Read Ebook: Femmes nouvelles by Margueritte Paul Margueritte V Victor
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Ebook has 1260 lines and 64044 words, and 26 pages
PAUL et VICTOR MARGUERITTE
FEMMES NOUVELLES
PARIS LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT et Cie, IMPRIMEURS-?DITEURS 8, RUE GARANCI?RE--6e
Tous droits r?serv?s
OEUVRES
DE PAUL MARGUERITTE
ROMANS
Tous quatre. La Confession posthume. Maison ouverte. Pascal G?fosse. Jours d'?preuve. Amants. La Force des choses. Sur le retour. Ma Grande. La Tourmente. L'Essor. La Faiblesse humaine. Les Fabrec?. La Maison br?le. Les Sources vives.
NOUVELLES
Le Cuirassier blanc. La Mouche. Ame d'enfant. L'Avril. Fors l'honneur. Simple histoire. L'Eau qui dort. La Lanterne magique.
IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
Mon P?re. Le Jardin du pass?. Les Pas sur le sable. Les Jours s'allongent.
DE PAUL ET VICTOR MARGUERITTE
La Pari?taire. Le Carnaval de Nice. Poum . Zette . Le Poste des neiges. Femmes nouvelles. Le Coeur et la Loi. Vers la lumi?re. Le Jardin du roi. Les Deux Vies. L'Eau souterraine. Le Prisme. Sur le vif. Vanit?. L'Autre. Quelques id?es. L'?largissement du divorce .
UNE ?POQUE
DE VICTOR MARGUERITTE
Au Fil de l'heure.--1 volume La Double m?prise . 1 volume.
Les auteurs et les ?diteurs d?clarent r?server leurs droits de reproduction et de traduction en France et dans tous les pays ?trangers.
PARIS. TYP. PLON-NOURRIT ET Cie, 8, RUE GARANCI?RE.--19614.
M. FERDINAND BRUNETI?RE
FEMMES NOUVELLES
PREMI?RE PARTIE
Le rapide de Dieppe-Paris filait ? toute vapeur. On approchait de Rouen. A travers le cadre des porti?res, H?l?ne et Minna regardaient fuir, coup? par la secousse brusque des poteaux t?l?graphiques, un paysage plat: de grandes prairies, des lignes basses de pommiers, des ondulations de collines sur l'azur vaporeux.
Avec sa jeunesse r?fl?chie, son ardent d?sir d'une existence utile et noble, l'?nergie qu'elle sentait fermenter en elle, H?l?ne Dugast songeait ? l'inconnu de l'avenir. Elle revit en une seconde son enfance heureuse et choy?e, et l'?veil lent de ses id?es ? travers le mensonge des conventions, la contrainte du monde, puis, ? partir de dix-huit ans, d?s son premier s?jour ? Brighton, chez sa tante ?dith, cette ?closion brusque d'aspirations et de sentiments qui, petit ? petit, de d?saccord tacite en lutte ouverte, l'avait mise en conflit perp?tuel avec ses parents. Tant s'aimer et si peu se comprendre!
La tr?pidation du wagon, le roulis caus? par la vitesse acc?l?r?e lui rappel?rent la d?sagr?able sensation du paquebot. Comme elle ?tait loin d?j? du quai de New-Haven,--le soleil sur la mer brasillante, l'odeur chaude de goudron et de suie,--loin du quai de Dieppe! Elle se crut encore caress?e par l'air vif, toute ? l'?moi des adieux. Tante ?dith l'?treignait; les bouches fra?ches des enfants lui mettaient aux joues une pluie de baisers. Elle sourit au souvenir du shake-hand silencieux d'Hopkins. Quel beau m?nage! Sous ces dehors un peu frustes de gentleman-farmer, le grand ?leveur cachait un coeur loyal, l'esprit le plus sain, le plus franc. Unis dans une conscience ?gale, un absolu respect de leur libert?, ils formaient ? eux deux un ?tre complet. L? ?tait le vrai, le seul chemin! Mais toutes, malheureusement, n'y pouvaient marcher...
Une ombre glissa sur son visage fier et charmant, si mobile que toute sensation forte, tout choc d'id?es l'animaient d'une attention brusque, d'une vie intense. Le soleil d'ao?t, dont la splendeur encore haute baignait de feu les chaumes et les pr?s, atteignait maintenant le coin du wagon. La lumi?re nimbait les cheveux blonds de la jeune fille, la broussaille fine de sa nuque; un trait d'or accusait le contour du profil au nez droit, aux l?vres sinueuses. Elle portait dans ses yeux l'orgueil de ses vingt et un ans, pleins d'esp?rance et de foi. Son buste souple s'?lan?ait, gonflant la blouse de soie bleue, ? col d'homme; tout elle, ce m?lange de hardiesse virile et de gr?ce f?minine.
Minna Herka?rt la regardait avec tendresse. Sous un front haut et large, model? par la pens?e et le r?ve, ses yeux froids, d'admirables yeux d'un gris d'acier, luisaient. Leur ?clat per?ant, la barre des sourcils noirs, le nez en bec d'aigle, le menton carr? r?v?laient une volont? tenace, un ?pre besoin d'action. Et le corps dessinait, sous un costume tailleur de rude drap violet, sa forte ligne, encore belle. Elle fit craquer ses doigts osseux, qui avaient mani? la plume et l'outil.
--Vous songez ? demain, ch?re petite?
--Oui, dit H?l?ne avec un redressement de t?te joyeux qui secouait le pass?, d?fiait l'avenir,--demain, je serai majeure et libre!
--Oh! libre!... fit Minna, en hochant le menton, de ce hochement particulier o? tenaient, dans un silence, tant d'opinions douloureuses, d'espoirs d??us, toute la fatigue encore vaillante qui p?lissait son visage, sous ses cheveux gris.
H?l?ne se r?criait:
--On est libre, lorsqu'on le veut! Est-ce que votre vie n'est pas le plus bel exemple d'ind?pendance et de courage, cette vie qui a fait de vous l'ap?tre des femmes nouvelles?
--Ne m'avez-vous pas toujours dit, reprit H?l?ne avec chaleur, qu'une femme respectueuse de ses devoirs peut revendiquer le front haut la conqu?te de ses droits?
--Certes, ma pauvre enfant! Mais combien le peuvent? dit Minna. N'oubliez pas que vous ?tes une privil?gi?e. Malgr? les id?es arri?r?es de vos parents, gr?ce ? votre tante...
--Et gr?ce ? vous! interrompit H?l?ne
--... Votre ?ducation, fauss?e au d?but comme celle de tant de jeunes filles que des pr?jug?s s?culaires confinent dans l'ignorance et la frivolit?, s'est peu ? peu d?velopp?e, ?largie; vous avez mieux qu'une simple vanit? de brevets, vous avez une instruction forte, intelligente; vous prenez chaque jour davantage conscience de vous-m?me. De plus, votre fortune personnelle va vous rendre ind?pendante. Bonnes conditions pour engager la lutte. Mais combien, oui, combien sont dans votre cas? Que de jeunes filles, que de femmes vaincues d'avance, aux prises avec le d?dain de l'opinion, le dur fonctionnement de l'impitoyable soci?t?, courb?es sous la loi de l'homme! Songez aux milliers de malheureuses pour qui le mariage est un refuge incertain, aux centaines de milliers pour qui le c?libat, le travail ou le plaisir forc?s sont des bagnes ? perp?tuit??
--H?las! dit H?l?ne.
--Vous-m?me, vous ne vous ?tes heurt?e jusqu'ici qu'? l'opposition sourde des v?tres; vous n'avez souffert que de vous sentir en tutelle et de vous voir toujours pr?f?rer votre fr?re, dont cependant vous vous jugez l'?gale. Il va falloir maintenant compter avec le monde, avec sa s?v?rit? pour qui fronde les id?es re?ues. Vous vous marierez: car telle doit ?tre la vraie fonction de la femme. Il vous faudra compter avec votre mari. Sans doute, vous n'?tes pas de ces niaises que, par un faux sentiment de pudeur, leurs m?res ?l?vent dans l'absurde ignorance des lois naturelles. Vous connaissez d'avance la grandeur et les difficult?s du r?le de la femme et de la m?re. Mais sur qui tomberez-vous? La loi vous livre pieds et poings li?s. Choisissez votre ma?tre.
--?a, je vous en r?ponds, dit H?l?ne d'un ton si d?cid? que Minna sourit encore.
--Ce n'est pas si facile! D'abord, on choisira pour vous. Est-ce que vos parents ne songent pas au vicomte de Verni?res?
H?l?ne eut un joli geste de protestation:
--On me fera l'honneur de me consulter, j'imagine.
--Dans leur d?sir l?gitime de caser leurs enfants, bien des parents s'aveuglent sur les m?rites du pr?tendant, les chances probables de l'union. Vous ne soup?onnez pas ce qu'un mariage suppose de complicit?s, d'accords tacites. De tr?s honn?tes gens s'entremettent pour faire miroiter tel avantage, pour dissimuler tel inconv?nient. Sous couleur de biens?ance, on vous cachera tout ce qui n'est pas avouable, les d?fauts, les erreurs, les p?ch?s de jeunesse, jusqu'aux vices parfois. Un homme se pr?sente toujours avec un pass?. Lequel? Vous avez le droit de le savoir. Le pourrez-vous?
--Je ne me marierai pas ? la l?g?re, dit H?l?ne. Je veux conna?tre celui qui m'aimera, savoir ce qu'il vaut, ce qu'il pense.
--Lui aussi, repartit Minna, sera trop int?ress? ? se montrer sous un jour favorable. Vous croirez voir son visage, vous ne verrez souvent qu'un masque. Vos go?ts, vos id?es, vos sentiments, il les refl?tera, par d?sir de plaire, au point que vous en serez peut-?tre dupe. M?fiez-vous des autres, vous disais-je, m?fiez-vous de lui; et enfin, ch?rie, m?fiez-vous de vous-m?me.
--De moi?
H?l?ne rougit, tandis que Minna lui prenait la main:
--Oui, de vous, de vos instincts g?n?reux, de votre besoin d'amour et de foi. Mais peut-?tre vous souviendrez-vous un jour de mes paroles. Songez alors que vous avez en moi une amie, qui t?chera de vous aider de sa vieille exp?rience.
--Ch?re Minna! fit H?l?ne en l'embrassant.
Elle songeait:
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