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Read Ebook: La fin de l'art by Gourmont Remy De

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Ebook has 111 lines and 22762 words, and 3 pages

Produced by: Laurent Vogel at http://gallica.bnf.fr)

La fin de l'art

par REMY DE GOURMONT

LA FIN DE L'ART

LES CAHIERS DE PARIS

LE TIRAGE DE CHAQUE CAHIER EST LIMIT? A 1.500 EXEMPLAIRES NUM?ROT?S, SAVOIR: 50 EXEMPLAIRES, N?s 1 A 50, SUR VERG? D'ARCHES; 1.425 EXEMPLAIRES, N?s 51 A 1475, SUR V?LIN D'ALFA DES PAPETERIES LAFUMA; 25 EXEMPLAIRES, N?s 1476 A 1500, SUR PAPIER DE MADAGASCAR .

EXEMPLAIRE N?

REMY DE GOURMONT

LA FIN DE L'ART

LES CAHIERS DE PARIS 43, rue Madame PARIS 1925

Tous droits r?serv?s.

Copyright by Jean de Gourmont.

LA FIN DE L'ART

Il y a, dans le dernier livre de M. Ferrero, qui est un long dialogue philosophique ? la mani?re de Renan, un assez curieux personnage, sorte de Caliban en qui se concentre l'essence du b?otisme moderne ou encore du futurisme moderne, ce qui est bien pr?s d'?tre la m?me chose. C'est l'homme pour qui les choses de l'esprit, du sentiment, de l'art n'existent plus, qui m?prise tout ce qui ne se traduit pas en r?sultats tangibles et mesurables. L'art surtout l'exasp?re. Il lui reproche, le croirait-on? de ne pas avoir de valeur raisonnable, objective, car ce futuriste use du jargon ancien. Qu'est-ce qu'une trag?die grecque ou une pi?ce de Shakespeare, un portrait du Titien, une statue de Rodin, des choses qui passionnent les uns, quelques-uns, laissent tous les autres indiff?rents? Appellera-t-on cela des valeurs s?rieuses? Tandis qu'une mine d'or, une ligne de chemin de fer, une usine d'irrigation travaillent, produisent pour l'humanit? tout enti?re qui a besoin d'or, besoin de transports, besoin du bl? que produit la terre f?cond?e. Cet individu est italien. C'est peut-?tre lui qui a propos? de combler les canaux de Venise et de n'y maintenir que l'humidit? n?cessaire ? l'?tablissement de rizi?res; lui qui m?dita d'installer dans le palais des doges une fabrique de chaussures. Ils se rattrapent, les Italiens qui ont croupi si longtemps dans l'art. Que de temps perdu! Agglom?r?s en nation, ils rougissent de leur niaiserie pass?e et ne supportent m?me plus qu'on s'int?resse aux bagatelles que, dans des heures d'?garement, ils ont entass?es dans leurs mus?es. Y a-t-il dans cet ?tat d'esprit autre chose qu'une gageure ou bien serait-ce un avant-go?t des temps futurs? Qui sait? Tout ce qui a commenc? doit avoir une fin et on doit pr?voir celle de l'art, comme celles de toutes choses. Reste ? savoir si l'humanit? lui survivrait.

UN MONUMENT

Je lisais hier dans un journal l'?num?ration plaisante des objections du conseil municipal et de ses ?lecteurs contre le monument de Beethoven par M. de Charmoy. Il fut destin? d'abord ? la place du Trocad?ro o? il effara les marchands d'absinthe qui disaient: <>. Puis on pensa au Ranelagh, mais pas longtemps, car ce fut la crainte d'?pouvanter les enfants et leurs nourrices: si ce monsieur allait prendre de travers les ballons ?gar?s! Il n'a pas l'air commode. Il faudrait du souriant ou du confortable. Ce Beethoven est bien r?barbatif. Le dernier projet le transporte au bois de Vincennes et jusqu'ici il n'a pas rencontr? d'objection. On ne s'est pas encore avis? qu'il pourrait faire peur aux grenouilles ou effarer les lapins. Tout cela, c'est des pr?textes, dont quelques-uns sont amusants. La v?rit? est que le monument est g?nant par son grandiose m?me. Il ?crase tout. Il faudrait une jolie chose et M. de Charmoy n'a pas pens? ? faire du joli. Il cultive plut?t le s?v?re et le path?tique. Mais c'est pour cela m?me que ce monument-?pouvantail symbolise si bien Beethoven et son oeuvre dont il semble une transposition plastique. Beethoven aimait ? composer ses symphonies au milieu de la nature dont il percevait encore le rythme quand il n'entendait plus ses bruits. Qu'on le mette dans un coin solitaire du bois de Vincennes. Il l'emplira tout entier de sa majest? et l'air en r?sonnera sous les arbres. Il n'y a peut-?tre qu'avec eux qu'il pourra s'accommoder et plus ils seront grands et plus ils seront riches, plus il se sentira dans un milieu favorable ? son g?nie. Que M. de Charmoy se dise que peu de monuments soutiendraient un tel voisinage.

LES STATUES

On sait combien sont ridicules la plupart des statues de Paris, o? il y en a beaucoup. Mais, ? d?faut de ridicule, elles auraient encore contre elles leur nombre et surtout leur m?diocrit?. Cette m?diocrit? est telle qu'au lieu de rendre sympathiques les personnages statufi?s, elle les fait prendre en m?pris. Il faut bien s'en prendre ? quelqu'un. Les statuaires sont inconnus, surtout de la foule: c'est sur Chappe ou sur ?tienne Dolet que retombe la m?sestime, ce qui n'est pas juste. Mais ce n'est pas ? ce point de vue, qui est celui de l'esth?tique, que s'est plac? un journal en soumettant ? ses lecteurs ce probl?me: Si on ne devait garder ? Paris que vingt statues, lesquelles choisiriez-vous? La question fut donc celle du m?rite des statufi?s. Je sais bien que l'opinion des lecteurs bourgeois d'un journal n'est pas l'opinion publique, mais seulement l'opinion moyenne. Elle fut assez saine, mais t?moigna encore de bien des pr?jug?s. Trois ou quatre de ces choix ne vous paraissent-ils pas singuliers: Parmentier, Dumas p?re, La Fayette, Denis Papin? D?cid?ment la pomme de terre a port? bonheur ? cet honorable apothicaire. S'il l'avait vraiment d?couverte, il faudrait sans doute lui ?lever une statue en or, mais ce n'est pas le cas. Il la pr?conisa bien, mais seulement, le malheureux, comme fort propre ? faire du pain! Il en voulut aussi ? la ch?taigne, qu'il vouait au m?me usage. Parmentier est une invention de Fran?ois de Neufch?teau dont Rivarol disait que sa po?sie ?tait une prose ? laquelle les vers s'?taient mis. On voit ? la suite du pr?jug? Parmentier le pr?jug? Alexandre Dumas. Passons. Je le retrouverai bien quelque jour. La Fayette est donc encore c?l?bre? Encore un pr?jug?, bien peu explicable. Quant ? Denis Papin, personne ne sut jamais quelle ?tait son invention. Sa gloire est ? mettre ? c?t? de celle de Salomon de Caus, personnage ? peu pr?s fictif. Mais il est peut-?tre bon que le peuple distribue la gloire ? tort et ? travers. Cela en montre mieux le n?ant.

L'OB?LISQUE

Voici un petit fait qui int?resse l'histoire monumentale de Paris. Il ne doit pas ?tre ignor? des ?rudits, mais mon excuse pour le rapporter est que je ne le connaissais pas et que la plupart des lecteurs ne sont pas sans doute plus avanc?s que je ne l'?tais hier. Quand on transporta l'ob?lisque d'?gypte ? Paris, il ?tait complet, c'est-?-dire qu'il comportait, non seulement l'aiguille, mais un soubassement ou pi?destal qui lui donne toute sa signification. C'?tait un monolithe o? sont, sur deux des c?t?s, sculpt?es en haut-relief, quatre figures de cynoc?phale, d'une simplicit? et d'une hardiesse admirables. Ce pi?destal, d?terr? avec l'ob?lisque proprement dit, fut embarqu? avec lui jusqu'? Alexandrie o? on l'oublia, sans doute volontairement, et o? il est peut-?tre encore. Il ne faut donc pas nous vanter de poss?der un ob?lisque complet. Nous n'en avons qu'un morceau et pas sans doute le plus int?ressant. D'apr?s la revue ancienne o? j'ai trouv? cette histoire, on aurait pr?tendu qu'il n'y avait pas de place sur le bateau, et il est probable que les chefs de l'exp?dition ne se vant?rent pas tout d'abord de leur n?gligence, ou bien s'empressa-t-on, pour la couvrir, de commander, en granit du pays, l'insignifiant soubassement qui remplace le morceau original. C'est dommage, car d'apr?s la gravure assez imparfaite que je connais, les originales figures d?laiss?es auraient pu, expos?es ? la vue de tous, avoir une certaine influence sur la mauvaise sculpture romantique. Mais cela se passait en 1833. Qui songeait alors ? prendre pour de l'art la statuaire ?gyptienne? Il nous a fallu presque cent ans pour commencer ? faire semblant de la comprendre.

L'ARCHITECTURE

LA PIPE

TRANSMUTATION

Les derniers alchimistes sont tr?s fiers parce que la chimie moderne a repris quelques-uns de leurs th?mes, par exemple celui de la transmutation des m?taux; il y a beaucoup de diff?rence entre les deux s?ries de recherches, mais il y a aussi une ressemblance, c'est qu'elles sont tr?s capables, aujourd'hui comme hier, de ruiner leurs adeptes. La pierre philosophale a toujours co?t? extr?mement cher ? ceux qui la voulaient trouver de bonne foi. En retour, elle enrichit assez s?rement les charlatans qui avaient eu la fortune de mettre la main sur un solide imb?cile. C'est au dix-huiti?me si?cle qu'ils foisonn?rent surtout. Casanova, qui avait des recettes pour toutes choses, en avait aussi pour la transmutation, et elles variaient suivant le degr? de na?vet? des gens. On se rappelle avec quelle habilet? il op?ra, ? Torre del Greco, l'<> d'une fiole de mercure en l'amalgamant tout simplement avec du bismuth. Il ?tait tr?s fier de son oeuvre. C'?tait le premier argent qu'il gagnait. Son contemporain et son ennemi, Saint-Germain, qui, comme lui, fit deux ou trois fois fortune, ce qui indique qu'il se ruina autant de fois, se vantait non seulement de transmuer l'argent en or, mais de fondre en une seule pierre magnifique les petits diamants qu'on lui confiait. C'est un aventurier plus sombre et plus ing?nieux encore que Casanova. Il semble avoir eu une fin assez malheureuse. Il ?tait beaucoup plus extravagant et exigeait beaucoup plus de cr?dulit?. A ceux-l? l'alchimie et la cabale furent de vraies mines d'or; mais combien d'autres, au lieu de trouver la fortune au fond de leurs cornues et de leurs combinaisons, n'y trouv?rent que la mis?re. Mais quelle b?tise de vouloir transmuer le plomb en or! Et apr?s? L'or, ?tant commun, perd toute valeur. Cela a un int?r?t comme op?ration chimique, mais pas plus que celle qui transformerait l'or en plomb.

CIN?MA

Le hasard m'a men? hier dans un cin?ma. Je m'?tais pourtant bien promis de ne pas m'y laisser reprendre. En peu d'ann?es, ce spectacle est devenu d'une telle platitude, d'une telle b?tise, qu'on se sent vraiment humili? de faire partie, m?me pour un temps tr?s court, du troupeau qui s'y d?lecte. Il y a certains films fabriqu?s en Italie, o? se d?roule, dans l'anecdote la plus inane, la sentimentalit? la plus basse, qui semblent con?us pour r?cr?er un peuple d'ac?phales. On me dit que nous sommes mal tomb?s, que c'est une s?rie choisie pour les enfants, qu'ordinairement il y a certains tableaux attachants ou curieux. J'en doute. Le cin?ma, de plus en plus, est envahi par la mauvaise pantomime, le quiproquo facile, le truc vulgaire. Quelle d?ch?ance! Les premiers spectacles cin?matographiques m'avaient plu et m?me enchant?, mais alors l'?l?ment th??tre y faisait encore presque d?faut. On donnait des vues de la nature, des grandes industries, des moeurs lointaines. Maintenant, c'est l'anecdote, une anecdote de morale en action, imagin?e par des imb?ciles et traduite par des acteurs sans talent ou d'un talent tout m?canique. Parmi toutes ces histoires turpides, on avait gliss? tout de m?me la vue d'un paysage de Normandie, mais les feuilles des arbres remuaient tellement vite que c'en ?tait absurde. De plus, cela se d?roulait sur des airs de quadrille grivois, car il est convenu pour le peuple que la Normandie est un pays o? on tr?pigne en buvant du cidre qui mousse. Ce qui est parfaitement idiot, car la danse y est quasi inconnue. ?videmment, je suis de mauvaise humeur et le cin?ma n'est peut-?tre pas tomb? partout aussi bas que je viens de le voir. Pourtant, je le crois sur une mauvaise pente.

LES MOMIES

LA PEINTURE

VISAGES

SUR UN PORTRAIT

L'EXOTISME

LES D?BUTS

Un grand journal parlait r?cemment des d?buts des ?crivains aujourd'hui plus ou moins connus et notait qu'ils ont g?n?ralement lieu dans ces petites revues si d?daign?es du grand public ou plut?t si inconnues de lui. C'est exact, les petites revues ayant toujours, plut?t que les grandes, besoin de copie, outre qu'elles mettent leur amour-propre ? r?v?ler les nouveaux talents. Mais il arrive aussi que les petites revues ne sont pas plus accueillantes que les autres, car elles sont souvent l'organe d'une ?cole, et d'une ?cole intransigeante. Tr?s souvent, d'ailleurs, le d?butant de la petite revue n'est pas un vrai d?butant. Avant la petite revue, il y a le petit journal de province o? il a gliss? des stances ou un conte innocent. Avant les d?buts, il y a les pr?-d?buts, si l'on peut dire, et ceux-l? demeurent toujours myst?rieux, quand ils n'ont pas ?t? ?galement singuliers. Tel ?crivain, aujourd'hui bien connu et encore tr?s jeune, d?buta dans le recueil des jeux floraux, de Toulouse. Tel autre, dans un petit p?riodique o? il fallait d'abord s'abonner pour avoir droit ? une insertion. Un autre, au contraire, envoya sa premi?re copie ? un recueil hebdomadaire tr?s connu, tr?s spirituel et tr?s l?ger. Mais Taine y avait ?crit sous le nom de Thomas Graindorge. Il se croyait ?galement de grandes destin?es, il c?da ? la fascination. Il mit dans une enveloppe quelques pens?es sur les femmes, les envoya et eut le bonheur de les lire imprim?es la semaine suivante. On ne lui avait chang? que le titre et remplac? la signature par trois ?toiles. Il eut l'audace de se pr?senter au bureau. On lui dit que cela se payait vingt-cinq centimes la ligne, mais il y en avait si peu qu'il n'osa pas les toucher. Cet auteur fit cinq ou six pr?-d?buts aussi fructueux et aussi tapageurs, apr?s quoi il fut m?l? ? la fondation d'une petite revue, o? il d?buta v?ritablement.

LE LATIN

On ne me croirait pas si je me disais ennemi du latin, mais je ne suis pas non plus ami du latin pour tous. Il semble que la tradition soit rompue et que toute une classe de jeunes gens de quinze ans ne puisse plus s'int?resser au langage de Cic?ron. Les professeurs, malgr? leur z?le, sont oblig?s de constater la faiblesse croissante des ?tudes latines. L'air n'est plus favorable au latin. Trop de choses nouvelles veulent entrer et d'autres sont entr?es d?j? dans les jeunes esprits; il faut leur faire place. On ?touffe dans les cervelles: ouvrez la porte et renouvelez l'air. Je ne sais pas si c'est f?cheux, mais c'est un fait, ou que les t?tes n'ont pas grandi en proportion de ce qu'il s'agit maintenant d'y enfourner, ou qu'on a tort d'y vouloir enfourner trop de notions. Il va peut-?tre falloir choisir et, consid?rant le latin comme une notion de luxe, le r?server pour les quelques t?tes un peu plus larges que les autres. Il y aurait ce moyen, mais qui semble tout ? fait hors de la port?e de l'Universit?: changer sa m?thode d'enseignement et ne plus se donner pour but, dans les lyc?es, la formation uniforme de lettr?s, de professeurs, d'?crivains. Car cela semble bien dans cette vue qu'elle gave la jeunesse et il semble bien aussi que cette vue ne soit plus absolument compatible avec le parti que cette jeunesse entend tirer de la vie. Or, je crois qu'il faut enseigner les gens et les jeunes gens selon qu'ils veulent ?tre instruits et non pas selon que la coutume l'a fix?. A l'?poque de la r?forme, tout le monde voulait savoir l'h?breu. Il y eut des professeurs d'h?breu jusque dans les villages, il n'y en avait pas assez. Cent ans plus tard, il n'y en avait plus. La mode impose l'enseignement et la mode est fond?e sur des besoins r?els ou factices; avons-nous ? en juger? On ne veut plus de latin, pourquoi l'enseigner de force? Qu'on en fasse un cours libre.

LATINERIE

LA LANGUE FRAN?AISE

LES NOMS ?TRANGERS

BARBARISMES

LES DEUX LANGAGES

Un malheureux camelot, invit? ? circuler par un agent, r?pond: <> Est-ce une insulte? On a soumis le cas ? M. Brunot, lequel n'y voit qu'une forme populaire de langage et l'?quivalent de cette autre locution: <> Les juges n'ont pas ?t? de cet avis, et, condamn? ? six mois de prison, le camelot a vu, en appel, sa peine port?e ? un an. Mais comment faire comprendre ? des magistrats, hommes de la soci?t? polie, hommes mesur?s, distingu?s, qu'il y a en France deux langages, celui qu'emploient les gens qui fr?quentent les salons et celui qu'emploient les gens qui ne fr?quentent que le trottoir et le zinc. Si <> ?tait prof?r? dans un salon, il y provoquerait un incroyable scandale, sans nul doute, mais il n'en est pas de m?me sur le trottoir, et surtout entre gens de la m?me classe populaire, qui ?changent, ? chaque propos, les mots les plus grossiers dont ils ne se choquent nullement, par la bonne raison qu'ils n'en connaissent pas d'autres qui rendent aussi bien leur pens?e et avec une spontan?it? aussi nette. Il y a de l'impatience, il y a une nuance de d?dain dans l'expression du camelot, mais il n'y a pas insulte ? proprement parler. Elle traduit le <> qui ?chappera au magistrat exasp?r?, ou m?me le <> o? il se laissera aller dans un moment de col?re famili?re. Ne voit-on pas, dans des sc?nes de caserne, deux soldats se dire sur un ton affectueux: <> et autres am?nit?s qui seraient fort d?plac?es dans le salon de Mme de Noailles, mais qui ne le sont plus ? la caserne. Le peuple ne sent pas la grossi?ret? comme nous, ou plut?t ce qui nous semble grossier ne l'est pas n?cessairement pour lui. Il y a deux langues dans la langue fran?aise, avec des nuances, o? tout le monde ne se reconna?t pas. C'est le devoir des raffin?s d'?tre le plus indulgents.

LE STYLE PROFESSIONNEL

LA M?DIOCRIT?

Ayant gard? la chambre plusieurs jours, le hasard m'a fait entreprendre diverses lectures qui auraient d? me distraire, mais qui ont beaucoup augment? mon ennui. D?cid?ment, il n'y a rien de plus p?nible que le livre qui veut ?tre divertissant, mais qui est surtout m?diocre. Un trait? d'arithm?tique ou de chimie me conviendrait vraiment mieux. Ce n'?tait pourtant pas le vulgaire roman, mais des souvenirs contemporains et j'en attendais quelque plaisir. En est-il aucun pr?s de ces ?mes superficielles plus contentes encore, dirait-on, de leurs petits chagrins que de leurs petites joies? Je voudrais bien d?signer plus clairement ces malheureux auteurs, mais je ne l'ose. Ils ne me comprendraient pas d'ailleurs, peut-?tre trouveraient-ils seulement que j'ai bien mauvais go?t. Oui, je l'esp?re, et que nous avons une sensibilit? diff?rente. Mais ce qui m'a surtout exasp?r?, c'est la platitude du style. Je me suis r?p?t? dix fois, au cours de cette lecture, le mot de Flaubert <>. Il a un m?rite cependant, c'est l'ennui extr?me qu'il r?pand. Rien n'incline mieux au sommeil que la m?diocrit? soutenue, celle qui ne flanche jamais, celle qui se joue des difficult?s, glisse, comme frott?e d'huile, ? travers la syntaxe, donne enfin l'impression d'un robinet d'o? sort ?ternellement une belle eau claire, toujours la m?me. Pourquoi donc, me dira-t-on, ai-je pers?v?r?? Peut-?tre parce que j'esp?rais une chute, une brisure? Puis, la pers?v?rance est dans mon caract?re. C'est pourquoi je crains les ouvrages en plusieurs volumes. Je ne sais plus m'arr?ter. Cela m'a men? parfois tr?s loin, ? des t?ches dont je sens encore la courbature. Il n'en est pas de comparable ? celle qu'imprime au cerveau la lecture d'un livre m?diocre. H?las, c'est presque tous!

LECTURES DE VOYAGE

J'emporte toujours au fond de ma malle quantit? de livres s?rieux, qui ne sont pas sans l'alourdir, et r?guli?rement je les rapporte sans les avoir ouverts. En revanche, je reviens encombr? de brochures ? bon march? qui ont tent? ma paresse, au passage dans les gares. Comme toute cette litt?rature, m?diocre et m?diocrement gaie d'ailleurs, me semble au retour ridicule! J'en suis un peu honteux et je me promets toujours, mais en vain, de ne plus m'y laisser prendre. Je le sais, il vaudrait mieux regarder tomber la pluie philosophiquement, mais le d?mon de l'ennui, de la peur de l'ennui, nous pousse, et l'on devient si l?che d?s que l'on sort de ses habitudes! J'y ai gagn? du moins, car il n'est pas une sottise qui ne nous vale quelque compensation, une certaine connaissance d'une litt?rature dont je n'aurais pas eu l'id?e si j'?tais toujours rest? chez moi. Je ne la d?signe pas autrement. C'est d'ailleurs la plus connue, celle o? se d?lectent la plupart de nos contemporains, celle qui passe aussi pour repr?senter le mieux ce qu'on nomme l'esprit fran?ais. Il y a m?me eu, il y a quelques ann?es, une collection populaire sous ce titre fallacieux. Il faut croire que cet esprit n'a plus gu?re d'admirateurs puisque l'?diteur de ces opuscules a disparu. Mais d'autres ont ?t? s?duits par le prestige du titre et c'est encore ce genre qui alimente les biblioth?ques des gares. Ces livres, d'une ga?t? si spl?n?tique, r?pondent sans doute ? un besoin du voyageur, de l'homme bien d?cid? ? ne pas faire le moindre effort intellectuel, mais comme ils font regretter ceux que l'on oublie dans leur prison, ceux qu'on n'a pas le courage d'atteindre! C'est que, pr?cis?ment, sans effort intellectuel il n'est peut-?tre pas de plaisir possible.

LES LIVRES ANCIENS

UN ROMAN

Les romans que l'on re?oit au mois d'ao?t, quand on a le malheur de ne pas avoir encore quitt? Paris ou que l'on est d?j? revenu, sont presque s?rs d'?tre lus. C'est ce qui est arriv? ? celui qui m'est parvenu avant-hier et qui, en une autre saison, m'aurait probablement d?courag?. Mais la solitude du moment, la fra?cheur excessive de la temp?rature l'ont fait b?n?ficier d'un ?tat d'esprit sp?cial, de sorte que j'en suis ? la page 480, ni plus ni moins, ce qui m'a permis de faire ample et suffisante connaissance avec la plus extraordinaire turpitude que l'on ait encore publi?e sous une couverture jaune paille. Apr?s cet exorde et quoique la chose ne soit malheureusement pas sans un certain talent ? la Zola, un talent salement naturaliste, je m'abstiendrai d'en d?voiler le titre et le nom de l'auteur. Au surplus est-il suffisamment caract?ris? par la date de sa venue au jour, o? il est certainement seul de son esp?ce. C'est l'histoire d'une famille, mais surtout d'un p?re et d'une fille qui sont sans doute les ?tres les plus ha?ssables que l'on peut avoir connus dans un livre. Le p?re pousse sa fille ? se faire ?pouser par un jeune homme riche, puis voyant qu'il ne survient pas d'h?ritier, imagine de le procr?er lui-m?me, et, ? la grande joie du jeune monstre, devient son amant et la rend m?re. Le couple incestueux est parfaitement heureux, se roule avec d?lices dans sa bauge, quand le mari les surprend. On lui fait son affaire, un peu, il faut le dire, par hasard, dans un mouvement de col?re, puis on se d?barrasse du cadavre qu'on va pendre ? un arbre, dans la campagne, avec une s?r?nit? temp?r?e par la frousse. Ils sont inqui?t?s, mais ? peine, et l'ordure triomphe. L'auteur n'a trouv? que d?funt son chien ? qui d?dier cette bonne histoire. Je sais, il s'en d?roule parfois de telles ? la cour d'assises et il faut peut-?tre, apr?s tout, admirer le courage de qui a fr?quent?, sans haut-le-coeur, de tels individus.

L'ENCRE

SUR UNE PHRASE

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