis revenant sur le champ de bataille il ensevelit les corps des morts, fit enlever et transporter les bless?s, et encha?na ses prisonniers sur ses navires. Alors incertain entre trois projets diff?rents, savoir, de retourner dans la Dacie, de se diriger vers la France, ou de demeurer sur le sol Anglais pour l'affliger par de nouveaux combats et de s'en rendre ma?tre, il tomba dans une grande agitation, et devint extr?mement triste.

D'un songe de Rollon, et de l'explication de ce songe par un certain chr?tien.

TANDIS qu'il demeurait constamment pr?occup? de ses sollicitudes, et que les hommes de cette contr?e se soumettaient ? son joug et s'attachaient fid?lement ? lui, une certaine nuit que le sommeil s'insinuait doucement dans ses membres et lui procurait un repos, image de la mort, Rollon crut se voir sup?rieur ? tous les hommes, et transport? dans une habitation, sur la montagne la plus ?lev?e de France, au sommet de laquelle ?tait une fontaine d'eau limpide et odorif?rante, dans laquelle il se lavait et se purifiait de la souillure et de la d?mangeaison de la l?pre. Tandis qu'il demeurait encore au sommet de cette montagne, il crut voir en outre, tout autour de la base de la montagne et de tous les c?t?s, de nombreux milliers d'oiseaux de diverses esp?ces et de couleurs vari?es, ayant de plus les ailes gauches tr?s-rouges, et diss?min?s en long et en large si loin et en une telle quantit? que sa vue, quoique per?ante et fix?e sur eux, ne pouvait en d?couvrir la fin. Du reste ces oiseaux s'envolant tour ? tour et se dirigeant vers le sommet de la montagne, s'approchaient alternativement de la fontaine et venaient s'y laver et s'y baigner, comme les oiseaux ont coutume de faire par un temps qui annonce une pluie prochaine. Lorsque tous eurent pris ainsi ce bain merveilleux, ils s'arr?t?rent ? une bonne place, sans distinction de genres ni d'esp?ces, sans se faire aucune querelle, se mirent ? manger les uns apr?s les autres et en bonne amiti?; puis apportant de petites branches ils travaill?rent avec ardeur ? faire des nids, et m?me aussit?t qu'ils en recevaient le commandement de celui qui les voyait en songe, ils se mettaient ? couver sans aucun effort.

Rollon s'?tant ?veill? et se souvenant de la vision qui lui ?tait apparue, appela aupr?s de lui les principaux de ses chefs, fit venir aussi les chefs qu'il avait faits prisonniers dans la bataille, leur raconta sans d?lai tous les d?tails de sa vision et leur demanda ce qu'ils pensaient du sens myst?rieux de ce songe. Tous demeuraient en silence, lorsque l'un des captifs, imbu de la foi de la religion chr?tienne, et saisi tout ? coup, par l'inspiration divine, d'un esprit proph?tique, expliqua le sens myst?rieux de cette vision, disant: << Cette montagne de la France, sur laquelle tu as cru te voir ?lev?, d?signe l'Eglise de ce royaume. La fontaine qui ?tait au sommet de la montagne, signifie le bapt?me de r?g?n?ration. Par la l?pre et la d?mangeaison dont tu ?tais souill?, tu dois entendre les crimes et les p?ch?s que tu as commis. Tu t'es lav? dans les eaux de cette fontaine, et elles t'ont purifi? du mal de la l?pre et de la d?mangeaison; ce qui veut dire que tu seras r?g?n?r? par le bain du bapt?me sacr? et purifi? par lui de tous tes p?ch?s. Par ces oiseaux d'esp?ces diverses, qui avaient les ailes gauches tr?s-rouges, et qui ?taient r?pandus au loin, tellement que ta vue ne pouvait en d?couvrir la fin, tu dois entendre les hommes de diverses provinces, ayant les bras garnis de leurs boucliers, qui deviendront tes fid?les et que tu verras rassembl?s autour de toi en une multitude innombrable. Ces oiseaux plongeant dans la fontaine, s'y baignant tour ? tour et mangeant en commun, d?signent ce peuple souill? du poison de l'antique erreur, qui doit ?tre purifi? symboliquement par le bapt?me et repu de la nourriture du corps et du sang tr?s-saints du Christ. Les nids que ces oiseaux faisaient autour de la fontaine d?signent les remparts des villes d?truites, et qui doivent ?tre relev?s. Les oiseaux d'esp?ces diverses ?taient attentifs ? tes ordres, et les hommes de divers royaumes te serviront, se coucheront devant toi, et t'ob?iront. >>

R?joui par cette admirable interpr?tation, Rollon d?livra de leur fers celui qui avait interpr?t? sa vision et tous les autres prisonniers, et les ayant enrichis de ses dons, il les renvoya remplis de joie.

D'Alstem 3, roi tr?s-chr?tien des Anglais, avec lequel Rollon conclut un trait? d'amiti? inviolable.

EN ce temps le roi tr?s-chr?tien des Anglais, nomm? Alstem, combl? de richesses et tr?s-digne d?fenseur de la tr?s-sainte Eglise, gouvernait l'Angleterre avec une grande bont?. Rollon lui envoya des d?put?s, auxquels il prescrivit ce qu'ils avaient ? dire de sa part ? ce roi. Eux donc s'?tant rendus aupr?s de lui, baissant la t?te et d'une voix respectueuse, lui parl?rent en ces termes: << Le plus puissant de toutes les patrices, le duc des Daces, le tr?s-excellent Rollon, notre seigneur et notre protecteur, te pr?sente ses fid?les services et le don d'une amiti? inalt?rable. Seigneur roi, apr?s que nous avons eu ?prouv? une grande calamit? dans le royaume de Dacie, d'o? nous avons ?t?, ? douleur! frauduleusement expuls?s; apr?s que nous avons ?t? mis?rablement ballot?s sur les flots soulev?s par les temp?tes, un vent d'est favorable nous a enfin pouss?s sur ton territoire, tristes et d?nu?s de toute esp?rance et de tout moyen de salut. Comme nous faisions effort pour retourner en Dacie et aller nous venger de nos ennemis, les glaces de l'hiver nous ont arr?t?s et enferm?s. La terre s'est rev?tue d'une cro?te de gel?e, la chevelure flexible des plantes et des arbres s'est roidie, les fleuves, arr?t?s dans leur cours par une masse ?paisse de glace, ont ?lev? devant nous une muraille, et les eaux n'ont pu nous fournir de chemin. Quelques chevaliers habitant dans le voisinage du lieu de notre d?barquement ont rassembl? contre nous une tr?s-grande arm?e et nous ont provoqu?s et attaqu?s. Nous cependant, ne pouvant naviguer ni sur la glace, ni sous sous la glace, nous avons r?sist? ? leur attaque, et dans une bataille nous avons d?sarm? et fait prisonniers beaucoup d'entre eux. Toutefois nous ne d?vasterons point ton royaume, nous n'emporterons point sur nos vaisseaux le butin par nous enlev?. Nous demandons une paix amie et la facult? de vendre et d'acheter, parce que, ? l'?poque du printemps qui s'approche, nous partirons pour la France. >> Le roi leur montrant un visage joyeux apr?s avoir entendu ces paroles, leur dit: << Nulle terre ne porte comme la Dacie des hommes distingu?s, vaillans et habiles ? la guerre. Plusieurs personnes nous on fait des rapports sur l'illustre origine de votre seigneur, sur les malheurs et les fatigues que vous avez endur?es, et m?me sur l'horrible perfidie du roi de Dacie envers vous. Nul n'est plus juste dans ces actions que votre seigneur, nul n'est plus grand par ses armes. Bannissez d?sormais toute sollicitude, vivez en s?curit?, ne redoutez point de combats et soyez affranchis de tous maux. Qu'il vous soit permis de vendre et d'acheter en tous lieux sur le territoire soumis ? notre domination. D?cidez votre seigneur, nous vous en prions, ? daigner se confier en notre foi et ? venir aupr?s de nous. Je d?sire le voir et le consoler de ses malheurs. >> Les d?put?s repartirent et rapport?rent ? Rollon tout ce qu'ils avaient entendu. Alors et sans aucun retard Rollon se rendit courageusement vers le roi, qui se porta ? sa rencontre. Ils s'embrass?rent l'un l'autre, se donn?rent des baisers, et leurs arm?es s'?tant retir?es, ils s'assirent ensemble ? l'?cart. Alors le roi Alstem parla le premier:

<< Guerrier puissant par tes a?eux, illustre par tes brillans exploits, distingu? parmi tous les autres par tes vertus et tes m?rites, nous nous plaisons ? nous unir avec toi par des liens de fid?lit?. Sois, je te le demande, sois toujours une portion de mon ame, et mon compagnon ? jamais; je te demande m?me de demeurer sur notre territoire et de te purifier de toute souillure par le bapt?me salutaire. Ce que tu desires, poss?de-le dans le pays soumis ? ma domination. Souviens-toi de moi, comme je me serai souvenu de toi en toutes choses; mais si tu veux maintenant te rendre vers d'autres rives, si ton peuple farouche et m?fiant s'est d?j? irrit? contre moi, et ne veut pas, dans sa m?chancet?, me conserver la fid?lit? promise, pr?te-lui ton secours selon tes moyens et sauve-le par tes efforts opini?tres. Moi-m?me je te secourrai et je t'assisterai avec le plus grand z?le, et mon bouclier te prot?gera dans tes entreprises. >>

De la temp?te que Rollon eut ? essuyer en se rendant de l'Angleterre vers le royaume de France, et comment il aborda sur les c?tes du pays des Walgres. 4

ALORS Rollon, r?joui des paroles du roi lui r?pondit, ? ce qu'on rapporte: << O le plus illustre de tous les rois, je te rends gr?ces de ta bonne volont?, et je desire que tu fasses tout ce que tu as dit devoir ?tre fait entre moi et toi. Je ne s?journerai pas tr?s-long-temps dans ton royaume et je me rendrai en France le plus t?t qu'il me sera possible. En quelque lieu de la terre que je sois, je demeurerai ton ami et te serai uni par les liens d'une affection inalt?rable. >> A ces mots ils conclurent une alliance indissoluble, et s'?tant mutuellement enrichis par d'admirables pr?sens, chacun retourna chez lui avec les siens. Durant toute la saison de l'hiver, le duc Rollon fit pr?parer avec un soin extr?me ses navires et toutes les choses dont il avait besoin pour le voyage, et il appela aupr?s de lui des chevaliers anglais, tous brillans de jeunesse, qui s'?taient faits ses hommes et devaient partir avec lui. Or, ? l'?poque du printemps, lorsque les fleurs commenc?rent ? briller en abondance, lorsque les lis odorans et blancs de lait fleurissaient au milieu des violettes empourpr?es, Rollon se souvenant toujours de la vision qui l'avait invit? ? se rendre en France, fit d?ployer les voiles de ses vaisseaux et partit avec sa flotte. Mais lorsque les vents l?gers l'eurent pouss? en pleine mer, lorsqu'on ne vit plus que le ciel enveloppant la surface des eaux, les esprits malins, sachant que tous ces hommes devaient ?tre purifi?s par le bapt?me au nom du Christ, et obtenir ainsi la gloire qu'eux-m?mes ont perdue, s'afflig?rent et coururent ? leur rencontre pour leur susciter de nouveaux p?rils. Les vents s'?lanc?rent hors de leurs cavernes, et la mer s'entr'ouvrant devant eux dans ses plus grandes profondeurs, ses flots se soulev?rent jusque vers les astres. Au milieu des ?clairs sans cesse renaissans le ciel retentit des ?clats du tonnerre, et d'?paisses t?n?bres s'appesantirent sur la flotte; les rames furent bris?es et les voiles ne purent r?sister ? la violence des vents. Epuis?s et n'ayant plus de forces, les navigateurs s'abandonn?rent ? la fureur de la temp?te; les vaisseaux flottaient ?? et l?, comme ? travers des montagnes et des vallons, et tous se voyaient ? chaque instant menac?s de la mort. Alors Rollon se prosternant sur son navire, ?levant les bras vers le ciel, pronon?a ces paroles d'une voix humble et craintive:

<< O Dieu tout-puissant, qui remplis de ta lumi?re les demeures c?lestes, qui poss?des le ciel et la terre, dont la divinit? est de tous les si?cles, qui embrasses toutes choses dans le cercle de ton ?ternit?, qui, par le bienfait de la vision que tu m'as montr?e, veux que d'ici ? peu de temps je devienne serviteur du Christ, moi tout infect? de vices, tout rempli de p?ch?s et de souillures, accueille mes voeux avec bont?, sois favorable ? mes pri?res, apaise les flots irrit?s au milieu de ces d?bris, d?livre-nous de tant de fatigues et de p?rils; calme, adoucis, comprime la mer agit?e par cette trop violente temp?te. >>

A peine cette pri?re ?tait-elle termin?e, la mer devint calme, et la temp?te se dissipa. Bient?t les Danois pouss?s par un vent favorable travers?rent les immenses espaces de la mer, et leurs navires tout bris?s par l'ouragan abord?rent sur les c?tes des Walgres.

Comment Rollon vainquit les Walgres, qui voulurent lui r?sister, ainsi que Rainier, duc du Hainaut, et Radbold, prince de Frise. -- De douze navires charg?s de vivres et d'autant de vaisseaux remplis de chevaliers, que le roi des Anglais Alstem envoya ? Rollon tandis qu'il ?tait en ce pays.

OR les Walgres ayant appris qu'une nation barbare, pouss?e par la violence de la temp?te, venait d'aborder sur leurs c?tes, rassembl?rent la multitude des gens de leur pays, et all?rent assaillir le duc Rollon ? peine ?chapp? aux fureurs de la mer. Mais lui, se relevant selon sa coutume et marchant contre eux pour combattre, frappa de mort un grand nombre d'entre eux, les envoya dans l'enfer, et les autres, il les mit en fuite, ou les fit prisonniers. Comme il demeura long-temps en ces lieux, d?vastant le pays des Walgres, le roi tr?s-chr?tien des Anglais, Alstem, le plus distingu? de tous les rois par ses vertus, se souvenant de son amiti? et du trait? par lequel il s'?tait uni ? jamais avec Rollon, envoya ? l'illustre duc, dans le pays des Walgres, douze navires charg?s de grains, de vin et de lard, et autant de vaisseaux remplis de chevaliers arm?s. R?joui de ces dons, Rollon renvoya au roi ses d?put?s enrichis de tr?s-beaux pr?sens, lui adressant en outre mille actions de gr?ces, et lui promettant par leur entremise qu'il serait toujours son serviteur. Or les Walgres croyant, ? raison de la grande quantit? de grains qui lui ?tait apport?e, que Rollon voulait demeurer ? jamais chez eux, appel?rent ? eux Rainier au long cou, duc de Hasbaigne et du Hainaut, et Radbold, prince de Frise, et levant une arm?e dans d'autres contr?es, ils all?rent attaquer Rollon. Celui-ci se battit tr?s-souvent contre eux sans la moindre crainte, leur tua beaucoup de milliers d'hommes, mit en fuite Rainier au long cou et Radbold le Frison, et les repoussa dans leurs ch?teaux. Ensuite il d?vasta et livra aux flammes tout le territoire des Walgres. Irrit? de leurs attaques, il marcha en toute h?te contre les Frisons et se mit ? ravager tout leur pays. Alors les Frisons, rassemblant promptement une nombreuse population, et s'associant une multitude de petites peuplades qui habitaient sur les confins de la Frise, s'avanc?rent d'une marche rapide pour aller attaquer Rollon, qui r?sidait alors sur les bords d'un fleuve, et qui avait aussi r?uni ses nombreux bataillons. Mais Rollon et ceux qui ?taient avec lui, se voyant menac?s de toutes les horreurs de la guerre, mirent les genoux en terre, et portant leurs boucliers en avant, se confiant au tranchant sacr? de leurs glaives ?tincelans, attendirent le signal de la bataille. Les Frisons, jugeant que leur troupe ?tait peu nombreuse, engag?rent un combat qui ne devait pas tourner ? leur avantage. Alors les Daces se relevant et s'?lan?ant sur eux, en firent un grand massacre, leur prirent plusieurs de leurs princes et emmen?rent ? leurs navires une troupe innombrable de prisonniers. D?s ce moment les autres Frisons, se d?fiant d'eux-m?mes, devinrent tributaires de Rollon, et ob?irent ? ses ordres en toutes choses. Apr?s avoir impos?, lev? et recueilli un tribut sur la Frise, Rollon fit aussit?t lever dans les airs les voiles de ses navires, et dirigea leurs proues vers les terres de Rainier au long cou, desirant se venger de cet homme, qui avec les Frisons avait port? secours aux Walgres d?j? vaincus dans une bataille. Ayant navigu? sur la mer, Rollon entra dans le fleuve de l'Escaut, et ravageant sur les deux rives le territoire de Rainier au long cou, il arriva enfin ? une certaine abbaye nomm?e Condat. Rainier lui livra plusieurs combats; mais Rollon sortit de tous ces combats vainqueur et puissant. Le pays fut d?vast?, et eut ? souffrir toutes sortes de maux de la part des deux arm?es. Cependant une terrible famine survint, parce que la terre n'?tait plus d?chir?e par la charrue. Le peuple fut afflig? par la disette, et d?truit par la faim et la guerre. Tous d?sesp?raient de leur vie, se voyant priv?s des alimens qui l'entretiennent. Un certain jour donc, Rainier s'?tant plac? en embuscade dans l'intention de tomber ? l'improviste sur les Daces, ceux-ci s'?tant rassembl?s de tous c?t?s, l'envelopp?rent, s'empar?rent de sa personne, malgr? sa vive r?sistance, et le conduisirent encha?n? devant Rollon.

Ce m?me jour les gens de Rainier, voulant prendre quelques Daces, se cach?rent dans un lieu de retraite, attaqu?rent douze des chevaliers de Rollon avec une grande vigueur, et les firent prisonniers. Alors la femme de Rainier, pleurant et se lamentant sur son sort, convoqua ses chefs, et les envoya ? Rollon pour lui demander de lui rendre son seigneur en ?change de ses douze compagnons d'armes. Rollon ayant re?u sa d?putation, la lui renvoya sur-le-champ, en disant: << Rainier ne te sera point rendu; mais je lui ferai couper la t?te si tu ne me renvoies d'abord mes compagnons, si tu ne me livres en outre tout ce qu'il y a d'or et d'argent dans son duch?, sous le serment de la religion chr?tienne, et si de plus cette contr?e ne me paie un tribut. >> Bient?t l'?pouse de Rainier, afflig?e du mauvais succ?s de sa d?putation, renvoya ? Rollon ses compagnons prisonniers, et lui fit porter tout l'or et l'argent qu'elle put trouver en tous lieux. Elle y ajouta m?me celui qui appartenait aux autels sacr?s et tous les imp?ts du duch?, en faisant serment qu'elle ne poss?dait ni ne pouvait pr?lever plus de m?tal, et en adressant en m?me temps ? Rollon des pri?res et des paroles de supplication pour qu'il lui rend?t son ?poux. Emu de compassion et touch? des paroles de ceux qui l'imploraient en supplians, Rollon fit venir devant lui Rainier au long cou, et lui fit entendre ce langage de paix: << Rainier, duc et chevalier tr?s-redoutable, issu du sang illustre des rois, des ducs et des comtes, quelle offense t'avais-je faite autrefois pour que tu combattisses contre moi avec les Walgres et les Frisons? Maintenant si tu voulais te livrer ? tes fureurs, tu n'as plus ni armes, ni satellites; et si tu voulais t'?chapper par la fuite, maintenant enlac? dans les fers et captif, tu ne pourrais te sauver. Je t'ai rendu le talion ? toi ainsi qu'aux Frisons pour les maux que vous m'avez faits sans aucun motif. Ta femme et tes chefs m'ont envoy? pour toi tout ce qu'ils ont pu ramasser d'or et d'argent. Je te rendrai la moiti? de ces dons accumul?s, et je te renverrai ? ta femme. Maintenant donc calme-toi, apaise-toi; que d?sormais il n'y ait plus de discorde, mais plut?t qu'il y ait ? jamais entre moi et toi paix et amiti?. >> A ces mots, les jambes de Rainier furent d?livr?es de leurs cha?nes. Aussit?t Rollon s'unit ? lui par un trait?, l'enrichit de ses dons et de tr?s-grands pr?sens, et lui ayant m?me rendu la moiti? de ceux qu'il en avait re?us, il le renvoya ensuite ? sa femme.

Comment, l'an du Verbe incarn? 876, Rollon arriva ? Jumi?ge et de l? ? Rouen; et comment l'archev?que Francon lui demanda et en obtint la paix.

LES choses ainsi termin?es, les Danois et leur duc Rollon livr?rent leurs voiles au vent, et abandonnant le fleuve de l'Escaut pour naviguer ? travers la mer, l'an 876 de l'Incarnation du Seigneur, ils entr?rent dans les eaux de la Seine, pouss?s par un vent favorable, arriv?rent ? Jumi?ge, et d?pos?rent le corps de la sainte vierge Ameltrude, qu'ils avaient transport? de Bretagne, sur l'autel de la chapelle de saint Waast, situ?e au del? du fleuve. Cette chapelle a port? jusqu'? pr?sent le nom de cette vierge. Francon, archev?que de Rouen, ayant appris leur arriv?e, voyant les murailles de la ville renvers?es par eux, avec une f?rocit? ennemie, et n'attendant aucun secours qui p?t leur r?sister, jugea qu'il serait plus avantageux de leur demander la paix que de les provoquer par une d?marche quelconque ? compl?ter la ruine de la ville. Se rendant donc aupr?s d'eux en toute h?te, il demanda la paix, obtint ce qu'il desirait, et conclut avec eux un solide trait?. Apr?s cela, les Daces empress?s dirig?rent promptement vers les remparts de la ville leurs navires charg?s de nombreux chevaliers, et abord?rent ? la porte qui touche ? l'?glise de Saint-Martin. Consid?rant, dans la sagacit? de leur esprit, que la citadelle de la ville ?tait bien d?fendue par terre et par mer, et pouvait ?tre ais?ment approvisionn?e avec les ?pargnes, ils r?solurent d'un commun accord d'en faire la capitale de tout leur comt?.

Comment Rollon et les siens ?tant arriv?s le long de la Seine, ? Arques, que l'on appelle aussi Hasdans, y construisirent des retranchemens, combattirent contre les Francs, et en ayant tu? beaucoup, mirent en fuite Renaud, leur duc; apr?s quoi ils d?truisirent le ch?teau de Meulan.

ROLLON donc s'?tant empar? de Rouen m?ditait en son coeur artificieux la ruine de la ville de Paris, et s'en occupait avec les siens, semblable ? un loup d?vorant, et ayant soif, dans sa fureur pa?enne, du sang des Chr?tiens. D?tachant alors leurs navire sillonnant les flots de la Seine, ils vinrent s'arr?ter aupr?s de Hasdans, que l'on appelle aussi Arques. Renaud, duc de toute la France, ayant appris l'arriv?e inopin?e des Pa?ens, se porta au devant d'eux sur le fleuve de l'Eure avec une vaillante arm?e, et envoya en avant, avec d'autres d?put?s, Hastings, qui demeurait encore dans la ville de Chartres, et qui avait la connaissance de leur langage. Hastings donc se rendit aupr?s d'eux, en suivant le cours de l'eau, et leur adressa la parole en ces termes: << Hol?, tr?s-vaillans chevaliers, apprenez-nous de quelles rives vous ?tes arriv?s ici, ce que vous cherchez en ces lieux, et quel est le nom de votre seigneur; nous sommes d?put?s vers vous par le roi des Francs. >> A ces questions Rollon r?pondit: << Nous sommes Danois, et tous ?gaux. Nous venons chasser les habitans de cette terre, desirant nous faire une patrie et la soumettre ? notre domination. Mais toi, qui es-tu pour nous parler d'un ton si enjou?? >> Hastings r?pondit alors: << Auriez-vous par hasard entendu parler d'un certain Hastings, qui, exil? de votre pays, arriva en ces lieux avec une multitude de vaisseaux, d?truisit en grande partie ce royaume des Francs, et en fit un d?sert? -- Nous en avons entendu parler, reprit Rollon; Hastings en effet commen?a sous d'heureux auspices, mais il fit une mauvaise fin. -- Voulez-vous, leur dit alors Hastings, vous soumettre au roi Charles? -- Nullement, r?pliqua Rollon, nous ne nous soumettrons ? personne: tout ce que nous pourrons conqu?rir par nos armes, nous le ferons passer sous notre juridiction. Rapporte, si tu veux, ce que tu viens d'entendre au roi dont tu te glorifies d'?tre d?put?. >>

Aussit?t Hastings alla redire toutes ces choses ? son duc. Pendant ce temps, Rollon et ceux qui ?taient avec lui se firent des retranchemens et une redoute en forme de ch?teau, se fortifiant derri?re une lev?e de terre et laissant au lieu de porte un vaste espace ouvert, dont aujourd'hui encore on voit appara?tre quelques traces. A la pointe du jour les Francs se rendirent ? l'?glise de Saint-Germain, entendirent la messe et particip?rent au corps et au sang du Christ. Partant de l? ? cheval, et voyant sur la rive du fleuve les vaisseaux et tout pr?s d'eux les Daces derri?re les retranchemens de la terre qu'ils avaient retourn?e, ils all?rent attaquer le point qui demeurait ouvert en guise de porte. De l'autre c?t? les Daces se couch?rent ?? et l? dans la plaine et se recouvrirent de leurs boucliers, afin qu'on les cr?t en fort petit nombre. Roland, porte-enseigne de Renaud, et ceux qui marchaient avec lui en avant de l'arm?e, s'?lanc?rent vivement sur les Daces par la large ouverture qu'ils avaient laiss?e libre, et commenc?rent ? les battre. Mais les Daces se relevant aussit?t, tu?rent en un moment Roland et ceux qui le suivaient. Renaud, Hastings et les autres comtes ayant vu tous ces morts, tourn?rent le dos et prirent la fuite tr?s-lestement. Les choses s'?tant ainsi pass?es, Rollon repartit avec ses navires, alla en toute h?te, s'emparer du ch?teau de Meulan, et l'ayant renvers?, il fit p?rir par le glaive tous les habitans.

Par quelle perfidie le comte Thibaut acheta ? Hastings la ville de Chartres, et comment Hastings lui-m?me ayant tout vendu, partit en p?lerin et disparut.

LE comte Thibaut jugeant qu'il avait rencontr? une occasion favorable pour tromper Hastings, le s?duisit alors par ces paroles pleines de fausset?: << Pourquoi, homme tr?s-illustre, demeures-tu engourdi par la paresse? Ignores-tu que le roi Charles veut te frapper de mort, ? cause du sang des Chr?tiens que tu as jadis injustement r?pandu? Car il se souvient des maux que tu lui as fait souffrir m?chamment, et c'est pourquoi il a r?solu de t'expulser de son territoire. Ta main, dit-il lui-m?me, s'entend avec Rollon le pa?en pour an?antir les Francs. Aussi seras-tu bient?t mis?rablement an?anti par eux. Prends donc garde ? toi, afin que tu ne sois pas puni sans l'avoir pr?vu. >> Effray? par ces paroles, Hastings vendit tout aussit?t la ville de Chartres ? Thibaut, et ayant tout perdu, il partit en p?lerin et disparut.

Nouvelle guerre de Renaud, prince de France, avec Rollon, et mort de Renaud. -- Du si?ge de la ville de Paris pendant un an, et de la destruction de la ville de Bayeux, dans laquelle Rollon prit une certaine jeune fille nomm?e Popa, dont il eut Guillaume et Gerloc, soeur de celui-ci. -- Comment l'arm?e de Rollon massacra les citoyens de la ville d'Evreux, tandis que lui-m?me assi?geait Paris avec quelques-uns des siens.

RENAUD ne pouvant supporter la honte de sa fuite, rassembla de nouveau une plus grande arm?e, et alla tout ? coup attaquer Rollon. Mais celui-ci marchant ? sa rencontre, fit p?rir quelques-uns de ses hommes par le glaive, et les autres ayant pris honteusement la fuite, il les poursuivit; Renaud lui-m?me tomba mort, perc? d'un trait par un certain p?cheur de la Seine qui s'?tait donn? ? Rollon. Alors Rollon levant les ancres, fit force de rames vers Paris, mit le si?ge autour de cette ville, et y fit conduire du butin enlev? de tous c?t?s. Tandis qu'il demeurait en ce lieu, des ?claireurs arriv?rent, lui annon?ant que la ville de Bayeux ?tait d?nu?e de d?fenseurs, et pouvait ?tre prise tr?s-facilement, sans que le vainqueur, quel qu'il f?t, e?t aucun risque ? courir. Aussit?t retirant ses navires du si?ge, Rollon fit voile vers Bayeux en toute h?te. S'?tant empar? de cette ville, il la d?truisit en partie et massacra ses habitans. Il prit aussi dans cette ville une tr?s-noble jeune fille, nomm?e Popa, fille de B?renger, homme illustre; peu de temps apr?s il s'unit avec elle, ? la mani?re des Danois, et il eut d'elle son fils Guillaume et une fille tr?s-belle nomm?e Gerloc. Cette ville ?tant ainsi ? peu pr?s d?truite, Rollon retourna en toute h?te vers Paris. Tandis qu'il s'occupait avec des beliers et des machines ? lancer des pierres, il envoya une arm?e de chevaliers contre la ville d'Evreux, afin qu'ils eussent ? la renverser, et ? faire p?rir son ?v?que nomm? Sibor et toute sa population. Les chevaliers y ?tant arriv?s, et n'ayant pas trouv? l'?v?que, qui s'?tait enfui, massacr?rent tous les citoyens, et retourn?rent aupr?s de leur duc avec un tr?s-grand butin. Aussi les peuples de la France ?taient-ils effray?s de tous ces faits: les uns payaient tribut ? Rollon, et les autres lui r?sistaient.

De Elstan 5, roi des Anglais, qui envoya des d?putes ? Rollon lui demander du secours contre des rebelles, et re?ut de lui ce secours. -- Comment Rollon, revenant d'Angleterre, apr?s avoir vaincu les Anglais, selon le voeu de leur roi, enrichi de tr?s-grands dons et conduisant des auxiliaires, d?tacha les comtes de son arm?e et les envoya promptement, et par eau, les uns sur le fleuve de la Seine, les autres sur la Loire, les autres sur la Gironde, pour faire d?vaster les provinces interm?diaires.

TANDIS que ces choses se passaient, arriv?rent des d?put?s du roi des Anglais, Elstan, portant ? Rollon de tr?s-instantes pri?res pour qu'il all?t le secourir au plus t?t. En effet certains rebelles, prenant les armes, avaient conspir? contre lui. Rempli de compassion pour les maux que ce roi souffrait, et de plus attendant peu de r?sultat du si?ge de la ville de Paris, tant ? raison de la difficult? de s'en approcher, qu'? cause de l'extr?me abondance des vivres dans la ville, Rollon abandonna le si?ge et se rendit en Angleterre. Y ?tant arriv?, il attaqua les rebelles, les r?prima avec s?v?rit?, et recevant d'eux des otages, il les remit sous le joug de leur roi. De l? ayant rassembl? de nouveau une multitude de jeunes gens d'?lite, et emportant de tr?s-grands pr?sens qu'il re?ut du roi, il retourna en France, et d?tachant aussit?t les comtes de son arm?e, il les envoya par eau, les uns sur le fleuve de la Seine, d'autres sur celui de la Loire, d'autres sur celui de la Gironde, pour qu'ils eussent ? d?vaster les provinces interm?diaires. Lui-m?me se rendit ensuite ? Paris, recommen?a le si?ge de cette ville, et se mit ? d?vaster le territoire de ses ennemis.

Comment Charles, ayant appris le retour de Rollon, lui demanda et obtint une paix de trois mois, et comment, ce d?lai expir?, Rollon envoya les siens jusqu'en Bourgogne, pour enlever du butin de tous c?t?s.

OR le roi Charles ayant appris que Rollon ?tait de retour du pays des Anglais, apr?s avoir heureusement accompli son exp?dition, lui envoya Francon, archev?que de Rouen, pour lui demander de s'abstenir de faire du mal aux Francs et de lui accorder une tr?ve de trois mois. Cette tr?ve ayant ?t? consentie, la terre respira quelque peu des ravages des Pa?ens. Or, lorsque les trois mois furent pass?s, Rollon, se croyant m?pris? par les Francs, ? cause du repos qu'il leur avait accord?, d?vasta rudement et cruellement les provinces, et se mit d?chirer, ? d?soler et ? d?truire le peuple. Ses hommes se rendant en Bourgogne et naviguant sur les rivi?res de l'Yonne et de la Sa?ne, d?vastant de tous c?t?s toutes les terres situ?es sur les bords des rivi?res jusques ? Clermont, envahirent la province de Sens, et ravageant tout ce qu'ils rencontraient, revinrent ? la rencontre Rollon aupr?s du monast?re de Saint-Beno?t. Or Rollon voyant ce monast?re ne voulut pas le violer, et ne permit pas que le pays f?t livr? au pillage, par ?gard pour saint Beno?t; mais il se rendit ? Etampes, d?truisit tout le territoire environnant, et fit un grand nombre de prisonniers. De l? se dirigeant vers Villemeux, il ravagea tout le pays voisin, et se h?ta ensuite de retourner ? Paris.

Comment, tandis que Rollon assi?geait la ville de Chartres, Richard, duc de Bourgogne, s'?lan?a sur lui avec son arm?e et l'arm?e des Francs; et comme Rollon r?sistait vigoureusement, Anselme, l'?v?que, sortit ? l'improviste de la ville avec des hommes arm?s, portant la tunique de la sainte M?re de Dieu, et attaqua Rollon sur ses derri?res. Rollon c?da alors non aux Bourguignons, mais ? la puissance divine.

ENFIN Rollon investit et assi?gea la ville de Chartres, et, tandis qu'il l'attaquait avec des machines et des engins de guerre, Richard, duc de Bourgogne, survenant avec son arm?e et avec l'arm?e des Francs, se pr?cipita sur lui. Rollon se battant avec Richard lui r?sista vigoureusement, jusqu'? ce que Anselme, l'?v?que, sortant ? l'improviste de la ville avec des hommes arm?s et portant sur lui la tunique de sainte Marie, m?re de Dieu, attaqua Rollon sur ses derri?res et lui tua beaucoup de monde. Alors Rollon se voyant sur le point de p?rir avec tous les siens, r?solut sur-le-champ de se retirer devant les ennemis, plut?t que de combattre au d?triment de ses compagnons; et ainsi il abandonna le combat par une sage r?solution et non point par l?chet?.

Comment une certaine portion de l'arm?e de Rollon monta sur une certaine montagne, et comment Ebble, comte du Poitou, se cacha dans la maison d'un foulon pour ?viter les Normands.

OR une certaine portion de l'arm?e de Rollon fuyant devant les Francs qui la poursuivaient, arriva aux Loges, et monta sur le sommet d'une certaine montagne. Ebble, comte du Poitou, venant trop tard pour le combat, apprit que les Pa?ens avaient occup? les hauteurs de cette montagne. Il les poursuivit aussit?t, et afin qu'ils ne pussent lui ?chapper, il investit avec ses chevaliers tout le tour de la montagne; mais au milieu de la nuit, les Normands faisant irruption de vive force au travers du camp des Francs, ?chapp?rent ainsi au p?ril qui les mena?ait. Ebble apprenant que Rollon allait se pr?cipiter sur ses compagnons, se glissa dans la maison d'un certain foulon, et y demeura cach? toute la nuit, tremblant de frayeur. Au point du jour, les Francs ayant reconnu que les Pa?ens leur avaient ?chapp?, press?rent leurs chevaux de leurs ?perons, et se mirent ? leur poursuite. Les ayant atteints, ils n'os?rent cependant les attaquer, attendu que les Pa?ens s'?taient fortifi?s comme dans un camp en s'entourant de cadavres d'animaux, qu'ils avaient couverts de sang; ainsi n'ayant pu r?ussir dans leur exp?dition, les Francs prirent aussit?t la fuite, et les Normands, s'?tant sauv?s, all?rent avec joie retrouver leur duc Rollon.

Comment Rollon, ?tant enflamm? de fureur et continuant de plus en plus ? opprimer et ? d?vaster la France, le roi Charles lui donna sa fille et tout le territoire maritime, depuis la rivi?re d'Epte jusqu'aux confins de la Bretagne, et m?me la Bretagne enti?re pour qu'il y trouv?t de quoi vivre, attendu que le territoire ci-dessus d?sign? ?tait ravag? et abandonn?, sous la condition qu'il se ferait chr?tien. -- Comment le roi, Robert, duc de France, les autres grands et les ?v?ques jur?rent que ce pays serait poss?d? ? perp?tuit? par Rollon et par ses h?ritiers; et comment Rollon ne voulant pas baiser le pied du roi, ordonna ? un de ses chevaliers de le baiser.

IRRIT? de ses malheurs et enflamm? de fureur par la mort de ses chevaliers, Rollon rassembla tous ceux qui lui restaient pour continuer ? faire du mal aux Francs, et les excita ? faire les plus grands efforts pour venger leurs compagnons, en d?vastant et ruinant de fond en comble tout le pays. Que dirai-je de plus? Semblables ? des loups, les Pa?ens p?n?trent de nuit dans les bergeries du Christ, les ?glises sont embras?es, les femmes emmen?es captives, le peuple massacr?; un deuil g?n?ral se r?pand en tous lieux: enfin, accabl?s de tant de calamit?s, les Francs portent leurs plaintes et leurs cris de douleur devant le roi Charles, s'?criant tous d'une voix unanime que par suite de son inertie le peuple chr?tien p?rira enti?rement sous les coups des Pa?ens. Le roi, vivement touch? de leurs plaintes, fait venir l'archev?que Francon, et l'envoie en toute h?te vers Rollon, lui mandant que, s'il veut se faire chr?tien, il lui donnera tout le territoire maritime qui s'?tend depuis la rivi?re d'Epte jusqu'aux confins de la Bretagne, et de plus sa fille nomm?e Gis?le. Francon s'?tant charg? de ce message et se mettant aussit?t en voyage, se rend aupr?s du Pa?en, et lui expose l'objet de sa mission. Le duc ayant, de l'avis des siens, accept? ces offres avec empressement, renonce ? ses d?vastations, et accorde au roi une tr?ve de trois mois, afin que dans cet intervalle la paix puisse ?tre ?tablie entre eux par un solide trait?. Au temps fix?, arrivent au lieu d?sign? et que l'on appelle Saint-Clair, d'une part le roi avec Robert, duc des Francs, au del? de la rivi?re d'Epte, d'autre part et en de?? de la m?me rivi?re, Rollon, entour? de ses compagnies de chevaliers. Alors les messagers ayant, couru alternativement des uns aux autres, la paix se conclut entre eux par les bienfaits du Christ; Rollon jura par serment fid?lit? au roi; le roi lui donna sa fille et le territoire ci-dessus d?sign?, y ajouta encore la Bretagne pour lui fournir des moyens d'existence; et les princes de cette province, savoir, B?ranger et Alain, pr?t?rent aussi serment ? Rollon: car ce territoire maritime, que l'on appelle maintenant Normandie, depuis long-temps en proie aux incursions des Pa?ens, ?tait alors tout couvert de grands bois et languissait inculte, sans que la serpe ni la charrue le fissent valoir. Le roi avait d'abord voulu donner la province de Flandre ? Rollon pour lui fournir des moyens de subsistance; mais Rollon ne voulut pas l'accepter, ? raison des obstacles que pr?sentaient les marais. Rollon n'ayant pas voulu baiser le pied du roi, au moment o? il re?ut de celui-ci le duch? de Normandie, les ?v?ques lui dirent: << Celui qui re?oit un tel don, doit s'empresser de baiser le pied du roi. >> Mais Rollon leur r?pondit: << Jamais je ne fl?chirai mes genoux devant les genoux de quelqu'un, ni ne baiserai le pied de quelqu'un. >> Cependant se rendant aux pri?res des Francs, il ordonna ? un de ses chevaliers de baiser le pied du roi; et le chevalier saisissant aussit?t le pied du roi, le porta ? sa bouche, et, se tenant debout, il le baisa, et fit tomber le roi ? la renverse. Alors il s'?leva de grands ?clats de rire et un grand tumulte dans le petit peuple. Du reste le roi Charles, Robert, duc des Francs, les comtes et les grands, les ?v?ques et les abb?s engag?rent au patrice Rollon, par le serment de la foi catholique, leur vie et leurs membres et l'honneur de tout le royaume, jurant qu'il tiendrait et poss?derait le territoire ci-dessus d?sign?, qu'il le transmettrait ? ses h?ritiers, et que, dans la s?rie des ann?es ? venir, ses descendants l'occuperaient et le feraient cultiver de g?n?ration en g?n?ration. Ces choses ?tant noblement termin?es, le roi retourna dans ses terres, et Rollon et le duc Robert partirent pour la ville de Rouen.

Comment, l'an du Verbe incarn? 912, Rollon et son arm?e re?urent le bapt?me, et Rollon donna une portion de son territoire aux ?glises les plus v?n?rables avant d'en faire la distribution entre les grands, et comme quoi il donna Brenneval ? Saint-Denis l'Ar?opagite.

EN cons?quence, l'an 912 de l'Incarnation du Seigneur, Rollon fut baptis? par l'?v?que Francon, de la source b?nite dite de la Sainte-Trinit?. Le duc Robert le pr?senta sur les fonts du bapt?me et lui donna son nom. Apr?s qu'il eut ?t? baptis?, Rollon demeure dans ses v?temens pendant sept jours, durant lesquels il honora Dieu et la Sainte Eglise par les pr?sens qu'il leur offrit. Le premier jour, il donna une tr?s-grande terre ? l'?glise Sainte-Marie de Rouen, le second jour ? l'?glise Saint-Marie de Bayeux, le troisi?me jour ? l'?glise Sainte-Marie d'Evreux, le quatri?me jour ? l'?glise de Saint-Michel l'Archange, plac?e au haut d'une montagne en d?pit des p?rils de la mer; le cinqui?me jour ? l'?glise de Saint-Pierre et Saint-Ouen dans le faubourg de Rouen; le sixi?me jour ? l'?glise de Saint-Pierre et Saint-Achard de Jumi?ge; et le septi?me jour il donna Brenneval avec toute ses d?pendances ? Saint-Denis.

Comment Rollon distribua le pays ? ses hommes, releva les ?glises d?truites et les murailles des cit?s, et vainquit les Bretons r?volt?s contre lui.

LE huiti?me jour de son expiation, Rollon, s'?tant d?pouill? de ses v?temens sacr?s, commen?a par distribuer verbalement le territoire qu'il avait acquis, et en fit don ? ses comtes et ? ses autres fid?les. Or les Pa?ens voyant leur duc devenu chr?tien, abandonn?rent leurs idoles, et, prenant des noms chr?tiens, s'empress?rent d'un commun accord pour recevoir le bapt?me. Ensuite Robert, duc des Francs, ayant heureusement termin? les choses pour lesquelles il ?tait venu, s'en retourna joyeusement en France.

Cependant Rollon ayant fait en grande pompe tous les pr?paratifs de noce, ?pousa, selon les rits chr?tiens, la fille du grand roi, que nous avons d?j? nomm?e. Il donna toute s?curit? ? tous les peuples pour ceux que voudraient venir r?sider sur son territoire. Il distribua le pays ? ses fid?les en faisant des divisions au cordeau, fit ?lever de nouvelles constructions sur cette terre depuis long-temps d?serte, la peupla et la remplit de ses chevaliers et d'?trangers. Il accorda au peuple des droits et des lois immuables, consenties et promulgu?es du consentement des chefs, et les for?a ? vivre en paix les uns avec les autres. Il releva les ?glises enti?rement renvers?es, et r?para les temples que les Pa?ens avaient d?truits. Il reconstruisit aussi les murailles et les fortifications des cit?s, et en fit faire de nouvelles, Il soumit aussi les Bretons rebelles, et avec les denr?es prises chez eux, il pourvut ? la subsistance de tout le royaume qui lui avait ?t? conc?d?.

De la loi qu'il publia pour que nul n'e?t ? pr?ter assistance ? un voleur. -- Histoire d'un paysan et de sa femme, qu'il ordonna de pendre ? une potence, ? cause d'une serpe et d'un soc de charrue qui avaient ?t? vol?s.

APR?S cela, Rollon publia une loi dans les limites du pays de Normandie, pour que nul n'e?t ? pr?ter assistance ? un voleur, ordonnant que, s'ils venaient ? ?tre pris, tous les deux seraient pendus ? la potence, Or, il arriva peu de temps apr?s, dans le domaine de Longuep?te, qu'un certain agriculteur, voulant se reposer, quitta son travail et rentra dans sa maison, laissant dans son champ ses traits avec sa serpe et le soc de sa charrue. Sa femme, aussi malheureuse qu'insens?e, enleva tous ces objets ? son insu, voulant faire une ?preuve au sujet de l'?dit du duc. Le paysan ?tant retourn? dans son champ et n'y trouvant plus ses effets, demanda ? sa femme si elle les avait pris. Elle le nia, et le paysan alla trouver le duc, lui demandant de lui faire rendre ses outils. Touch? de compassion, le duc ordonna d'indemniser cet homme en lui donnant cinq sous, et de faire rechercher le fer dans toute la population des environs. Mais tous ayant ?t? d?livr?s par le jugement de Dieu, on en vint ? faire arr?ter la femme du paysan, et, ? force de coups, on l'amena ? se d?clarer coupable. Le duc dit alors au paysan: << Savais-tu auparavant que c'?tait elle qui avait vol?? >> Et le paysan r?pondit: << Je le savais. >> A cela le duc ajouta: << Ta bouche te condamne, m?chant serviteur; >> et il ordonna aussit?t de les pendre tous les deux ? la potence.

On raconte encore dans le peuple au sujet de ce duc beaucoup d'autres choses dignes d'?tre rapport?es; mais je me bornerai au fait suivant. Apr?s avoir chass? dans la for?t qui s'?l?ve sur les bords de la Seine tout pr?s de Rouen, le duc, entour? de la foule de ses serviteurs, mangeait et ?tait assis au dessus du lac que nous appelons en langage familier la mare, lorsqu'il suspendit ? un ch?ne des bracelets d'or. Ces bracelets demeur?rent pendant trois ans ? la m?me place et intacts, tant on avait une grande frayeur du duc; et comme ce fait m?morable se passa aupr?s de la mare, aujourd'hui encore cette for?t elle-m?me est appel?e la Mare de Rollon. Ainsi comprimant et effrayant le peuple par de telles s?v?rit?s, tant par amour pour la justice, selon que le lui enseignait la loi divine, que pour maintenir la concorde et la paix entre ses sujets, et pour jouir lui-m?me de ses honneurs en toute tranquillit?, le duc Rollon gouverna long-temps et parfaitement en paix le duch? que Dieu lui avait confi?.

De deux chevaliers du roi Chartes, que le duc fit punir.

CHARLES-LE-SIMPLE, fils de Louis, surnomm? le Fain?ant et beau-p?re de Rollon, envoya une certaine fois deux chevaliers ? sa fille Gis?le. Celle-ci les fit demeurer long-temps et en secret aupr?s d'elle, ne voulant pas les pr?senter ? Rollon. Mais celui-ci en ayant ?t? inform?, rempli de fureur et les prenant pour des espions, ordonna de les faire sortir, et, les ayant fait sortir, les fit mettre ? mort sur la place du march?. Robert, duc des Francs, et parrain de Rollon, apprenant que la mort de ces deux chevaliers avait d?truit et rompu les liens de paix qui unissaient le roi et Robert duc de Normandie, se r?volta contre le roi, envahit le royaume de France, et re?ut l'onction comme roi, le vingt-neuvi?me jour de juin. Mais avant la fin de l'ann?e, Charles livra bataille, ? Soissons, ? celui qui avait usurp? son royaume, et l'ayant vaincu avec le secours de Dieu, il le fit p?rir. Tandis qu'il revenait vainqueur de cette guerre, le tr?s-m?chant comte H?ribert se porta ? sa rencontre; sous une fausse apparence de paix, il l'engagea ? se d?tourner de son chemin et ? se rendre au ch?teau de P?ronne pour y loger; et l'ayant pris ainsi par artifice, il le retint captif en ce lieu jusqu'? sa mort. Le duc Robert avait pour femme la soeur d'H?ribert, dont il avait un fils qui ?tait Hugues-le-Grand. Or Charles, lorsqu'il eut ?t? fait prisonnier, ?leva au tr?ne de France, de l'avis des grands, Raoul, noble fils de Richard, duc de Bourgogne, qu'il avait tenu sur les fonts de bapt?me. Ogive, femme de Charles et fille d'Elstan roi des Anglais, effray?e des malheurs de son ?poux, se r?fugia en Angleterre aupr?s de son p?re, avec son fils Louis, redoutant excessivement l'inimiti? de H?ribert et de Hugues-le-Grand.

Comment le duc, apr?s que sa femme fut morte sans lui laisser d'enfans, s'unit de nouveau avec Popa, qu'il avait eue pour femme avant son bapt?me, et mourut apr?s avoir fait pr?ter serment de fid?lit? ? son fils Guillaume par les Normands et les Bretons.

OR le duc Rollon, ?galement appel? Robert, apr?s que sa femme fut morte sans lui laisser d'enfans, rappela et ?pousa de nouveau Popa, qu'il avait r?pudi?e et dont il avait eu un fils nomm? Guillaume, lequel ?tait d?j? grand. Cependant le duc, perdant ses forces, ?puis? par les travaux et les guerres auxquels il avait consacr? toute la vigueur de sa jeunesse, d?lib?rait d?j? sur les moyens de disposer de son duch?, et cherchait avec la plus grande attention ? qui et de quelle mani?re il le laisserait apr?s lui. Ayant donc convoqu? les grands de toute la Normandie et les Bretons Alain et B?ranger, il leur pr?senta son fils Guillaume, brillant de tout l'?clat de la plus belle jeunesse, leur ordonnant de l'?lire pour leur seigneur et de le mettre ? la t?te de leur chevalerie. << C'est ? moi, leur dit-il, de me faire remplacer par lui, ? vous de lui demeurer fid?les. >> En outre, leur adressant ? tous des paroles douces et persuasives, il les amena ? s'engager envers son fils par le serment de fid?lit?. Apr?s cela il v?cut encore un lustre, et, consum? de vieillesse, il d?pouilla le corps de l'homme dans le sein du Christ, ? qui appartiennent honneur et gloire, aux si?cles des si?cles. Amen!

LIVRE TROISI?ME.

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