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Read Ebook: La fin de l'art by Gourmont Remy De

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Ebook has 111 lines and 22762 words, and 3 pages

SUR UNE PHRASE

Sur mille personnes qui r?p?tent si volontiers la moiti?, je ne dirais pas de la pens?e, car ce n'est m?me pas une pens?e, la moiti? de la phrase de Pascal: <>, il n'en est peut-?tre pas une qui soit capable de la compl?ter: <<... et qui m?nent o? on veut aller.>> S'ils la connaissaient toute, peut-?tre ne la r?p?teraient-ils plus, car ils en verraient trop clairement l'absurdit?. Cette fameuse phrase doit-elle ?tre class?e parmi les sottises ?chapp?es aux grands hommes, ou n'est-elle qu'une erreur de copiste, ou encore une chose incompl?te jet?e au hasard, je n'en sais rien, mais il est certain qu'elle n'a qu'une apparence de bon sens. La premi?re partie est fort supportable parce qu'elle ?nonce un fait et qu'aux immobiles routes elle oppose les mobiles fleuves. Mais la seconde partie en d?truit tout l'effet. Je ne pense pas qu'il soit besoin d'expliquer que cette route qui marche ne marche que dans un sens et m?ne non o? l'on veut aller, mais bon gr? mal gr? o? elle va n?cessairement elle-m?me; ce sera une fois sur deux l? pr?cis?ment o? nous ne voulons pas aller. Elle est donc, en tant que route, bien inf?rieure aux plus simples chemins, qui du moins n'ont pas de parti pris et nous m?nent vraiment, avec le seul effort du mouvement, l? o? nous le d?sirons. Pourquoi donc cette phrase est-elle devenue c?l?bre? Probablement ? cause de l'antith?se qu'elle contient, bien que comme toutes les antith?ses, fort incompl?te et tr?s peu juste, m?me quand elle l'est le plus. Elle abr?ge le raisonnement pour ceux qui se contentent de peu, qu'une vague apparence satisfait. Pascal n'?tait pas un bon observateur, mais la g?n?ralit? des hommes, ?tant encore moins observateurs que lui, l'ont suivi avec confiance. Un Pascal peut-il dire une sottise ou une demi-sottise, peut-il avoir une distraction?

GASSENDI

DIDEROT

LOUIS VEUILLOT

BONS CONSEILS

STENDHAL ET CASANOVA

UN CHRONIQUEUR

LE SURVIVANT

Rochefort est mort ? l'?ge de quatre-vingt-trois ans et il ?crivait encore le mois dernier sa chronique quotidienne, toujours la m?me, ? cela pr?s que, jadis h?riss?e de piquants ac?r?s, ces piquants s'?taient peu ? peu ?mouss?s, puis fl?tris, mais ils y ?taient. Effet de la vieillesse, sans doute, mais on peut se demander encore si une grande partie de la force des ?crivains, des <>, des <>, ne r?side pas dans l'admiration de leurs contemporains; je le pense et qu'il n'est pas bon de survivre ? sa g?n?ration. A mesure qu'elle s'?gr?ne, celles qui la remplacent cherchent ce qui faisait l'attrait du survivant et ne le trouvent pas. Bient?t m?me on ne se le demande plus et, comme il n'exprime plus une seule id?e contemporaine, on le n?glige puis on l'oublie. Hormis d'un petit groupe qui lui savait gr? d'avoir accept? son hospitalit?, Henri Rochefort ?tait parfaitement oubli?, apr?s avoir jou? ? la surface des choses un r?le qui donne l'illusion d'?tre consid?rable. Mais les r?les consid?rables sont rares. Celui de Rochefort avait du moins sa valeur psychologique. Il avait prouv? qu'on peut s'imposer aux hommes, du moins aux Fran?ais, et du moins encore aux Parisiens, par la seule vivacit? de son esprit, par l'art ?quivoque de ramener toutes les questions ? des jeux de mots voisins du calembour. Sa fortune ?tait bas?e sur un calembour digne du marquis de Bi?vre, qui n'en fit gu?re de meilleur. Et ce calembour, il devait le r?p?ter toute sa vie en le variant de couleur, non de forme. Tant de pers?v?rance engendra une admiration l?gitime. L?gitime, mais qui tient tout de m?me du ph?nom?ne, surtout pour ceux qui, voulant juger les choses par eux-m?mes, sont venus trop tard et auxquels il n'a pu servir son champagne que fort ?vent?.

CORRESPONDANCES

On va publier les lettres de Verlaine ? un de ses amis. Elles s'?tendent sur un grand espace de temps, une trentaine d'ann?es. Si elles sont tr?s int?ressantes, je ne les ai pas feuillet?es assez longtemps pour m'en rendre bien compte, mais elles sont des lettres de Verlaine et cela suffit. Il n'avait pas toujours beaucoup de distinction dans sa prose et il y en a moins que jamais dans ces lettres ? un camarade; l'on y verra du moins la preuve qu'il est quelquefois bon de s?parer l'homme de l'?crivain et d'en faire l'objet de deux jugements s?par?s, si l'on tient ? juger. Mais, et c'est l? ce que je voulais dire, le ton l?ch? d'une correspondance peut venir aussi de la qualit? du correspondant et du genre d'amiti? qu'il inspire. C'est pourquoi on regrettera toujours de ne pas poss?der les correspondances compl?tes, les lettres des deux parties. Je ne connais que peu de recueils de ce genre, en dehors de la correspondance de Goethe et de Schiller, de Flaubert et de George Sand, o? les ?pistoliers parurent ? un moment ? peu pr?s sur le m?me plan. Quand l'un des correspondants est inconnu ou sans grande r?putation, on supprime g?n?ralement ses lettres, sans se douter qu'on supprime ainsi une partie de l'int?r?t que pr?sentent celles que l'on a conserv?es. De la sorte, la plupart des correspondances ressemblent ? des dialogues o? l'on aurait effac? les r?pliques d'un des discoureurs, ? une sc?ne de com?die r?duite ? un seul r?le. Mais qui voudrait qu'un Verlaine e?t conserv? les lettres qu'on lui adressait? Ce ne serait plus le po?te errant et malade, ce ne serait plus Verlaine. F?licitons-nous plut?t qu'un de ses amis e?t song? ? garder d?s 1868 la plupart des lettres qu'il en recevait. Cet homme ?tait-il un homme d'ordre? Avait-il pr?vu la fortune singuli?re de son ami? Peu importe. J'en ai tenu un instant le manuscrit autographe. Il est, mat?riellement, bien curieux.

UNIVERSIT?S

Je vois sur le prospectus d'une <> mondaine l'indication d'un cours de frivolit?s! Il y a l? un double signe de d?cadence si marqu? que je lui dois bien quelques r?flexions. C'est d'abord le mot Universit? tomb? ? rien, ? qualifier un endroit o? l'on donne des le?ons de piano, o? l'on conte ces anecdotes historiques qui prennent le titre d'histoire, o? des tableaux pittoresques de Paris, quasi cin?matographiques, s'appellent sociologie, o? cent choses de jeu sont qualifi?es d'enseignement, o? l'enseignement vrai se d?robe sous la fanfreluche. Rien de plus gentil et qui m?rite mieux d'?tre fr?quent? par les jeunes filles et qui peut-?tre soit mieux ? leur mesure, mais rien qui d?consid?re plus s?rement le vieux mot d'Universit?, jadis si grave et si riche. Cette Universit? enrubann?e et les universit?s populaires, qui n'y ressemblent gu?re, mais ?taient aussi des sortes de parodies, tout cela montre que le vieux nom d'Universit? n'est plus gu?re pris au s?rieux et c'est assez juste, car on a fini par s'apercevoir que la scission est ? peu pr?s absolue entre l'?me fran?aise et l'?me universitaire. Chacune chante de son c?t?. Bien peu d'?crivains d'aujourd'hui et m?me de philosophes qui aient une culture universitaire. On voit m?me parmi eux des sortes d'illettr?s qui font fort bonne figure dans la corporation. La culture litt?raire de la France s'?labore plus que jamais en dehors de l'Universit?. Et finalement je trouve charmant que ce nom et ce titre soient usurp?s par un institut de frivolit?s. La vieille Universit? ne peut qu'y gagner: est-ce que d'?minents professeurs ne professent pas aux deux si?ges? On s'y m?prend. Est-ce la coupe qu'ils enseignent ? la Sorbonne, la danse ou l'aquarelle? On le croit quelquefois. Et pour bien des raisons cela n'a aucune importance.

INDULGENCE

Hier, entre quelques amis, nous passions en revue la qualit? de pens?e de tels ou tels ?crivains momentan?ment c?l?bres--tout n'est-il pas momentan?, m?me la gloire?--et nous ?tions un peu ?tonn?s qu'elle f?t aussi l?g?re. Je disais peu de chose, soit que je sois devenu plus indulgent, soit que je recherche dor?navant dans les oeuvres litt?raires des qualit?s diff?rentes de celles qui enthousiasmaient ma jeunesse. Au fond, je crois que c'est l'indulgence qui dominait. Je l'avoue, tous les livres nouveaux me paraissent ?gaux ou ? peu pr?s. Il en est peu de compl?tement nuls. Il en est encore moins de tout ? fait satisfaisants. Qui n'est pas d?cid? ? l'indulgence ne devrait en ouvrir aucun. Le go?t se blase. Il est un moment o? toutes les femmes semblent pareilles. De m?me pour les livres. Et comme on donne la pr?f?rence ? la femme qui pousse le plus loin l'art de plaire, on choisirait le livre le mieux rempli de bonnes intentions. C'est g?n?ralement celui d'un jeune homme. Il est plein des illusions qu'on a connues. Cela attire notre sympathie. Mais les livres de ces gens d'exp?rience et qui n'ont pas m?me la valeur de l'exp?rience, de ces hommes qui ont travers? la plus grande partie de la vie et sur lesquels la vie n'a laiss? aucune empreinte, il faut beaucoup de complaisance pour faire semblant de ne pas les m?priser tout ? fait. De la complaisance ou de la r?signation. Ces remarques n'auraient tout leur sel que si on pouvait y mettre des noms propres, mais nos moeurs s'y opposent. En avouant mon indulgence, j'avoue donc que je participe ? la politesse universelle qui est la marque de la lassitude ou de la l?chet? de notre ?poque. Quand je pense ? cela, je me sens plein d'estime pour Boileau Despr?aux, mais il faut bien que je me dise que si un Boileau surgissait aujourd'hui, il serait mis au ban de la soci?t? litt?raire. J'entends un vrai Boileau, non un insulteur sans solidit?, un homme qui saurait motiver ses jugements. Que cela nous ferait de bien!

L'?P?E

En lisant ces jours-ci que la corporation des midinettes allait offrir ? M. Charpentier, ?lu ? l'Institut, son ?p?e d'acad?micien, je n'ai pu m'emp?cher de rire, une fois de plus, tant le contraste est comique entre l'id?e d'acad?micien et l'id?e d'?p?e ? rigole pour le sang. Je ne sais d'ailleurs pas s'il est des ?p?es sans rigoles? ni si les ?p?es ordinaires des acad?miciens sont autre chose qu'un fourreau. On leur offre parfois des ?p?es damasquin?es, des ?p?es qui traverseraient leur homme de part en part, comme celle de d'Artagnan, mais peut-?tre que la prudence leur conseille de les d?poser dans un placard, pour ?viter l'aventure d'Amp?re, d?j? de l'Institut mais non encore pass? ? l'?tat d'unit? ?lectrique. Amp?re, assistant en uniforme ? une soir?e, s'?tait bient?t senti fort embarrass? de cette ?p?e qui lui battait les jambes et il la d?tacha subrepticement, la posa dans le creux d'un canap?. Cependant tout le monde s'en allait, il ne restait plus qu'Amp?re et la ma?tresse de maison qui s'?tait pr?cis?ment assise sur le canap? o? gisait l'?p?e. Amp?re, fort timide, n'osait pas la d?ranger et la dame soutenait comme elle pouvait une conversation d?sesp?r?e, luttant entre sa politesse et le d?sir de mettre ? la porte l'Acad?micien qui, l'oeil fix? sur le creux o? son ?p?e s'?tait enfonc?e, avait l'air le plus embarrass? et le plus ridicule. Enfin, elle s'endormit et Amp?re avan?a la main. Il sentait l'?p?e, il allait la r?cup?rer. Encore un effort et il la tenait! Mais l'?p?e vint toute seule, laissant le fourreau, la dame se r?veilla soudain, poussa un cri et des domestiques accourus la trouv?rent ?pouvant?e devant un Acad?micien, l'?p?e nue ? la main! Cependant, pourquoi une ?p?e aux acad?miciens? C'est tout simplement que, lorsque les Acad?mies furent fond?es, tout le monde, jusqu'aux laquais, portait une ?p?e. A leur r?organisation, comme on rep?chait les traditions, on rep?cha l'?p?e. Ce n'?tait pas encore ridicule, l'uniforme militaire ?tait partout. Aujourd'hui, cela n'a aucun sens, pas m?me symbolique.

HISTORIETTES

HISTOIRES DE M?DECINS

UNE D?COUVERTE

Un statisticien vient de d?couvrir qu'il y a plus du tiers des habitants de Paris qui demeurent dans des logements trop ?troits, entass?s les uns sur les autres, et que cela est tr?s malsain. Les malheureux r?duits ? vivre dans ces ?touffoirs seront les premiers de son avis, mais ils lui feront observer que ce n'est pas tout ? fait leur faute et qu'ils pr?f?reraient m?me poss?der un h?tel entre cour et jardin ou m?me une simple villa dans les environs. Mais au prix o? sont les pierres fa?onn?es en maisons, ils sont oblig?s de se contenter de peu, bien que cela les navre. S'ils sont vou?s au suicide lent, ils ne l'ont pas choisi. C'est d?j? tr?s beau pour un pauvre homme, charg? d'une famille, si peu nombreuse qu'elle soit, d'avoir conquis un tout petit appartement dans une vieille maison et il est de son devoir de s'en consoler en se repr?sentant la vie de ceux qui couchent sous les ponts ou qui sont forc?s de s'en remettre aux hospitalit?s ing?nieuses de M. Cochon. Quand on soul?ve de ces tristes questions, on devrait en tenir la solution dans sa main ferm?e et l'ouvrir au bon moment, pour en faire jaillir la surprise. Autrement, c'est se jouer de notre sensibilit?, car nous n'y pouvons rien. Et m?me, du train dont montent les loyers, ce ne seront bient?t plus les seuls pauvres qui ?toufferont dans des casiers minuscules, ce seront encore les petits employ?s, les petits retrait?s, se loger dans un vrai appartement tendant ? devenir un luxe qui n'est pas ? la port?e du premier venu. Je souhaite vivement que les maisons ? bon march? dont on parle tant soient un rem?de ? cette mis?re, mais je n'y compte nullement. Ce sera tr?s beau si les architectes consentent ? n'y mettre que tout juste la quantit? de faux luxe qui permettra de ne pas y louer plus cher que dans les autres.

TUBERCULOSE

Il n'y eut jamais plus de tuberculose sous toutes les formes que depuis qu'on a imagin? de s'en pr?munir par tous les moyens possibles. Un m?decin, r?cemment, nous mettait en garde contre chiens et chats qui peuvent fort bien la transmettre, surtout aux enfants qui jouent intimement avec eux. La v?rit? est que tout est dangereux et qu'il n'y a rien de plus dangereux que l'exercice m?me de la vie, mais aussi que moins on pense ? ces dangers de tous les instants, et mieux cela vaut. Le microbe de la contagion est partout. Il nous guette ? chaque mouvement et il n'y a vraiment qu'un moyen de lui ?chapper, c'est de t?cher de mettre son organisme en ?tat de r?sistance constante. On a soutenu que la fi?vre typho?de dont l'agent est ?galement r?pandu partout s'attaquait principalement aux d?bilit?s et que la vraie cause de sa fr?quence dans les casernes ?tait beaucoup moins l'eau que l'?tat de fatigue des jeunes soldats. La m?decine est orient?e ? ne consid?rer que les germes vivants des maladies, mais le terrain o? tombent ces germes ne saurait ?tre indiff?rent. L'hygi?ne sociale ne doit pas faire oublier l'hygi?ne individuelle dont le premier commandement est une saine nourriture. Mais comment recommander cela sans ironie ? toutes ces pauvres femmes qui travaillent pour un salaire qui leur permet de d?jeuner avec quatre sous de charcuterie et deux sous de cerises? Nous prenons toutes les questions ? rebours et nous sommes tr?s surpris de n'arriver ? rien. Si un enfant peut attraper la tuberculose en jouant avec un chien, il peut tout aussi bien l'attraper en jouant ? l'?cole avec un camarade ou en ne jouant pas, en s'asseyant seulement ? sa place sur son banc. Il faudrait ne pas vivre. C'est bien cela. Ce serait m?me le seul moyen de ne pas mourir.

GR?VE DU PAIN

J'ai une grande sympathie pour ces gens qui travaillent la nuit, pendant que je me repose, qui peinent pour que j'aie ? mon r?veil un tas de petites satisfactions quotidiennes, sans lesquelles ma vie serait g?t?e, et quand je pense ? eux, c'est toujours avec reconnaissance. Le boulanger est au premier rang de ceux-l?. Je voudrais que les bourgeois songeassent, comme je le fais, ? tous ces malheureux qui passent des nuits blanches sur les chemins ou dans des caves pour augmenter les agr?ments de leur existence. Le travail de nuit du boulanger est le plus connu, ?tant le plus sensible et le plus pittoresque. On le voit, par les soupiraux, d?s dix heures du soir travailler la p?te et la disposer dans des corbeilles. Il n'est donc pas besoin d'?tre noctambule pour appr?cier son labeur. D'autres m?tiers sont plus secrets ou ne sont observ?s que par de rares personnes. La lettre qui vous surprend le matin a voyag? ou a ?t? surveill?e toute la nuit. Le journal qu'on vous apporte en m?me temps a tenu debout jusqu'? l'aurore toutes sortes d'employ?s et d'ouvriers. Le lait, les l?gumes que vous allez manger se sont mis en route comme vous vous couchiez, ainsi que les fleurs qui vont vous r?jouir, et si ces choses viennent de plus loin que les environs de Paris, assez souvent il faut qu'? leur arriv?e tr?s matinale il se trouve des hommes pour les recevoir et les distribuer. Le travail humain le plus essentiel ? la vie m?me se fait en grande partie la nuit. Avouez qu'il devrait ?tre mieux r?tribu? que le travail de jour qui est plus ais?, plus conforme ? la physiologie. Or, c'est souvent le contraire. Et tel est notre ?go?sme que nous en jouissons la plupart du temps sans y faire attention. Une gr?ve du pain, et plus compl?te que celle-ci, serait tr?s salutaire, non seulement pour les mitrons, mais pour toutes les sensibilit?s endormies.

LE PAIN BLANC

De temps en temps, des gens difficiles trouvent que le pain blanc est trop blanc, que c'est mauvais signe, que cette couleur est suspecte et d?note un lymphatisme ?trange. Pour un peu, ils voudraient que le pain f?t fabriqu? avec ce que l'on ?te du bl? pour le transformer en blanche farine, avec le son que l'on destine g?n?ralement aux cochons. Ah! si nous ?tions, disent-ils, nourris comme les petits cochons, nous serions roses comme eux, et forts, et gras, et dispos! Il y a d?j? quelques ann?es qu'on nous chante cette antienne, si bien que l'on vit, durant quelque temps, r?gner la mode du pain complet. Pour satisfaire leur client?le, comme on ne trouve pas dans le commerce de <>, les boulangers faisaient de leur mieux pour obtenir du pain gris. Les amateurs ne le trouvaient jamais assez gris: <> Ah! comme les t?tes tournent! On peut, en effet, se rappeler avec quel enthousiasme avait ?t? accueilli ce pain ultra-blanc que permettaient les minoteries perfectionn?es, les cylindres d'acier! Et ce pain ultra-blanc ?tait mis ? la disposition du peuple, des pauvres m?me, au m?me prix que l'ancien pain gris?tre. Quel progr?s! Une ?re nouvelle vraiment s'ouvrait pour les hommes! Puis le vent a vir?. Finalement on s'est aper?u que ce progr?s trop visible, oui vraiment trop ?clatant, ?tait une pure illusion et qu'il n'y a aucun rapport nutritif ni m?me savoureux, bien au contraire, entre le pain et la blancheur. Le progr?s, c'est de revenir au pain d'autrefois, fait avec de la farine sans ?clat, mais solide, qui est produite par les vieux moulins dont les roues tournent dans l'eau ou les ailes, dans l'air. Je n'ai mang? de vrai pain que dans les pays qui passaient pour arri?r?s, la Hague, la Bretagne.

VIVISECTION

Il y a une revue qui a pour titre <>. On m'en a envoy? un fascicule, peut-?tre pour me faire r?fl?chir sur ces questions, peut-?tre au petit bonheur, en esp?rant trouver un adh?rent aux id?es repr?sent?es par la ligue du m?me nom et la revue qui semble la repr?senter. On a r?ussi dans la premi?re hypoth?se, mais moins je lis de bulletins de ce genre, plus je suis dispos? ? la sympathie pour leur id?e totale. J'aime les animaux, je sympathise peut-?tre plus avec leurs yeux qu'avec les yeux humains; ils sont plus limpides, plus doux et quelquefois plus intelligents. Je ne me repr?sente pas sans angoisse un chien ou un chat que l'on torture et je n'aime pas ? m'arr?ter ? une telle pens?e. Mais si j'ai de la sensibilit?, je me crois dou? d'assez de raison et je rougirais vraiment de m'indigner de ce que le docteur Carrel a sacrifi? quelques animaux ? ses exp?riences de greffe animale. Et ces pauvres singes auxquels on a inocul? la syphilis? Et ces petits cobayes aux yeux roses auxquels on a fait toutes sortes de mis?res? N'a-t-on pas eu la barbarie d'implanter le cancer sur de jolies petites souris? Si on pouvait trouver ? ce prix-l? la gu?rison du cancer de l'homme, celui qui s'opposerait ? de telles exp?riences ne serait-il pas un ennemi de l'humanit?? C'est gr?ce aux vivisections de Claude Bernard, quoi qu'en dise la revue, qu'on sait ce que c'est que le diab?te et qu'on peut le soigner efficacement. Tout ce que l'on doit demander aux op?rateurs, c'est de ne pas faire souffrir inutilement, b?tement les animaux qu'ils soumettent ? leurs exp?riences, et je d?teste, autant que les r?dacteurs m?me de la revue, les amateurs imb?ciles qui ouvrent un animal vivant pour voir ce qu'il y a dedans. Mais je crois aussi que la plupart des vivisecteurs de profession sont des gens qui ob?issent ? la n?cessit? de leur m?tier et qui ne sont curieux qu'au nom de la science et de l'humanit?. Les abus, non la pratique de la vivisection, sont condamnables. Il y en a certainement, mais je ne croirai jamais que l'Institut Pasteur coupe des b?tes en morceaux pour rien, pour le plaisir. On voit que je ne touche m?me pas ? la grande question: les animaux ont-ils conscience de leur douleur? Elle est insoluble. Il faut accepter les apparences.

LES GU?RISSEURS

Une femme gu?rissait les malades par des moyens innocents et mystiques, l'imposition des mains et de bonnes paroles. Cela ne doit pas r?ussir avec tout le monde, mais cela peut tr?s bien donner des r?sultats momentan?s quand on a affaire ? des ?tres nerveux, hyst?riques, cr?dules, ? des simples un peu d?traqu?s. Quoi qu'il en soit, un syndicat de m?decins d?non?a cette femme pour exercice ill?gal de la m?decine et apr?s plusieurs jugements favorables ou d?favorables, la Cour d'appel vient de l'acquitter d?finitivement et, par cons?quent, lui rendre la libert? d'imposer les mains tant qu'elle voudra. Les magistrats ont jug? que ce n'?tait pas l? proprement l'exercice de la m?decine. Notez qu'elle n'ordonne jamais de m?dicaments, qu'elle ne touche jamais les malades, qu'elle n'agit que par des gestes, d'o? elle croit qu'il ?mane un fluide. Et si le fluide existe, il s'est montr? bienfaisant; s'il n'existe pas, il ne saurait nuire. C'est fort bien jug?. D'ailleurs pour moi, j'irais beaucoup plus loin dans ces principes de libert? et je ne verrais nul inconv?nient ? ce que f?t proclam?e la libert? de la m?decine. A bien r?fl?chir, le privil?ge des m?decins est extraordinaire. Il ne se comprendrait pas, la m?decine f?t-elle une science exacte. S'il a surv?cu aux autres privil?ges abolis par la R?volution, c'est par suite d'un pr?jug? plus fort que les principes m?mes. La valeur d'un homme dans un m?tier se juge par les r?sultats. Le dipl?me est une possibilit?, non une preuve de capacit?. Ce sera, si vous voulez, un commencement de preuve, mais non la preuve d?finitive, qui est la gu?rison m?me. Il se peut que la m?thode positive convienne ? la majorit? des hommes, mais il se peut aussi qu'? certaines natures convienne mieux la m?thode mystique. Il y avait dans les temples des dieux gu?risseurs en Gr?ce des montagnes de b?quilles; il y en a dans les mosqu?es et dans les marabouts. Toute ?motion pr?vue ou impr?vue peut gu?rir certains ?tats nerveux sous la d?pendance desquels ?voluent certaines maladies ou du moins certains maux. Un m?decin gu?rit ou am?liore souvent l'?tat d'un malade par la confiance qu'il inspire plus que par les rem?des qu'il prescrit. Pourquoi emp?cher un malade d'aller vers la source o? il a mis sa foi? Ceci n'attaque pas les dipl?mes, mais comment un dipl?m? ose-t-il se plaindre qu'un non-dipl?m? fasse mieux que lui?

LE R?GIME

Que peut bien manger un homme condamn? pour quelque temps ? ?viter tout aliment sal?? Nous cherchions cela l'autre jour et nous ne trouvions rien en dehors du chocolat et des diff?rentes sucreries qui ne peuvent former un menu app?tissant que pour les enfants gourmands. Encore qui pourrait affirmer que l'amande du cacaoyer est pure de tout sel? Y a-t-il des aliments sans sel, m?me parmi les v?g?taux? La vie sans sel est-elle possible? Il semble que non, et la recherche d'un r?gime sans sel serait une chim?re. Son premier ?l?ment est toujours le lait, mais le lait, qui est un produit animal, contient ?videmment des traces de sel. Il en est de m?me des oeufs. Les plus fades v?g?taux doivent contenir du sel, et l'herbe des champs elle-m?me est assez sal?e pour transmettre sa salure aux animaux qui ne vivent que d'herbe et dont la chair, pourtant, et le sang ont un degr? ?lev? de concentration saline, et un degr? constant d'ailleurs. On se demande donc si les herbivores se contentent de puiser dans les v?g?taux les traces de sel qu'ils contiennent, ou s'ils ne se trouvent pas, par le fait m?me qu'ils sont des vert?br?s, dou?s du pouvoir de fabriquer le sel n?cessaire ? leur vie. Il en r?sulterait, pour les humains, la parfaite inanit? des r?gimes sal?s ou dessal?s, puisque ce serait l'organisme qui fabriquerait son sel, s'il n'en re?oit pas, de m?me qu'il le rejette s'il en re?oit trop. Le sang d'un v?g?tarien et le sang d'un marin nourri de viande sal?e contiendront parfaitement la m?me teneur en sel, et ceci n'est pas sans faire r?fl?chir. Pourtant, il est tr?s possible que les r?gimes viennent pr?cis?ment au secours de l'organisme en lui ?pargnant la moiti? de la besogne. Puis, dites-vous que vous ?tes un sujet d'exp?rience et que si vous mourez de faim, c'est pour la science. Quel r?confort!

LE VIN

S'?tant mise ? substituer aveugl?ment le raisonnement ? l'exp?rience, la m?decine moderne d?cr?ta contre le vin. Inutilement l'exemple des si?cles protestait. De tout temps les races europ?ennes, et surtout depuis l'extension du catholicisme qui en a fait un de ses fondements, ont bu du vin, s'y sont peu ? peu habitu?es, l'ont incorpor? ? leurs moeurs. Et l? o? la vigne ne pousse pas, de tout temps aussi les hommes s'?taient cr?? diverses boissons alcooliques, cidre, bi?re, d'autres encore, et tout cela ?tait consid?r? comme un bienfait quotidien. Il semble, si ces boissons furent, ? un certain moment, jug?es dangereuses par leur abus, qu'on aurait d? tout au moins tenir compte de l'habitude qu'en avaient les hommes. La pratique m?me de la m?decine ne montrait-elle pas qu'il est dangereux de supprimer tout d'un coup une mauvaise habitude, f?t-ce l'alcool pur, f?t-ce le tabac, et m?me l'?ther ou l'opium? Les m?decins ne comprirent pas ce m?canisme physiologique et persuad?rent ? beaucoup de leurs clients de ne boire que de l'eau: les cas d'appendicite se multipli?rent. Ce n'est que tout r?cemment que l'on d?couvrit qu'il pouvait y avoir une relation entre ce r?gime trop b?nin et l'extension de ce mal. La m?decine commence ? c?der et n'est pas tr?s ?loign?e de croire maintenant ? l'utilit? des boissons alcooliques prises ? dose mod?r?e et, par-dessus tout, du vin. Dans quelques si?cles, cette campagne contre le vin, partie d'un pays qui est la r?gion par excellence de la vigne, para?tra inimaginable, mais on en trouvera peut-?tre la cause dans le phylloxera et les fraudes qui s'ensuivirent. Les ennemis du vin auront confondu avec le jus de la vigne des mixtures horrifiques o? il entrait jusqu'? des teintures, jusqu'? de l'acide sulfurique.

LE RHUME

Le rhume est un ?tat o? on ne peut ni parler, ni lire, ni ?crire, ni penser ? autre chose qu'au mal ridicule qui nous ?treint. La grande distraction de l'homme enrhum? est d'abord de rechercher dans ses souvenirs, ?pais comme le brouillard, la cause de son rhume. Il ne la trouve jamais avec certitude. Il semble qu'on n'ait rien ? se reprocher et pourtant le mal est venu. Il est l?. On le sent grandir avec ?pouvante. Mais les souvenirs s'?paississent encore, et il ne nous reste de conscience que pour courir apr?s une respiration qui menace de s'?chapper tout ? fait. Le rhume est un mal ridicule, mais aussi un mal affreux. Il est probable que s'il durait plus de vingt-quatre heures ? l'?tat aigu, il serait class? parmi les tortures. Mais si ce n'?tait pas une torture, ce serait encore une humiliation, car ses manifestations ext?rieures rendent l'homme grotesque. Le rhume vous retranche de l'humanit?. D'ailleurs, maintenant que l'on voit la contagion partout, on s'?carte volontiers de l'homme enrhum?. Mais si le rhume se transmet par contact, rien n'est plus capricieux. S'il y a un microbe de la chose, ce qui est possible apr?s tout, c'est un microbe fantasque, qui se d?veloppe dans les courants d'air, dans les souliers humides et de l? saute subrepticement dans les fosses nasales. Je ne pense pas que l'on ait m?me tent? un commencement d'explication de la relation qui existe entre la plante des pieds et le si?ge du sens olfactif. C'est un des myst?res de la physiologie humaine et l'un des plus d?sagr?ables. Mon ?tat ne me permet pas de creuser davantage la question, mais il m'impose de la soumettre aux physiologistes. Il me reste tout juste assez de lucidit? pour envoyer chercher chez le pharmacien des drogues inutiles, mais dont l'essai me fera toujours passer le temps.

LE SURSIS

C'est un jeu auquel on se livre beaucoup en ce moment dans la presse et sans doute dans les salons, o? l'on ne sait quoi faire. En voici le th?me, qui a ?t? fourni par une pi?ce de th??tre: <> N'insistons pas sur ce que la proposition a d'irr?el. Il n'est donn? ? personne d'en condamner une autre ? la mort diff?r?e. On ne voit ce mot que sur les prospectus des compagnies d'assurances et encore dans un tout autre sens. Jamais un m?decin qui n'est pas fou n'affectera une telle assurance de diagnostic, d'abord parce qu'il ne la poss?de pas, ensuite parce que, la poss?dant, il se gardera bien d'en faire usage. Et encore, nul malade ne le croirait, s'il pronon?ait une telle condamnation. C'est contraire ? la psychologie humaine. La vie n'est possible que greff?e sur une certaine esp?rance, si ind?cise qu'elle soit et si pr?caire. Le philosophe m?me, qui ne croit pas ? l'avenir et qui se sait parfaitement dans la main du destin, se sentirait mal ? l'aise si sa fin, dont il ne doute pas qu'elle viendra ? l'improviste, lui ?tait marqu?e avec tant de certitude. Ceux m?me qui n'aiment pas les projets et qui sourient ? qui leur demande ce qu'ils feront l'an prochain, n'ob?issent qu'? un ?tat d'esprit assez vague, ? une tendance de caract?re. Ce sont des douteux, ce ne sont pas des condamn?s. Quant ? la fable dramatique, elle n'est pas sens?e. Quand la science donne six ans de vie ? une jeune tuberculeuse, c'est comme si elle lui donnait l'avenir, car six ans contiennent toutes les possibilit?s.

SUR LA LOGIQUE

Il y a vraiment peu d'esprits capables de pousser jusqu'au bout la logique de leurs d?ductions, m?me dans le domaine scientifique. Ainsi je viens de lire un excellent livre sur les <> du philosophe, italien malgr? son nom, Federigo Enriques. Tant qu'il reste dans la science pure, ses principes sont solides, mais il a voulu aborder la psychologie et aussit?t le philosophe a d?raill?, s'engageant dans une dissertation qui tend ? prouver que <>. Voil? encore un savant qui a ?t? ?bloui par la morale et qui s'est demand? avec anxi?t? ce qu'elle deviendrait si on soumettait la volont? au d?terminisme des motifs. Alors il se trouve entra?n? par la puissance du pr?jug? ? confondre la libert? avec l'impr?visible. On ne sait pas, dit-il, en substance, de quel c?t? la girouette va tourner; donc elle est libre. Repr?sentons-nous un monsieur jeune, riche, de tr?s bonne sant?, devant la carte tr?s vari?e d'un grand restaurant. Pour lui, pour nous, qui l'observons, il semble libre d'ordonner son menu. Mais dans le fait, cette libert? est strictement command?e par ses go?ts, ses curiosit?s, la capacit? de son app?tit. Nous sommes dans une situation analogue devant les actes possibles de la vie. Nous croyons les choisir et ils nous sont impos?s ? notre insu par les actes ant?rieurs que nous avons accomplis ou dont les cons?quences nous ont touch?. La seconde avant d'agir, quelquefois nous ne savons pas comment nous allons agir, mais notre inconscient le sait pour nous. La preuve de la non-libert? de la volont? est dans l'existence m?me des personnalit?s, des caract?res. Si nous ?tions libres, nous n'aurions ni personnalit?, ni caract?re, nous tournerions au hasard. Il nous reste cependant une libert?; nous sommes libres d'inventer des motifs, libres de colorer ? notre gr? les actes o? la n?cessit? nous incline. Et cela suffit pour nous donner l'illusion de la volont? libre. Mais cela m?me est une mani?re de parler qu'il ne faudrait pas analyser de trop pr?s.

CHRISTOPHE COLOMB

PROVINCES

Les d?partements n'ont jamais eu qu'une vie officielle et administrative. Ils ne sont gu?re entr?s dans la conversation, et ce qui a le plus contribu? ? les maintenir en dehors de l'usage, c'est peut-?tre que les chemins de fer ont ignor? leur existence. Comme ils s'?tendent n?cessairement sur tout un groupe de d?partements, ils ont adopt? soit les noms plus vastes des anciennes provinces, soit les noms de r?gions. L'?tat, lui-m?me, est bien oblig? de diviser ses lignes en lignes de Normandie, de Bretagne et du Sud-Ouest. Partout, c'est de m?me: il y a deux voies pour aller dans le Midi, la Bourgogne et le Bourbonnais. L'amour assez nouveau des paysages a ?galement redonn? l'existence aux anciennes provinces. Il y a les paysages du Berry et les paysages de Provence, ceux du Dauphin?, de la Champagne ou du Limousin, r?cemment d?couverts. Au point de vue esth?tique, du moins, le d?partement n'est qu'une petite division du territoire fran?ais. Cela tient aussi ? ce que beaucoup de noms de d?partements sont tr?s mauvais: Seine-Inf?rieure, Tarn-et-Garonne, Haute-Vienne, etc. Puis, franchement, m?me du point de vue administratif, le d?partement est devenu trop petit. Mais laissons cela. Plusieurs provinces aussi ?taient tr?s petites et d'autres, immenses, ?taient sans aucune coh?sion. Il est certain qu'on ne r?tablira jamais les provinces dans leur ?tat ancien. D'ailleurs, qu'?tait en dernier lieu l'Ile-de-France? On n'en sait rien. Un nom, peut-?tre, et moins en usage qu'aujourd'hui. Est-il possible de reconstituer la Normandie? Il n'y a aucun rapport d'int?r?ts entre la r?gion de Rouen et la r?gion de Coutances, qui se rattacherait plus volontiers ? celle de Rennes. Mais quel inconv?nient ? ce que les deux cat?gories de noms soient conserv?es? Les uns et les autres r?pondent ? des besoins diff?rents. Si on r?forme les divisions pr?fectorales, les anciennes provinces ne seront certainement pas un mod?le ? suivre. Ce ne sont plus que des divisions g?ographiques et esth?tiques.

LE LIMOUSIN

Ce fut, au grand si?cle, un pays ridicule et, de plus, un lieu d'exil. Un sieur Jannart, ami de Fouquet et parent de La Fontaine, ayant ?t? pri? de se retirer ? Limoges, le po?te l'y suivit. Plusieurs de ses lettres ? Mlle de La Fontaine sont dat?es de cette ville; il en go?te surtout la table et la bonne compagnie, dont il loue les m?rites. On y voit cependant que la connaissance du fran?ais cessait vers Bellac: plus loin, le paysan ne parle que son patois. On croyait fermement, dans le reste de la France, que le Limousin ?tait un pays de rustres, quasi de sauvages, et ce nom seul suffisait ? faire rire. M. de Pourceaugnac est <>, et cela tout d'abord ?gayait le parterre. Moli?re, ayant ? plaire au public, devait feindre de partager ses pr?jug?s. La Fontaine ne les partage point, mais il les conna?t: <> Cependant il les trouve un peu complimenteurs et ils ne lui plaisent point. Le pr?jug? contre cette province et ses habitants dura longtemps. Encore au si?cle dernier on ne voulait les conna?tre que d'apr?s les ma?ons qui en ?taient presque tous originaires. Auvergnats, Savoyards, Bretons et Limousins pass?rent longtemps pour des types peu recommandables, gros paysans sales, mangeurs de soupe, avares et retors. Puis on vit peu ? peu qu'ils ressemblaient ? tous les autres paysans et qu'ils avaient leurs m?rites. Comme pays, le Limousin est encore un des moins connus, bien qu'il soit l'un des plus pittoresques. Mais son tour est enfin venu de conna?tre la mode, de recevoir et peut ?tre de garder les visiteurs. ?tant le dernier d?couvert, il est certainement le moins g?t?. Touristes, profitez de cette virginit?.

LA SAVOIE

VOYAGE EN FRANCE

J'esp?re que les d?l?gu?s du tourisme, qui vont se r?unir, sauront trouver un r?le et une place d'honneur pour notre grand touriste, pour Ardouin-Dumazet, qui a parcouru, et souvent ? pied, le b?ton ? la main, la France enti?re, et qui a r?dig? ses observations en cinquante-cinq ou soixante volumes, car l'oeuvre continue. Ayant tout vu, il trouve sans cesse ? revoir et peut ? peine consentir ? se d?clarer satisfait d'une oeuvre que tout le monde juge admirable et unique. Il avait d?j? r?dig? un <> fort complet, mais des changements ?conomiques consid?rables s'?taient produits. Il reprit son b?ton et recommen?a le p?lerinage. Il avait r?serv? cette r?vision ? son fils, mais la mort le lui prit, il y a quelques ann?es, et il se mit seul courageusement ? la t?che. Cette oeuvre est d'une telle nature, si pr?cise et si p?n?trante, qu'elle instruit m?me les vieux provinciaux, passionn?s de leur pays, et qu'elle leur r?v?le des aspects nouveaux de la r?gion o? ils vivent et d'o? ils n'ont jamais d?tourn? les yeux. Il sait allier l'exactitude au pittoresque et, v?ridique comme une enqu?te ?conomique, il a des enthousiasmes de paysagiste devant les aspects vari?s qui se sont successivement offerts ? ses explorations patientes et r?fl?chies. Peu de personnes, peut-?tre, ont lu d'un bout ? l'autre ces soixante volumes, mais il n'est, non plus, de curieux qui n'en ait voulu conna?tre quelques-uns, ceux qui concernent sa province natale, la r?gion de ses souvenirs d'enfance. C'est dire que partout Ardouin-Dumazet a des admirateurs et des fid?les. Les touristes assembl?s trouveront certainement moyen, j'en suis s?r, d'honorer ce grand touriste, ce grand d?couvreur de son pays.

LE TOURISTE

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