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Read Ebook: Comment placer sa fortune by Bainville Jacques

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Ebook has 450 lines and 64856 words, and 9 pages

La division g?ographique des placements peut y aider, mais elle ne suffit pas. Des temps sont venus o? l'?difice du cr?dit est fragile. Les garanties d'une cr?ance doivent ?tre examin?es avec plus de soin qu'au moment o? la solvabilit? g?n?rale cr?ait un ?tat d'?quilibre et de confiance. Les valeurs mobili?res ressemblent ?troitement, ? cet ?gard, aux billets de banque. En p?riode de prosp?rit?, personne ne regarde de tr?s pr?s ? leurs garanties r?elles parce que l'on sait que le papier trouve ? s'?changer sans peine. Les cours de Bourse ont beau n'?tre qu'une estimation, ils offrent des promesses de stabilit? et m?me de plus-value. La force de l'ensemble maintient les parties en ?quilibre. Mais, en temps de crise, et quand le cr?dit est ?branl?, la r?alit? reprend ses droits. Toutes les valeurs fictives se d?pr?cient. Celles qui ne reposent pas sur quelque chose de solide tombent ? z?ro. C'est cette solidit? qui doit ?tre requise et recherch?e avant tout.

Il r?sulte de l? que l'assurance contre les risques ne doit plus seulement consister ? diss?miner une fortune sur les divers points du globe, mais surtout ? en ?liminer autant que possible les ?l?ments fictifs. A cet effet, il importe de modifier les m?thodes de placement nagu?re en honneur et de revenir aux principes de m?fiance et de s?curit? qui dirigeaient les capitalistes d'autrefois.

La terre, les maisons, les pr?ts couverts par une hypoth?que large et pr?cise: voil? les premi?res valeurs r?elles sans lesquelles une fortune est construite sur des sables mouvants. Aujourd'hui le porteur de maintes valeurs mobili?res peut regarder avec envie le propri?taire d'immeubles, qui a, sans doute, ses tracas, mais qui peut voir et toucher son bien, alors que, d'un jour ? l'autre, rentes d'?tat, actions, obligations sont expos?es ? devenir une insaisissable fum?e. Pendant la R?volution, les possesseurs d'assignats ont ?t? ruin?s. Les acheteurs de biens nationaux se sont enrichis. Les anciens propri?taires maintenus en possession n'ont rien perdu. Il y a l? une le?on.

La guerre a r?habilit? les immeubles comme elle a r?habilit? l'agriculture, m?re de toute richesse. On a achet? ? de hauts prix les terres et les maisons. Pour les valeurs mobili?res elles-m?mes, les bailleurs de fonds se sont montr?s plus exigeants quant aux gages. Cela est si vrai que les soci?t?s qui s'adressent au cr?dit public offrent de plus en plus aux obligataires des garanties hypoth?caires sur leurs constructions et leurs installations industrielles.

Sans doute, des placements en bonnes valeurs fran?aises ou ?trang?res se recommandent aux propri?taires fonciers, m?me dans un pays o? la propri?t? semble aussi bien garantie par l'?tat social qu'elle l'est en France. Il est utile et m?me indispensable, pour le propri?taire d'immeubles, de poss?der un capital liquide ou d'une r?alisation facile, pour les raisons que nous exposons au chapitre suivant. Mais c'est ? la condition que les valeurs choisies soient elles-m?mes s?rieusement gag?es. Et l'examen de ces gages, surtout quand il s'agit de valeurs ?trang?res, ne se fait pas toujours ais?ment ? distance et dans des pays dont l'organisation financi?re et les lois sont souvent tr?s diff?rentes des n?tres.

L'ins?curit? universelle demande encore une autre pr?caution: c'est que les capitaux, autant que possible, ne soient pr?t?s qu'? la condition d'?tre rendus dans un d?lai suffisamment rapproch?. Prenons le pr?t d'argent type qui est le pr?t hypoth?caire. Non seulement un gage immobilier lui est affect?, mais encore le d?biteur s'oblige ? rembourser le capital ? date fixe. La simple cr?ance chirographaire, autrement dit le <>, ne jouit pas de gages particuliers, mais sa clause principale, c'est celle qui fixe l'?ch?ance du remboursement. Une reconnaissance de dette souscrite par un particulier constitue d?j? un titre bien fragile. Si le <> ne stipule pas un remboursement rapide, c'est un titre encore plus incertain. Un emprunt ? long terme, et ? plus forte raison un emprunt perp?tuel, quelle que soit la qualit? du d?biteur, ?tat ou soci?t? industrielle, ne vaut pas mieux.

De m?me il est de notori?t? publique que le cours des obligations des chemins de fer fran?ais est soutenu par l'amortissement r?gulier de ses titres, qui se fait par voie de tirage au sort annuel. C'est ce qui explique que ces obligations se capitalisent plus haut m?me que les rentes sur l'?tat. Si quelque circonstance voulait que l'amortissement, jusqu'ici r?gulier, f?t suspendu, diff?r? ou seulement ralenti, il est certain que ces titres baisseraient aussit?t dans des proportions consid?rables. Il est ?galement facile de remarquer que le 3 p. 100 amortissable et remboursable selon les m?mes r?gles que les obligations de chemins de fer se tient aujourd'hui ? dix ou onze points au-dessus du 3 p. 100 perp?tuel; toujours pour la m?me raison qui est la perspective de r?cup?rer en esp?ces le capital pr?t?.

A plus forte raison, le commer?ant et l'industriel qui ne veulent pas laisser leur argent improductif mais qui pourront en avoir besoin un jour pour agrandir leurs affaires, ont int?r?t, de m?me que le p?re de famille qui pr?voit l'?poque o? il devra doter sa fille, ? stabiliser de cette mani?re une notable partie de leurs capitaux. C'est le meilleur moyen de s'assurer contre les risques de la Bourse. Sans doute, il n'est pas interdit d'attendre un accroissement de son capital par un placement ? long terme. Si tout se passe normalement et heureusement, comme on peut l'esp?rer, les cours des valeurs s'?l?veront ? mesure que la guerre s'?loignera. En particulier, les souscripteurs et les acheteurs des nouvelles rentes fran?aises seront r?compens?s d'avoir eu confiance dans leur pays. Il n'en est pas moins sage, n?cessaire et d'une bonne administration de se garantir contre le risque des bourrasques financi?res et contre les destructions in?vitables que le temps entra?ne avec lui.

Pour conclure, il est salutaire de ne pas perdre de vue ces trois principes: 1? que les immeubles sont l'?l?ment permanent de la richesse; 2? que des garanties r?elles doivent ?tre attach?es dans la plupart des cas aux valeurs mobili?res pour que celles-ci soient autre chose que des <> ou des papiers d'une valeur variable et contestable; 3? que le capitaliste ne doit pr?ter au moins une partie de ses capitaux que pour un temps limit?, avec des dates de remboursement ?chelonn?es, de fa?on ? s'assurer des rentr?es d'argent p?riodiques et ? ne jamais ?tre pris de court par les ?v?nements.

Ces principes de l?gitime d?fense et de prudence r?fl?chie auraient rendu de grands services aux capitalistes qui s'en seraient inspir?s avant la guerre. Ils seront encore bienfaisants au cours des ann?es ? venir. Nous allons en suivre l'application dans l'examen des divers ?l?ments qui constituent la g?n?ralit? des fortunes en France ou qu'il peut ?tre utile d'y faire entrer.

DES IMMEUBLES

La revanche des anciens placements.--Toute richesse part de la terre.--Stabilit? de la propri?t? immobili?re.--Un exemple typique.--Rel?vement de la valeur de la terre en France.--Hausse des produits agricoles.--S?curit? de la propri?t? rurale, due, dans notre pays, ? son extr?me division.--Le d?peuplement des campagnes est le seul point noir.--Conseils pour la gestion des biens fonciers.--Les maisons de rapport ? Paris et dans les grandes villes.--Achat, construction et entretien.--Les sp?culations sur les terrains.--Les formes excentriques de la propri?t? et leurs p?rils.

<>, et <>: ces deux expressions proverbiales rappellent qu'au temps jadis nos p?res consid?raient que la v?ritable fortune, durable et solide, consistait en immeubles, en terres et en maisons. Pendant la longue p?riode de tranquillit? relative, de stabilit?, de prosp?rit? et de d?veloppement industriel qui a favoris? l'essor prodigieux des valeurs mobili?res, la vieille pr?f?rence de l'?pargne fran?aise pour les placements fonciers n'avait cess? d'aller en s'affaiblissant. La facilit? du coupon touch? sans fatigue, souvent par l'interm?diaire d'une banque ou d'un receveur de rentes, s'opposait aux tracas de la propri?t?: les locataires, les fermiers, les imp?ts, les r?parations et l'entretien.

Quelques ann?es avant la guerre, une personne qui faisait l'acquisition d'une ferme semblait d?raisonnable et, en tout cas, r?trograde et attach?e aux pr?jug?s d'un autre ?ge. L'achat ou la construction d'un immeuble urbain, ? moins que ce ne f?t pour le revendre et comme op?ration sp?culative, finissait par ?tre presque aussi mal jug?. A quoi bon se donner les soucis de la propri?t? quand toute la gamme des valeurs de Bourse ?tait l??

Les ?preuves de la guerre ont chang? ce point de vue et montr? que les vieilles habitudes de placement ?taient sages et fond?es sur l'exp?rience. Un spirituel Parisien, venu, comme presque tous les Parisiens, de province, nous disait un jour: <>

Non seulement le pr? serait ? sa place, mais sa valeur se serait consid?rablement accrue. Un des effets de la guerre a ?t? d'augmenter presque partout le prix de la terre et des maisons. La d?pr?ciation des billets et des valeurs, la m?fiance pour tout ce qui est papier, a eu pour cons?quence que les valeurs r?elles ont ?t? recherch?es. Et quelle valeur est plus r?elle que la terre, d'o? part toute richesse, que les maisons, puisqu'il faut toujours se loger?

La v?ritable richesse est l?. C'est une erreur de croire que nos p?res aient plac? leur fortune en immeubles parce qu'ils ne connaissaient pas d'autres sortes de placements. Sans doute les valeurs mobili?res ?taient fort loin d'?tre d?velopp?es. Elles ?taient m?me dans l'enfance. Mais enfin elles existaient. L'antiquit? avait d?j? connu les soci?t?s par actions. Et les rentes sur l'H?tel de Ville, les actions de la Compagnie des Indes, qui ont laiss? des souvenirs malheureux dans l'histoire, qu'?tait-ce, sinon l'?quivalent de nos fonds d'?tat et de nos titres industriels? Lorsque plusieurs n?gociants s'associaient pour acheter un navire, ils formaient une soci?t? de navigation. Et ainsi de suite.

Nos p?res savaient fort bien, et par exp?rience, que les valeurs mobili?res, dont l'essence n'a pas chang?, quelle qu'ait pu ?tre la forme qu'elles avaient de leur temps, ?taient condamn?es ? p?rir. Leur pr?f?rence pour les placements immobiliers ?tait parfaitement fond?e. Car l'immeuble, qu'il s'agisse d'une maison ou d'une terre de culture, n'offre pas seulement sur le papier l'avantage de la solidit? mat?rielle. Il a encore cette sup?riorit? que son rendement se trouve toujours, ? travers les ?ges, ?gal ? la valeur de l'argent dans un temps donn?.

Nous avons d?j? commenc?, depuis la guerre, ? assister ? un ph?nom?ne du m?me genre et dont la marche a ?t? extraordinairement rapide. A la d?pr?ciation du papier-monnaie, ? l'avilissement de l'argent, a correspondu une hausse consid?rable des produits de la terre et du prix de la terre elle-m?me. Nos paysans, qui se sont enrichis, ach?tent les moindres parcelles ? des prix qui eussent paru fantastiques il y a quelques ann?es. Sans le savoir, ils raisonnent comme des ?cononomistes savants.

D'abord, comme L?on Say, ils n'ont pas confiance dans le papier. Ils ont h?te de transformer leurs billets de banque ou leurs bons de la D?fense nationale en quelque chose de tangible. Ensuite ils sentent bien que les produits de la terre, c'est-?-dire les aliments indispensables ? l'homme, donneront un int?r?t correspondant au capital engag?.

Plus la monnaie d'un pays est d?pr?ci?e, et plus la terre est recherch?e, plus elle vaut cher. La hausse de la terre est m?me un signe pr?curseur de crise de toutes les autres valeurs, y compris le papier-monnaie. Ainsi, en 1917, en Hongrie, pays agricole, un demi-hectare de terres labourables avait ?t? vendu 22 000 couronnes et cette ench?re semblait alors fantastique et absurde. L'acqu?reur semblait ne devoir jamais retrouver l'int?r?t de son capital. Mais, en 1919, la couronne valait ? peine 17 centimes tandis qu'inversement le prix du quintal de froment avait mont? en cons?quence. L'ench?re insens?e avait ?t? parfaitement raisonnable.

La terre, en France, avait subi une d?pr?ciation consid?rable ? partir de 1880. D?s l'ann?e 1908, le rel?vement ?tait devenu sensible. Il n'a fait, depuis, que s'accentuer. Le pr?jug? hostile ? la propri?t? rurale a disparu et le moindre lopin, dans les bons pays de culture, trouve aujourd'hui dix acqu?reurs pour un. La valeur locative de la terre suivra naturellement la hausse de l'hectare. En sorte que les propri?taires fonciers, frapp?s, il y a trente ans, dans leur capital et leur revenu, conna?tront de nouveau des jours prosp?res. D?j?, dans les r?gions o? le m?tayage est en honneur, les propri?taires ont particip? directement aux b?n?fices r?alis?s pendant la guerre par les cultivateurs.

C'?tait donc bien ? la l?g?re qu'on d?nigrait les vieilles m?thodes de placement et qu'on faisait fi de l'exp?rience de nos anc?tres. La propri?t? rurale prend aujourd'hui sa revanche et les inconv?nients qu'elle offre semblent peu de chose quand on les compare aux risques de disparition totale qui sont attach?s aux valeurs mobili?res. Nous sommes d'avis que, dans notre si?cle comme ? toutes les ?poques agit?es, il n'y a pas de fortune solide sans assise terrienne.

Quant ? la crainte des imp?ts, s'il est vrai qu'il est difficile que la terre ?chappe au fisc, il y a aussi une compensation: c'est que, par la force des choses, la valeur des denr?es agricoles tend toujours ? ?quilibrer toutes les charges. Pour employer une expression vulgaire, celui qui tient le bon bout, c'est le d?tenteur du sol d'o? vient tout ce qui se mange et tout ce qui se boit. T?t ou tard le propri?taire terrien retrouve son heure.

Le danger social qui menace la propri?t? rurale est d'une autre nature. Il est particulier ? la France: c'est la d?population. Avant 1914, on a vu des r?gions enti?res de plus en plus d?sert?es. C'?tait le cas des d?partements situ?s dans la vall?e de la Garonne, vall?e jadis c?l?bre par sa fertilit?. C'?tait le cas aussi de nombreux d?partements de l'Est o? la main-d'oeuvre rurale passait dans l'industrie. Dans toutes ces parties de la France, la valeur de la propri?t? rurale ne cessait de s'effondrer. Au contraire, en Bretagne, peu favoris?e par la nature, mais o? la natalit? ?tait forte et o? les habitants ?migraient peu, la terre ?tait toujours mieux cultiv?e, toujours plus recherch?e, et le prix de l'hectare s'est ?lev? constamment.

La guerre, malheureusement, a frapp? surtout la classe rurale et, en plus d'un endroit, c'est une question angoissante de savoir s'il y aura encore des bras pour tenir la charrue. Il y a l? un ph?nom?ne beaucoup plus inqui?tant que la hausse du salaire de l'ouvrier agricole. Cependant on peut esp?rer que le d?peuplement des campagnes ne s'acc?l?rera pas et m?me qu'il y aura un reflux, la profession de cultivateur ?tant redevenue et devant rester longtemps encore r?mun?ratrice. L'extension de la culture m?canique, l'accroissement des engrais contribueront sans doute ? maintenir cette situation favorable.

Il n'en est pas moins vrai que, d'une fa?on g?n?rale, la r?gion ouest de la France est la vraie r?gion agricole, la seule o? le cultivateur soit assez enracin? et la population rurale encore dense. Il va sans dire aussi qu'une ferme ne doit pas s'acheter ? la l?g?re et qu'il importe de s'informer s?rieusement de la qualit? du fonds, parfois tr?s variable dans une m?me commune, de l'?tat des b?timents, des conditions du bail, s'il y a un bail en cours, et, s'il n'y en a pas, de la facilit? de trouver un locataire.

Il faut bien savoir aussi que la propri?t? immobili?re ne peut se conserver et se transmettre par h?ritage qu'? une condition: c'est que le propri?taire ait toujours assez d'argent liquide devant lui pour faire face aux d?penses pr?vues ou impr?vues, ordinaires ou extraordinaires, telles que les r?parations et les droits successoraux. L'usage ancien, lorsque les fortunes ?taient surtout fonci?res, ?tait de garder toujours par devers soi une somme importante. Nous avons connu un riche propri?taire, qui ne croyait qu'aux biens au soleil, et qui, pourvu de belles rentes, conservait toujours intacte devant lui une ann?e enti?re de son revenu. C'?tait la sagesse m?me. Les familles aristocratiques dont le patrimoine est tout entier en terres et qui vivent au jour le jour sont condamn?es, ? chaque accident et ? chaque partage, ? vendre ou ? emprunter. C'est la ruine certaine au bout de peu de g?n?rations. La propri?t? ne peut se maintenir dans les m?mes mains que par la pr?voyance et l'?conomie. Quiconque mange tout son revenu mange in?vitablement le fonds.

Le moratorium des loyers, pendant la guerre, et les abus auxquels il a donn? lieu, les lois vot?es ou projet?es qui tendent ? restreindre les droits des propri?taires, n'ont pas emp?ch? la propri?t? urbaine d'?tre aussi appr?ci?e que la propri?t? rurale. L? aussi le d?sir, si vif et presque universel, en temps de crise ?conomique et sociale, de transformer les valeurs fiduciaires en valeurs solides a pouss? les capitalistes ? rechercher les maisons de rapport. En d?pit du rel?vement des droits d'enregistrement, jamais les transactions immobili?res n'ont ?t? aussi nombreuses et ? des prix aussi ?lev?s qu'? partir de 1918.

On peut dire que, depuis une centaine d'ann?es, presque tous les propri?taires d'immeubles ? Paris et dans la plupart des grandes villes de France se sont enrichis. La v?tust? des maisons n'a m?me pas ?t? une cause d'appauvrissement, car la valeur du terrain rachetait amplement la perte occasionn?e par la d?molition n?cessaire de constructions vieillies. D'une fa?on g?n?rale, ? Paris et dans la banlieue, surtout la banlieue Ouest, la valeur des terrains a quintupl? quand elle n'a pas d?cupl? et centupl? en certains cas depuis 1850. Il suffit de se souvenir, en effet, que des personnes ?g?es ont encore vu pa?tre des vaches ? l'endroit o? se trouve aujourd'hui le parc Monceau. On a pu voir ? Passy et ? Auteuil, jusqu'en 1890, des maisons de paysans. D'ailleurs, beaucoup de riches familles parisiennes d'aujourd'hui remontent ? un grand-p?re mara?cher ou blanchisseur qui, pour sa petite industrie, poss?dait un vaste terrain valant alors quelques sous le m?tre, et sur lequel se sont ?lev?es des maisons de rapport.

Depuis la guerre, la construction des immeubles s'est presque enti?rement arr?t?e. Il est probable qu'elle ne reprendra pas activement de sit?t en raison de la chert? des mat?riaux et de la main-d'oeuvre. Il en r?sulte une p?nurie des logements qui a pour cons?quence l'augmentation des loyers. Les propri?taires poss?dent donc ce que les socialistes appellent un <>, et il est question de la taxation des loyers. Ces mesures, en admettant m?me qu'elles soient prises, n'emp?cheront jamais qu'un immeuble en briques ou en pierres de taille constitue une valeur solide, durable, infiniment plus s?re que toutes les valeurs de papier.

Cette s?curit? rach?te amplement les ennuis de la gestion, dont il est facile de se d?charger, d'ailleurs, sur des personnes ou des institutions de confiance dont c'est le m?tier. Mais il va sans dire que, comme le propri?taire d'immeubles ruraux, et pour les m?mes raisons, le propri?taire d'immeubles urbains doit se garder de d?penser tout son revenu. Il doit toujours compter avec les frais d'entretien et avec les d?penses impr?vues pour r?parations et r?fection. Une maison de rapport, pour conserver sa valeur locative, doit ?tre de temps en temps remise au go?t du jour. En outre, l'amortissement du capital employ? ? la construction doit ?tre pr?vu; sinon ce capital dispara?trait ? la longue avec l'usure des ann?es.

Les personnes qui font construire sans ?tre elles-m?mes du m?tier et sans appartenir ? l'une des corporations du <> doivent bien savoir aussi que les devis d'architecte sont toujours consid?rablement d?pass?s. Quant ? celles qui ach?tent un immeuble tout construit, nous croyons devoir leur donner un conseil particuli?rement sage ? une ?poque d'incertitude comme celle que nous traversons: c'est de r?aliser la somme n?cessaire ? l'acquisition avant de signer l'acte de vente. En effet, qu'une tourmente de Bourse se produise, et les valeurs sur lesquelles on comptait peuvent s'effondrer. Nous connaissons, dans une famille parisienne, un cas de ce genre qui s'est produit jadis. Quelques jours avant la r?volution de 1848, un bourgeois ais? avait achet? une maison importante qu'il se proposait de payer avec ses valeurs. La panique qui suivit la r?volution bouleversa tous ses calculs et l'immeuble lui-m?me, dans la crise de confiance g?n?rale, ne put ?tre revendu qu'avec une perte sensible. Ainsi, faute de pr?voyance, une op?ration tout ? fait normale devint une cause de ruine.

Nous ne parlons pas ici des achats de terrains nus. C'est de la sp?culation pure. L'acqu?reur compte sur une plus-value qui ne s'obtient parfois qu'apr?s un temps fort long pendant lequel il faut payer l'imp?t foncier tandis que le capital employ? reste improductif. A l'heure actuelle, l'arr?t des constructions rend ce risque encore plus s?rieux. Dans l'espoir d'une plus-value qui est loin d'?tre toujours certaine, le sp?culateur s'expose ? se priver pour longtemps de son argent.

Quant aux usines et manufactures, c'est un genre d'immeubles dont les particuliers doivent se d?tourner en raison de la difficult? de trouver des locataires. Il en est de m?me des maisons de plaisance ? la campagne ou ? la mer, qui, sauf dans certains lieux r?guli?rement fr?quent?s ou bien ? proximit? d'une grande ville, peuvent apporter des d?boires. Au chapitre qui suit, celui des hypoth?ques, nous d?veloppons les raisons qui conseillent de s'?carter des formes excentriques de la propri?t?. Une usine ne convient qu'? un industriel et une maison de plaisance doit ?tre consid?r?e avant tout comme une maison d'agr?ment. Pour un placement s?rieux, il n'y a que les maisons de rapport proprement dites.

Les droits de mutation et de transcription devant ?tre prochainement relev?s, on peut compter qu'avec les honoraires du notaire les frais d'achat d'un immeuble, qui ?taient d'environ 10 p. 100 du prix principal, monteront ? l'avenir ? environ 15 p. 100.

CHAPITRE IV

DES PLACEMENTS HYPOTH?CAIRES

Raisons pour lesquelles se recommande ce genre de placements.--Conditions auxquelles ils sont s?rs et avantageux.--Des pr?cautions ? prendre et des dangers ? ?viter.--De la part qu'il convient de leur attribuer dans un patrimoine.

Un principe essentiel s'impose ? tout capitaliste prudent. C'est de ne pr?ter aucune somme d'argent avant de s'?tre assur? au pr?alable, non seulement des garanties affect?es ? la cr?ance, mais encore du remboursement int?gral des fonds dans un espace de temps limit?. De ce point de vue, on comprendra que les placements hypoth?caires apparaissent comme ?tant au plus haut degr? recommandables, car ils remplissent les deux conditions que nous venons d'?noncer. Ce genre de placement ?tait en grand honneur autrefois. Il m?riterait d'?tre plus souvent pratiqu? ? une ?poque d'ins?curit? pour les capitaux telle que la n?tre.

Le gage immobilier, ? la condition absolue qu'il soit choisi avec discernement et en observant certaines r?gles que nous pr?ciserons tout ? l'heure, est en effet d'une solidit? sans pareille. Bien entendu, une hypoth?que s?rieuse doit toujours, et sans exception, ?tre une premi?re hypoth?que. Toute autre n'est qu'une sp?culation. De plus, le pr?t ne doit en aucun cas d?passer 50 p. 100 de la valeur v?nale pr?sum?e de l'immeuble affect? ? la garantie, en sorte qu'il subsiste une marge suffisante pour les d?pr?ciations ?ventuelles et aussi pour les int?r?ts impay?s, frais d'expropriation et de poursuites, etc., s'il y a lieu. L'usage est d'ailleurs d'?valuer ces frais ? 20 p. 100 du capital expos?, en sorte qu'une inscription hypoth?caire totale de 120.000 francs doit ?tre prise sur un immeuble d'une valeur d'au moins 200.000 francs pour s?ret? d'une avance de 100.000 francs, lesquels sont seuls ? porter int?r?t au profit du cr?ancier, comme il va de soi.

En outre, et cette stipulation est de toute premi?re importance, le d?lai fix? pour le remboursement ne doit pas, en principe, quelle que soit la tentation qu'?prouve un rentier d'assurer son repos pour une longue dur?e, s'?tendre au del? de dix ann?es. Ce d?lai est d'ailleurs celui qui est fix? par la loi elle-m?me pour le renouvellement des inscriptions hypoth?caires, et il n'est pas rare que les dispositions de la loi, comme beaucoup d'usages et de moeurs, reposent sur des raisons de bon sens et d'exp?rience. Il est n?anmoins des capitalistes tr?s prudents qui pr?f?rent se tenir en de?? de cette limite extr?me de dix ann?es et qui ne consentent que des pr?ts ? terme plus court. Il convient d'approuver leur pr?voyance. Car il suffit souvent d'un espace de temps tr?s bref pour que des constructions vieillissent, pour que la terre, dans une r?gion donn?e, se d?pr?cie, et pour qu'un immeuble de rapport urbain, situ? dans un quartier dont la population vient ? se d?tourner pour des causes impr?vues, ne trouve que difficilement des locataires ou ne les trouve plus que dans une cat?gorie inf?rieure et moyennant une forte r?duction des loyers. Il suffit de se rappeler la disgr?ce du Palais-Royal, qui, apr?s avoir ?t? un des lieux les plus fr?quent?s de Paris, a perdu sa vogue.

Ainsi il n'est pas rare que des exploitations rurales aient perdu en vingt ou vingt-cinq ans beaucoup plus de la moiti? de leur valeur. M. Pierre Caziot signale une ferme du pays de Caux r?put?e <> et qui, pay?e 300.000 francs en 1876, s'est vendue 105.000 francs seulement en 1905. Tr?s loin de l?, et dans un autre pays renomm? pour sa fertilit?, la Limagne, une propri?t? ?valu?e au prix de 180.000 francs en 1879, a ?t? achet?e 43.500 francs en 1903. Dans la vall?e de la Garonne, un <> qui, en 1884, avait ?t? pay? 360.000 francs, frais compris, par son propri?taire et passait pour valoir r?ellement 320.000 francs, a ?t? c?d? pour 105.000 francs seulement en 1904, c'est-?-dire juste vingt ans plus tard. On voit que, dans ce cas, qui n'est pas isol?, un cr?ancier qui se f?t repos? sur la r?gle de 50 p. 100 de garantie et qui e?t consenti un pr?t remboursable au bout de vingt ans se serait lourdement tromp?. Une personne qui, en 1884, e?t avanc? au propri?taire de ce domaine 120.000 francs seulement, garantis par une premi?re hypoth?que et remboursables en 1904, e?t peut-?tre pens? faire un placement des plus s?rieux et d?pourvu de risques. Dans la r?alit?, cette personne e?t ?t? imprudente et se f?t expos?e ? une perte sensible, sinon m?me ? une perte grave.

Aussi faut-il consid?rer que des pr?ts ? court terme renforcent la garantie du capital avanc? pour la raison qu'ils permettent au pr?teur de suivre, pour ainsi dire pas ? pas, la valeur de la propri?t? qui lui sert de gage. De plus, il devient possible au pr?teur, par la diversit? de ses placements hypoth?caires, de se m?nager des rentr?es d'argent ? des dates successives et d'?chelonner les remboursements en sorte qu'il soit mis ? m?me, m?caniquement, pour ainsi dire, de profiter des occasions qui se pr?sentent, et, en particulier, d'un rel?vement du taux de l'int?r?t. La r?gle, ici, est la m?me que celle que nous poserons pour les emprunts d'?tat, les obligations de chemins de fer ou leurs succ?dan?s. Repr?sentez-vous la bonne fortune qui f?t ?chue ? un capitaliste qui, durant la crise de 1913-1914, e?t vu arriver ? expiration un pr?t de 100.000 francs, consenti dix ann?es plus t?t. Avec 100.000 francs, en 1904, il ne pouvait acheter, par exemple, que 215 obligations du chemin de fer du Nord. Avec la m?me somme en juin 1914, il pouvait en acqu?rir 240. Deux mois plus tard, en pleine guerre europ?enne, 100.000 francs liquides devenaient une fortune. Et, de toutes fa?ons, la situation du cr?ancier e?t ?t? excellente, car ? toute demande de prolongation de d?lai ou de renouvellement de la part de son d?biteur, il lui e?t ?t? possible de relever l'int?r?t port? par l'obligation hypoth?caire, vu la rar?faction des capitaux et la chert? du loyer de l'argent, d'obtenir 5 p. 100 et m?me davantage, au lieu de 4 p. 100, taux courant au d?but du XXe si?cle. Apr?s la guerre, il est probable que le taux de 5 1/2 p. 100, autoris? par la loi, se maintiendra longtemps.

Enfin, il tombe sous le sens qu'un p?re de famille pr?voyant et qui calcule que, dans un certain nombre d'ann?es, il devra doter une fille ou pourvoir ? l'?tablissement d'un fils, trouvera un avantage consid?rable ? placer son argent de telle sorte qu'il soit assur?, au jour dit, de retrouver intacte et liquide la somme dont il pense avoir besoin. Or, tandis qu'il est absolument impossible de pr?voir, m?me par approximation, cinq ou dix ans ? l'avance, le cours des valeurs sur les march?s financiers, le remboursement d'une obligation hypoth?caire de bonne qualit? se fait au contraire ? la date fix?e, sans perte et sans d?ception.

Ces deux avantages conjoints: s?curit? du capital pr?t?, r?apparition du capital intact dans un d?lai rapproch?, paraissent extr?mement s?duisants ? beaucoup de capitalistes avis?s qui, en outre, n'ignorent pas que l'administration et la loi renforcent de toute leur autorit? la situation des cr?anciers hypoth?caires.

Au contraire, les pr?cautions qui sont prises pour la protection du cr?ancier hypoth?caire ne laissent place ? aucun doute. Tous les articles du Code civil qui y ont trait sont d'une perfection digne de servir de mod?le. Et cela m?me constitue une garantie qui n'est pas ? d?daigner.

Au point de vue fiscal, les cr?anciers hypoth?caires ont ?t? jusqu'? pr?sent relativement m?nag?s: cela dit au point de vue du cr?ancier, s'entend, car le d?biteur, pour sa part, a des droits d'enregistrement tr?s lourds ? acquitter. En tout cas, le cr?ancier hypoth?caire avait touch?, jusqu'? hier, ses int?r?ts nets de tout imp?t. La taxe de 5 p. 100 en est retranch?e depuis la mise en vigueur de l'imp?t c?dulaire sur les diverses sources de revenus. Toutefois, il est permis de consid?rer que le <>, en ce qui concerne cette <>, sera mod?r?, sinon retenu par le souci, tr?s apparent dans le Parlement fran?ais, de ne pas m?contenter trop vivement le monde rural. En effet, toute taxation aura pour effet de rendre plus exigeants les d?tenteurs de capitaux qui ont tendance ? se d?dommager sur l'emprunteur. Or les petits propri?taires, dans nos campagnes, recourent fr?quemment aux emprunts hypoth?caires pour se procurer les fonds n?cessaires ? la mise en valeur ou au d?veloppement de leur exploitation. Il arrive m?me que des cultivateurs hypoth?quent la terre qu'ils poss?dent afin d'en acqu?rir une autre ? laquelle, par leur labeur, ils r?ussissent ? faire produire plus que l'int?r?t de la somme qu'ils ont emprunt?e. Les populations agricoles forment une client?le ?lectorale dont les voeux sont tr?s ?cout?s. Il para?t donc assez probable, pour ces raisons, que le revenu des cr?ances hypoth?caires a chance, pendant assez longtemps, d'?tre moins frapp? que le revenu des valeurs mobili?res.

La meilleure preuve du caract?re avantageux des placements hypoth?caires r?side dans le fait que les ?tablissements connus sous le nom de <> n'exercent pas une autre industrie que celle qui consiste ? placer sur hypoth?ques les sommes qu'ils empruntent au public, leur b?n?fice ?tant constitu? par la diff?rence entre l'int?r?t qu'ils re?oivent de leurs d?biteurs d'une part, et l'int?r?t qu'ils payent ? leurs propres obligataires de l'autre. Il est donc clair que le capitaliste trouve avantage ? pratiquer directement l'op?ration qu'il fait par personne interpos?e en achetant les obligations d'une soci?t? de Cr?dit foncier.

Seulement il va sans dire que le capitaliste doit suppl?er par un redoublement d'attention et de prudence aux services d'information que poss?dent de grands ?tablissements sup?rieurement outill?s. Il est on ne peut plus dangereux de pr?ter de l'argent, m?me en premi?re hypoth?que, sur un immeuble quelconque, si l'on ne s'est pas assur? par soi-m?me de la valeur et du rendement de cet immeuble. Il importe de ne pas se laisser ?blouir par les mots de <>. Les capitalistes qui succombent ? la tentation de placer de l'argent sur des propri?t?s lointaines et qu'ils n'ont jamais vues s'exposent ? de f?cheuses m?saventures.

Il est particuli?rement p?rilleux d'accepter pour gage des propri?t?s de plaisance, ch?teaux, parcs, etc. qui n'ont, en somme, d'autre valeur que leur attrait aux yeux d'un nombre limit? de personnes, et qui repr?sentent des charges plut?t qu'un rapport. A ?viter encore les constructions destin?es ? l'industrie. Il est souvent arriv? qu'un pr?teur t?m?raire se r?veill?t un matin nanti d'un ch?teau ou bien d'une manufacture abandonn?e par le manufacturier en faillite, et se trouv?t bien en peine de tirer parti de son gage. Aussi les statuts du Cr?dit foncier de France qui, d'une fa?on g?n?rale, ?liminent toute cette cat?gorie d'immeubles de ceux sur lesquels peuvent ?tre consenties des avances, doivent-ils servir de guide ? cet ?gard. Il n'en arrive pas moins au Cr?dit foncier lui-m?me d'?prouver des surprises et des pertes. En 1914, on a d? mettre en vente ? sa requ?te un des plus grands h?tels de Trouville, maison nagu?re tr?s achaland?e et qui, en outre, comportait 4.000 m?tres de terrain dans le plus bel emplacement d'une plage ? la mode. La concurrence, surgie ? l'improviste, d'une plage voisine, ayant caus? un tort consid?rable ? Trouville, la marge de garantie, jug?e quelques ann?es auparavant plus que suffisante par le Cr?dit foncier, s'est trouv?e r?duite ? tel point que cet ?tablissement a eu lieu de concevoir de fortes craintes pour sa cr?ance. Il y a l? une indication ? retenir pour le capitaliste judicieux et prudent, qui sera toujours sage d'?viter de s'engager dans les affaires qui reposent sur l'exploitation d'une vogue ou d'un plaisir. D'une ann?e ? l'autre, un simple caprice du public suffit ? ruiner une station thermale, un casino, un th??tre, etc. Les exemples sont innombrables et chacun en retrouverait sans peine dans sa m?moire de tr?s frappants.

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