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Read Ebook: Chair by Montfort Eug Ne

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Ebook has 133 lines and 12748 words, and 3 pages

Nos bouches se baisent ? s'?puiser, Marthe. O laisse ta chair enchant?e sur la mienne, des bouches partout se baisent tout le long de nous... Marthe! Marthe! une joie immense monte en moi... Ah! je sens s'ouvrir les portes de nous-m?mes. Nous sommes des eaux qui se m?lent... ? joie! ce qui est en moi coule en toi, ce qui est en toi, coule en moi... ? d?lice, tu n'es plus trop en moi, je ne suis plus trop en toi; tu es en moi comme je suis en toi, je suis en toi comme je suis en moi... Bonheur! nous coulons l'un dans l'autre... Nous sommes des eaux m?l?es! nous sommes des eaux m?l?es!...

Bien-aim?e! Bien-aim?e! Quelle joie! Quelle lumi?re! C'est le sang de Dieu qui glisse en nous. Tout s'?claire, des lacs ?blouissent, les ?chos parlent, tout r?sonne, je suis rempli de vibrations, mon ?me est comme le tremblement d'une cloche, j'entends, j'entends en moi, immense, le bruissement de feuilles d'airain, sans nombre qui fr?missent au vent...

Tu m'as repris tout de suite. Je croyais ?tre sorti de toi, mais tu n'as fait qu'un pas, et j'ai senti que j'?tais encore en toi, tu n'as fait qu'un pas, et j'ai senti que mon ?me s'en allait encore avec toi... tu es pr?s de moi: je suis plein de vie, de force et de sang; tu t'?loignes un peu: mes veines s'ouvrent; tu t'?loignes plus: mon sang s'?coule; je ne te vois plus: tout mon sang s'est ?coul?, il n'y a plus l? qu'une chair r?pandue, ?tal?e, p?le, informe; elle ne voit plus, elle n'entend plus, elle respire ? peine...

... Tu n'es pas l?, Marthe; je ne sais pas o? je suis. Tu es partie avec ma vie. Entre toi et moi je sens un fil qui se tend quand tu t'?loignes; il se tend, et c'est cela qui me fait mal. O Marthe! si tu t'?loignais jusqu'? le rompre, le sang jaillirait, mon coeur se briserait en morceaux sanglants...

Je ne sais pas o? tu es. Tu es loin, et je ne vis pas...

... O? es-tu, Marthe? Qu'est-ce que tu fais? A quoi penses-tu? Mon coeur est dans ton coeur, et mon coeur souffre si ton coeur ne bat pas pour lui. Es-tu assise? Es-tu debout? Quel geste fais-tu? Je voudrais te voir! As-tu la t?te baiss?e? Ton cou est-il ? d?couvert? Est-ce que la lumi?re ?claire tes cheveux?... O je voudrais te voir!...

Tu es loin, et je ne vis plus.

Je suis assis derri?re une fen?tre, ? travers les rideaux je regarde les arbres; je me prom?ne dans mon jardin, je regarde le ciel; je vais dans les champs, je regarde la terre. Mais je ne vois pas les arbres, mais je ne vois pas le ciel, mais je ne vois pas la terre. Il y a une grande ombre silencieuse en moi, et il n'y a qu'elle que je vois. Elle est comme une nu?e dans le fond de moi, et elle s'?l?ve sans cesse dans ma t?te. Je ne regarde qu'elle tout le jour. Tout le jour je n'?coute qu'elle. Cependant elle ne parle pas, et elle reste immobile...

Je ne peux pas vivre ainsi loin de moi. Je veux que tu viennes. Je suis parti de moi. Dans un jour, tu viendras, je me reprendrai, et tu ne me prendras plus en toi... Je suis enferm? dans ta chair, je ferai fondre ta chair avec ma bouche, pour me d?livrer. Je t'enlacerai, je te prendrai, je boirai ta bouche, je boirai tes seins, je voudrais te boire toute enti?re...

Bien-aim?e! bien-aim?e est-ce que je ne pourrai jamais me d?livrer de toi. Tu n'es pas l?, et es l?. Tu es toujours dans ma t?te, je ne vois rien, je ne vois que ton image. Viens, viens, sois l? et ne bouge pas, je serai heureux...

Mais non, je ne serai pas encore heureux.

De chacune de tes saveurs je mouillerai l'eau de ma bouche, bien-aim?e, je m'arr?terai ? tous les points de ta chair, bien-aim?e, je prendrai tes yeux, je prendrai tes l?vres, je prendrai tes bras, je prendrai tes seins, je les prendrai avec ma bouche, et je les ferai passer en moi... Bien-aim?e, bien-aim?e, mon d?sir ne sera pas encore ?puis?...

L'?me, ? la fen?tre ouverte sur le ciel, voudrait se rafra?chir d'azur... Rose attendri de l'aube viens ?teindre le feu trop ardent de mes yeux, air qui glissa sur le miroir des feuilles, air qui baisa le col des rossignols, ros?e ?vapor?e, air des prairies, air des vall?es, ? fra?cheur, comme une cascade jette toi dans ma chambre, coule, viens tomber sur mon ?me qui br?le comme une lave.

Non! non bondis plut?t, mon coeur! brise ma poitrine de tes chocs! mon ?me flambe et d?vore moi! car dans ma chambre j'attends ma bien-aim?e. O espoir! enivrement comme de boire toute la lumi?re des ?toiles, ma bien-aim?e va venir dans ma chambre, ma bien-aim?e va vivre entre ces murailles blanches!... Est-ce que c'est vrai? est-ce que c'est vrai? ? je ne peux pas y croire... Je t'attends bien-aim?e!... l'impatience ronge mon coeur comme une rouille...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J'ai entendu un pas dans l'escalier. C'est elle! c'est elle! ma bien-aim?e... Souffle de ma vie, ? ne me quitte pas, ? mon Dieu, ne me fais pas mourir maintenant!... Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai port?e... Marthe! Marthe, je voudrais te couvrir de baisers, je voudrais m'?crier, je voudrais te dire... regarde, regarde mes yeux, il n'y a qu'eux qui pourront parler... Je t'aime!... Je suis tomb? ? ses pieds, puis je me suis relev?, je l'ai bais?e fi?vreusement, j'avais le d?lire, j'avais une grande force fr?missante... Marthe! elle tendait sa bouche vers mes l?vres, les ailes de son nez battaient, je la sentais frissonnante, elle mettait son corps devant moi comme quelque chose ? remplir de joie...

Je posai mes l?vres ? ses l?vres pour y boire une fra?cheur qui se coule ? mon ?me en flammes, mes doigts prirent sa ceinture claire, et sa robe s'ouvrait d'elle-m?me pour s'enfuir. Lorsqu'elle tomba--? fol ?merveillement!--le rose de sa gorge jaillit, et il se r?pandit des parfums divins comme si l'aube ?tait venue o? le soleil fait s'ouvrir les fleurs... Avec mes l?vres souples, bien-aim?e, j'ai bais? ta petite chair, j'ai rempli le creux de ton cou, et j'ai connu l'endroit des anges o? le sein commence ? na?tre... Du corps ignor? les linges doux se sont d?pris, et les tr?sors d?licieux, les lieux de charme ont apparu... Chair adorable! boire, ? mes cent mille baisers! ton cou! ?puiser seulement ton cou!... Et comment calmer mon ardeur pour tes seins... Ti?des p?leurs, mourantes et fuyantes clart?s assises sur son ventre, ? roses affolantes de ses seins, comment ?tancher la soif de ma bouche?... Je voudrais que toute ta chair, Marthe, soit sur ma chair, et je baiserais seulement ta bouche, en sentant partout nos chairs se baiser. Marthe! Marthe! nos bras se sont ouverts, et ils se sont referm?s, et nous sommes nou?s l'un ? l'autre... Des petites sources d'?lixir de joie de vie jaillissent et coulent entre nos chairs... Marthe! Marthe! une pluie int?rieure, ?blouissante, ?panouissante, nous inonde...

Ma bien-aim?e, ma d?sir?e, mon coeur, ma joie, ma lumi?re, ? Marthe! Marthe! Marthe! je te veux encore, toi toujours! Toi toute enti?re ma bien aim?e. Tes l?vres, tes seins, ton ventre, toutes les courbes de ton corps, ? Marthe ?tre toujours enlac? ? toi! ?tre toujours contre toi!...

Dans le cerveau, j'ai ton odeur, et j'ai le go?t de ta bouche dans ma bouche, j'ai la musique de ta forme dans mes yeux, et mes doigts vibrent int?rieurement du souvenir de ton toucher... Tout mon corps baigne comme dans une vapeur sensible, la sensation de toi l'entoure et le couvre comme un v?tement. O reviens, Marthe! Tu n'es pas l?, et je suis envahi par toi. O Marthe! je suis plein de toi, je suis lourd de toi, lorsque je bouge, je fais se lever ton odeur. Reviens, au lieu de me noyer dans le souvenir. Marthe, reviens dans la r?alit?. Entre: les fum?es vont se dissiper, tout reprendra la pr?cision vivante; te retrouvant, ton odeur s'?lancera, et se mettra sur toi, et je la respirerai, mes l?vres iront vers les tiennes, et lorsqu'elles seront coll?es je te rendrai le go?t de ta bouche et tu me rendras celui de la mienne; et toute ma chair sera bondissante de s'?prouver au touchement de la tienne...

Quand tu approches de la maison, ? Marthe! je le sais dans mon coeur. Un grand changement se fait dans l'atmosph?re, des lourdeurs se l?vent.

Quand tu approches de la maison, ? Marthe! il y a quelque chose de tremblant qui dans l'air se propage, il y a des ondulations adorables, il y a des sons que je per?ois dans le silence: d'onde en onde, ? Marthe, court un mouvement qui vient me toucher, et qui me p?n?tre, et dont je d?faille...

Quand tu approches de la maison, ? Marthe! chaque pas de toi en avant l'air l'?prouve, et ainsi vient jusqu'? moi, et je sais. Alors, je commence ? ?tre joyeux.

Quand tu approches de la maison ? Marthe! de l'air qui t'entoure s'?chappe, ? d'autre te laissant qui va glisser sur toi, se couler et te baiser comme une fleur, de l'air qui t'entoure s'?chappe et vient jusqu'ici. Tout doucement il entre dans la chambre, se r?pand. Il s'?tend partout, pour ?tre celui qui sera l? tout ? l'heure, quand tu entreras. Il tourne et on dirait qu'il est rose, et il se pose sur moi, et je crois que c'est un souffle de toi. L'air est dans la chambre, l'air est dans la chambre! C'est une joie l?g?re, c'est un r?ve, c'est mon coeur clair de plus en plus. Il me p?n?tre, il est en moi. Ah je sens quelque chose de divin m'envahir, je sens quelque chose m'emplir qui ?tait parti de moi avec toi, je sens la vie qui rentre en moi, je vois la lumi?re qui revient, j'ouvre les yeux, j'?coute et je tremble, je vois, j'entends, je sens, ? d?lices, c'est elle! elle est pr?s de la maison, elle approche, elle monte l'escalier, elle va entrer...

Lorsque tu es au seuil, Marthe ? mon illuminante, je d?faille ? cause de l'immense joie si prochaine. O tout mon coeur gonfl? qui s'?pand dans ma poitrine, et qui monte en flots dans ma gorge et qui m'?touffe, ? tout mon coeur gonfl? s'?panchant par ma bouche dans ton baiser! Ma d?licieuse, de ta bouche la pulpe se fondant donne ? l'eau de ma bouche un go?t de rose. Des ruisseaux de d?lice coulent en moi, ? Marthe mon coeur est d?bordant d'amour!

Tu es debout devant moi, et ta robe frissonne; alors je te d?sire profond?ment. A chacun de tes gestes, ma poitrine s'ouvre pour aspirer l'air que tu as remu?. O Marthe je sais que dans ta chair, ? chacun de tes gestes se creusent des lignes, des sentiers, des vall?es, des sourires, j'en suis ivre; sur ta chair unie, ferme et bomb?e comme une pelouse, ? saisir plus qu'avec mes l?vres le jeu des dessins fuyants! Le mouvement silencieux de ton bras qui se l?ve, si souplement, si souplement, cette blancheur qui se d?place sans qu'on entende, ta chair bougeante, ? muette et douce.

Ta robe frissonne. Du sein rond o? elle se colle, je la vois tombante tout autour de toi; ses plis jouent, ah! me baigner dans ses plis. En elle vit le souffle de ta vie, ? robe! je voudrais qu'elle m'enferme, qu'elle m'enveloppe de son tissu, qu'elle me cache sous elle, et que tout ce qui se passe sous elle ne soit que pour moi, je serais attentif et tremblant sur ta chair, je serais comme en pri?res, je surprendrais l'air subtil de ta vie, tes fr?missements, tes soupirs, le frisselis de ta peau le plus menu, prodigieuse expression de toute ta vie divine, myst?rieuse et profonde.

LIVRE SECOND

Que tu sois l? ainsi immobile, Marthe, que tu sois l? dans la chambre, cela me donne autre chose qu'une tr?s grande joie... Tu n'es pas tout pr?s de moi, tu es ? la fen?tre, et je suis ? la porte... mais seulement de te sentir l?, de sentir l? dans cet espace arr?t?, respirante et active, toute ta vie, je suis tremblant, je suis affol?, je suis port? ? un d?sir inou?... Ah! Marthe! te voir seulement, l?, debout et immobile!... en moi, c'est comme la lumi?re qui roule des plaines au soleil, je suis resplendissant, les parois de mon corps contiennent avec peine un rayonnement de flots qui ?tincellent, j'?touffe, je suis ivre...

... Dans l'espace qu'arr?tent ces murs, Marthe, s'?l?vent comme des flammes, se penchent, s'attirent, souples, lisses et flexibles, nos deux vies... Nos deux vies! Nos deux ?tres... Il y a dans cette chambre comme deux parfums que se lanceraient deux fleurs, et sur les choses soudain l'on saisit des ?clairs, c'est que passantes les touchent nos deux ?mes...

... Approches-toi, Marthe, approches-toi, viens plus pr?s de moi... O ma chair! ? mon sourire!... Bien-Aim?e je sens l'amour plus fluide que de nos corps... ma vie voudrait aller vers la tienne... O! comme des souffles s'?taler, s'enrouler, se p?n?trer... Et maintenant Marthe... maintenant, pendant cette seconde, maintenant que tu marches et viens vers moi... je sens ma vie encore plus attentive et plus tourment?e de fuite, pendant cette seconde o? toute ta vie est ainsi, veillante, venant vers toute la mienne, je crois qu'il na?t en moi des nappes de clart?s... ah! c'est peut-?tre ma vie, plus ardente, plus forte, et pure, qui donne ? mon coeur cette aube blanche, ou peut-?tre elle m?me se pare-t-elle de toute sa splendeur de lumi?re, pour te recevoir toute toi-m?me qui t'approche...

Tu t'approches... tu t'approches... Approches-toi... mais approches-toi... approches-toi encore...

... Malheur! malheur ? nous Marthe! On ne peut plus approcher?... Quoi? Quoi donc? O malheur! tu t'es press?e contre moi, et mon corps t'a arr?t?e... Ah! quel r?ve ai-je donc fait? Qu'est-ce que j'ai dit?... Mon ?me ?tait toute pr?te pour s'unir ? la tienne, j'attendais, il y avait en moi une clart?... Et tout ? coup tout s'?teint... Marthe! Marthe! tu ne t'approches plus! Marthe! on ne peut plus s'approcher!...

Aujourd'hui je suis sorti. Je me suis promen? dans les all?es, sous les feuilles et ? l'ombre. Sur une route o? les rameaux des arbres les uns aux autres se joignent, s'enlacent, emp?chent de voir le ciel, et font obscur le sol, j'ai march? doucement et longtemps; un souffle frais passait sur mon visage, sur mon cou, sur mes mains, avec la douceur et l'insistance d'une eau courante... Des deux c?t?s de la route sombre et reposante, ? travers les rameaux des arbres qui pendaient en rideaux, j'entrevoyais des champs ?clatants de lumi?re et l'ombre lourde des gens courb?s qui travaillaient.

Dans le demi jour de ma route je me suis appuy? sur le tronc d'un arbre,--ouvert comme une ?me d?sol?e d'amour, j'ai senti toute la douleur humaine m'envahir... mon ?me! ? trou noir et sans fond, je t'ai vue! bless?e, douloureuse, et g?missante pour toute la vie, ? puits sans lumi?re ? jamais! mal de mon ?me, eau qui para?t dormante, et qui veille toujours, et qui souffre, et qui pleure... Des violons ont trembl? dans mon coeur, sur des fr?missements de douleur inconnue leur chant vibrant long s'est tra?n?, un ?cho d'abord lent comme une forme blanche soulev?, puis un ?cho comme de cris ?clatants, puis des g?missements et des vagues de plaintes sont descendus de tous les murs de mon coeur, et l'ont troubl?, et l'ont fait frissonner, et l'ont rempli comme l'air sonore d'une vo?te!... Ah! pauvres t?tes courb?es sur le sol, pauvres yeux qui regardez la terre, h?las j'ai su combien vous ?tiez loin de votre vie! je vous ai vues, petites ?mes placides, s?par?es de votre d?sir autant que des ?toiles!... O d?solation, d?sespoir! larmes de fi?vre dans une solitude de cellule! regards tristes, gestes las, je n'ai plus song? qu'? vous pour exprimer mon ?me! H?las! tout le ciel ne me remplirait pas!

... La lumi?re tombe sur mon front, l'?claire, puis s'?teint et rena?t, alternativement et toujours, ? cause de l'ombre des feuilles changeantes, ? mon front blanc, mon pauvre front, et vous mes yeux qui avez soif de voir ce qu'on ne voit pas!... Une tristesse infinie est mont?e en moi comme une mar?e, et je ne sais quels sanglots se brisent dans ma gorge comme des vagues qui viennent de trop loin... H?las! H?las! on dirait qu'un espoir supr?me, immense, dans lequel se baignait toute l'existence secr?te, inapparente de mon ?me, s'est enfui soudain et m'a laiss? vide...

Mon Dieu je suis triste comme un d?sert! je ne puis pas regarder, toute mon ?me est endolorie. Je ne vois plus de possible que les larmes. Que je suis loin de toutes choses! je suis seul! je suis seul! C'est un fleuve qui a crev? en moi. Tout ce qui ?tait en moi s'est ?croul?, maintenant il n'y a plus que des ruines d?sol?es et des plaines mornes. Mon Dieu! mon Dieu! je suis comme un d?sert.

H?las autrefois, il y avait pourtant de belles prairies en moi et des ruisseaux et du soleil, et j'avais des joies fra?ches... Tout est emport?. Je ne pourrai plus ?tre heureux... Ah pourquoi mon ?me s'est-elle ?clair?e? O? d?sormais le monde la satisfera-t-il? O? trouvera-t-elle ? donner un baiser?...

Voil? que le soir tombe. Il fait tr?s doux maintenant, la fi?vre br?lante est partie des choses, elles sont un peu apais?es, elles sont silencieuses, mais une langueur demeure et fait souffrir, on dirait qu'un grand sanglot va s'effondrer, d?gonflant tout, crevant soudain dans le silence. J'ai le coeur serr?. Les oiseaux qui criaient se sont tus. Les grands arbres noirs sont tout ? fait tranquilles. O la paix attentive de ce silence!...

Le ciel est p?le, le ciel est blanc, il est clair et diaphane comme un cristal, il est lumineux tr?s doucement, on devrait voir ? travers. Qu'il est oppressant de regarder le ciel, voil? l'?me en all?e, le ciel est si blanc, le ciel est si clair, ? comment cela se fait-il qu'on ne voit pas Dieu?...

Le soir tombe et toutes voix sont ?teintes. Mais le silence qui descend sur le monde, n'entre pas dans mon ?me. Plus rien ne souffle, plus une branche lentement ne s'incline, plus une herbe, plus une feuille, et l'eau que rien ne ride est immobile maintenant et lisse comme un miroir. Feuilles, petites feuilles au-dessus de ma t?te, ?tes-vous donc fig?es pour l'?ternit??--je n'entends pas ma voix... Rien ne bouge... Nous sommes peut-?tre au fond d'un lac...

Quel silence! Il fait nuit. Quel silence. Je voudrais entendre le bruit d'un jet d'eau, des gouttes d'eau, des gouttes d'eau...

Ah quel silence! Une voix qui jaillirait maintenant prendrait au silence un son d'or vivant, ce serait une harmonie belle et d?licieuse comme de sentir son sang doucement couler des veines ouvertes, et se sentir peu ? peu, peu ? peu ne plus vivre... Une voix qui jaillirait maintenant se frapperait ? des murs d'airain de silence, bondirait et se propagerait, vibrante, ?perd?ment sonore en des ?chos profonds... Ce silence est comme une eau tranquille, le rayon mince qui la perce se lance, et d'onde en onde fr?mit, et s'?parpille en couronne aux milles lames tremblantes, flamboyantes d'acier, le mince rayon, la petite lueur qui perce l'onde, s'?lance,--se propage,--et s'?talant blondit ?blouissamment le sable au fond des eaux...

Silence! Ah quelle voix va jaillir? Quelle parole adorable s'?panouir? O? es-tu bouche qui va parler? Mon ?me veut se nourrir de ton souffle... Amante!... Mon amante!... Dieu, quelle nuit pour sa venue! Mon ?me est pleine, si le soupir immense dont elle souffre s'exhalait, je crois qu'il d?chirerait le ciel!... O mon Dieu, les roses sont mourantes, je ne peux plus respirer, mon Dieu, mon Dieu, est-ce qu'il n'y a pas de l?vres pour me baiser sur le coeur?...

La lune! Voil? la lune! elle tombe sur les feuilles; ah les arbres se noient! Et voil? les pelouses inond?es. Comme elle est blanche. Comme elle est blanche, comme elle est pure, comme elle est fluide, comme elle glisse! O mon Dieu la voil? qui me baigne, elle fond mes mains, elle mouille mon cou!... Amante... Amante... Ah! que je souffre!... Je sens mon ?me qui voudrait s'?chapper en toi...

... Il faudrait qu'elle soit l?, pench?e sous l'?clat de la lune, et attentive ? moi pour recevoir mon ?me pr?te ? s'?chapper... Amante... Elle tressaillirait... O me sentir baign? en elle comme dans les rayons de la lune! Sentir nos ?mes s'?changer en courants, lumineuses comme ces lueurs divines... Amante!... Elle se pencherait sur moi, elle me recevrait!... Amante!... Amante!

Que faire? O? aller? Que faire dans la vie? O? aller dans la vie?... Je suis perdu tout seul dans la nuit. Je suis une ?le au milieu des eaux. Je suis une ?toile au milieu du ciel. Je suis seul! Je suis seul! Je suis une pauvre ?me qui pleure, et je ne sais plus rien: qu'est-ce que l'amour? qu'est-ce que la vie? qu'est-ce que la joie? qu'est-ce que la douleur? ? dites moi, dites-moi surtout: qu'est-ce qu'on appelle le bonheur?...

Soleil!... Il y a du soleil jusqu'au bout du monde... Toute la plaine est dans la lumi?re. Petite feuille, petite feuille, balance le soleil... Suis-je l?, ou ne suis-je pas l?? Voil? des branches, voil? de l'herbe, je sens qu'elles ne me voient pas. Je suis dans la plaine! Je dois, comme ce mouton, porter de la clart?!... Je marche, mon pied s'appuie, est-ce que je ne p?se pas comme un homme? Je suis dans la plaine! On ne m'entend pas, qu'est-ce qui entend? Je suis si loin! J'?coute, et je n'entends pas les oiseaux...

O comme ce beau ciel bleu est triste ? mon ?me solitaire! Navrantes splendeurs, beaut?s pour les larmes, ? fastes d?solants. La joie qui chante dans la musique des arbres, et le frisselis des eaux, les ?blouissements roulants sur les pelouses, les feuilles qui chatoient et la lumi?re comme un fleuve, vous m'accablez, vous m'accablez... O ma pauvre ?me solitaire, quels tumultes de joie, quels ?tincellements d'all?gresse, les fleurs se balancent en parfumant, et les oiseaux s'?lancent vers le ciel... D?sespoir! tout s'?crie de bonheur divinement, et moi je ne puis que g?mir! O moi qui voudrais tellement m'?lancer vers le ciel, moi qui voudrais baiser l'azur, h?las! h?las! ? douleur! Pourquoi ce parc est-il si beau, pourquoi ce ciel, pourquoi cette eau, pourquoi, pourquoi mon Dieu? N'est-ce donc que pour emplir mon ?me des immenses d?sirs, que pour la d?cevoir, et pour qu'elle pleure ainsi affreusement au spectacle de son impuissance?...

Mon ?me est pleine, mon ?me d?borde!

Je ne puis pas contenir mon ?me... ... Mais elle ne peut pas s'?pancher!...

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