bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: The Gibson Book: A Collection of Published Works of Charles Dana Gibson. Vol. II by Gibson Charles Dana

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 40 lines and 11861 words, and 1 pages

PIERRE VILLEY

Montaigne

Fran?ois Bacon

PARIS

REVUE DE LA RENAISSANCE

TABLE DES MATI?RES

Introduction 5

Montaigne a-t-il eu quelque influence sur Fran?ois Bacon?

INTRODUCTION

Les deux grands noms qui figurent au titre de cette ?tude serviront d'excuse ? son extr?me minutie. On ne saurait ?tre trop pr?cis lorsqu'il s'agit de penseurs qui ont jou? un r?le si consid?rable.

Les r?sultats essentiels de cette enqu?te peuvent se r?sumer en deux mots.

Bacon a certainement connu et appr?ci? l'oeuvre de Montaigne. De cela les preuves abondent.

D'autre part, il est probable que Bacon a pr?par? par son commerce avec eux cette critique de la raison humaine qui est la base de sa m?thode nouvelle. Sur ce dernier point toutefois, nous ne pouvons formuler qu'une hypoth?se vraisemblable, et il est peu croyable qu'on parvienne jamais ? une certitude.

Tout cela revient ? dire que, dans les pages de Bacon o? l'on a relev? le plus de rapprochements avec Montaigne, l'influence de Montaigne semble ?tre peu importante, tandis qu'elle est peut-?tre tr?s consid?rable dans des pages o? l'on n'en relevait point. Concluons une fois de plus que la m?thode qui consiste ? juger l'influence d'une oeuvre sur une autre au moyen de similitudes verbales que l'on remarque entre elles est une m?thode dont il convient d'user avec une extr?me prudence.

CHAPITRE PREMIER

LES DONN?ES OBJECTIVES DU PROBL?ME.

Devant un tel concert d'affirmations et d'enqu?tes, nous sommes tenus de nous demander ce qu'elles renferment de solide. Pour ne parler que des enqu?tes, constatons d'abord qu'elles ont le tort de vouloir trop prouver. Elles multiplient sans mesure les rapprochements insignifiants, ceux qui ne r?v?lent ni une influence de Montaigne ni m?me une similitude de pens?e vraiment instructive. On s'amuse ? relever chez Bacon jusqu'aux id?es les plus banales pour les faire d?river de Montaigne. Elles ont encore le d?faut, in?vitable il est vrai, celui-l?, de n?gliger quelques rapprochements qui m'ont paru importants. Il y avait donc lieu de les r?viser enti?rement pour les compl?ter et pour les ?laguer. Plus encore, je leur reprocherai ? toutes d'?tre de simples listes tr?s s?ches dans lesquelles aucun effort n'est tent? pour montrer la valeur ou l'insignifiance de chaque rapprochement, et pour d?gager des conclusions d'ensemble. De semblables ?num?rations, o? chaque terme est d'une appr?ciation si d?licate parce que le lecteur est priv? des contextes et du coup d'oeil d'ensemble qui seul donne ? chaque pens?e sa vraie port?e, me semblent presque st?riles si l'auteur ne nous aide pas ? les interpr?ter.

Je ne connais aucun autre passage emprunt? textuellement par Bacon ? Montaigne. Plusieurs citations d'auteurs latins se retrouvent chez l'un et chez l'autre. Il est ? pr?sumer que Bacon n'est pas toujours remont? ? la source antique, et qu'il a pris quelques textes chez Montaigne. Je n'ai pu m'en assurer pour aucun. Pour cela, il e?t fallu trouver un texte qui, identique chez Montaigne et chez Bacon, pr?sent?t une le?on diff?rente de celles que fournissent les ?ditions de l'?poque. Alors seulement nous aurions su avec certitude que Montaigne est la source. Etant donn? qu'il habille parfois ? sa mode ses citations, on pouvait esp?rer que pareille enqu?te aboutirait. Mais je n'ai rien rencontr? qui perm?t une affirmation. Comme t?moignages objectifs, incontestables, nous sommes donc r?duits aux trois que j'ai indiqu?s.

De ce nombre, nous ne pouvons ?videmment pas conclure que Montaigne ait ?t? l'un des auteurs pr?f?r?s de Bacon, car d'autres noms sont cit?s beaucoup plus souvent que le sien; il ne faudrait pourtant pas en conclure non plus que son influence est n?gligeable, car l'influence d'un ?crivain ne se mesure pas au nombre de fois que son nom se retrouve mentionn? par ses successeurs. Des motifs vari?s peuvent appeler ces mentions. Si Bacon nomme si fr?quemment beaucoup d'auteurs anciens, tout particuli?rement Tacite et C?sar, ce n'est pas seulement parce qu'il est leur disciple fervent et que sa culture classique est de premier ordre, c'est encore par coquetterie d'homme de lettres. La mode y ?tait: c'est elle aussi qui le pousse ? orner son discours de citations de po?tes latins, comme elle avait conduit Montaigne ? multiplier ses all?gations, bien qu'il en condamn?t l'abus. Parmi les modernes, Gilbert et Machiavel sont nomm?s chacun plus de vingt fois. Machiavel a ?t? le ma?tre de Bacon en politique. Bien qu'il le critique souvent, il a beaucoup admir? sa m?thode et son oeuvre, et il semble que Gilbert ait jou?, lui aussi, un r?le important dans la formation de ses id?es. D'autres ?crivains ont eu une influence moindre sans doute, mais bien probable, comme Baldassare Castiglione, Guazzo, qui ne sont pas m?me nomm?s par lui. Guichardin semble avoir eu une part, lui aussi, dans l'?laboration de ses id?es politiques; or, je ne trouve le nom de Guichardin qu'une seule fois. Machiavel en politique, et Gilbert en physique, ?taient des novateurs audacieux qui ont frapp? l'imagination de leurs contemporains par l'originalit? de leurs th?ories; la plupart de leurs id?es, ?troitement li?es ? l'ensemble de leurs conceptions, y restent en quelque sorte attach?es, ?voquent le souvenir du syst?me et conservent pour ainsi dire la marque de leur origine. Montaigne n'a pas de syst?me: on lui en pr?tera un plus tard, mais il n'en a pas. Sans ordre, il m?dite sur les questions que son esprit se pose et jette des vues en tous sens; et ces questions encore sont les plus courantes, celles que tout esprit r?fl?chi a m?dit?es, soit en morale soit en logique. On voit plus clair et plus loin en le quittant, lorsqu'on revient aux questions qu'il a trait?es, on y apporte un esprit nouveau, mais on ne sait plus qui a transform? le point de vue, on ne sait m?me plus que quelqu'un l'a transform?. Ses id?es, tr?s d?tach?es les unes des autres, plus sens?es que neuves, s'assimilent ais?ment et perdent leur ?tiquette de provenance. C'est peut-?tre une premi?re raison qui rend croyable que, tout en ?tant beaucoup moins souvent nomm? que Machiavel, Montaigne a pu avoir une influence comparable ? la sienne. Il y en a une autre: c'est que, pr?cis?ment parce qu'elles sont moins syst?matiques et moins inattendues, les id?es de Montaigne appellent moins une contradiction formelle que celles de Machiavel et de Gilbert. Malgr? les apparences, le scepticisme de Montaigne n'est que sur fort peu de points en opposition avec les gigantesques esp?rances que Bacon fonde sur la raison, et nous aurons lieu de voir que Bacon accepte presque en entier la critique de Montaigne. Or, la r?futation appelle volontiers le nom de l'auteur r?fut?, et c'est parfois pour les r?futer que Bacon cite Machiavel et surtout Gilbert.

On pourrait signaler un rapport ?troit entre l'id?e que Montaigne se fait de l'histoire et la mani?re dont Bacon la traite, mais il serait chim?rique de chercher l? une influence; en mati?re de sciences non plus, Montaigne, qui n'est rien moins qu'un savant, n'avait rien ? enseigner ? Bacon. Nous devons nous en tenir aux deux domaines que je viens d'indiquer. Nous chercherons d'abord l'influence de Montaigne sur l'oeuvre de Bacon moraliste, ensuite son influence sur l'oeuvre de Bacon inventeur de la m?thode scientifique.

Il ne sera peut-?tre pas inutile de faire remarquer que, lorsqu'elle a entrepris ses recherches, Miss Norton, ignorait celles de M. Dieckow, et que j'ai moi-m?me entrepris les miennes ant?rieurement ? la publication de Miss Norton et sans conna?tre celle de M. Dieckow. Nos trois enqu?tes ont ?t? conduites ind?pendamment les unes des autres. Il y a donc quelque chances pour que peu de rapprochements essentiels nous aient ?chapp?.

Ed. Spedding, t. II, page 211.

Au moment o? j'ai ?crit cette ?tude, en 1907, je devais la connaissance de cette lettre ? M. Auguste Salles qui me l'avait tr?s aimablement communiqu?e et auquel j'exprime ici ma sinc?re gratitude. Elle a depuis ?t? publi?e par M. Sidney Lee. En voici le texte tel que le donne M. Sidney Lee:

<

Monsr., Vostre tr?s humble et affectionn? serviteur. De Brach.

CHAPITRE II

Les autres traces d'influence que je rel?ve sont aussi g?n?rales, moins pr?cises encore. Faut-il entendre un ?cho de Montaigne dans des sentences comme celles-ci: <>

Montaigne a fait souvent de charmants portraits de ces p?dants qui ne citent qu'Aristote dans la conversation, dont la robe et le latin font toute l'autorit?. Je ne cite pas, parce qu'il faudrait trop citer, et aussi parce que je sens que la sentence de Bacon se r?f?re plus au tour intellectuel de Montaigne qu'? telle phrase particuli?re.

Deux ou trois rapprochements de ce genre au plus, aussi impr?cis que celui-l?, seraient encore possibles, et voil? tout.

Des d?penses.

Les richesses ne sont de vrais biens qu'autant qu'on les d?pense, et que cette d?pense a pour but l'honneur ou de bonnes actions; mais les d?penses extraordinaires doivent ?tre proportionn?es ? l'importance des occasions m?mes qui les n?cessitent, car il est tel cas o? il faut savoir se d?pouiller de ses biens, non seulement pour m?riter le ciel, mais aussi pour le service et l'utilit? de sa patrie. Quant ? la d?pense journali?re, chacun doit la proportionner ? ses propres biens, et la r?gler uniquement sur ses revenus en les administrant de mani?re qu'ils ne soient pas gaspill?s par la n?gligence ou la friponnerie des domestiques. Il est bon aussi de la r?gler dans son imagination sur un pied beaucoup plus haut que celui o? l'on veut la mettre r?ellement, afin que le total paraisse toujours au-dessous de ce qu'on avait imagin?. Ce n'est rien moins qu'une bassesse ? de grands seigneurs d'entrer dans le d?tail de leurs affaires; et si la plupart d'entre eux ont tant de r?pugnance pour les soins de cette esp?ce, c'est beaucoup moins par n?gligence que pour ne pas s'exposer au chagrin qu'ils ressentiraient s'ils les trouvaient fort d?rang?es. Ceux qui ne veulent pas g?rer eux-m?mes leurs affaires et veulent s'?pargner cet embarras, n'ont d'autres ressource que celle de bien choisir les personnes qu'ils chargent de leurs int?r?ts, avec la pr?caution de les changer de temps en temps, les nouveaux venus ?tant plus timides et moins rus?s. Lorsqu'on a dessein de liquider son bien, on peut nuire ? sa fortune en le faisant trop vite comme en le faisant trop lentement ou trop tard, car on ne perd pas moins en se h?tant trop de vendre qu'en empruntant de l'argent ? gros int?r?ts. Celui qui a un vrai d?sir de r?tablir ses affaires ne doit pas n?gliger les plus petits objets, il est moins honteux de retrancher les petites d?penses que de s'abaisser ? de petits gains. A l'?gard de la d?pense journali?re, il faut la r?gler de fa?on qu'on puisse toujours la soutenir sur le m?me pied qu'en commen?ant; cependant on peut dans les grandes occasions, qui sont assez rares, se permettre un peu plus de magnificence qu'? l'ordinaire.

La traduction un peu diffuse, ne nous laisse apercevoir que fort imparfaitement l'allure tr?s ramass?e, presque lapidaire du texte anglais, dans lequel la plupart de ces conseils affectent la forme de courtes maximes tr?s denses. Ce qu'elle permet de voir ? tout le moins c'est qu'un essai de Bacon, j'entends un essai de la premi?re ?dition, n'est qu'une collection de sentences pratiques, toutes nues, d?charn?es, d?pouill?es de toutes les circonstances vivantes qui les ont sugg?r?es ? l'auteur, sans exemples, sans explications, sans justifications; ?? et l? on aper?oit la vell?it? de classer ces sentences sous divers chefs, de rapprocher l'une de l'autre celles qui par la similitude de leur objet semblent s'appeler, mais elle se d?ment vite: ce qui frappe dans l'ensemble, c'est l'absence totale d'ordre. Chez Montaigne il n'y a qu'une composition fragmentaire, mais les diff?rentes pi?ces s'agr?gent les unes aux autres par des associations ais?es, qui suivent le mouvement naturel de la pens?e; chez Bacon il y a simple juxtaposition de pens?es vraiment tr?s peu d?pendantes les unes des autres, unies seulement par l'id?e tr?s g?n?rale qu'exprime le titre de l'essai.

La raison de cette constatation inattendue pourrait bien ?tre que son ouvrage ?tait d?j? ?crit lorsque Bacon a lu Montaigne. Si seulement nous avions pu prouver que c'est l'?dition compl?te, celle de 1595, qu'il a connue, par le rapprochement des dates l'hypoth?se serait rendue assez vraisemblable, car la pr?face de Bacon est du mois de janvier 1597. Elle reste possible, mais ind?montrable. En tout cas ce qui me para?t tr?s probable, c'est que Bacon avait sa m?thode arr?t?e avant de conna?tre celle de son devancier.

Regardons-y de plus pr?s cependant: je crois qu'elle commence ? se faire jour. Tr?s vraisemblablement cette fois quelques id?es morales sont emprunt?es ? Montaigne.

Il n'est pourtant pas t?m?raire peut-?tre de croire que le sto?cisme de Montaigne ? envisager la mort, ? <>, qui avait si fort frapp? en France les Florimond de Raimond, les du Vair, a attir? l'attention de Bacon et l'a aid? ? d?gager ce qu'il a retenu de S?n?que. Qu'on lise les chapitres de Montaigne apr?s celui de Bacon, on sera tout dispos? ? le croire.

La multiplication des images et des comparaisons, des phrases incidentes, des explications et des justifications, des indications de lieu et de temps et de circonstances de tout genre, enfin de tout ce qui nuance et pr?cise l'expression des id?es psychologiques est d'une importance bien plus consid?rable. Tout cela, nous savons combien il le trouvait dans la pens?e souple et ondoyante de Montaigne.

Bacon reste donc bien ind?pendant de Montaigne; il a sa conception ? lui, il ne se propose pas d'imiter son devancier. Je crois seulement que la lecture de Montaigne a ?t? l'une des causes qui ont bris? les anciens moules o? il coulait ses observations morales, qui lui ont appris ? se repr?senter autrement ses id?es, ? les vouloir plus concr?tes. A lire Montaigne il a ?prouv? le besoin d'user d'exemples lui aussi, de commenter, de serrer l'id?e de plus pr?s, d'en nuancer l'expression.

Si nous regardons maintenant non plus la forme de l'essai, mais son contenu, c'est encore la m?me remarque qu'il nous faudra faire: Bacon subit incontestablement l'influence de Montaigne, mais son originalit? reste enti?re, sa personnalit? se dresse vigoureusement en face de celle de Montaigne et s'oppose ? elle. Nous venons de voir que le moule nouveau que Bacon construit vers la fin de sa vie pour y couler ses r?flexions morales est bien ? lui, tr?s diff?rent de tous les moules de Montaigne, et pourtant Montaigne l'a aid? ? en former quelques pi?ces. De m?me Montaigne aide Bacon ? d?gager quelques id?es de d?tail, mais dans l'ensemble sa pens?e se d?veloppe tr?s librement, et sa philosophie est toute diff?rente. Comparer leurs deux oeuvres, c'est en marquer le contraste.

Au travers de ses dissertations impersonnelles c'est le Moi de Bacon que nous d?couvrons; ce sont ses pr?occupations qui dictent le choix des sujets, ses habitudes qui leur donnent leur caract?re. Il n'est pas expos? ? tous les regards, comme celui de Montaigne, mais on le devine, on sent qu'il est l'?me du livre, qu'il ?tablit comme une parent? entre les diff?rents chapitres et leur conf?re une sorte d'unit?. Mais Bacon ne s'est pas retir? dans son ch?teau pour y chercher la sagesse antique au milieu des livres, il a lutt? longtemps pour arriver aux honneurs et r?parer le tort que la fortune lui avait fait en le privant pr?matur?ment de son p?re, il a fait converger toute sa volont? et toute son intelligence vers les affaires publiques, et d'?chelon en ?chelon il est arriv? ? la premi?re charge; il a eu ? se pousser dans le monde, ? se maintenir aux affaires dans des circonstances difficiles, il est tomb? du pouvoir sous le coup des plus rudes attaques; ? chacune de ces ?tapes, il a pu observer les hommes et les choses avec un sens pratique tr?s p?n?trant et une rare sagacit?.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top