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Read Ebook: Les Quarante-Cinq — Tome 3 by Dumas Alexandre Maquet Auguste

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Ebook has 3679 lines and 77504 words, and 74 pages

-- Non, monsieur, dit Joyeuse en lui tendant la main, c'est un reproche que vous faites, et vous avez raison.

Le sang monta au visage du duc Fran?ois.

-- Et ? qui ce reproche? dit-il.

-- Mais, ? moi, probablement, monseigneur.

-- Pourquoi Saint-Aignan vous ferait-il un reproche, monsieur de Joyeuse, ? vous qu'il ne conna?t pas?

-- Parce que j'ai pu croire un instant que M. de Saint-Aignan aimait assez peu Votre Altesse pour lui donner le conseil de prendre Anvers.

-- Mais enfin, s'?cria le prince, il faut que ma position se dessine dans le pays. Je suis duc de Brabant et comte de Flandre de nom. Il faut que je le sois aussi de fait. Ce Taciturne, qui se cache je ne sais o?, m'a parl? d'une royaut?. O? est-elle, cette royaut?? dans Anvers. O? est-il, lui! dans Anvers aussi, probablement. Eh bien! il faut prendre Anvers, et, Anvers pris, nous saurons ? quoi nous en tenir.

-- Eh! monseigneur, vous le savez d?j?, sur mon ?me, ou vous seriez en v?rit? moins bon politique qu'on ne le dit. Qui vous a donn? le conseil de prendre Anvers? M. le prince d'Orange, qui a disparu au moment de se mettre en campagne; M. le prince d'Orange, qui, tout en faisant Votre Altesse duc de Brabant, s'est r?serv? la lieutenance g?n?rale du duch?; le prince d'Orange, qui a int?r?t ? ruiner les Espagnols par vous et vous par les Espagnols; M. le prince d'Orange, qui vous remplacera, qui vous succ?dera, s'il ne vous remplace et ne vous succ?de d?j?; le prince d'Orange... Eh! monseigneur, jusqu'? pr?sent en suivant les conseils du prince d'Orange, vous n'avez fait qu'indisposer les Flamands. Vienne un revers, et tous ceux qui n'osent vous regarder en face courront apr?s vous comme ces chiens timides qui ne courent qu'apr?s les fuyards.

-- Quoi! vous supposez que je puisse ?tre battu par des marchands de laine, par des buveurs d? bi?re?

-- Ces marchands de laine, ces buveurs de bi?re ont donn? fort ? faire au roi Philippe de Valois, ? l'empereur Charles V, et au roi Philippe II, qui ?taient trois princes d'assez bonne maison, monseigneur, pour que la comparaison ne puisse pas vous ?tre trop d?sagr?able.

-- Ainsi, vous craignez un ?chec?

-- Oui, monseigneur, je le crains.

-- Vous ne serez donc pas l?, monsieur de Joyeuse?

-- Pourquoi donc n'y serais-je point?

-- Parce que je m'?tonne que vous doutiez ? ce point de votre propre bravoure, que vous vous voyiez d?j? en fuite devant les Flamands: en tout cas, rassurez-vous: ces prudents commer?ants ont l'habitude, quand ils marchent au combat, de s'affubler de trop lourdes armures pour qu'ils aient la chance de vous atteindre, courussent-ils apr?s vous.

-- Monseigneur, je ne doute pas de mon courage; monseigneur, je serai au premier rang, mais je serai battu au premier rang, tandis que d'autres le seront au dernier, voil? tout.

-- Mais enfin votre raisonnement n'est pas logique, monsieur de Joyeuse: vous approuvez que j'aie pris les petites places.

-- J'approuve que vous preniez ce qui ne se d?fend point.

-- Eh bien! apr?s avoir pris les petites places qui ne se d?fendaient pas, comme vous dites, je ne reculerai point devant la grande parce qu'elle se d?fend, ou plut?t parce qu'elle menace de se d?fendre.

-- Et Votre Altesse a tort: mieux vaut reculer sur un terrain s?r que de tr?bucher dans un foss? en continuant de marcher en avant.

-- Soit, je tr?bucherai, mais je ne reculerai pas.

-- Votre Altesse fera ici comme elle voudra, dit Joyeuse en s'inclinant, et nous, de notre c?t?, nous ferons comme voudra Votre Altesse; nous sommes ici pour lui ob?ir.

-- Ce n'est pas r?pondre, duc.

-- C'est cependant la seule r?ponse que je puisse faire ? Votre Altesse.

-- Voyons, prouvez-moi que j'ai tort; je ne demande pas mieux que de me rendre ? votre avis.

-- Monseigneur, voyez l'arm?e du prince d'Orange, elle ?tait v?tre, n'est- ce pas? Eh bien! au lieu de camper avec vous devant Anvers, elle est dans Anvers, ce qui est bien diff?rent; voyez le Taciturne, comme vous l'appelez vous-m?me: il ?tait votre ami et votre conseiller; non-seulement vous ne savez pas ce qu'est devenu le conseiller, mais encore vous croyez ?tre s?r que l'ami s'est chang? en ennemi; voyez les Flamands: lorsque vous ?tiez en Flandre, ils pavoisaient leurs barques et leurs murailles en vous voyant arriver; maintenant ils ferment leurs portes ? votre vue et braquent leurs canons ? votre approche, ni plus ni moins que si vous ?tiez le duc d'Albe. Eh bien! je vous le dis: Flamands et Hollandais, Anvers et Orange n'attendent qu'une occasion de s'unir contre vous, et ce moment sera celui o? vous crierez feu ? votre ma?tre d'artillerie.

-- Eh bien! r?pondit le duc d'Anjou, on battra du m?me coup Anvers et Orange, Flamands et Hollandais.

-- Non, monseigneur, parce que nous avons juste assez de monde pour donner l'assaut ? Anvers, en supposant que nous n'ayons affaire qu'aux Anversois, et que tandis que nous donnerons l'assaut, le Taciturne tombera sur nous sans rien dire, avec ces ?ternels huit ou dix mille hommes, toujours d?truits et toujours renaissants, ? l'aide desquels depuis dix ou douze ans il tient en ?chec le duc d'Albe, don Juan Requesens et le duc de Parme.

-- Ainsi, vous persistez dans votre opinion?

-- Dans laquelle?

-- Que nous serons battus.

-- Immanquablement.

-- Eh bien! c'est facile ? ?viter, pour votre part, du moins, monsieur de Joyeuse, continua aigrement le prince; mon fr?re vous a envoy? vers moi pour me soutenir; votre responsabilit? est ? couvert, si je vous donne cong? en vous disant que je ne crois pas avoir besoin d'?tre soutenu.

-- Votre Altesse peut me donner cong?, dit Joyeuse; mais, ? la veille d'une bataille, ce serait une honte pour moi que l'accepter.

Un long murmure d'approbation accueillit les paroles de Joyeuse; le prince comprit qu'il avait ?t? trop loin.

-- Mon cher amiral, dit-il en se levant et en embrassant le jeune homme, vous ne voulez pas m'entendre. Il me semble pourtant que j'ai raison, ou plut?t que, dans la position o? je suis, je ne puis avouer tout haut que j'ai eu tort; vous me reprochez mes fautes, je les connais: j'ai ?t? trop jaloux de l'honneur de mon nom; j'ai trop voulu prouver la sup?riorit? des armes fran?aises, donc j'ai tort. Mais le mal est fait; en voulez-vous commettre un pire? Nous voici devant des gens arm?s, c'est-?-dire devant des hommes qui nous disputent ce qu'ils m'ont offert. Voulez-vous que je leur c?de? Demain alors, ils reprendront pi?ce ? pi?ce ce que j'ai conquis; non, l'?p?e est tir?e, frappons, ou sinon nous serons frapp?s; voil? mon sentiment.

-- Du moment o? Votre Altesse parle ainsi, dit Joyeuse, je me garderai d'ajouter un mot; je suis ici pour vous ob?ir, monseigneur, et d'aussi grand coeur, croyez-le bien, si vous me conduisez ? la mort, que si vous me menez ? la victoire; cependant... mais non, monseigneur.

-- Quoi?

-- Non, je veux et dois me taire.

-- Non, par Dieu! dites, amiral; dites, je le veux.

-- Alors en particulier, monseigneur.

-- En particulier?

-- Oui, s'il pla?t ? Votre Altesse.

Tous se lev?rent et recul?rent jusqu'aux extr?mit?s de la spacieuse tente de Fran?ois.

-- Parlez, dit celui-ci.

-- Monseigneur peut prendre indiff?remment un revers que lui infligerait l'Espagne, un ?chec qui rendrait triomphants ces buveurs de bi?re flamands, ou ce prince d'Orange ? double face; mais s'accommoderait-il aussi volontiers de faire rire ? ses d?pens M. le duc de Guise?

Fran?ois fron?a le sourcil.

-- M. de Guise? dit-il; eh! qu'a-t-il ? faire dans tout ceci?

-- M. de Guise, continua Joyeuse, a tent?, dit-on, de faire assassiner monseigneur; si Salc?de ne l'a pas avou? sur l'?chafaud, il l'a avou? ? la g?ne. Or, c'est une grande joie ? offrir au Lorrain, qui joue un grand r?le dans tout ceci, ou je m'y trompe fort, que de nous faire battre sous Anvers, et de lui procurer, qui sait? sans bourse d?lier, cette mort d'un fils de France, qu'il avait promis de payer si cher ? Salc?de. Lisez l'histoire de Flandre, monseigneur, et vous y verrez que les Flamands ont pour habitude d'engraisser leurs terres avec le sang des princes les plus illustres et des meilleurs chevaliers fran?ais.

Le duc secoua la t?te.

-- Eh bien! soit, Joyeuse, dit-il, je donnerai, s'il le faut, au Lorrain maudit la joie de me voir mort, mais je ne lui donnerai pas celle de me voir fuyant. J'ai soif de gloire, Joyeuse; car, seul de mon nom, j'ai encore des batailles ? gagner.

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