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Read Ebook: Pastiches et mélanges by Proust Marcel

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Ebook has 227 lines and 61715 words, and 5 pages

Produced by: Laura Natal Rodrigues at Free Literature

MARCEL PROUST

PASTICHES ET M?LANGES

QUATRI?ME ?DITION

PARIS

?DITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRAN?AISE

Tous droits de traduction et de reproduction r?serv?s pour tous les pays y compris la Russie, Copyright by Gaston Gallimard, 1919

TABLE DES MATI?RES

PASTICHES

L'AFFAIRE LEMOINE

M?LANGES

EN M?MOIRE DES ?GLISES ASSASSIN?ES

SENTIMENTS FILIAUX D'UN PARRICIDE

JOURN?ES DE LECTURE

QUATRI?ME ?DITION.

MARCEL PROUST.>>

On y a joint:

Les pi?ces jointes, ici annonc?es, ont ?t? retir?es avant l'envoi du vol. au Dept. des Imprim?s.

? MONSIEUR WALTER BERRY,

MARCEL PROUST.

PASTICHES

L'AFFAIRE LEMOINE

DANS UN ROMAN DE BALZAC

Dans un des derniers mois de l'ann?e 1907, ? un de ces <> de la marquise d'Espard o? se pressait alors l'?lite de l'aristocratie parisienne , de Marsay et Rastignac, le comte F?lix de Vandenesse, les ducs de Rh?tor? et de Grandlieu, le comte Adam Laginski, Me Octave de Camps, lord Dudley, faisaient cercle autour de Mme la princesse de Cadignan, sans exciter pourtant la jalousie de la marquise. N'est-ce pas en effet une des grandeurs de la ma?tresse de maison--cette carm?lite de la r?ussite mondaine--qu'elle doit immoler sa coquetterie, son orgueil, son amour m?me, ? la n?cessit? de se faire un salon dont ses rivales seront parfois le plus piquant ornement? N'est-elle pas en cela l'?gale de la sainte? Ne m?rite-t-elle pas sa part, si ch?rement acquise, du paradis social? La marquise--une demoiselle de Blamont-Chauvry, alli?e des Navarreins, des Lenoncourt, des Chaulieu--tendait ? chaque nouvel arrivant cette main que Desplein, le plus grand savant de notre ?poque, sans en excepter Claude Bernard, et qui avait ?t? ?l?ve de Lavater, d?clarait la plus profond?ment calcul?e qu'il lui e?t ?t? donn? d'examiner. Tout ? coup la porte s'ouvrit devant l'illustre romancier Daniel d'Arthez. Un physicien du monde moral qui aurait ? la fois le g?nie de Lavoisier et de Bichat--le cr?ateur de la chimie organique--serait seul capable d'isoler les ?l?ments qui composent la sonorit? sp?ciale du pas des hommes sup?rieurs. En entendant r?sonner celui de d'Arthez vous eussiez fr?mi. Seul pouvait ainsi marcher un sublime g?nie ou un grand criminel. Le g?nie n'est-il pas d'ailleurs une sorte de crime contre la routine du pass? que notre temps punit plus s?v?rement que le crime m?me, puisque les savants meurent ? l'h?pital qui est plus triste que le bagne.

Ath?na?s ne se sentait pas de joie en voyant revenir chez elle l'amant qu'elle esp?rait bien enlever ? sa meilleure amie. Aussi pressa-t-elle la main de la princesse en gardant le calme imp?n?trable que poss?dent les femmes de la haute soci?t? au moment m?me o? elles vous enfoncent un poignard dans le coeur.

--Je suis heureuse pour vous, ma ch?re, que M. d'Arthez soit venu, dit-elle ? Mme de Cadignan, d'autant plus qu'il aura une surprise compl?te, il ne savait pas que vous seriez ici.

--Il croyait sans doute y rencontrer M. de Rubempr? dont il admire le talent, r?pondit Diane avec une moue c?line qui cachait la plus mordante des railleries, car on savait que Mme d'Espard ne pardonnait pas ? Lucien de l'avoir abandonn?e.

--Oh! mon ange, r?pondit la marquise avec une aisance surprenante, nous ne pouvons retenir ces gens-l?, Lucien subira le sort du petit d'Esgrignon, ajouta-t-elle en confondant les personnes pr?sentes par l'infamie de ces paroles dont chacune ?tait un trait accablant pour la princesse.

--Vous parlez de M. de Rubempr?, dit la vicomtesse de Beaus?ant qui n'avait pas reparu dans le monde depuis la mort de M. de Nueil et qui, par une habitude particuli?re aux personnes qui ont longtemps v?cu en province, se faisait une f?te d'?tonner des Parisiens avec une nouvelle qu'elle venait d'apprendre. Vous savez qu'il est fianc? ? Clotilde de Grandlieu.

Chacun fit signe ? la vicomtesse de se taire, ce manage ?tant encore ignor? de Mme de S?rizy, qu'il allait jeter dans le d?sespoir.

--On me l'a affirm?, mais cela peut ?tre faux, reprit la vicomtesse qui, sans comprendre exactement en quoi elle avait fait une gaucherie, regretta d'avoir ?t? aussi d?monstrative.

Ce que vous dites ne me surprend pas, ajouta-t-elle, car j'?tais ?tonn?e que Clotilde se fut ?prise de quelqu'un d'aussi peu s?duisant.

--Mais au contraire, personne n'est de votre avis, Claire, s'?cria la princesse en montrant la comtesse de S?rizy qui ?coutait.

Ces paroles furent d'autant moins saisies par la vicomtesse qu'elle ignorait enti?rement la liaison de Mme de S?rizy avec Lucien.

--Pas s?duisant, essaya-t-elle de corriger, pas s?duisant... du moins pour une jeune fille!

--Imaginez-vous, s'?cria d'Arthez avant m?me d'avoir remis son manteau ? Paddy, le c?l?bre tigre de feu Beaudenord , qui se tenait devant lui avec l'immobilit? sp?ciale ? la domesticit? du Faubourg Saint-Germain, oui, imaginez-vous, r?p?ta le grand homme avec cet enthousiasme des penseurs qui para?t ridicule au milieu de la profonde dissimulation du grand monde.

--Qu'y a-t-il? que devons-nous nous imaginer, demanda ironiquement de Marsay en jetant ? F?lix de Vandenesse et au prince Galathione ce regard ? double entente, v?ritable privil?ge de ceux qui avaient longtemps v?cu dans l'intimit? de MADAME.

--Rien, r?pondit avec ? propos d'Arthez, je m'adresse ? la marquise.

Cela fut dit d'un ton si perfidement ?pigrammatique que Paul Morand, un de nos plus impertinents secr?taires d'ambassade, murmura:--Il est plus fort que nous! Le baron, se sentant jou?, avait froid dans le dos. Mme Firmiani suait dans ses pantoufles, un des chefs-d'oeuvre de l'industrie polonaise, D'Arthez fit semblant de ne pas s'?tre aper?u de la com?die qui venait de se jouer, telle que la vie de Paris peut seule en offrir d'aussi profonde et sans s'arr?ter ? la belle N?grepelisse, se tournant vers Mme de S?rizy avec cet effrayant sang-froid qui peut triompher des plus grands obstacles :

--On vient, madame, de d?couvrir le secret de la fabrication du diamant.

--Mais j'aurais cru qu'on en avait toujours fabriqu?, r?pondit na?vement L?ontine.

Pour comprendre le drame qui va suivre, et auquel la sc?ne que nous venons de raconter peut servir d'introduction, quelques mots d'explication sont n?cessaires. ? la fin de l'ann?e 1905, une affreuse tension r?gna dans les rapports de la France et de l'Allemagne. Soit que Guillaume II compt?t effectivement d?clarer la guerre ? la France, soit qu'il e?t voulu seulement le laisser croire afin de rompre notre alliance avec l'Angleterre, l'ambassadeur d'Allemagne re?ut l'ordre d'annoncer au gouvernement fran?ais qu'il allait pr?senter ses lettres de rappel. Les rois de la finance jou?rent alors ? la baisse sur la nouvelle d'une mobilisation prochaine. Des sommes consid?rables furent perdues ? la Bourse. Pendant toute une journ?e on vendit des titres de rente que le banquier Nucingen, secr?tement averti par son ami le ministre de Marsay de la d?mission du chancelier Delcass?, qu'on ne sut ? Paris que vers quatre heures, racheta ? un prix d?risoire et qu'il a gard?es depuis.

Il n'est pas jusqu'? Raoul Nathan qui ne crut ? la guerre, bien que l'amant de Florine, depuis que du Tillet, dont il avait voulu s?duire la belle-soeur , lui avait fait faire un puff ? la Bourse, soutint dans son journal la paix ? tout prix.

Julius Werner se servit de Lemoine, un de ces hommes extraordinaires qui, s'ils sont guid?s par un destin favorable, s'appellent Geoffroy Saint-Hilaire, Cuvier, Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Charlemagne, Berthollet, Spalanzani, Volta. Changez les circonstances et ils finiront comme le mar?chal d'Ancre, Balthazar Cleas, Pugatchef, Le Tasse, la comtesse de la Motte ou Vautrin. En France, le brevet que le gouvernement octroie aux inventeurs n'a aucune valeur par lui-m?me. C'est l? qu'il faut chercher la cause qui paralyse, chez nous, toute grande entreprise industrielle. Avant la R?volution, les S?chard, ces g?ants de l'imprimerie, se servaient encore ? Angoul?me des presses ? bois, et les fr?res Cointet h?sitaient ? acheter le second brevet d'imprimeur. Certes peu de personnes comprirent la r?ponse que Lemoine fit aux gendarmes venus pour l'arr?ter. Quoi? L'Europe m'abandonnerait-elle? s'?cria le faux inventeur avec une terreur profonde. Le mot colport? le soir dans les salons du ministre Rastignac y passa inaper?u.

--Cet homme serait-il devenu fou? dit le comte de Granville ?tonn?.

L'ancien clerc de l'avou? Bordin devait pr?cis?ment prendre la parole dans cette affaire au nom du minist?re public, ayant retrouv? depuis peu, par le mariage de la seconde fille avec le banquier du Tillet, la faveur que lui avait fait perdre aupr?s du nouveau gouvernement son alliance avec les Vandenesse, etc.

L'AFFAIRE LEMOINE PAR GUSTAVE FLAUBERT

La chaleur devenait ?touffante, une cloche tinta, des tourterelles s'envol?rent, et, les fen?tres ayant ?t? ferm?es sur l'ordre du pr?sident, une odeur de poussi?re se r?pandit. Il ?tait vieux, avec un visage de pitre, une robe trop ?troite pour sa corpulence, des pr?tentions ? l'esprit; et ses favoris ?gaux, qu'un reste de tabac salissait, donnaient ? toute sa personne quelque chose de d?coratif et de vulgaire. Comme la suspension d'audience se prolongeait, des intimit?s s'?bauch?rent; pour entrer en conversation, les malins se plaignaient ? haute voix du manque d'air, et, quelqu'un ayant dit reconna?tre le ministre de l'int?rieur dans un monsieur qui sortait, un r?actionnaire soupira: <> En tirant de sa poche une orange, un n?gre s'acquit de la consid?ration, et, par amour de la popularit?, en offrit les quartiers ? ses voisins, en s'excusant, sur un journal: d'abord ? un eccl?siastique, qui affirma <>; mais une douairi?re prit un air offens?, d?fendit ? ses filles de rien accepter <>, pendant que d'autres personnes, ne sachant pas si le journal arriverait jusqu'? elles, cherchaient une contenance: plusieurs tir?rent leur montre, une dame enleva son chapeau. Un perroquet le surmontait. Deux jeunes gens s'en ?tonn?rent, auraient voulu savoir s'il avait ?t? plac? l? comme souvenir ou peut-?tre par go?t excentrique. D?j? les farceurs commen?aient ? s'interpeller d'un banc ? l'autre, et les femmes, regardant leurs maris, s'?touffaient de rire dans un mouchoir, quand un silence s'?tablit, le pr?sident parut s'absorber pour dormir, l'avocat de Werner pronon?ait sa plaidoirie. Il avait d?but? sur un ton d'emphase, parla deux heures, semblait dyspeptique, et chaque fois qu'il disait <> s'effondrait dans une r?v?rence si profonde qu'on aurait dit une jeune fille devant un roi, un diacre quittant l'autel. Il fut terrible pour Lemoine, mais l'?l?gance des formules att?nuait l'?pret? du r?quisitoire. Et ses p?riodes se succ?daient sans interruption, comme les eaux d'une cascade, comme un ruban qu'on d?roule. Par moment, la monotonie de son discours ?tait telle qu'il ne se distinguait plus du silence, comme une cloche dont la vibration persiste, comme un ?cho qui s'affaiblit. Pour finir, il attesta les portraits des pr?sidents Gr?vy et Carnot, plac?s au-dessus du tribunal; et chacun, ayant lev? la t?te, constata que la moisissure les avait gagn?s dans cette salle officielle et malpropre qui exhibait nos gloires et sentait le renferm?. Une large baie la divisait par le milieu des bancs s'y alignaient jusqu'au pied du tribunal; elle avait de la poussi?re sur le parquet, des araign?es aux angles du plafond, un rat dans chaque trou, et on ?tait oblig? de l'a?rer souvent ? cause du voisinage du calorif?re, parfois d'une odeur plus naus?abonde. L'avocat de Lemoine r?pliquant, fut bref. Mais il avait un accent m?ridional, faisait appel aux passions g?n?reuses, ?tait ? tout moment son lorgnon. En l'?coutant, Nathalie, ressentait ce trouble o? conduit l'?loquence; une douceur l'envahit et son coeur s'?tant soulev?, la batiste de son corsage palpitait, comme une herbe au bord d'une fontaine pr?te ? sourdre, comme le plumage d'un pigeon qui va s'envoler. Enfin le pr?sident fit un signe, un murmure s'?leva, deux parapluies tomb?rent: on allait entendre ? nouveau l'accus?. Tout de suite les gestes de col?re des assistants le d?sign?rent; pourquoi n'avait-il pas dit vrai, fabriqu? du diamant, divulgu? son invention? Tous, et jusqu'au plus pauvre, auraient su--c'?tait certain--en tirer des millions. M?me ils les voyaient devant eux, dans la violence du regret o? l'on croit poss?der ce qu'on pleure. Et beaucoup se livr?rent une fois encore ? la douceur des r?ves qu'ils avaient form?s, quand ils avaient entrevu la fortune, sur la nouvelle de la d?couverte, avant d'avoir d?pist? l'escroc.

Pour les uns, c'?tait l'abandon de leurs affaires, un h?tel avenue du Bois, de l'influence ? l'Acad?mie; et m?me un yacht qui les aurait men?s l'?t? dans des pays froids, pas au P?le pourtant, qui est curieux, mais la nourriture y sent l'huile, le jour de vingt-quatre heures doit ?tre g?nant pour dormir, et puis comment se garer des ours blancs?

? certains, les millions ne suffisaient pas; tout de suite ils les auraient jou?s ? la Bourse; et, achetant des valeurs au plus bas cours la veille du jour o? elles remonteraient--un ami les aurait renseign?s--verraient centupler leur capital en quelques heures. Riches alors comme Carnegie, ils se garderaient de donner dans l'utopie humanitaire. Mais, laissant le luxe aux vaniteux, ils rechercheraient seulement le confort et l'influence, se feraient nommer pr?sident de la R?publique, ambassadeur ? Constantinople, auraient dans leur chambre un capitonnage de li?ge qui amort?t le bruit des voisins. Ils n'entreraient pas au Jockey-Club, jugeant l'aristocratie ? sa valeur. Un titre du pape les attirait davantage. Peut-?tre pourrait-on l'avoir sans payer. Mais alors ? quoi bon tant de millions? Bref, ils grossiraient le denier de saint Pierre tout en bl?mant l'institution. Que peut bien faire le pape de cinq millions de dentelles, tant de cur?s de campagne meurent de faim?

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