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Read Ebook: Les mariages de Paris by About Edmond

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Ebook has 1874 lines and 94420 words, and 38 pages

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--Et comment? si la recette est bonne, nous en profiterons.

--Il y a deux mani?res; on leur ach?te un fonds de commerce, ou on leur procure une place du gouvernement.

--Tais-toi donc, lui dit sa femme, je t'ai toujours dit que tu te ferais du tort avec ton ambition.

--O? est le mal, si je suis capable? J'avoue que j'ai toujours eu l'id?e de demander une place. On m'offrirait dix francs pour m'?tablir marchand des quatre saisons ou pour acheter un fonds d'allumettes, je ne refuserais certainement pas, mais je regretterais toujours un peu la place que j'ai en vue.

--Et quelle place, s'il vous pla?t? demanda Matthieu.

--Balayeur de la ville de Paris. On gagne ses vingt sous par jour, et l'on est libre ? dix heures du matin, au plus tard. Si vous pouviez m'obtenir cela, mes bons messieurs, je doublerais mon gain, j'aurais de quoi vivre, vous seriez dispens?s de monter ici avec des petits cartons dans vos poches, et c'est moi qui irais vous remercier chez vous.>>

Nous ne connaissions personne ? la pr?fecture, mais L?once avait rencontr? le fils d'un commissaire de police: il usa de son influence pour obtenir la nomination du Petit-Gris. Lorsque nous v?nmes le f?liciter, le premier meuble qui frappa nos yeux fut un balai gigantesque dont le manche ?tait enrichi d'un cercle de fer. Le titulaire de ce balai nous remercia chaudement.

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--Allons les voir, dit Matthieu.

--Laissez-moi d'abord vous parler. Ce n'est pas des personnes comme ma femme et moi: elles ont eu des malheurs. La dame est veuve. Son mari ?tait bijoutier en gros, rue d'Orl?ans, au Marais. Il est parti l'ann?e derni?re pour la Californie avec une machine qu'il a invent?e, une machine ? trouver l'or; mais le bateau a fait naufrage en chemin, avec l'homme, la machine et le reste. Ces dames ont lu dans les journaux qu'on n'avait pas sauv? une allumette. Alors elles ont vendu le peu qui leur restait, et elles ont ?t? demeurer rue d'Enfer; et puis la dame a fait une maladie qui leur a mang? tout. Elles sont donc venues ici. Elles brodent du matin au soir jusqu'? la mort de leurs yeux, mais elles ne gagnent pas lourd. Ma femme les aide ? faire leur m?nage quand elle a le temps: on n'est pas riche, mais on fait l'aum?ne d'un coup de main ? ceux qui ont trop de peine. Je vous dis ?a pour vous faire comprendre que ces dames ne demandent rien ? personne, et qu'il faudra y mettre des formes pour leur faire accepter quelque chose. D'ailleurs la demoiselle est jolie comme un coeur, et cela rend sauvage, comme vous comprenez.>>

Matthieu devint tout rouge ? l'id?e qu'il aurait pu ?tre indiscret.

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--Madame Bourgade.

--Merci.>>

Deux jours apr?s, Matthieu, qui n'avait jamais voulu de le?ons particuli?res, entreprit de pr?parer un jeune homme au baccalaur?at. Il s'y donna de si bon coeur, que son ?l?ve, qui avait ?t? refus? quatre ou cinq fois, fut re?u le 18 ao?t, au commencement des vacances. C'est alors seulement que les deux fr?res se mirent en route pour la Bretagne. Avant de partir, Matthieu me remit cinquante francs. <>

C'est un accident impr?vu qui le mit en pr?sence de Mlle Bourgade. Il ?tait chez le Petit-Gris ? demander des nouvelles, lorsque Aim?e entra en criant au secours. Sa m?re ?tait ?vanouie. Matthieu courut avec les autres. Il amena le lendemain un interne de la Piti?. Mme Bourgade n'?tait malade que d'?puisement; on la gu?rit. La femme de Petit-Gris fut install?e chez elle en qualit? d'infirmi?re. Elle allait chercher les m?dicaments et les aliments; et elle savait si bien marchander, qu'elle les avait pour rien. Mme Bourgade but un excellent vin de M?doc qui lui co?tait soixante centimes la bouteille: elle mangea du chocolat ferrugineux ? deux francs le kilogramme. C'est Matthieu qui faisait ces miracles et qui ne s'en vantait pas. On ne voyait en lui qu'un voisin obligeant; on le croyait log? rue Saint-Victor. La malade s'accoutuma doucement ? la pr?sence de ce jeune professeur, qui montrait les attentions d?licates d'une jeune fille. Sa prudence maternelle ne se mit jamais en garde contre lui; tout au plus si elle le regardait comme un homme. A la simplicit? de sa mise, elle jugea qu'il ?tait pauvre; elle s'int?ressait ? lui comme il s'int?ressait ? elle. Un certain lundi du mois de d?cembre, elle le vit venir en paletot noisette, sans manteau, par un froid tr?s-vif. Elle lui dit, apr?s de longues circonlocutions, qu'elle venait de toucher une somme de dix francs, et elle offrit de lui en pr?ter la moiti?. Matthieu ne sut s'il devait rire ou pleurer: il avait engag? son manteau, le matin m?me, pour ces malheureux dix francs. Voil? o? ils en ?taient au bout d'un mois de connaissance. Aim?e s'abandonnait moins aux douceurs de l'intimit?. Pour elle, Matthieu ?tait un homme. En le comparant au Petit-Gris et aux habitants de la rue Traversine, elle le trouvait distingu?. D'ailleurs ? l'?ge de seize ans, elle n'avait gu?re eu le temps d'observer le genre humain. Elle ignorait non-seulement la laideur de Matthieu, mais encore sa propre beaut?; il n'y avait pas de miroir dans la maison.

Matthieu s'avisa que, sans faire un voyage en Californie, on pourrait exploiter l'invention de feu Bourgade, au profit de la veuve et de sa fille. Il pria Mme Bourgade de lui confier les plans qu'elle avait conserv?s, et je fus charg? de les montrer ? un ?l?ve de l'?cole centrale. La consultation ne fut pas longue. Le jeune ing?nieur me dit, apr?s un examen d'une seconde: <

--Il est mort dans un naufrage.

--La machine aura surnag?; cela se voit tous les jours.>>

Je m'en revins piteusement ? l'h?tel Corneille, pour rendre compte de mon ambassade. Je trouvai les deux fr?res en larmes. L'oncle Yvon ?tait mort d'apoplexie en leur l?guant tous ses biens.

J'ai conserv? une copie du testament de l'oncle Yvon. La voici:

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<<1? Une somme de cinquante mille francs rapportant cinq pour cent, et plac?e par les soins de Me Aubryet, notaire ? Paris;

<<2? Ma maison sise ? Auray, mes landes, terres arables et immeubles de toute sorte; mes bateaux, filets, engins de p?che, armes, meubles, hardes, linge et autres objets mobiliers, le tout ?valu?, en conscience et justice, ? cinquante mille francs.

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Le partage ne fut pas long ? faire, et l'on n'eut pas besoin de consulter le sort. L?once choisit l'argent, et Matthieu prit le reste. L?once disait: <

--A ton aise, r?pondit Matthieu. Je crois que tu n'aurais pas ?t? forc? de vivre ? Auray. Nos parents se portent bien, Dieu merci! et ils suffisent peut-?tre ? la besogne. Mais dis-moi donc quelle est la valeur miraculeuse sur laquelle tu comptes placer ton argent?

--Ma t?te. ?coute-moi pos?ment. De tous les chemins qui m?nent un jeune homme ? la fortune, le plus court n'est ni le commerce, ni l'industrie, ni l'art, ni la m?decine, ni la plaidoirie, ni m?me la sp?culation; c'est.... devine.

--Dame! je ne vois plus que le vol sur les grands chemins, et il devient de jour en jour plus difficile; car on n'arr?te pas les locomotives.

--Tu oublies le mariage! C'est le mariage qui a fait les meilleures maisons de l'Europe. Veux-tu que je te raconte l'histoire des comtes de Habsbourg? Il y a sept cents ans, ils ?taient un peu plus riches que moi, pas beaucoup. A force de se marier et d'?pouser des h?riti?res, ils ont fond? une des plus grandes monarchies du monde, l'empire d'Autriche. J'?pouse une h?riti?re.

--Laquelle?

--Je n'en sais rien, mais je la trouverai.

--Avec tes cinquante mille francs?

--Halte-l?! Tu comprends que si je me mettais en qu?te d'une femme avec mon petit portefeuille contenant cinquante billets de banque, tous les millions me riraient au nez; tout au plus si je trouverais la fille d'un mercier ou l'h?riti?re pr?somptive d'un fonds de quincaillerie. Dans le monde o? l'on tiendrait compte d'une si pauvre somme, on ne me saurait gr? ni de ma tournure, ni de mon esprit, ni de mon ?ducation. Car enfin nous ne sommes pas ici pour faire de la modestie.

--A la bonne heure!

--Dans le monde o? je veux me marier, on m'?pousera pour moi, sans s'informer de ce que j'ai. Quand un habit est bien fait et bien port?, mon cher, aucune fille de condition ne s'informe de ce qu'il y a dans les poches.>>

L?-dessus, L?once expliqua ? son fr?re qu'il emploierait les ?cus de l'oncle Yvon ? s'ouvrir les portes du grand monde. Une longue exp?rience, acquise dans les romans, lui avait appris qu'avec rien on ne fait rien, mais qu'avec de la toilette, un joli cheval et de belles mani?res, on trouve toujours ? faire un mariage d'amour.

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--Mais, malheureux, tu te ruines!

--Non, je place mon argent ? vingt pour un.>>

Matthieu ne prit pas la peine de discuter contre son fr?re. Au demeurant, les fonds plac?s ne devaient ?tre disponibles qu'au mois de juin; il n'y avait pas p?ril en la demeure.

Les h?ritiers de l'oncle Yvon ne chang?rent rien ? leur genre de vie; ils n'?taient pas plus riches qu'autrefois. Les bateaux et les filets faisaient marcher la maison d'Auray. Me Aubryet donnait deux cents francs par mois, ainsi que par le pass?; les r?p?titions de Sainte-Barbe et les visites ? la rue Traversine allaient leur train. La v?rit? m'oblige ? dire que L?once ?tait moins assidu aux cours de l'?cole de droit qu'aux le?ons de danse et d'escrime. Le Petit-Gris, toujours ambitieux, et, je le crains, un peu intrigant, obtint la nomination de sa femme, et intronisa un deuxi?me balai dans son appartement. Ce fut le seul ?v?nement de l'hiver.

Au mois de mai, Mme Debay ?crivit ? ses fils qu'elle ?tait fort en peine. Son mari avait beaucoup ? faire et ne suffisait point; un homme de plus dans la maison n'e?t pas ?t? de trop. Matthieu craignit que son p?re ne se fatigu?t outre mesure; il le savait dur ? la peine et courageux malgr? son ?ge; mais on n'est plus jeune ? soixante ans, m?me en Bretagne.

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--Qu'est-ce qui te retient?

--D'abord, mes r?p?titions.

--Passe-les ? un de nos camarades. Je t'en indiquerai six qui en ont plus besoin que toi.

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