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Read Ebook: Chair by Montfort Eug Ne

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Ebook has 133 lines and 12748 words, and 3 pages

Au lecteur.

L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e, mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ou ? l'impression ont ?t? corrig?es. La liste de ces corrections se trouve ? la fin du texte.

La ponctuation a ?t? tacitement corrig?e ? plusieurs endroits.

Le chapitre X est vide dans l'original, sans doute intentionnellement.

CHAIR

DU M?ME AUTEUR

SOUS PRESSE:

EN PR?PARATION:

EUG?NE MONTFORT

CHAIR

Chair

Passe une robe blanche, toute blanche dress?e comme l'aile d'une barque... Vision pour l'?lan de mon coeur exalt?... O? vas-tu? D'o? viens-tu? Tu glisses sur l'or du sable comme mon r?ve. Tu ondules, tu te penches, tu te balances, barque sur le flot. Mon coeur se balance. Ah! qu'un coup de vent vienne, il l'emportera! Je ne veux pas! Je ne veux pas!... O courir, ? la joindre!... Aile blanche! Aile blanche!... Mais elle se tourne, et elle revient, mais elle revient, elle va passer... Oh! Oh! elle me regarde... O mon ?me elle m'a regard?!... Qu'elle est belle!... Nos yeux se sont bais?s... Qu'elle est belle! Qu'elle est belle! Ses cheveux sont lourds... Qu'elle est belle! je vois la lumi?re de son cou, je vois ses bras nus... Qu'elle est belle! Sa chair est transparente comme le ciel...

Elle est pass?e, elle m'a regard?. Et voil? qu'elle fuit! O? va-t-elle? Est-ce qu'elle est folle?... Elle sent bien que ce n'est pas fini... Je suis ?bloui, je vais tomber... comment peut-elle marcher?... O? va-t-elle?... o? va-t-elle?... Je ne me suis pas tromp?, mon Dieu, son image vivante est entr?e en moi, et elle est toute brillante... Elle va vite! elle va tr?s vite! elle court!... Peut-?tre est-elle surprise,--d'avoir tressailli ainsi, elle a peur, elle ne sait pas, elle est toute affol?e, et elle court...

... Il faut que je l'approche. Je n'ose pas. Elle a si peur. Il faudrait encore un baiser de nos yeux... Quand je lui aurai parl?, elle s'abandonnera... Elle reconna?tra ma voix, ma voix est faite pour son oreille... Elle reprendra son calme, elle respirera doucement, je ne troublerai rien dans son atmosph?re... Je l'approcherai et elle me reconna?tra... maintenant elle ne sait pas encore... Elle a d?tach? une musique dans ma pens?e... Elle va, elle va toujours. Il y a des rochers l?-bas, qui l'arr?teront. Alors j'irai pr?s d'elle, je la regarderai, et je lui offrirai ma main pour passer les rochers...

Elle a pris ma main!... Je le savais bien... Ah! mon coeur va ?clater!... Les roches sont glissantes, je la tiens, je sens de sa chair dans ma main... Elle a pris ma main!... Ma main, fais-toi d?licate, fais-toi douce, deviens comme une fourrure, enveloppe-la savoureusement,... comme si tu ?tais une bouche baisante, ma main, presse-la un peu mollement... Ah mon coeur va ?clater!.... O ma voix, toi qu'elle entend, descends en elle comme un charme, ma voix, ondule et caresse-la... Mais elle parle! ? c'est un ruisseau, ses mots sont des gouttes d'eau, qui tombent en courant, babilleuses, dans l'eau. Quelle musique! source de fra?cheur, ? frisson de joie, je voudrais que ta voix parle dans mon coeur, et je boirais dans mon coeur ta voix, l'irisement, le prisme aux sept saveurs des gouttes d'eau de tes paroles....

Elle marche aupr?s de moi! Elle me parle!... Tout de suite elle a ?t? apais?e, maintenant elle me regarde, elle est confiante, elle se tourne vers moi, elle est comme une fleur ouverte, son ?me se sent libre avec la mienne... Je ne peux pas retirer mes yeux de ses yeux, il y a dans ses yeux plus d'espace, plus de profondeur pour mes yeux qu'au ciel... Mon Dieu elle me sourit!... C'est avec un sourire qu'elle me voit!... Ah! la joie de mon coeur est comme l'aurore...

Marcher ainsi toujours pr?s d'elle! Je voudrais que cette plage ne finisse jamais! Toute la vie, je voudrais aller ainsi avec ce bonheur. Jamais je ne serai plus heureux! Je l'aime, et je sens qu'elle va m'aimer... Elle est attentive, elle me sourit... Je sens toute son ?me, saisie, qui me regarde, et elle tremble de joie....

... Nous nous sommes arr?t?s dans une baie de sable, elle s'est appuy?e contre un rocher... Elle me regardait! elle me regardait! Je me suis pench?. Elle parfumait comme une fleur au chaud midi s'exhalant... Ah! de toute la largeur soulev?e de ma poitrine, je l'ai respir?e... Elle souriait... Victoire! Victoire! Tumulte!... mes l?vres ont bondi sur sa bouche, et l'ont prise!... Puis je me suis ?vanoui ? respirer son souffle....

... Marthe! Marthe! tu t'appelles Marthe! ? jamais je n'ai entendu rien de plus d?licieux... Marthe!... Je n'entends plus rien... Marthe! Marthe!...

... Je vois ton cou Marthe, il jaillit... ? fleurs! ? sourires, ? couleur des aurores!... Ton cou jaillit... Courbe, ovale divin, transparences aux reflets bleus! Toute ma vie, je veux la vivre ? adorer ton cou... Suavit?! Suavit?!... Mon Dieu, pour des baisers sur ce cou, il faudrait une autre bouche, d'autres l?vres inimaginables... Ton cou jaillit! Neige et nectar d'aurore! ? faire fondre et boire le blanc de ce cou! ? joie d'azur! ? paradis ivre!...

O les seins sous l'?toffe respirante! et les hanches mouvantes! la chair silencieuse et pleine de vie! O mettre ma main sur ta chair, Marthe, la toucher seulement, l?, sous ton corsage... Je sens na?tre mille bouches qui aspirent, qui se tendent, qui demandent ton baiser...

Des parfums, des oiseaux, du ciel divin, et des baisers, elle me semblait mourante... Je la baisais toujours, sur elle, blanche partout, ?crasant le sang rouge de ma bouche...

Je n'ai pas pu dormir, toute ma t?te r?sonnait des baisers, dans la nuit, ma bouche se tendait, je n'avais plus de souffle, un grand mal est entr? en moi, je sens mon coeur gonfl? dans ma poitrine, j'?touffe...

Est-ce l'amour, mon Dieu, est-ce l'amour? Je suis languissant et je suis plein de force. Je suis pr?s de m'?vanouir, je suis las, je suis d?sol?,--et je suis si triomphant que je voudrais une trompe de cuivre pour lancer jusqu'au bout du monde les cris de mon ?me ?clatante!... Marthe! Marthe!... Je voudrais la tenir serr?e contre moi, et mes bras sont vides!... Marthe!... Mon corps br?le comme un charbon, il doit mordre et creuser les draps, quand je me l?verai, ce sera d'un trou noir de cendres!...

Marthe!... Elle ?tait avec moi; je la touchais, elle avait des yeux clairs, j'ai bais? sa bouche, c'est comme un fruit, elle a une peau parfum?e qui doit couvrir une petite chair fondante de fruit, on y go?te un suc de d?lice...

Elle n'est plus l?! Elle n'est plus l?! O j'ai la fi?vre! ? j'ai du mal! Mon Dieu, elle ne m'aimera peut-?tre plus... Et si nous allions mourir maintenant?... ? mon Dieu, mon Dieu, faites qu'elle vive encore!... H?las! ah! si elle mourait! elle pourrait mourir... c'est si facile de mourir... Mais alors! mon Dieu, qu'est-ce que je deviendrais, moi qui suis si heureux, moi qui crois que je vais avoir tant de bonheur?...

... Quelle joie! Je n'ai jamais eu tant de joie qu'hier! Que je suis heureux!... Ah comment cela peut-il se faire? Il faut que Dieu veuille mon bonheur... C'est le plus grand hasard, je l'ai rencontr?e tout-?-coup... Arriver sur la plage ? la minute o? elle passait! Depuis que mon p?re m'a cr??, il faut que tout ce que j'ai fait ait ?t? combin? avec toutes les minutes, pour qu'? cette minute-l? justement j'arrive sur la plage... Je l'ai vue, je lui ai donn? la main, et nos l?vres se sont bais?es!... Elle m'aime! Elle m'aime!... Comme c'est simple de s'aimer. Nous nous sommes aim?s tout de suite. On croit qu'on ne sera jamais aim?, on imagine que c'est une aventure extraordinaire, on la demande, on l'appelle comme une chose impossible... Et c'est si simple! on va l'un vers l'autre, on se regarde, et tout de suite c'est l'amour...

Hier!... Hier, je descendais le chemin, je ne l'avais pas encore vue! Je ne l'avais pas encore vue! Est-ce possible? Je ne savais rien, je ne m'attendais ? rien. J'allais comme cela, sans savoir... Ah! depuis cette heure l?, on dirait que j'ai fait le tour du monde!... Je ne l'avais pas encore vue!... Je ne savais pas qu'elle existait, je ne savais pas qu'elle respirait... Je ne savais pas que j'allais vers elle, et elle ne savait pas qu'elle venait vers moi... J'allais!... et c'?tait pour la rencontrer, et c'?tait pour lui prendre la main, et c'?tait pour la baiser, et pour qu'elle me bais?t sur le coeur...

Je descendais le chemin, ? tout ?tait si beau!... Sans doute parce que nous allions nous rencontrer, et les choses profondes le sentaient, il n'y avait que nous qui ne le savions pas... Quand elle est pass?e, j'ai eu une ?motion comme si toute mon ?me se renversait. Il n'y a pas encore un jour! Il n'y a pas encore un jour! Je tremblais, j'avais vu tout de suite que pour moi elle ?tait belle comme Dieu! et je ne savais pas si jamais je lui parlerais, ni m?me si jamais il m'arriverait encore de pouvoir la regarder... Je tremblais, je ne savais pas... O comme tout cela est loin!... Je lui ai parl?, elle m'a parl?, je l'ai touch?e avec mes l?vres, et elle m'a touch? avec ses l?vres... Il n'y a pas encore un jour... Mon Dieu, elle a tout saisi en moi. Depuis que je l'ai vue, on dirait que sont n?s en moi un millier de ces miroirs si blancs qui ?tourdissent ? regarder, et qu'ils ont pris, et qu'ils ont mis dans mon coeur toute la lumi?re qui flotte sur le monde...

Marthe! Marthe! Marthe! je ne peux plus attendre, je veux te voir, je veux te voir!... Tu es entr?e dans ma t?te et tu l'as prise, tu es entr?e dans ma t?te, tout s'est ?vanoui, je ne sais plus rien, je ne vois plus rien, tout ce que je pensais s'est fan?. Marthe! je ne peux pas vivre. Chaque instant sans toi, quelque chose gonfle mon coeur, il y a quelque chose dans mon coeur qui veut s'?chapper, qui veut s'envoler comme un oiseau qu'on tient dans sa main les ailes ferm?es, il y a comme une fleur qui veut s'?panouir, pleine de vie, pleine de s?ve, et dont le calice est attach?! Marthe! mon coeur, mon coeur te veut, il veut s'ouvrir, il veut s'?panouir, il veut se r?pandre en toi... Et tu n'es pas l?!... Il se gonfle, il va ?clater... Une nuit encore avant de te voir!... ? toutes mes veines battent, mon sang bouillonne, je tremble... Je vais mourir... J'ai la fi?vre, ma poitrine ?touffe... je cherche de l'air, je ne puis pas respirer. Mon Dieu, ferme mes yeux, retire d'elle ma pens?e, donne-moi du sommeil, prot?ge-moi, ou je vais mourir avant la fin de la nuit...

A l'aube je me suis lev?, j'ai couru sur la route vers le ciel rouge. J'?tais fou. Mon coeur ?tait tordu dans ma poitrine. Pour rafra?chir tout mon ?tre enflamm?, je me suis baign? dans une prairie, j'ai tremp? mon front dans la ros?e, et je sentais toutes les petites feuilles et toutes les petites herbes humides sur mon front, et j'ai enfonc? mes mains dans des touffes de fleurs et dans des buissons.

O mal de mon ?me, qu'est-ce qui pourra te soulager? je souffre, je suis mordu indiscontin?ment par une soif ardente. La voir! la voir!... H?las comment perdre ma souffrance? H?las que faire? H?las! o? aller?... Mon Dieu, rien ne me distrait plus, ni les oiseaux chantants, ni le parfum des fleurs, il n'y a qu'elle qui soit un oiseau chantant, il n'y a qu'elle qui soit une fleur qui parfume... Avant qu'elle ne vienne, mon Dieu, je vais mourir mille fois...

Je ne peux pas ?tre ainsi, ?tendu, immobile comme s'il n'y avait rien en moi que de la fra?cheur et de la paix. Je ne peux pas ?tre ainsi les yeux au ciel, je ne peux pas me reposer, je ne peux pas ?tre comme une chose qui coule doucement, naturellement, en chantant, au milieu de toutes les autres choses, j'ai une fi?vre qui me d?vore, je voudrais m'agiter pour oublier mon mal. H?las! il n'y a qu'un regard d'elle qui me gu?rira, quand je serai avec elle et que je sentirai l?, tout pr?s, sa petite ?me, son petit souffle, je serai apais?, et je serai tranquille. Ce sera comme un champ de violettes qui l?vera dans mon coeur...

O? es-tu Marthe? o? es-tu?... Voici le chemin qui descend ? la mer. Nous nous y sommes bais?s tous les deux. Il nous a vu. O comme les fleurs sont blanches! Je me sens d?faillir, j'ai envie de g?mir...

... L?, par l'?claircie des arbres, mais c'est elle sur le sable assise!... C'est elle! C'est elle!... Mon Dieu toute la lumi?re du ciel s'?teint. On dirait qu'elle a pris toute la lumi?re. Je vais mourir, mes veines s'ouvrent, et je suis faible comme si mon sang se r?pandait... Marthe! Marthe! Ah comment ne sent-elle pas que je suis derri?re elle... Bien-Aim?e, tourne-toi, regarde-moi... J'approche, je suis dans l'air et le ciel qui la trempent... Bonjour Marthe! Bonjour Marthe! Bonjour! Bonjour! O son regard, ses l?vres, son front, son cou, toute sa chair pench?e vers moi! J'ai dans la t?te tant de flammes, tant de bruit, tant d'amour, que je ne puis que tomber ? tes pieds, ?puis?, et te regarder, avec toute la tendresse, avec tout l'amour infini, avec toutes les caresses de mes yeux. Te regarder! sentir mes yeux se noyer dans tes yeux qui baisent mes yeux!... Marthe je ne puis rien dire... j'ai souffert! je t'avais vue, et je ne te voyais plus!... Et maintenant je te revois! je te sens, l?, je te sens toute aimante, et toute ? moi...

Donne moi ta main, Marthe, mets ta main dans le feu de ma main, j'aime la chair de ta paume et la chair un peu molle de tes doigts, et la chair de ton poignet p?le... Nos mains se tiennent, nos mains heureuses... Quand tu serres ma main, Bien-aim?e, je sens tout l'amour qui fleurit dans ton coeur, et mon coeur s'?panouit. De ton coeur ? ta main br?lant le courant va, glisse, il passe dans ma main, il me p?n?tre, il coule en nous, ah! c'est comme si nous avions une seule vie, on dirait que ma chair est ta chair...

Restons l? sans bouger, Marthe; nous pourrions attendre l'?ternit?, nous n'?puiserions pas la source du d?lice. Tu m'aimes, et je t'aime, nul n'aura jamais une joie aussi profonde... Je suis ?tendu ? regarder la lumi?re dans tes yeux, et je vois que toute ton ?me est ravie, qu'elle sourit et qu'elle se donne. Quelque chose circule en nous, coule de toi ? moi, ? travers nos mains, ? travers nos yeux. Et cela seulement nous remplit de bonheur. Pour nous, c'est plus que toute la vie de l'univers, nous pourrions rester l? toujours, et nous serions toujours heureux... Rien n'existe plus, finesse, douceur du sable, lumi?re pure, couleur charmante du ciel et de la mer, rien n'existe plus... Marthe, je suis couch? ? tes pieds, et je ne sais plus que cela au monde. Je t'aime! je t'aime! tu me donnes tes yeux, je vois que tu m'aimes, et tu es heureuse, et je suis heureux...

O Marthe! Marthe! mon amour! ma rose! mon d?lice! ma musique! j'ai souffert comme un malheureux, parce que tu n'?tais pas l?, et maintenant je suis heureux comme un bienheureux parce que tu es l?...

Ce soir! Ce soir! Quand tu t'es abandonn?e, mourante, ? mon bras, quand le regard de mon ?me presqu'?vanouie s'est m?l? au tien, quand je t'ai sentie, toute tremblante, et si ?perdue, et si pressante qu'il semblait que tu voulais entrer dans mon coeur, tes l?vres, je les ai entendu murmurer, tout bas presque, et dans un souffle: <

Ce soir! Ce soir! Mon Dieu, tu me regardais comme si tu voyais en moi des paradis, tu fr?missais, tu ?tais douce, tu ?tais tendre, et presque d?sol?e, peut-?tre, comme le cr?puscule... Quand nous nous sommes ?tendus sur la mousse, et quand je t'ai enlac?e, nos bouches, en s'approchant, ?taient comme expirantes, et nos coeurs battaient si fort, et nos bras ?taient si faibles que nous cr?mes nous ?vanouir... Marthe! nous ?tions sur la mousse, et ta bouche sur ma bouche, et nos yeux sur nos yeux, et notre ?me ?tait bondissante! Marthe, nous ?tions serr?s, nous ?tions suffoquants, j'ai cru que nous allions mourir d'amour... Comme une fleur qui jaillit, comme un sanglot, ta voix monta: <

Ce soir! Mon Dieu, j'attends ce soir comme s'il allait appara?tre des choses inou?es... Ce soir!... Sans doute, je vais vivre toute ma vie... Ce soir! ce soir!... On dirait qu'apr?s, je n'aurai plus qu'? mourir...

Le bruit du monde s'est ?coul?, toute la lumi?re est ensevelie. Il fait nuit. Je ne respire plus. La soif qui m'alt?re est immense...

Des soupirs qui s'appuient, Marthe, la mer est lourde. Les soupirs montent au ciel, et soutiennent les astres. Les soupirs remplissent la terre. Les soupirs sont ce qui deviendra ensuite les plaintes et les g?missements d'amour. Je souffre, Marthe, un soupir sans fin qui gonfle ma poitrine, la laisse anxieuse et vide...

Penches toi sur moi, prends ma bouche; penches toi sur moi, prends mes yeux. ?coute, je suis plein de toi; tu es dans mon sang, prends mon sang; ?coute, tu es toute en moi, prends toi; tu m'as chass? de moi, tu t'es mise en moi, ce n'est plus en moi que je vis, c'est en toi. Prends moi. Prends moi dans ton ventre, dans ta t?te et dans ton coeur. Je ne suis plus moi, je suis toi. Je suis toi, ne me laisse pas loin de toi, je suis quelque chose de toi s?par? de toi. Marthe! ah! ne le sens-tu pas? Marthe, ne souffres-tu pas, parce que je ne suis en toi? Tout ce que j'ai en moi pourtant, est parti de toi. J'ai de ton souffle et de ta vie, tu dois ?tre plus faible en souffle et en vie. J'ai tes veines, et j'ai de ton sang, ah! tu dois avoir moins de sang!

Colle tes l?vres ? mes l?vres, Marthe, colle ta chair ? ma chair, colle tes bras, colle tes mains, appelle en moi tout ce qui est ? toi. Il y a en moi des ?chos pour chaque partie de toi, tes yeux ont un ?cho, tes seins ont un ?cho, ta bouche a un ?cho, et si tel lieu divin de toi s'appelle en moi, son ?cho lui r?pondra.

Tu parles et tu vis en moi, Marthe. Tu es en moi, toute en moi. Ton premier regard, dans mon ?tre profond, lan?a un germe que ta voix fit cro?tre, et qu'arros?rent tes gestes, la vue de ta chevelure et de ton cou, et ton sourire. Il a pouss? dans mon coeur, il a jet? ses rameaux tout autour, il s'est ?tendu, et maintenant je suis envahi. Et c'est toi, Marthe, ainsi qui es en moi. Tu es en moi, partout en moi... Chaque geste, chaque sourire, chaque regard de toi, chaque parole s'est refl?t? en moi comme dans un miroir qui respire et qui sent. Mais ce miroir-l? ne tire pas ? lui que l'aspect, il prend aussi la vie que recouvre l'aspect. Et quand un sourire de toi entre en moi, ce n'est pas le dessin seulement de la couleur de tes l?vres qui se peint sur l'eau fragile de mon ?me, quand un sourire de toi entre en moi, Marthe, la chair m?me de tes l?vres, leur lourdeur, leur ?paisseur, se creuse dans ma chair et s'y loge, de sorte que j'ai en moi, r?ellement tes l?vres qui sourirent, leur peau, leur mati?re et leur sang.--Et maintenant il y a dans mon coeur une Marthe qui te regarde, qui souffre et qui attend. Ah! viens! Vois-la, reconnais-la, couvre toi de ta forme, habille toi de ton image. Viens! Nous ne souffrirons plus. Viens! A toi, rends toi, reprends toi, ? moi, rends moi. Viens, nous allons ?tre heureux comme Dieu.

Serre moi, Marthe, attache moi de tes bras, enfonce toi dans ma poitrine... Dans mes yeux regarde, vois-tu tes yeux sous les miens; reprends tes yeux. Si tu voyais sous mes joues, tu verrais tes joues, si tu voyais sous mon front, tu verrais ton front, si tu voyais sous mon cou, tu verrais ton cou. Tu es en moi, partout, reprends-toi, reprends-toi.

Bien-aim?e, mes yeux te voient comme ils n'ont jamais vu, mes mains te touchent comme si elles se touchaient, bien-aim?e, j'ai une soif immense. Bien-aim?e, remplis ma bouche de ta saveur, bien-aim?e, fais trembler mes narines de ton parfum... Nos bouches se baisent comme pour se boire. Nous souffrons de l'amour, bien-aim?e, nous souffrons de nous sentir hors de nous-m?mes. Le baiser baise comme pour pomper la vie. Mon baiser baise, mon baiser aspire, mon baiser veut reconqu?rir tout ce qui de moi est en toi; nous souffrons car il nous manque trop de nous; nous nous baisons, c'est pour reprendre en nous ce que nous nous sommes pris. Mon baiser aspire le suc de ta bouche: Je veux tirer du fond de toi, faire remonter en toi, et reboire ? ta bouche, ce que tu bus de moi...

Nos bouches se baisent ? s'?puiser, Marthe. O laisse ta chair enchant?e sur la mienne, des bouches partout se baisent tout le long de nous... Marthe! Marthe! une joie immense monte en moi... Ah! je sens s'ouvrir les portes de nous-m?mes. Nous sommes des eaux qui se m?lent... ? joie! ce qui est en moi coule en toi, ce qui est en toi, coule en moi... ? d?lice, tu n'es plus trop en moi, je ne suis plus trop en toi; tu es en moi comme je suis en toi, je suis en toi comme je suis en moi... Bonheur! nous coulons l'un dans l'autre... Nous sommes des eaux m?l?es! nous sommes des eaux m?l?es!...

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