Read Ebook: La fin de l'art by Gourmont Remy De
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SUR UNE PHRASE
Sur mille personnes qui r?p?tent si volontiers la moiti?, je ne dirais pas de la pens?e, car ce n'est m?me pas une pens?e, la moiti? de la phrase de Pascal: <
GASSENDI
DIDEROT
LOUIS VEUILLOT
BONS CONSEILS
STENDHAL ET CASANOVA
UN CHRONIQUEUR
LE SURVIVANT
Rochefort est mort ? l'?ge de quatre-vingt-trois ans et il ?crivait encore le mois dernier sa chronique quotidienne, toujours la m?me, ? cela pr?s que, jadis h?riss?e de piquants ac?r?s, ces piquants s'?taient peu ? peu ?mouss?s, puis fl?tris, mais ils y ?taient. Effet de la vieillesse, sans doute, mais on peut se demander encore si une grande partie de la force des ?crivains, des <
CORRESPONDANCES
On va publier les lettres de Verlaine ? un de ses amis. Elles s'?tendent sur un grand espace de temps, une trentaine d'ann?es. Si elles sont tr?s int?ressantes, je ne les ai pas feuillet?es assez longtemps pour m'en rendre bien compte, mais elles sont des lettres de Verlaine et cela suffit. Il n'avait pas toujours beaucoup de distinction dans sa prose et il y en a moins que jamais dans ces lettres ? un camarade; l'on y verra du moins la preuve qu'il est quelquefois bon de s?parer l'homme de l'?crivain et d'en faire l'objet de deux jugements s?par?s, si l'on tient ? juger. Mais, et c'est l? ce que je voulais dire, le ton l?ch? d'une correspondance peut venir aussi de la qualit? du correspondant et du genre d'amiti? qu'il inspire. C'est pourquoi on regrettera toujours de ne pas poss?der les correspondances compl?tes, les lettres des deux parties. Je ne connais que peu de recueils de ce genre, en dehors de la correspondance de Goethe et de Schiller, de Flaubert et de George Sand, o? les ?pistoliers parurent ? un moment ? peu pr?s sur le m?me plan. Quand l'un des correspondants est inconnu ou sans grande r?putation, on supprime g?n?ralement ses lettres, sans se douter qu'on supprime ainsi une partie de l'int?r?t que pr?sentent celles que l'on a conserv?es. De la sorte, la plupart des correspondances ressemblent ? des dialogues o? l'on aurait effac? les r?pliques d'un des discoureurs, ? une sc?ne de com?die r?duite ? un seul r?le. Mais qui voudrait qu'un Verlaine e?t conserv? les lettres qu'on lui adressait? Ce ne serait plus le po?te errant et malade, ce ne serait plus Verlaine. F?licitons-nous plut?t qu'un de ses amis e?t song? ? garder d?s 1868 la plupart des lettres qu'il en recevait. Cet homme ?tait-il un homme d'ordre? Avait-il pr?vu la fortune singuli?re de son ami? Peu importe. J'en ai tenu un instant le manuscrit autographe. Il est, mat?riellement, bien curieux.
UNIVERSIT?S
Je vois sur le prospectus d'une <
INDULGENCE
Hier, entre quelques amis, nous passions en revue la qualit? de pens?e de tels ou tels ?crivains momentan?ment c?l?bres--tout n'est-il pas momentan?, m?me la gloire?--et nous ?tions un peu ?tonn?s qu'elle f?t aussi l?g?re. Je disais peu de chose, soit que je sois devenu plus indulgent, soit que je recherche dor?navant dans les oeuvres litt?raires des qualit?s diff?rentes de celles qui enthousiasmaient ma jeunesse. Au fond, je crois que c'est l'indulgence qui dominait. Je l'avoue, tous les livres nouveaux me paraissent ?gaux ou ? peu pr?s. Il en est peu de compl?tement nuls. Il en est encore moins de tout ? fait satisfaisants. Qui n'est pas d?cid? ? l'indulgence ne devrait en ouvrir aucun. Le go?t se blase. Il est un moment o? toutes les femmes semblent pareilles. De m?me pour les livres. Et comme on donne la pr?f?rence ? la femme qui pousse le plus loin l'art de plaire, on choisirait le livre le mieux rempli de bonnes intentions. C'est g?n?ralement celui d'un jeune homme. Il est plein des illusions qu'on a connues. Cela attire notre sympathie. Mais les livres de ces gens d'exp?rience et qui n'ont pas m?me la valeur de l'exp?rience, de ces hommes qui ont travers? la plus grande partie de la vie et sur lesquels la vie n'a laiss? aucune empreinte, il faut beaucoup de complaisance pour faire semblant de ne pas les m?priser tout ? fait. De la complaisance ou de la r?signation. Ces remarques n'auraient tout leur sel que si on pouvait y mettre des noms propres, mais nos moeurs s'y opposent. En avouant mon indulgence, j'avoue donc que je participe ? la politesse universelle qui est la marque de la lassitude ou de la l?chet? de notre ?poque. Quand je pense ? cela, je me sens plein d'estime pour Boileau Despr?aux, mais il faut bien que je me dise que si un Boileau surgissait aujourd'hui, il serait mis au ban de la soci?t? litt?raire. J'entends un vrai Boileau, non un insulteur sans solidit?, un homme qui saurait motiver ses jugements. Que cela nous ferait de bien!
L'?P?E
En lisant ces jours-ci que la corporation des midinettes allait offrir ? M. Charpentier, ?lu ? l'Institut, son ?p?e d'acad?micien, je n'ai pu m'emp?cher de rire, une fois de plus, tant le contraste est comique entre l'id?e d'acad?micien et l'id?e d'?p?e ? rigole pour le sang. Je ne sais d'ailleurs pas s'il est des ?p?es sans rigoles? ni si les ?p?es ordinaires des acad?miciens sont autre chose qu'un fourreau. On leur offre parfois des ?p?es damasquin?es, des ?p?es qui traverseraient leur homme de part en part, comme celle de d'Artagnan, mais peut-?tre que la prudence leur conseille de les d?poser dans un placard, pour ?viter l'aventure d'Amp?re, d?j? de l'Institut mais non encore pass? ? l'?tat d'unit? ?lectrique. Amp?re, assistant en uniforme ? une soir?e, s'?tait bient?t senti fort embarrass? de cette ?p?e qui lui battait les jambes et il la d?tacha subrepticement, la posa dans le creux d'un canap?. Cependant tout le monde s'en allait, il ne restait plus qu'Amp?re et la ma?tresse de maison qui s'?tait pr?cis?ment assise sur le canap? o? gisait l'?p?e. Amp?re, fort timide, n'osait pas la d?ranger et la dame soutenait comme elle pouvait une conversation d?sesp?r?e, luttant entre sa politesse et le d?sir de mettre ? la porte l'Acad?micien qui, l'oeil fix? sur le creux o? son ?p?e s'?tait enfonc?e, avait l'air le plus embarrass? et le plus ridicule. Enfin, elle s'endormit et Amp?re avan?a la main. Il sentait l'?p?e, il allait la r?cup?rer. Encore un effort et il la tenait! Mais l'?p?e vint toute seule, laissant le fourreau, la dame se r?veilla soudain, poussa un cri et des domestiques accourus la trouv?rent ?pouvant?e devant un Acad?micien, l'?p?e nue ? la main! Cependant, pourquoi une ?p?e aux acad?miciens? C'est tout simplement que, lorsque les Acad?mies furent fond?es, tout le monde, jusqu'aux laquais, portait une ?p?e. A leur r?organisation, comme on rep?chait les traditions, on rep?cha l'?p?e. Ce n'?tait pas encore ridicule, l'uniforme militaire ?tait partout. Aujourd'hui, cela n'a aucun sens, pas m?me symbolique.
HISTORIETTES
HISTOIRES DE M?DECINS
UNE D?COUVERTE
Un statisticien vient de d?couvrir qu'il y a plus du tiers des habitants de Paris qui demeurent dans des logements trop ?troits, entass?s les uns sur les autres, et que cela est tr?s malsain. Les malheureux r?duits ? vivre dans ces ?touffoirs seront les premiers de son avis, mais ils lui feront observer que ce n'est pas tout ? fait leur faute et qu'ils pr?f?reraient m?me poss?der un h?tel entre cour et jardin ou m?me une simple villa dans les environs. Mais au prix o? sont les pierres fa?onn?es en maisons, ils sont oblig?s de se contenter de peu, bien que cela les navre. S'ils sont vou?s au suicide lent, ils ne l'ont pas choisi. C'est d?j? tr?s beau pour un pauvre homme, charg? d'une famille, si peu nombreuse qu'elle soit, d'avoir conquis un tout petit appartement dans une vieille maison et il est de son devoir de s'en consoler en se repr?sentant la vie de ceux qui couchent sous les ponts ou qui sont forc?s de s'en remettre aux hospitalit?s ing?nieuses de M. Cochon. Quand on soul?ve de ces tristes questions, on devrait en tenir la solution dans sa main ferm?e et l'ouvrir au bon moment, pour en faire jaillir la surprise. Autrement, c'est se jouer de notre sensibilit?, car nous n'y pouvons rien. Et m?me, du train dont montent les loyers, ce ne seront bient?t plus les seuls pauvres qui ?toufferont dans des casiers minuscules, ce seront encore les petits employ?s, les petits retrait?s, se loger dans un vrai appartement tendant ? devenir un luxe qui n'est pas ? la port?e du premier venu. Je souhaite vivement que les maisons ? bon march? dont on parle tant soient un rem?de ? cette mis?re, mais je n'y compte nullement. Ce sera tr?s beau si les architectes consentent ? n'y mettre que tout juste la quantit? de faux luxe qui permettra de ne pas y louer plus cher que dans les autres.
TUBERCULOSE
Il n'y eut jamais plus de tuberculose sous toutes les formes que depuis qu'on a imagin? de s'en pr?munir par tous les moyens possibles. Un m?decin, r?cemment, nous mettait en garde contre chiens et chats qui peuvent fort bien la transmettre, surtout aux enfants qui jouent intimement avec eux. La v?rit? est que tout est dangereux et qu'il n'y a rien de plus dangereux que l'exercice m?me de la vie, mais aussi que moins on pense ? ces dangers de tous les instants, et mieux cela vaut. Le microbe de la contagion est partout. Il nous guette ? chaque mouvement et il n'y a vraiment qu'un moyen de lui ?chapper, c'est de t?cher de mettre son organisme en ?tat de r?sistance constante. On a soutenu que la fi?vre typho?de dont l'agent est ?galement r?pandu partout s'attaquait principalement aux d?bilit?s et que la vraie cause de sa fr?quence dans les casernes ?tait beaucoup moins l'eau que l'?tat de fatigue des jeunes soldats. La m?decine est orient?e ? ne consid?rer que les germes vivants des maladies, mais le terrain o? tombent ces germes ne saurait ?tre indiff?rent. L'hygi?ne sociale ne doit pas faire oublier l'hygi?ne individuelle dont le premier commandement est une saine nourriture. Mais comment recommander cela sans ironie ? toutes ces pauvres femmes qui travaillent pour un salaire qui leur permet de d?jeuner avec quatre sous de charcuterie et deux sous de cerises? Nous prenons toutes les questions ? rebours et nous sommes tr?s surpris de n'arriver ? rien. Si un enfant peut attraper la tuberculose en jouant avec un chien, il peut tout aussi bien l'attraper en jouant ? l'?cole avec un camarade ou en ne jouant pas, en s'asseyant seulement ? sa place sur son banc. Il faudrait ne pas vivre. C'est bien cela. Ce serait m?me le seul moyen de ne pas mourir.
GR?VE DU PAIN
J'ai une grande sympathie pour ces gens qui travaillent la nuit, pendant que je me repose, qui peinent pour que j'aie ? mon r?veil un tas de petites satisfactions quotidiennes, sans lesquelles ma vie serait g?t?e, et quand je pense ? eux, c'est toujours avec reconnaissance. Le boulanger est au premier rang de ceux-l?. Je voudrais que les bourgeois songeassent, comme je le fais, ? tous ces malheureux qui passent des nuits blanches sur les chemins ou dans des caves pour augmenter les agr?ments de leur existence. Le travail de nuit du boulanger est le plus connu, ?tant le plus sensible et le plus pittoresque. On le voit, par les soupiraux, d?s dix heures du soir travailler la p?te et la disposer dans des corbeilles. Il n'est donc pas besoin d'?tre noctambule pour appr?cier son labeur. D'autres m?tiers sont plus secrets ou ne sont observ?s que par de rares personnes. La lettre qui vous surprend le matin a voyag? ou a ?t? surveill?e toute la nuit. Le journal qu'on vous apporte en m?me temps a tenu debout jusqu'? l'aurore toutes sortes d'employ?s et d'ouvriers. Le lait, les l?gumes que vous allez manger se sont mis en route comme vous vous couchiez, ainsi que les fleurs qui vont vous r?jouir, et si ces choses viennent de plus loin que les environs de Paris, assez souvent il faut qu'? leur arriv?e tr?s matinale il se trouve des hommes pour les recevoir et les distribuer. Le travail humain le plus essentiel ? la vie m?me se fait en grande partie la nuit. Avouez qu'il devrait ?tre mieux r?tribu? que le travail de jour qui est plus ais?, plus conforme ? la physiologie. Or, c'est souvent le contraire. Et tel est notre ?go?sme que nous en jouissons la plupart du temps sans y faire attention. Une gr?ve du pain, et plus compl?te que celle-ci, serait tr?s salutaire, non seulement pour les mitrons, mais pour toutes les sensibilit?s endormies.
LE PAIN BLANC
De temps en temps, des gens difficiles trouvent que le pain blanc est trop blanc, que c'est mauvais signe, que cette couleur est suspecte et d?note un lymphatisme ?trange. Pour un peu, ils voudraient que le pain f?t fabriqu? avec ce que l'on ?te du bl? pour le transformer en blanche farine, avec le son que l'on destine g?n?ralement aux cochons. Ah! si nous ?tions, disent-ils, nourris comme les petits cochons, nous serions roses comme eux, et forts, et gras, et dispos! Il y a d?j? quelques ann?es qu'on nous chante cette antienne, si bien que l'on vit, durant quelque temps, r?gner la mode du pain complet. Pour satisfaire leur client?le, comme on ne trouve pas dans le commerce de <
VIVISECTION
Il y a une revue qui a pour titre <
LES GU?RISSEURS
Une femme gu?rissait les malades par des moyens innocents et mystiques, l'imposition des mains et de bonnes paroles. Cela ne doit pas r?ussir avec tout le monde, mais cela peut tr?s bien donner des r?sultats momentan?s quand on a affaire ? des ?tres nerveux, hyst?riques, cr?dules, ? des simples un peu d?traqu?s. Quoi qu'il en soit, un syndicat de m?decins d?non?a cette femme pour exercice ill?gal de la m?decine et apr?s plusieurs jugements favorables ou d?favorables, la Cour d'appel vient de l'acquitter d?finitivement et, par cons?quent, lui rendre la libert? d'imposer les mains tant qu'elle voudra. Les magistrats ont jug? que ce n'?tait pas l? proprement l'exercice de la m?decine. Notez qu'elle n'ordonne jamais de m?dicaments, qu'elle ne touche jamais les malades, qu'elle n'agit que par des gestes, d'o? elle croit qu'il ?mane un fluide. Et si le fluide existe, il s'est montr? bienfaisant; s'il n'existe pas, il ne saurait nuire. C'est fort bien jug?. D'ailleurs pour moi, j'irais beaucoup plus loin dans ces principes de libert? et je ne verrais nul inconv?nient ? ce que f?t proclam?e la libert? de la m?decine. A bien r?fl?chir, le privil?ge des m?decins est extraordinaire. Il ne se comprendrait pas, la m?decine f?t-elle une science exacte. S'il a surv?cu aux autres privil?ges abolis par la R?volution, c'est par suite d'un pr?jug? plus fort que les principes m?mes. La valeur d'un homme dans un m?tier se juge par les r?sultats. Le dipl?me est une possibilit?, non une preuve de capacit?. Ce sera, si vous voulez, un commencement de preuve, mais non la preuve d?finitive, qui est la gu?rison m?me. Il se peut que la m?thode positive convienne ? la majorit? des hommes, mais il se peut aussi qu'? certaines natures convienne mieux la m?thode mystique. Il y avait dans les temples des dieux gu?risseurs en Gr?ce des montagnes de b?quilles; il y en a dans les mosqu?es et dans les marabouts. Toute ?motion pr?vue ou impr?vue peut gu?rir certains ?tats nerveux sous la d?pendance desquels ?voluent certaines maladies ou du moins certains maux. Un m?decin gu?rit ou am?liore souvent l'?tat d'un malade par la confiance qu'il inspire plus que par les rem?des qu'il prescrit. Pourquoi emp?cher un malade d'aller vers la source o? il a mis sa foi? Ceci n'attaque pas les dipl?mes, mais comment un dipl?m? ose-t-il se plaindre qu'un non-dipl?m? fasse mieux que lui?
LE R?GIME
Que peut bien manger un homme condamn? pour quelque temps ? ?viter tout aliment sal?? Nous cherchions cela l'autre jour et nous ne trouvions rien en dehors du chocolat et des diff?rentes sucreries qui ne peuvent former un menu app?tissant que pour les enfants gourmands. Encore qui pourrait affirmer que l'amande du cacaoyer est pure de tout sel? Y a-t-il des aliments sans sel, m?me parmi les v?g?taux? La vie sans sel est-elle possible? Il semble que non, et la recherche d'un r?gime sans sel serait une chim?re. Son premier ?l?ment est toujours le lait, mais le lait, qui est un produit animal, contient ?videmment des traces de sel. Il en est de m?me des oeufs. Les plus fades v?g?taux doivent contenir du sel, et l'herbe des champs elle-m?me est assez sal?e pour transmettre sa salure aux animaux qui ne vivent que d'herbe et dont la chair, pourtant, et le sang ont un degr? ?lev? de concentration saline, et un degr? constant d'ailleurs. On se demande donc si les herbivores se contentent de puiser dans les v?g?taux les traces de sel qu'ils contiennent, ou s'ils ne se trouvent pas, par le fait m?me qu'ils sont des vert?br?s, dou?s du pouvoir de fabriquer le sel n?cessaire ? leur vie. Il en r?sulterait, pour les humains, la parfaite inanit? des r?gimes sal?s ou dessal?s, puisque ce serait l'organisme qui fabriquerait son sel, s'il n'en re?oit pas, de m?me qu'il le rejette s'il en re?oit trop. Le sang d'un v?g?tarien et le sang d'un marin nourri de viande sal?e contiendront parfaitement la m?me teneur en sel, et ceci n'est pas sans faire r?fl?chir. Pourtant, il est tr?s possible que les r?gimes viennent pr?cis?ment au secours de l'organisme en lui ?pargnant la moiti? de la besogne. Puis, dites-vous que vous ?tes un sujet d'exp?rience et que si vous mourez de faim, c'est pour la science. Quel r?confort!
LE VIN
S'?tant mise ? substituer aveugl?ment le raisonnement ? l'exp?rience, la m?decine moderne d?cr?ta contre le vin. Inutilement l'exemple des si?cles protestait. De tout temps les races europ?ennes, et surtout depuis l'extension du catholicisme qui en a fait un de ses fondements, ont bu du vin, s'y sont peu ? peu habitu?es, l'ont incorpor? ? leurs moeurs. Et l? o? la vigne ne pousse pas, de tout temps aussi les hommes s'?taient cr?? diverses boissons alcooliques, cidre, bi?re, d'autres encore, et tout cela ?tait consid?r? comme un bienfait quotidien. Il semble, si ces boissons furent, ? un certain moment, jug?es dangereuses par leur abus, qu'on aurait d? tout au moins tenir compte de l'habitude qu'en avaient les hommes. La pratique m?me de la m?decine ne montrait-elle pas qu'il est dangereux de supprimer tout d'un coup une mauvaise habitude, f?t-ce l'alcool pur, f?t-ce le tabac, et m?me l'?ther ou l'opium? Les m?decins ne comprirent pas ce m?canisme physiologique et persuad?rent ? beaucoup de leurs clients de ne boire que de l'eau: les cas d'appendicite se multipli?rent. Ce n'est que tout r?cemment que l'on d?couvrit qu'il pouvait y avoir une relation entre ce r?gime trop b?nin et l'extension de ce mal. La m?decine commence ? c?der et n'est pas tr?s ?loign?e de croire maintenant ? l'utilit? des boissons alcooliques prises ? dose mod?r?e et, par-dessus tout, du vin. Dans quelques si?cles, cette campagne contre le vin, partie d'un pays qui est la r?gion par excellence de la vigne, para?tra inimaginable, mais on en trouvera peut-?tre la cause dans le phylloxera et les fraudes qui s'ensuivirent. Les ennemis du vin auront confondu avec le jus de la vigne des mixtures horrifiques o? il entrait jusqu'? des teintures, jusqu'? de l'acide sulfurique.
LE RHUME
Le rhume est un ?tat o? on ne peut ni parler, ni lire, ni ?crire, ni penser ? autre chose qu'au mal ridicule qui nous ?treint. La grande distraction de l'homme enrhum? est d'abord de rechercher dans ses souvenirs, ?pais comme le brouillard, la cause de son rhume. Il ne la trouve jamais avec certitude. Il semble qu'on n'ait rien ? se reprocher et pourtant le mal est venu. Il est l?. On le sent grandir avec ?pouvante. Mais les souvenirs s'?paississent encore, et il ne nous reste de conscience que pour courir apr?s une respiration qui menace de s'?chapper tout ? fait. Le rhume est un mal ridicule, mais aussi un mal affreux. Il est probable que s'il durait plus de vingt-quatre heures ? l'?tat aigu, il serait class? parmi les tortures. Mais si ce n'?tait pas une torture, ce serait encore une humiliation, car ses manifestations ext?rieures rendent l'homme grotesque. Le rhume vous retranche de l'humanit?. D'ailleurs, maintenant que l'on voit la contagion partout, on s'?carte volontiers de l'homme enrhum?. Mais si le rhume se transmet par contact, rien n'est plus capricieux. S'il y a un microbe de la chose, ce qui est possible apr?s tout, c'est un microbe fantasque, qui se d?veloppe dans les courants d'air, dans les souliers humides et de l? saute subrepticement dans les fosses nasales. Je ne pense pas que l'on ait m?me tent? un commencement d'explication de la relation qui existe entre la plante des pieds et le si?ge du sens olfactif. C'est un des myst?res de la physiologie humaine et l'un des plus d?sagr?ables. Mon ?tat ne me permet pas de creuser davantage la question, mais il m'impose de la soumettre aux physiologistes. Il me reste tout juste assez de lucidit? pour envoyer chercher chez le pharmacien des drogues inutiles, mais dont l'essai me fera toujours passer le temps.
LE SURSIS
C'est un jeu auquel on se livre beaucoup en ce moment dans la presse et sans doute dans les salons, o? l'on ne sait quoi faire. En voici le th?me, qui a ?t? fourni par une pi?ce de th??tre: <
SUR LA LOGIQUE
Il y a vraiment peu d'esprits capables de pousser jusqu'au bout la logique de leurs d?ductions, m?me dans le domaine scientifique. Ainsi je viens de lire un excellent livre sur les <
CHRISTOPHE COLOMB
PROVINCES
Les d?partements n'ont jamais eu qu'une vie officielle et administrative. Ils ne sont gu?re entr?s dans la conversation, et ce qui a le plus contribu? ? les maintenir en dehors de l'usage, c'est peut-?tre que les chemins de fer ont ignor? leur existence. Comme ils s'?tendent n?cessairement sur tout un groupe de d?partements, ils ont adopt? soit les noms plus vastes des anciennes provinces, soit les noms de r?gions. L'?tat, lui-m?me, est bien oblig? de diviser ses lignes en lignes de Normandie, de Bretagne et du Sud-Ouest. Partout, c'est de m?me: il y a deux voies pour aller dans le Midi, la Bourgogne et le Bourbonnais. L'amour assez nouveau des paysages a ?galement redonn? l'existence aux anciennes provinces. Il y a les paysages du Berry et les paysages de Provence, ceux du Dauphin?, de la Champagne ou du Limousin, r?cemment d?couverts. Au point de vue esth?tique, du moins, le d?partement n'est qu'une petite division du territoire fran?ais. Cela tient aussi ? ce que beaucoup de noms de d?partements sont tr?s mauvais: Seine-Inf?rieure, Tarn-et-Garonne, Haute-Vienne, etc. Puis, franchement, m?me du point de vue administratif, le d?partement est devenu trop petit. Mais laissons cela. Plusieurs provinces aussi ?taient tr?s petites et d'autres, immenses, ?taient sans aucune coh?sion. Il est certain qu'on ne r?tablira jamais les provinces dans leur ?tat ancien. D'ailleurs, qu'?tait en dernier lieu l'Ile-de-France? On n'en sait rien. Un nom, peut-?tre, et moins en usage qu'aujourd'hui. Est-il possible de reconstituer la Normandie? Il n'y a aucun rapport d'int?r?ts entre la r?gion de Rouen et la r?gion de Coutances, qui se rattacherait plus volontiers ? celle de Rennes. Mais quel inconv?nient ? ce que les deux cat?gories de noms soient conserv?es? Les uns et les autres r?pondent ? des besoins diff?rents. Si on r?forme les divisions pr?fectorales, les anciennes provinces ne seront certainement pas un mod?le ? suivre. Ce ne sont plus que des divisions g?ographiques et esth?tiques.
LE LIMOUSIN
Ce fut, au grand si?cle, un pays ridicule et, de plus, un lieu d'exil. Un sieur Jannart, ami de Fouquet et parent de La Fontaine, ayant ?t? pri? de se retirer ? Limoges, le po?te l'y suivit. Plusieurs de ses lettres ? Mlle de La Fontaine sont dat?es de cette ville; il en go?te surtout la table et la bonne compagnie, dont il loue les m?rites. On y voit cependant que la connaissance du fran?ais cessait vers Bellac: plus loin, le paysan ne parle que son patois. On croyait fermement, dans le reste de la France, que le Limousin ?tait un pays de rustres, quasi de sauvages, et ce nom seul suffisait ? faire rire. M. de Pourceaugnac est <
LA SAVOIE
VOYAGE EN FRANCE
J'esp?re que les d?l?gu?s du tourisme, qui vont se r?unir, sauront trouver un r?le et une place d'honneur pour notre grand touriste, pour Ardouin-Dumazet, qui a parcouru, et souvent ? pied, le b?ton ? la main, la France enti?re, et qui a r?dig? ses observations en cinquante-cinq ou soixante volumes, car l'oeuvre continue. Ayant tout vu, il trouve sans cesse ? revoir et peut ? peine consentir ? se d?clarer satisfait d'une oeuvre que tout le monde juge admirable et unique. Il avait d?j? r?dig? un <
LE TOURISTE
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