bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: L'école des vieilles femmes by Lorrain Jean

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 771 lines and 48890 words, and 16 pages

--Vous ?tes idiot, Sourdi?re, je connais tous les officiers du 27e chasseurs. Vous pouvez marcher.

--Eh bien, c'est Gennaro Olivari.

--Si je le connais! C'est un Corse. Il n'a rien pour lui, ce gar?on.

--Ce n'est pas l'avis de Miss Waston.

--Ce Sourdi?re est stupide! tu nous fais languir.

--Et tout cela pour un petit chasseur alpin, pour un Gennero Olivari?

Et courageusement la jeune fille s'exila. Elle mit les agences de Nice et de Cannes en campagne; on lui indiqua le vieux domaine des Est?rais. La solitude de la ruine et la sauvagerie de six vall?es, vues ? vol d'oiseau du haut des terrasses, d?cid?rent son choix. Miss Eva Waston passerait l'?t? aux Est?rais. Sa tante mistress Elena Migefride consentait ? tenir compagnie ? sa ni?ce; les gages doubl?s faisaient renoncer la livr?e aux plages et aux villes d'eaux.

L'Am?ricaine avait compt? sans l'ennui.

Vers le dix juin, les op?rations de manoeuvres des r?giments en garnison sur la Riviera arrivaient ? temps pour animer un peu les Alpilles. La fille de master R?ginald s'y alanguissait. Tous les printemps, vers la fin mai, artilleurs et chasseurs alpins quittent Nice, Menton, Villefranche et Antibes pour les hauteurs, Fontan, le Breil, Lagay et Turini; un simulacre de petite guerre ?chelonne des groupes d'uniformes, des mouvements de pi?ces d'artillerie et d'ascensionnantes files de mulets dans les creux des ravins et sur la pente des cimes; toute une arm?e en marche essaime ses r?giments, ses bataillons et ses batteries tant dans la verdure sombre des sapini?res que parmi l'?cume des torrents, Miss Eva Waston accueillit, la jumelle en main, ce changement dans ses horizons.

Elle accueillit mieux encore la premi?re batterie d'artillerie qui vint, pr?c?d?e d'un fourrier, demander un logement aux Est?rais. Le salon fit f?te aux officiers, les cuisines acclam?rent les hommes; les deux femmes exil?es se reprirent ? la vie en ?coutant ces messieurs raconter leurs ?tapes. Le h?le des visages et la courbe des b?rets anim?rent la monotonie de leur existence. Miss Eva Waston, qui ne buvait plus que de l'eau, se remit au champagne. La premi?re compagnie, venue l?, au hasard de la route, avait ?t? log?e et nourrie un peu ? la fortune du g?te. Il y eut d?sormais des chambres et un menu pour les officiers; la jeune fille elle-m?me s'en occupa. La t?l?graphie sans fil n'est pas ce qu'un vain peuple pense, les Est?rais devinrent bient?t l?gendaires dans le corps d'arm?e camp? entre Puget-Th?niers et Fontan. On s'arrangea pour y faire ?tape.

Un soir, o? deux compagnies de chasseurs alpins ?taient venues demander le g?te aux Est?rais, les officiers rompus de tant de fatigues une fois mont?s dans leurs chambres, Miss Eva Waston, qui ?tait demeur?e au salon avec sa tante El?na et, pench?e sur le billard, s'essayait distraitement ? un carambolage, quittait tout ? coup son jeu et venait se planter devant la vieille dame.

--Ma tante, lui disait-elle, quel est le nom de l'officier que vous avez mis dans la chambre dix-huit?

--Mais, je ne sais pas. J'ai la liste l?-haut chez moi, je te le dirai demain. Cela n'a pas d'importance, n'est-ce pas?

--Pardon, cela a beaucoup d'importance, car cet officier me pla?t, et je n'?pouserai que cet homme-l?.

--Bon Dieu! qu'est-ce qui te prend encore et que dira ton p?re?

--Papa! Il ne dira rien. Je suis assez riche pour ?pouser l'homme de mon choix.

--Une nouvelle folie! mais qu'importe son nom. Ces messieurs ne partent que demain soir, tu le reverras.

--Je ne connais pas son visage.

--Comment! et tu veux l'?pouser!

--Ma tante, ?coutez-moi . Vous savez que je suis une fille tr?s pratique.

--La vraie fille de ton p?re.

--Vous savez quels partis j'ai refus?s.

--H?las!

--J'entends ?tre une tr?s honn?te femme, c'est-?-dire aimer exclusivement et tr?s ardemment un homme qui m'aimera... et qui pourra m'aimer.

--Eva!

--Nous nous comprenons, ma tante. Eh bien tant?t, quand ces messieurs sont arriv?s et sont mont?s dans leurs chambres pour se changer et faire leur toilette, j'ai voulu m'assurer moi-m?me si le personnel avait bien ex?cut? les ordres, et je r?dais par les couloirs. La porte de la chambre dix-huit ?tait entreb?ill?e, je crus son h?te absent et, voulant voir si John avait fait les rangements n?cessaires, je poussai cette porte et j'entrai. Je retenais mal un cri. Un tub rempli d'eau ?tait ? terre, un homme debout changeait de chemise. Je ne vis que ses jambes et ses genoux, la chemise lui cachait le visage. L'inconnu tournait le dos, fit ? mon cri volte-face, et je vis l'homme brun et muscl? comme un vrai bronze antique. Ma tante, je n'?pouserai que ce monsieur.

--Mais c'est ?pouvantable.

--Non, ce sera tr?s sage, car je suis s?re d'?tre tr?s heureuse avec ce mari. Maintenant, ma tante, donnez-moi son nom.

--Allons montons, tu entreras chez moi.

--Ah mon Dieu! faisait la vieille dame, apr?s avoir feuillet? son calepin, regarde, c'est une fatalit?. J'ai mis deux officiers dans cette chambre, elle est ? deux lits. M. Gennaro Olivari et Albert Maxence, tous deux sous-lieutenants. Nous voil? bien!

--Vous ?tes bien l?g?re ma tante, enfin cela me regarde.

--Comment?

--Oh, n'ayez aucune crainte, vous savez que je suis une tr?s honn?te fille.>>

Le lendemain, au d?jeuner, les huit officiers flirtant autour des deux femmes, Mistress Elena Migefride ne quittait pas des yeux les deux sous-lieutenants, qui flanquaient la droite et la gauche de sa ni?ce. La jeune fille, tr?s anim?e, partageait ses faveurs entre les deux hommes, tous deux h?l?s par le grand air de la montagne, trapus et moustachus et l'oeil clair sous les cheveux ras. M. Albert Maxence, blond et un peu plus grand que son camarade, semblait plus distingu? ? la tante; M. Olivari, presque Sarrazin de type et de peau, tant son profil ?tait brusque et ses prunelles aigu?s et noires, d?concertait un peu Mistress El?na. A une heure et demie on passait au salon et, la jeune fille ayant servi le caf? ? ses h?tes, se retirait dans ses appartements. Il fallait bien laisser ces messieurs faire la sieste avant la grande ?tape du soir. Les deux compagnies partaient ? six heures. Les officiers prenaient cong? des deux femmes et Miss Eva Waston, rest?e seule avec sa tante, passait doucement un bras autour de la taille de la vieille Am?ricaine et d'une voix persuasive et ferme: <>.

--Le Corse!

--Oui, le Corse. C'est bien lui que j'ai vu hier.

--Mais comment sais-tu?

--Oh c'est bien lui et non pas l'autre, Mariette est une fille tr?s d?vou?e. Elle a ?t? jusqu'au bout de l'exp?rience.

--Comment Mariette, ta femme de chambre! sous mon toit! Je ne veux pas de cette fille une minute de plus dans cette maison.

--Elle part ce soir. Je lui ai reconnu vingt mille francs, elle est dot?e et n'a plus rien ? faire pr?s de nous.>> A quoi la vieille dame stup?faite: <>

--Non, mais je m?rite d'?tre heureuse, car j'?pouse le mari de mon choix.>>

Maintenant, concluait Paul Sourdi?re, croyez-vous que Miss Eva Waston e?t distingu? son lieutenant corse, si elle n'avait eu deux mois de solitude alpestre sur les ?paules et dans les veines six mois de climat de la Riviera.

Paul Sourdi?re venait de faire la sieste.

Vautr?, les jambes ouvertes, en travers d'une chaise longue en bambou, la t?te cal?e sur un coussin en caoutchouc, il regardait vaguement la vaste chambre baign?e de clair-obscur; dehors une chaleur atroce flambait en minces bandes de lumi?re aux lamelles des persiennes; un courant d'air, ?tabli dans l'escalier par tout un jeu de fen?tres ouvertes, rafra?chissait un peu la pi?ce, mais les moustiques l'avaient fort maltrait? l'avant-veille au restaurant, et les piq?res lui cuisaient encore le front et les tempes. Il avait eu beau employer la glyc?rine, l'eau de Gorlier, la vaseline au menthol et jusqu'au sublim? coup? d'eau, les rougeurs persistaient enflamm?es et br?lantes, et le jeune homme jurait bien qu'on ne le reprendrait pas de sit?t ? aller d?ner, le soir, au bord de la mer.

La vue du lit, ennuag? de longues draperies de tulle blanc, lui promettait au moins la tranquillit? de la prochaine nuit. C'?tait un mod?le in?dit de moustiquaire. Il allait l'inaugurer le soir m?me. Il la tenait de la princesse Outcharewska, vieille Anglaise ?pous?e sur le tard par un Russe et qui avait longtemps habit? les grandes Indes. La princesse Outcharewska passait ses hivers au Caire et ses ?t?s ? Nice, elle y arrivait fin avril et n'en partait que vers le 15 octobre.

--Ils sont bien pis ? Biarritz, avait-elle dit en mani?re de consolation au jeune homme, les moustiques de la c?te basque sont les plus terribles de l'Europe. F?roces ? Biarritz, ils sont sanguinaires ? Saint-S?bastien; le sang des corridas les affole.>>

La princesse amusait Paul Sourdi?re par l'impr?vu de ses observations physiologiques ? propos de tout et sur tout, sur les moeurs et sur les plantes, sur les climats et sur les hommes, sur les moustiques et les corridas. On mangeait chez elle des plats bizarres et un peu r?pugnants, mais d'une saveur persistante et curieuse. La princesse avait beaucoup voyag?, beaucoup roul? m?me, et avait rapport? de tant de pays parcourus des recettes culinaires, des formules d'onguents, de baumes et de vins aromatiques et jusqu'? des fards et des poudres qui, les jours o? sa chimie r?ussissait, lui faisaient une peau de cam?lia; mais la princesse ne r?ussissait pas tous les jours. C'est sa femme de chambre qui avait taill? elle-m?me la moustiquaire, dont se r?jouissait le jeune homme. La tr?pidation d'une automobile faisait crier le gravier du jardin, le timbre de la porte annon?ait un visiteur; et, formidablement ennuy? du contre-temps, Paul Sourdi?re se levait de sa chaise longue et, s'avan?ant, pieds nus, jusque sur le palier:

--Qui est l?? demandait-il, pench? sur la lourde rampe de l'escalier.

--C'est une dame, faisait le valet de chambre en tendant une carte.

--Donne.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top