Read Ebook: Comment placer sa fortune by Bainville Jacques
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Ebook has 450 lines and 64856 words, and 9 pages
Produced by: Laurent Vogel
APR?S LA GUERRE
COMMENT PLACER SA FORTUNE
PAR JACQUES BAINVILLE
L'INSTABILIT? DES FORTUNES PRINCIPES SUR LESQUELS DOIT REPOSER UNE FORTUNE. DES IMMEUBLES--DES PLACEMENTS HYPOTH?CAIRES. EMPRUNTS D'?TATS--LES CHEMINS DE FER FRAN?AIS ET ?TRANGERS--LES VALEURS INDUSTRIELLES--BANQUES ET SOCI?T?S DE CR?DIT--LA SP?CULATION ET LA BOURSE--LE CAPITALISTE, LES IMPOTS ET LES LOIS
PARIS NOUVELLE LIBRAIRIE NATIONALE 3, PLACE DU PANTH?ON, 3
IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE SUR VERG? TEINT? DES PAPETERIES LAFUMA FILIGRAN? AU MONOGRAMME DE LA NOUVELLE LIBRAIRIE NATIONALE 50 EXEMPLAIRES NUMEROT?S A LA PRESSE
Copyright 1919, by Soci?t? fran?aise d'?dition et de Librairie, proprietor of Nouvelle Librairie Nationale.
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation r?serv?s pour tous pays.
AVANT-PROPOS
Ce livre s'adresse ? toutes les personnes qui, poss?dant une fortune petite ou grande, d'origine ancienne ou nouvelle, ont besoin de principes directeurs et de renseignements pratiques pour la placer et l'administrer.
En cette mati?re, ce ne sont pas les conseils qui manquent. Mais les conseils d?sint?ress?s sont rares. Chacun se m?fie du d?taillant qui vante un produit. On se demande: <
Les pertes ?normes subies par les capitalistes fran?ais dans ces derni?res ann?es ont en grande partie pour cause les erreurs, volontaires ou involontaires, des financiers ou des ?tablissements de cr?dit qui s'?taient constitu?s les tuteurs du capital et de l'?pargne. L'auteur de ce livre n'a aucune esp?ce d'attache financi?re. Il ne soutient aucun syst?me. Il livre au public le r?sultat de ses ?tudes et de ses observations.
Sa seule ambition est de rendre service. Quant ? son int?r?t, il a consist? ? ?crire un ouvrage qui, ?tant utile ? beaucoup de monde, pourra ?tre lu avec profit par un public nombreux.
Les personnes auxquelles nous avons song? en ?crivant ce livre sont l?gion en France, ou la fortune, aux degr?s les plus divers, est si r?pandue. Il nous est apparu aussi que les meilleurs trait?s du m?me genre ?crits avant la guerre ne s'appliquaient plus aux circonstances actuelles. Un guide nouveau ?tait n?cessaire pour tenir compte des bouleversements survenus depuis 1914 et de ceux qui pourraient se produire encore.
A qui nous adressons-nous? Non seulement aux personnes qui vivent de leurs revenus, mais aussi ? celles qui s'enrichissent par leur travail et leur ?conomie et ? qui leurs occupations ne permettent pas d'?tudier ? fond par elles-m?mes la meilleure mani?re de mettre leur ?pargne ? l'abri, dans un temps o? la s?curit? des capitaux est si pr?caire.
<
Ce besoin est plus grand aujourd'hui que jamais. La prudence, la science et la r?flexion, n?cessaires en tout temps ? la conservation de la richesse, sont indispensables dans les p?riodes agit?es. Le rentier, l'actionnaire, le propri?taire foncier, le commer?ant, le p?re de famille: voil? les personnes dont nous souhaitons ?tre lu. C'est ? elles, c'est ? nos classes moyennes, indignement ran?onn?es par des financiers sans patriotisme et sans scrupules, que cet ouvrage est d?di?.
J. B.
APR?S LA GUERRE
COMMENT PLACER SA FORTUNE
CHAPITRE PREMIER
UNE P?RIODE D'INSTABILIT? ET D'INS?CURIT? POUR LES FORTUNES
L'instabilit? des fortunes est un ph?nom?ne de tous les temps.--La guerre a consid?rablement aggrav? ce ph?nom?ne.--Longue p?riode de s?curit? et d'enrichissement de 1815 ? 1914--Le danger d'autrefois ?tait la baisse de l'int?r?t et les conversions.--Fausses croyances nourries ? cet ?gard: l'argent ne devait plus rien rapporter.--L'int?r?t s'est relev?, mais des capitaux ont ?t? d?truits.--?branlement de toutes les fortunes.--Autres menaces qui p?sent sur elles.--Probabilit? de grandes crises financi?res, sinon de catastrophes.--De nouvelles m?thodes de gestion des patrimoines sont n?cessaires.--En quoi l'esprit et les habitudes des capitalistes doivent changer.
Nos p?res, qui en savaient bien autant que nous, avaient coutume de dire qu'une fortune est plus difficile ? conserver qu'? acqu?rir. Ils disaient aussi qu'une fortune ne passe pas trois g?n?rations. C'est ce qu'exprimait le proverbe de la vieille France: <
Les ?v?nements ont pris une autre tournure. On s'alarmait pour le revenu, en se croyant s?r du capital. ?'aurait d? ?tre le contraire. S'il est vrai qu'aujourd'hui bien peu de personnes peuvent se dispenser de travailler, ce n'est pas parce que l'argent ne rapporte plus rien: l'?tat lui-m?me emprunte ? 5,70 p. 100 et les placements ? 6 p. 100 sont devenus communs. Mais, ? la s?curit? d'autrefois, qui avait engendr? la diminution de l'int?r?t, a succ?d? une ins?curit? profonde. Il n'y a plus pl?thore mais destruction de capitaux. La guerre europ?enne en a consomm? et an?anti une quantit? prodigieuse. Les ?tats se sont endett?s par centaines de milliards. Les grandes entreprises d'int?r?t public, telles que les Compagnies de chemins de fer, ont elles-m?mes subi des pertes immenses. Il y a eu des ruines de toute sorte, une diminution formidable de la richesse universelle. Sans doute on a vu des fortunes se faire. De grandes quantit?s de billets de banque, de titres des rentes nouvelles circulent de main en main. Ce n'est pas un enrichissement v?ritable. Le papier ?mis ne tient pas lieu des choses consomm?es et d?truites, de celles que la diminution du travail a emp?ch? de produire. C'est ainsi que, chez les bellig?rants les plus gravement atteints, le papier-monnaie a pris un d?veloppement inou?, alarmant, qui a eu pour premi?re cons?quence d'entra?ner l'avilissement de sa facult? d'achat et la hausse de tous les prix. C'est au milieu d'une immense r?volution ?conomique que nous vivons. Et une r?volution ?conomique entra?ne fatalement une r?volution sociale, ? forme silencieuse ou explosive: peu importe. L'effet est le m?me pour les individus.
La richesse, pendant la guerre et depuis, s'est d?plac?e. Elle a chang? de mains. Il y a de <
Peu ? peu, ces conditions ont chang?. Et puis, avec le temps, beaucoup d'?l?ments des fortunes fran?aises ont vieilli. On a oubli? les services rendus par le capital lorsqu'il s'?tait agi de mettre les mines en valeur et de construire les voies ferr?es. Il para?t moins naturel qu'autrefois que le fait de poss?der une action de chemins de fer ou de charbonnage donne le droit de toucher des dividendes copieux ? une personne qui ne conna?t les locomotives que pour avoir voyag? et le charbon que pour se chauffer au coin de son po?le. L'exp?rience ayant prouv? que le travail lui-m?me avait besoin du capital, celui-ci n'est pas d?chu de son droit ? l'int?r?t, mais sa part est restreinte et, si restreinte soit-elle, encore contest?e.
Il r?sulte de ces divers ph?nom?nes que les patrimoines fran?ais sont largement entam?s, gravement ?branl?s et expos?s ? des diminutions nouvelles par le fait des circonstances. La situation financi?re de notre pays elle-m?me, apr?s les formidables d?penses de la guerre, n'est pas sans inspirer des inqui?tudes. Sa dette colossale, ajout?e ? un passif d?j? lourd, oblige ? se demander si la France pourra toujours faire face ? ses engagements. Ainsi, d'une part, les revenus sont r?duits par les pertes ?prouv?es ou menacent de l'?tre par des pertes nouvelles. De l'autre, les imp?ts s'aggravent, se multiplient, et la vie est devenue plus co?teuse. Jamais l'administration d'une fortune n'a ?t? plus difficile.
Il est donc bien certain que les id?es qui avaient cours avant la guerre doivent ?tre r?vis?es. Un capitaliste qui s'ent?terait ? suivre les pratiques recommandables autrefois irait directement ? la ruine. A temps nouveaux, besoins nouveaux.
Assur?ment, la propri?t? sera ?ternelle. Depuis que les hommes vivent en soci?t?, elle a surv?cu ? tous les bouleversements et elle survivra encore ? celui-ci. Le capital lui-m?me se reconstituera toujours. La difficult?, dans une p?riode de transition, consiste ? sauver le capital existant et ? le garder entre ses mains.
Existe-t-il une recette infaillible pour abriter les capitaux et les soustraire aux cons?quences des m?tamorphoses ?conomiques et sociales? Nous ne le croyons pas. Nous nous proposons seulement de donner dans ce livre des indications pratiques et utiles, de mettre en garde contre des ?cueils, de dissiper de dangereuses illusions, d'exposer des principes fond?s sur l'observation et sur l'exp?rience et dont l'application permettra aux capitalistes et aux rentiers d'?chapper au moins ? une partie des risques auxquels ils sont expos?s pour longtemps. Selon toutes les apparences, les agitations ne sont pas pr?s de prendre fin en Europe. L'ordre nouveau ?tabli par la paix n'est pas lui-m?me tr?s s?r. Le f?t-il, que la liquidation serait encore p?nible et douloureuse. Sans doute, personne ne peut se vanter de tout pr?voir. Mais celui qui ne pr?voit rien et qui s'en remet au hasard, comme celui qui ne veut rien changer ? ses habitudes, est le jouet des ?v?nements.
Nous sommes convaincu que les classes moyennes, durement ?prouv?es par les cons?quences de la guerre, r?sisteront ? la tourmente. Form?es par le travail et l'?conomie, elles savent que l? sont les seules sources de la richesse. Si elles ont ?t? frapp?es, ce n'est pas leur esprit de cupidit? ou leur go?t du risque qui en est cause. Leur prudence et leur mod?ration sont proverbiales. Elles ont toujours eu pour principe de rechercher moins de gros int?r?ts ou des b?n?fices que la s?curit? du capital, ou ce qu'on croyait ?tre autrefois la s?curit?. Si elles ont p?ch?, c'est par exc?s de confiance. Le nom illustre de Ferdinand de Lesseps avait suffi jadis ? engager dans le Panama les plus timides, alors que le canal de Suez, dans sa nouveaut?, avait effray? le public. Pour les fonds russes, l'appel de l'?tat fran?ais, la propagande des ?tablissements de cr?dit, le prestige d'un Empire immense et dont les faiblesses ?taient inconnues: voil? ce qui a s?duit les souscripteurs bien plus que l'attrait d'un int?r?t ?lev?. C'est par la m?me confiance, le m?me respect des institutions anciennes et c?l?bres, que la bourgeoisie fran?aise s'est attard?e aux actions de nos compagnies de chemins de fer, alors que ces titres ne promettaient plus que des d?boires ? leurs porteurs.
On a dit bien des fois que l'?ducation financi?re du public fran?ais ?tait ? faire. Ce sont malheureusement des aigrefins, souvent patent?s, qui s'en chargent et qui exploitent la cr?dulit? et l'esprit de routine. Les capitalistes, pour se d?fendre, vont avoir, encore plus qu'hier, besoin d'esprit critique. Plus qu'hier ils devront ?tre renseign?s, ils devront ?tre prudents, mais prudents ? bon escient, et non pas sur la foi de charlatans ou d'interm?diaires malhonn?tes par profession. Ils devront se garder aussi d'une aveugle fid?lit? ? des traditions p?rim?es.
L'illusion de la Bourse est une de celles qui auront ?t? le plus funestes. Combien de personnes s'imaginaient que les prix inscrits dans les colonnes de la cote correspondaient ? des valeurs r?elles et durables! Il a fallu la tourmente de la guerre pour montrer la fragilit? de ce ch?teau de cartes. A l'avenir, les capitalistes devront savoir qu'une fortune constitu?e tout enti?re en papier et qui d?pend d'une estimation ?ph?m?re, qui est soumise ? tous les hasards des ?v?nements int?rieurs et ext?rieurs, ne repose pas sur des bases solides. De nouvelles m?thodes de placement et de gestion se recommandent aujourd'hui d'une fa?on imp?rieuse et le capitaliste doit se faire, ? tous les ?gards, un nouvel esprit.
Pendant des ann?es qui pourront ?tre longues, il devra d'abord avoir toujours pr?sente ? la pens?e l'id?e que des catastrophes financi?res ou, tout au moins, des crises graves sont possibles. Dans l'hypoth?se la plus favorable, il est exag?r? de croire que la France, par exemple, se rel?vera aussi promptement et en suivant une marche aussi r?guli?rement progressive qu'apr?s 1871. Personne n'a encore pu calculer exactement les r?percussions de la guerre. Personne ne sait au juste comment , trente-cinq milliards de billets de banque, en face de cinq milliards d'or seulement, plus quelques dizaines de milliards de Bons de la D?fense Nationale qui, eux m?mes, ne sont qu'une autre forme des billets de banque, pourront ?tre retir?s de la circulation pour que celle-ci revienne ? un niveau normal, sans compter que, pour la premi?re fois, la France a une grosse dette ext?rieure. En tout cas, la gu?rison sera longue. Elle ne se fera pas sans rechutes contre lesquelles les personnes prudentes doivent, d?s maintenant, se pr?munir.
Mais l'esprit du capitaliste devra changer ? un autre ?gard. Il devra s'?largir aux proportions des n?cessit?s de notre ?poque. Les imp?ts seront multiples et lourds: il faudra s'y r?signer et se dire que, s'il est d?sagr?able de payer l'imp?t sur le revenu, il serait encore pire de n'avoir plus de revenus du tout, ce qui f?t arriv? si nous avions ?t? vaincus. Il faudra encore compter avec de nouveaux rapports entre le capital et le travail. Il y a des revendications ouvri?res dont l'exag?ration est absurde et qui, si elles ?taient ?cout?es, aboutiraient ? tuer la poule aux oeufs d'or, comme le bolchevisme l'a fait en Russie. La r?sistance ? ces folies est un devoir. Mais il n'est de l'int?r?t de personne qu'il y ait des ploutocrates d'une part et, de l'autre, des prol?taires sans attaches avec l'industrie qui a besoin de leurs bras. Il s'agit seulement, pour les poss?dants, de compter avec les ?volutions in?vitables, de les comprendre et de ne pas se laisser surprendre par elles.
Nous avons d?j? cit? tout ? l'heure un proverbe de la vieille France. Un autre, familier ? l'ancienne noblesse, disait: <
C'est un m?tier, somme toute, d'?tre capitaliste. Et ce m?tier exige des qualit?s, lui aussi. Une fortune ne se garde que par les moyens qui l'ont form?e: le travail et l'?conomie. Il y faut encore de la pr?voyance, de la r?flexion, de l'?tude. Les chapitres qui suivent constituent un guide m?thodique pour la conservation des patrimoines, qui sont une des forces de la nation. Le devoir de quiconque a cr?? ou re?u le sien est de le transmettre intact et m?me accru ? ses successeurs. Les anciens avaient coutume de dire que ce n'est pas une honte d'?tre pauvre mais qu'il est honteux de ne pas aspirer ? sortir de la pauvret?. Il est encore plus honteux, et sans profit pour la collectivit?, de se laisser appauvrir par ignorance, insouciance ou paresse d'esprit.
CHAPITRE II
LE PRINCIPE DE LA DIVISION G?OGRAPHIQUE DES PLACEMENTS, QUI S'EST MONTR? INSUFFISANT, DOIT ?TRE COMPL?T? PAR UN AUTRE PRINCIPE
La division des risques est une pr?caution ?l?mentaire.--L'?cueil c'est qu'elle tourne parfois ? la multiplication des risques.--Exemples malheureux de diss?mination des capitaux.--N?cessit? de pr?cautions suppl?mentaires.--Valeurs solides et r?elles sur lesquelles doit reposer une fortune.--Les biens-fonds r?habilit?s.--Gages ? exiger des valeurs mobili?res.--Le remboursement prochain du capital est la clause essentielle de tout pr?t d'argent.--Application de ce principe aux placements mobiliers et avantages qu'il comporte.--R?gles pratiques ? en tirer.
On a toujours su qu'il n'?tait pas bon de mettre tous ses oeufs dans le m?me panier. Mais le principe de la division des risques a pu ?tre appliqu? avec une facilit? inconnue au temps jadis d?s que la diffusion des valeurs mobili?res eut permis de placer de l'argent dans les quatre parties du monde, par un simple ordre d'achat donn? ? la Bourse. Diversifiez, internationalisez vos placements: tel est le conseil qui a ?t? prodigu? avant la guerre, et, en lui-m?me, il ?tait bon.
Seulement, il ne fallait pas courir au-devant des risques sous pr?texte de les diviser. Un rentier qui aurait eu en portefeuille, il y a une douzaine d'ann?es, des valeurs russes, austro-hongroises et mexicaines, se serait cru garanti par cette vari?t? contre les accidents qui pouvaient l'atteindre d'autre part. En r?alit?, il f?t all? lui-m?me chercher sa perte. Au temps o? le Mexique ?tait bien gouvern?, o? les Empires de Russie et d'Autriche se pr?sentaient comme des ?difices solides, des ?conomistes exp?riment?s n'h?sitaient pas ? recommander comme s?res et avantageuses les valeurs de ces pays. On voit pourtant ce qu'il en est advenu.
Avant la guerre, un autre attrait de la diversit? des placements, aux yeux des rentiers, c'?tait aussi, et peut-?tre surtout qu'on y voyait un moyen de relever le rendement d'un portefeuille, l'int?r?t de l'argent ?tant, d'une fa?on courante, moins ?lev? en France que dans beaucoup de pays ?trangers. Cette consid?ration a perdu aujourd'hui sa raison d'?tre.
En outre, on s'imaginait volontiers que l'expatriation des capitaux ?tait une garantie contre les mesures fiscales de caract?re socialiste, et notamment contre l'imp?t sur le revenu, qui ?tait, ? ce moment-l?, un grand ?pouvantail et dont le m?canisme ?tait d'ailleurs mal compris. On ne se repr?sentait pas qu'on s'exposait tout simplement, dans la plupart des cas, ? subir les imp?ts du pays de refuge, plus les imp?ts fran?ais. Car les gouvernements et les administrations de tous les pays ont tendance ? se copier, et cette tendance est encore plus forte quand les besoins sont ? peu pr?s les m?mes partout. Si le fisc a la main lourde en France, il n'est pas plus indulgent en maints autres endroits. Et le socialisme d'?tat, apr?s avoir sem? la terreur lorsqu'il est apparu chez nous, semble mod?r? et conservateur quand on compare ses mesures fiscales ? celles des nouvelles R?publiques socialistes qui sont n?es de la d?faite des Empires centraux, sans parler des R?publiques de Soviets et de la dictature du prol?tariat.
Avec le socialisme, le nationalisme est l'autre tendance des ?tats modernes. Ces deux tendances se conjuguent souvent. Pas plus que les individus, les peuples n'aiment leurs cr?anciers. Les pays qui ont une grosse dette ext?rieure, qui sont les d?biteurs de l'?tranger, sont tr?s port?s ? renier leurs engagements. Ce sentiment x?nophobe explique pour une bonne part ce qui s'est pass? en Russie depuis la r?volution. D'autres pays, qui ont ?t? heureux de trouver des capitaux ?trangers pour les mettre en valeur, ne songent plus qu'? exproprier les soci?t?s concessionnaires une fois que les entreprises sont entr?es dans la p?riode des b?n?fices. Dans l'?re de nationalisme intense o? le monde est entr?, les peuples les plus primitifs ou, comme le peuple chinois, les plus endormis, prennent conscience d'eux-m?mes, selon l'expression consacr?e, et le font souvent sentir ? leurs bailleurs de fonds.
Il ne suffisait pas nagu?re, il ne suffira pas encore demain d'envoyer sa fortune au del? de la fronti?re pour la mettre en s?ret?. Il faut encore conna?tre le fort et le faible des nations auxquelles on la confie. Il faut ?tre renseign? sur leur situation politique, leurs finances, leur l?gislation. Et puis, s'il est difficile, quand il s'agit d'autre chose que de fonds d'?tat, de distinguer les bonnes valeurs des mauvaises dans son propre pays, la difficult? est encore plus grande quand il s'agit d'entreprises situ?es dans des pays avec lesquels on n'est pas familier et qu'on ne conna?t que par ou?-dire.
A l'?preuve de la guerre et des bouleversements qu'elle a produits, il est apparu que la division des placements et leur distribution g?ographique ne rendaient pas tous les services qui en ?taient attendus. Les personnes qui, par ce proc?d?, ont r?ussi ? sortir de la crise avec leur fortune intacte doivent reconna?tre qu'il y a dans leur cas plus de chance que de science. Au fond, un homme d'affaires vraiment g?nial, qui e?t compris d?s 1911, au moment du coup d'Agadir, ou d?s 1912 et 1913, ? la lumi?re des conflits balkaniques, que l'Europe allait enfin ? la guerre g?n?rale si souvent annonc?e, e?t tout simplement r?alis? son portefeuille. Alors, se trouvant ? la t?te d'un capital liquide, au moment o? les valeurs du monde entier s'effondraient, cet homme audacieux et p?n?trant e?t r?alis? des b?n?fices consid?rables.
En effet, sauf un tr?s petit nombre de pays neutres qui ont ?t? favoris?s par les ?v?nements, sauf quelques valeurs dites <
La division g?ographique des placements peut y aider, mais elle ne suffit pas. Des temps sont venus o? l'?difice du cr?dit est fragile. Les garanties d'une cr?ance doivent ?tre examin?es avec plus de soin qu'au moment o? la solvabilit? g?n?rale cr?ait un ?tat d'?quilibre et de confiance. Les valeurs mobili?res ressemblent ?troitement, ? cet ?gard, aux billets de banque. En p?riode de prosp?rit?, personne ne regarde de tr?s pr?s ? leurs garanties r?elles parce que l'on sait que le papier trouve ? s'?changer sans peine. Les cours de Bourse ont beau n'?tre qu'une estimation, ils offrent des promesses de stabilit? et m?me de plus-value. La force de l'ensemble maintient les parties en ?quilibre. Mais, en temps de crise, et quand le cr?dit est ?branl?, la r?alit? reprend ses droits. Toutes les valeurs fictives se d?pr?cient. Celles qui ne reposent pas sur quelque chose de solide tombent ? z?ro. C'est cette solidit? qui doit ?tre requise et recherch?e avant tout.
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