Read Ebook: Le vagabond des étoiles by London Jack Gruyer Paul Translator Postif Louis Translator
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Ebook has 1916 lines and 87271 words, and 39 pages
Et je suis ici, dans cette cellule, les mains teintes de sang, au Quartier des Assassins de la prison de Folsom! Et j'attends le jour d?cr?t? par le m?canisme de la justice, le jour o? les valets de celle-ci me feront faire un saut dans la nuit, dans cette nuit dont ils ont si peur, et qui les hante d'imaginations superstitieuses et terribles; cette nuit qui les pousse, radotants et tremblants, aux autels de leurs dieux ? face humaine, cr??s de toutes pi?ces par leur l?chet? et leur crainte!
Non. Je ne serai jamais doyen d'aucun Coll?ge d'Agriculture. Et, cependant, je connaissais admirablement mon m?tier. J'avais re?u, pour le bien exercer, l'?ducation n?cessaire. L'agriculture ?tait mon fort. Je puis, du premier coup d'oeil, d?signer dans un troupeau la vache qui donnera le plus de lait et le meilleur beurre. Je ne crains pas que la v?rification faite ? la suite, par un inspecteur patent?, donne un d?menti ? mon pronostic. Au seul aspect d'un terrain, sans avoir besoin de l'analyser chimiquement, je puis dire quelles sont, au point de vue de la culture, ses vertus et ses insuffisances. Je prononcerais, ? premi?re vue, sans la r?action de l'?prouvette, s'il est alcalin ou acide. Je suis sans rival, je le r?p?te, pour tout ce qui touche ? l'?conomie rurale.
L'?tat, qui est fait de tous mes concitoyens, et sa justice, s'imaginent qu'en m'envoyant danser au bout d'une corde, au-dessus d'un plancher qui basculera sous mes pieds, ils engloutiront dans d'?ternelles t?n?bres et d?truiront cette science qui ?tait en moi, cette science incomparable o? se retrouvaient pareillement, d'innombrables atavismes, dont le moins lointain remonte au temps o? les bergers nomades paissaient leurs troupeaux dans la plaine de Troie. Cette pr?tention me fait rire.
Sans doute pensez-vous qu'en vantant ainsi ma science d'agronome j'exag?re. Les faits sont l? pourtant. A Wistar, j'ai prouv? et d?montr? qu'en suivant mon syst?me, la culture du bl? pouvait accro?tre son rendement, dans chaque comt?, pour un demi-million de dollars. Mes pr?ceptes ont ?t?, en beaucoup d'endroits, mis en pratique et l'augmentation pr?vue a eu lieu. Cela, c'est de l'histoire. Maint fermier, qui file aujourd'hui sur les routes dans son auto rapide, n'ignore pas gr?ce ? quels b?n?fices exceptionnels cette auto a ?t? achet?e. Mainte jeune fille au doux coeur et maint gar?on hardi, courb?s maintenant sur leurs livres d'?tude, ont sans doute oubli? d?j? que c'est ? la suite de mes d?monstrations de Wistar que leurs p?res ont fait fortune et trouv? l'argent qui paya cette ?ducation sup?rieure.
Et la direction d'une ferme! Je n'ai pas eu besoin d'aller m'instruire au cin?ma pour savoir comment on doit ?viter, dans son exploitation, le gaspillage des mouvements superflus, comment doit se r?gler sans perte le travail des ouvriers, qu'il s'agisse d'ouvriers agricoles ou de ma?ons construisant un b?timent nouveau.
J'ai, sur ce sujet qui m'a toujours tenu ? coeur, r?uni mes notes en un cahier, avec tableaux comparatifs. Cent mille fermiers se sont pench?s, le soir, sur ces pages, attentifs, avant de secouer leur derni?re pipe et d'aller se coucher. Ils l'ont fait et s'en sont trouv?s bien. Car le gaspillage du travail, c'est l? surtout ce qu'il faut ?viter!
Je dois clore ici ce premier chapitre de mon r?cit. Il est neuf heures et, dans le Quartier des Assassins, neuf heures signifient l'extinction des feux. En ce moment m?me, j'entends s'avancer le pas muet, chauss? de caoutchouc, de mon gardien, qui vient me gourmander, parce que ma lampe ? huile br?le encore.
Comme si, je vous le demande un peu, de simples vivants avaient le droit et le pouvoir d'adresser des r?primandes ? ceux qui sont au seuil de la mort!
CHAPITRE II
UNE HISTOIRE DE DYNAMITE
Je suis Darrell Standing. On va m'emmener d'ici pour me pendre bient?t. Entre temps, je dirai ce que j'ai sur le coeur et j'?cris ces pages pour testament.
Apr?s ma condamnation, je suis donc venu passer le reste de ma vie naturelle dans la ge?le de San Quentin. J'y suis devenu ce qu'on appelle un <
Un incorrigible est, dans le vocabulaire des prisons, un ?tre humain redoutable entre tous. Pourquoi ai-je ?t? class? dans cette cat?gorie, c'est ce que je vais vous expliquer.
J'abhorre, comme je vous l'ai dit tout ? l'heure, le gaspillage du mouvement, la perte vaine du travail. La prison o? je suis, comme toutes les prisons d'ailleurs, est sur ce point un vrai scandale.
J'avais ?t? mis ? l'atelier de tissage du jute. Le gaspillage du mouvement y s?vissait terriblement. Ce crime contre un travail bien ordonn? m'exasp?rait. C'?tait tout naturel. Le constater et le combattre rentraient dans ma sp?cialit?. Avant l'invention de la vapeur et celle des m?tiers qu'elle meut, il y a trois mille ans, j'avais d?j? pourri dans une ge?le de l'antique Babylone. Et je ne vous mens point, croyez-le, quand je vous affirme qu'en ces jours lointains nous, prisonniers, nous obtenions, avec nos m?tiers ? main, un rendement sup?rieur ? celui que procurent les m?tiers ? vapeur install?s dans la prison de San Quentin.
Furieux d'assister ? ce gaspillage de travail, je me r?voltai. Je tentai d'exposer aux surveillants une vingtaine, et plus, de proc?d?s qui assureraient un meilleur rendement. Je fus signal? comme une mauvaise t?te au gouverneur de la prison. On me mit au cachot. J'eus ? y souffrir du manque de nourriture et de lumi?re.
Rentr? ? l'atelier, je tentai, de bonne foi, de me remettre au travail dans ce chaos d'impuissance et d'inertie. Impossible. Je me r?voltai ? nouveau. On me renvoya au cachot et, cette fois, on me passa, en plus, la camisole de force. Je fus alternativement ?tendu sur le sol, les bras en croix, et pendu par les pouces sur le bout de mes orteils. Puis aussi, secr?tement battu ? tour de bras par mes gardiens. Brutes stupides, qui poss?daient juste assez d'intelligence pour comprendre ma sup?riorit? morale et le m?pris que j'avais d'eux.
Deux ans durant, je subis cette torture. Chacun sait que rien n'est terrible pour un homme comme d'?tre rong? vivant par les rats. Eh bien! mes brutes de gardiens ?taient pour moi de vrais rats, qui rongeaient bribes ? bribes mon ?tre pensant, qui d?chiquetaient tout ce qu'il y avait d'intelligence vivante en mon cerveau! Et moi qui, jadis, avais, comme soldat, vaillamment combattu, j'avais maintenant perdu, dans cet enfer, tout courage pour la lutte.
Combattre comme soldat... Je l'avais fait, oui, aux Philippines, parce qu'il ?tait dans la tradition des Standing de se battre. Mais sans conviction. Je trouvais vraiment trop ridicule de m'appliquer ? introduire, par l'interm?diaire d'un fusil, de petites substances explosives dans le corps d'autres hommes. Ridicule et odieux aussi, ?tait-il de voir la science prostituer sa puissance et son g?nie ? une oeuvre de cet acabit.
Moi, j'?tais naturellement un bon fermier et agriculteur, un homme appliqu?, courb? sur son pupitre, esclave de ses ?tudes de laboratoire, et qui n'avait d'autre int?r?t que de d?couvrir les moyens d'am?liorer le sol et de lui faire produire davantage.
C'?tait donc, comme je viens de le dire, uniquement pour respecter la tradition des Standing que j'?tais parti pour la guerre. Je d?couvris bient?t que je n'avais aucune aptitude ? ce m?tier. Mes officiers s'en rendirent compte comme moi. Ils me transform?rent en secr?taire d'?tat-major, et c'est comme scribe, assis devant une table, que je fis la guerre hispano-am?ricaine.
Aussi n'est-ce point parce que j'avais le caract?re combatif, mais, bien au contraire, parce que j'?tais un penseur, que je me dressai contre le mauvais rendement de l'atelier de tissage de la prison. Voil? pourquoi les gardiens me prirent en grippe, pourquoi, mon cerveau continuant ? bouillonner, je fus d?clar? <
Aux questions qu'il me posa, aux arguments qu'il me d?veloppa pour me d?montrer que j'?tais dans mon tort, je r?pondis ? peu pr?s ainsi:
--Comment pouvez-vous supposer, mon cher gouverneur, que vos surveillants et vos ge?liers, ces rats ?trangleurs, parviendront, par leurs s?vices, ? faire sortir de ma cervelle les choses claires et limpides qui s'y trouvent ancr?es. C'est toute l'organisation de cette prison qui est inepte. Vous ?tes, je n'en doute pas, un fin politique. Vous savez, j'imagine, ? la perfection, comment se triturent des ?lections dans les bars de San Francisco. Et votre savoir-faire en cette mati?re vous a valu pour r?compense la grasse sin?cure que vous occupez ici. Mais vous ne connaissez pas un tra?tre mot du tissage du jute. Vos ateliers retardent d'un demi-si?cle.
Quand on veut tuer son chien... Vous connaissez le proverbe. Tr?s bien. Le gouverneur Atherton pronon?a le verdict final: j'?tais enrag?. A le faire, il avait beau jeu. Mainte faute commise par d'autres convicts me fut imput?e par les gardiens, et c'est pour payer ? la place des coupables que je retournai au cachot, au pain et ? l'eau, suspendu par les pouces sur le bout de mes orteils. Ce supplice, le plus affreux de tous, se prolongeait durant de longues heures, et chacune de ces heures me semblait plus longue qu'aucune des vies que j'ai v?cues.
Les hommes les plus intelligents sont souvent cruels. Les imb?ciles le sont monstrueusement. Or, les ge?liers et les hommes qui me tenaient en leur pouvoir, du gouverneur au dernier d'entre eux, ?taient des ph?nom?nes d'idiotie.
?coutez-moi et vous saurez ce qu'ils m'ont fait.
Il y avait, dans la prison, un convict qui ?tait un ancien po?te. C'?tait un d?g?n?r?, au menton fuyant et au front trop large. Il avait fabriqu? de la fausse monnaie, ce qui lui avait valu d'?tre incarc?r?. Il ?tait impossible de trouver homme plus menteur et plus l?che. Il jouait, dans la prison, le r?le de mouchard, de mouton. C'est une esp?ce de gens qu'un ancien professeur d'agriculture n'a gu?re eu, jusque-l?, le loisir de conna?tre. Sa plume h?site ? transcrire ces qualifications. Mais, quand on ?crit dans une ge?le, dont on ne sortira que pour mourir, on doit faire fi de ces pudeurs.
Ce po?te faussaire s'appelait Cecil Winwood. Il ?tait r?cidiviste et cependant, parce qu'il ?tait un l?cheur de bottes, un hypocrite pleurnichard et un chien jaune, sa derni?re condamnation avait ?t? seulement de sept ans de r?clusion. Par une bonne conduite, il pouvait esp?rer que ce temps serait encore r?duit.
Moi, j'?tais condamn? ? la prison perp?tuelle. Afin d'avancer sa lib?ration, ce coquin r?ussit pourtant ? aggraver mon cas.
Voici comment les choses se pass?rent. Ce n'est que plus tard que je m'en rendis compte.
Cecil Winwood, afin de s'attirer la faveur du capitaine du quartier et, par-dessus lui, celle du gouverneur de la prison, celle de la Commission des gr?ces et celle du gouverneur de Californie, tranchant en dernier ressort, inventa de toutes pi?ces un complot d'?vasion.
Le Bull Durham est une marque am?ricaine de tabac, qui se vend en petits paquets.
Ces chiens enrag?s ha?ssaient cordialement Cecil Winwood, s'en d?fiaient encore plus et, quand il commen?a ? les entreprendre avec son plan d'une r?volte et d'une ?vasion en masse, ils se gauss?rent de lui et lui tourn?rent le dos, en lui envoyant une bord?e d'injures et en le traitant d'agent provocateur.
Il revint ? la charge et fit si bien qu'en fin de compte il r?unit autour de lui une quarantaine des plus d?gourdis.
Et, comme il les assurait des facilit?s qu'il poss?dait dans la prison, en sa qualit? d'homme de confiance du gouverneur et de g?rant du Dispensaire, Long Bill Hodge lui riposta:
Dans le langage des Maisons Centrales on appelle ces hommes des pr?v?ts, et ils servent d'auxiliaires aux gardiens. Leur bonne conduite leur a valu cette faveur. Ce sont, pour la plupart, des condamn?s ? long terme.
--Fais-en la preuve!
Long Bill Hodge ?tait un montagnard qui purgeait une condamnation ? vie, pour avoir fait d?railler et pill? un train, et dont tout l'?tre, depuis des ann?es, tendait ? s'?vader, afin de s'en retourner tuer le complice qui avait t?moign? contre lui.
Cecil Winwood accepta l'?preuve. Il assura qu'il pourrait endormir les gardiens pendant la nuit de l'?vasion.
--Facile de parler! dit Long Bill Hodge. Ce qu'il nous faut, ce sont des faits. Chloroforme, cette nuit m?me, un de nos ge?liers. Barnum, par exemple! C'est un coquin qui ne vaut pas la corde pour le pendre. Hier, au Quartier des Fous, il a esquint?, en tapant dessus, ce pauvre d?ment de Chink. Et, circonstance aggravante, il n'?tait pas de service! Il est de garde cette nuit. Endors-le et fais-lui perdre sa place. Quand tu auras r?ussi, nous causerons affaires.
Tout ceci, c'est Long Bill qui me l'a racont? ensuite, quand on nous serra la boucle de compagnie. Car j'avais refus? de prendre part au complot.
Cecil Winwood h?sitait devant l'imminence de la preuve qui lui ?tait demand?e. Il lui fallait, assurait-il, le temps n?cessaire pour pouvoir, sans qu'on s'en aper??t, voler la drogue au Dispensaire. On lui accorda une semaine et, huit jours apr?s, il annon?a qu'il ?tait pr?t.
Il fit comme il avait dit. Le ge?lier Barnum s'endormit au cours de sa veill?e. Une ronde le trouva qui ronflait ? poings ferm?s. Il fut cass? et renvoy?.
Ce succ?s acheva de convaincre les conjur?s. En m?me temps, Cecil Winwood se chargeait de persuader le capitaine du quartier. Chaque jour, il lui faisait son rapport sur la marche et les progr?s du complot dont il ?tait lui-m?me l'inventeur. Le capitaine, lui aussi, exigeait des preuves. Il les lui fournit, et les d?tails qu'il donnait, d?tails dont je ne sus rien sur le moment, tant le secret fut bien gard?, ne laissaient rien ? d?sirer.
C'est ainsi que Winwood annon?a, un beau matin, au capitaine, que les quarante conjur?s, qui lui confiaient tout, s'?taient d?j? m?nag? de telles accointances dans la prison qu'ils allaient incessamment se pourvoir, par l'interm?diaire d'un gardien, leur complice, de revolvers automatiques.
--Prouve-le! avait demand? sans doute le capitaine.
Et le po?te faussaire avait prouv?.
On travaillait r?guli?rement, chaque nuit, ? la boulangerie de la prison. Un des convicts, qui faisait partie de l'?quipe des boulangers, ?tait un mouchard ? la solde du capitaine. Winwood ne l'ignorait pas.
--Ce soir, dit-il au capitaine, le ge?lier que nous appelons <
Face-d'?t? ?tait un ancien paysan, solide et bien charpent?, ? la grosse figure ?panouie, natif du comt? de Humboldt. C'?tait un simple d'esprit, un balourd, bon gar?on, qui ne se faisait aucun scrupule de gagner un honn?te dollar en passant aux convicts du tabac de contrebande.
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