Read Ebook: Les Quarante-Cinq — Tome 1 by Dumas Alexandre Maquet Auguste
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Ebook has 4358 lines and 80730 words, and 88 pages
Cette porte ferm?e, une partie des Suisses vint s'?tablir en avant du foss?.
-- Comment! comment! s'?cria Friard p?lissant, ce n'est point assez de la barri?re, et voil? qu'on ferme la porte, maintenant!
-- Eh bien! que vous disais-je? r?pondit Miton, p?lissant ? son tour.
-- C'est dr?le, n'est-ce pas? fit l'inconnu en riant.
Et, en riant, il d?couvrit, entre la barbe de ses moustaches et celle de son menton, une double rang?e de dents blanches et aigu?s qui paraissaient merveilleusement aiguis?es par l'habitude de s'en servir au moins quatre fois par jour.
A la vue de cette nouvelle pr?caution prise, un long murmure d'?tonnement et quelques cris d'effroi s'?lev?rent de la foule compacte qui encombrait les abords de la barri?re.
-- Faites faire le cercle! cria la voix imp?rative d'un officier.
La manoeuvre fut op?r?e ? l'instant m?me, mais non sans encombre: les gens ? cheval et les gens en charrette, forc?s de r?trograder, ?cras?rent ?a et l? quelques pieds et enfonc?rent ? droite et ? gauche quelques c?tes dans la foule.
Les femmes criaient, les hommes juraient; ceux qui pouvaient fuir fuyaient en se renversant les uns sur les autres.
-- Les Lorrains! les Lorrains! cria une voix au milieu de tout ce tumulte.
Le cri le plus terrible, emprunt? au p?le vocabulaire de la peur, n'e?t pas produit un effet plus prompt et plus d?cisif que ce cri:
-- Les Lorrains!!!
-- Eh bien! voyez-vous? voyez-vous? s'?cria Miton tremblant, les Lorrains, les Lorrains, fuyons!
-- Fuir, et o? cela? demanda Friard.
-- Dans cet enclos, s'?cria Miton en se d?chirant les mains pour saisir les ?pines de cette haie sur laquelle ?tait moelleusement assis l'inconnu.
-- Dans cet enclos, dit Friard; cela vous est plus ais? ? dire qu'? faire, ma?tre Miton. Je ne vois pas de trou pour entrer dans cet enclos, et vous n'avez pas la pr?tention de franchir cette haie qui est plus haute que moi.
-- Je t?cherai, dit Miton, je t?cherai. Et il fit de nouveaux efforts.
-- Ah! prenez donc garde, ma bonne femme! cria Friard du ton de d?tresse d'un homme qui commence ? perdre la t?te, votre ?ne me marche sur les talons. Ouf! monsieur le cavalier, faites donc attention, votre cheval va ruer. Tudieu! charretier, mon ami, vous me fourrez le brancard de votre charrette dans les c?tes.
Pendant que ma?tre Miton se cramponnait aux branches de la haie pour passer par-dessus, et que le comp?re Friard cherchait vainement une ouverture pour se glisser par-dessous, l'inconnu s'?tait lev?, avait purement et simplement ouvert le compas de ses longues jambes, et d'un simple mouvement, pareil ? celui que fait un cavalier pour se mettre en selle, il avait enjamb? la haie sans qu'une seule branche effleur?t son haut-de-chausse.
Ma?tre Miton l'imita en d?chirant le sien en trois endroits, mais il n'en fut point ainsi du comp?re Friard, qui, ne pouvant passer ni par-dessous ni par-dessus, et, de plus en plus menac? d'?tre ?cras? par la foule, poussait des cris d?chirants, lorsque l'inconnu allongea son grand bras, le saisit ? la fois par sa fraise et par le collet de son pourpoint, et, l'enlevant, le transporta de l'autre c?t? de la haie avec la m?me facilit? qu'il e?t fait d'un enfant.
-- Oh! oh! oh! s'?cria ma?tre Miton, r?joui de ce spectacle et suivant des yeux l'ascension et la descente de son ami ma?tre Friard, vous avez l'air de l'enseigne du Grand-Absalon.
-- Ouf! s'?cria Friard en touchant le sol, que j'aie l'air de tout ce que vous voudrez, me voil? de l'autre c?t? de la haie, et gr?ce ? monsieur. Puis, se redressant pour regarder l'inconnu ? la poitrine duquel il atteignait ? peine: Ah! monsieur, continua-t-il, que d'actions de gr?ces! Monsieur, vous ?tes un v?ritable Hercule, parole d'honneur, foi de Jean Friard. Votre nom, monsieur, le nom de mon sauveur, le nom de mon... ami?
Et le brave homme pronon?a en effet ce dernier mot avec l'effusion d'un coeur profond?ment reconnaissant.
-- Je m'appelle Briquet, monsieur, r?pondit l'inconnu, Robert Briquet, pour vous servir.
-- Et vous m'avez d?j? consid?rablement servi, monsieur Robert Briquet, j'ose le dire; oh! ma femme vous b?nira; Mais, ? propos, ma pauvre femme! ? mon Dieu, mon Dieu! elle va ?tre ?touff?e dans cette foule. Ah! maudits Suisses qui ne sont bons qu'? faire ?craser les gens!
Le comp?re Friard achevait ? peine cette apostrophe, qu'il sentit tomber sur son ?paule une main lourde comme celle d'une statue de pierre.
Il se retourna pour voir quel ?tait l'audacieux qui prenait avec lui une pareille libert?.
Cette main ?tait celle d'un Suisse.
-- Foulez-fous qu'on vous assomme, mon bedit ami? dit le robuste soldat.
-- Ah! nous sommes cern?s! s'?cria Friard.
-- Sauve qui peut! ajouta Miton.
Et tous deux, gr?ce ? la haie franchie, ayant l'espace devant eux, gagn?rent le large, poursuivis par le regard railleur et le rire silencieux de l'homme aux longs bras et aux longues jambes qui, les ayant perdus de vue, s'approcha du Suisse qu'on venait de placer l? en vedette.
-- La main est bonne, compagnon, dit-il, ? ce qu'il para?t?
-- Mais foui, moussieu, pas mauvaise, pas mauvaise.
-- Tant mieux, car c'est chose importante, surtout si les Lorrains venaient comme on le dit.
-- Ils ne fiennent bas.
-- Non?
-- Bas di tout.
-- D'o? vient donc alors que l'on ferme cette porte! Je ne comprends pas.
-- Fous bas besoin di gombrendre, r?pliqua le Suisse en riant aux ?clats de sa plaisanterie.
-- C'?tre chuste, mon gamarate, tr?s chuste, dit Robert Briquet, merci.
Et Robert Briquet s'?loigna du Suisse pour se rapprocher d'un autre groupe, tandis que le digne Helv?tien, cessant de rire, murmurait:
-- Bei Gott!... Ich glaube er spottet meiner. -- Was ist das f?r ein Mann, der sich erlaubt einen Schweizer seiner koeniglichen Majestaet auszulachen?
Ce qui, traduit en fran?ais, voulait dire:
-- Vrai Dieu! je crois que c'est lui qui se moque de moi. Qu'est-ce que c'est donc que cet homme qui ose se moquer d'un Suisse de Sa Majest??
CE QUI SE PASSAIT A L'EXT?RIEUR DE LA PORTE SAINT-ANTOINE
Un de ces groupes ?tait form? d'un nombre consid?rable de citoyens surpris hors de la ville par cette fermeture inattendue des portes. Ces citadins entouraient quatre ou cinq cavaliers d'une tournure fort martiale et que la cl?ture de ces portes g?nait fort, ? ce qu'il para?t, car ils criaient de tous leurs poumons:
-- La porte! la porte!
Lesquels cris, r?p?t?s par tous les assistants avec des recrudescences d'emportement, occasionnaient dans ces moments-l? un bruit d'enfer.
Robert Briquet s'avan?a vers ce groupe, et se mit ? crier plus haut qu'aucun de ceux qui le composaient:
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