Read Ebook: La vampire by F Val Paul
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Ebook has 3600 lines and 86613 words, and 72 pages
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LA VAMPIRE
par
PAUL F?VAL
AVANT-PROPOS
Ceci est une ?trange histoire dont le fond, rigoureusement authentique, nous a ?t? fourni comme les neuf dixi?mes des mat?riaux qui composent ce livre, par le manuscrit du <
Mais le hasard, ici, est venu ajouter, aux renseignements exacts donn?s par l'excellent homme, d'autres renseignements qui nous ont permis d'expliquer certains faits que notre h?ro?que bonne d'enfants des Tuileries regardait comme franchement surnaturels.
Ces ?claircissements, gr?ce auxquels ce drame fantastique va passer sous les yeux du lecteur dans sa bizarre et sombre r?alit?, sont puis?s ? deux sources: une page in?dite de la correspondance du duc de Rovigo, qui eut, comme on sait, la confiance intime de l'empereur et qui fut charg?, pendant la retraite de Fouch? , de contr?ler militairement la police g?n?rale, dont les bureaux ?taient administrativement r?unis au d?partement de la justice, dirig? par le grand-juge R?gnier, duc de Massa.
Nous nous occuperons peu des ?v?nements politiques, int?rieurs, qui tourment?rent cette p?riode, pr?c?dant imm?diatement le couronnement de Napol?on. Saint-Rejant, Pichegru, Moreau, la machine infernale n'entrent point dans notre sujet et c'est ? peine si nous verrons passer ce gros homme, Bru, tus de la royaut?, audacieux et solide comme un conjur? antique: Georges Cadoudal.
Les guerres ?trang?res nous prendront encore moins de place. On n'entendait en 1804 que le lointain canon de l'Angleterre.
Nous avons ? raconter un ?pisode, historique il est vrai, mais bourgeois, et qui n'a aucun trait ni ? l'intrigue du cabinet ni aux victoires et conqu?tes.
C'est tout bonnement une page de la biographie secr?te de ce g?ant qu'on nomme Paris et qui, en sa vie, eut tant d'aventures!
Laissons donc de c?t? les cinq cents volumes de m?moires diffus qui disent le blanc et le noir sur cette grande crise de notre R?volution, et tournant le dos au ch?teau o? la main crochue de ce bon M. Bourrienne griffonne quelques v?rit?s parmi des monceaux de mensonges bien pay?s, plongeons-nous de parti pris dans le fourr? le plus profond de la for?t parisienne.
Nous avons l'espoir que le lecteur n'aura pas oubli? cette touchante et sereine figure qui traverse les pages de notre introduction. Il n'y a que des r?cits dans ce livre: notre pr?face elle-m?me ?tait encore un r?cit, dont le h?ros se nommait le <
Un S?v?rin aussi: S?v?rin, dit G?teloup.
Ce G?teloup, presque vieillard, et papa S?v?rin presque enfant, vont avoir des r?les dans cette histoire.
L'un ?tait le p?re de l'autre.
Et s'il m'?tait permis de descendre encore plus avant dans nos communs souvenirs, je vous rappellerais cette ch?re petite famille, compos?e de cinq enfants qui ne se ressemblaient point, et dont papa S?v?rin ?tait la bonne aux Tuileries: Eug?nie, Ang?le et Jean qui avaient le m?me ?ge, Louis et Julien, des bambins.
Ces cinq ?tres, abandonn?s, orphelins, mais ? qui Dieu cl?ment avait rendu le meilleur des p?res, reviendront tous et chacun sous notre plume. Ils forment ? eux cinq, dans la personne de leurs parents, la l?gende lamentable du suicide.
Papa S?v?rin avait dit en montrant Ang?le, la plus jolie de ces petites filles, et celle dont la pr?coce p?leur nous frappa comme un signe de fatalit?:
--Celle-ci tient ? ma famille par trois liens.
Il avait ajout? ce jour o? la fillette jetait ses regards avides ? travers les glaces de la Morgue:
--Elle a d?j? l'id?e...
Car papa S?v?rin croyait ? la transmission d'un h?ritage fatal.
Notre histoire va montrer la premi?re des trois Ang?le.
Notre histoire va montrer aussi les tables de marbre toutes neuves et vierges encore de tout contact mortel. Nous y verrons quelle fut l'?trenne de la Morgue du March?-Neuf.
Tout cela ? propos d'un adorable et impur d?mon qui ressuscita un instant, au beau milieu de Paris et pr?s du berceau de notre <
LA VAMPIRE
LA PECHE MIRACULEUSE
Le commencement du si?cle o? nous sommes fut beaucoup plus l?gendaire qu'on ne le croit g?n?ralement. Et je ne parle pas ici de cette immense l?gende de nos gloires militaires, dont le sang r?publicain ?crivit les premi?res pages au bruit triomphant de la fanfare marseillaise, qui d?roula ses chants ? travers l'?blouissement de l'empire et noya sa derni?re strophe--un cri splendide--dans le grand deuil de Waterloo.
Je parle de la l?gende des conteurs, des r?cits qui endorment ou passionnent la veill?e, des choses po?tiques, bizarres, surnaturelles, dont le scepticisme du dix-huiti?me si?cle avait essay? de faire table nette.
Souvenons-nous que l'empereur Napol?on Ier aimait ? la folie les brouillards r?veurs d'Ossian, pass?s par M. Baour au tamis acad?mique. C'est la l?gende guind?e, roidie par l'empois; mais c'est toujours la l?gende.
Et souvenons-nous aussi que le roi l?gitime des pays l?gendaires, Walter Scott, avait trente ans quand le si?cle naquit.
Anne Radcliffe, la sombre m?re de tant de myst?res et de tant de terreurs, ?tait alors dans tout l'?clat de cette vogue qui donna le frisson ? l'Europe. On courait apr?s la peur, on recherchait le t?n?breux. Tel livre sans queue ni t?te obtenait un fr?n?tique succ?s rien que par la description d'une oubliette ? ressort, d'un cimeti?re peupl? de fant?mes ? l'heure <
C'?tait la mode; on faisait ? ces fadaises une toilette de grands mots, appartenant sp?cialement ? cette ?poque solennelle; on mettait le tout comme une pur?e sous le h?ros, cuit ? point, qui ?tait un <
Le contraste de ces confitures philosophiques et de ces s?pulcrales abominations formait un plat hybride, peu comestible, mais d'un go?t ?trange qui plaisait ? ces jolies dames, v?tues si dr?lement, avec des bagues aux orteils, la ceinture au-dessus du sein, la hanche dans un fourreau de parapluie et la t?te sous une gigantesque feuille de chicor?e.
Paris a toujours ador? d'ailleurs les contes ? dormir debout, qui lui procurent la d?licieuse sensation de la chair de poule. Quand Paris ?tait encore tout petit, il avait d?j? nombre d'histoires ? faire fr?mir, depuis la coupable association form?e entre le barbier et le p?tissier de la rue des Marmousets, pour le d?bit des vol-au-vent de gentilshommes, jusqu'? la boucherie galante de la maison du cul-de-sac Saint-Beno?t, dont les murs d?molis avaient plus d'ossements humains que de pierres.
Et depuis si longtemps, ? cet ?gard, Paris a peu chang?. Aux premiers mois de l'ann?e 1804, il y avait dans Paris une vague et lugubre rumeur, n?e de ce fait que des p?ches miraculeuses avaient lieu depuis quelque temps ? la pointe orientale de l'Ile Saint-Louis, en tournant un peu vers le sud-est, non loin de l'endroit o? les bains Petit r?unissent aujourd'hui, dans les mois d'?t?, l'?lite des tritons parisiens.
C'est chose rare qu'un banc de poisson dans Paris. Tant d'hame?ons, tant de nasses, tant d'engins divers sont cach?s sous l'eau entre Bercy et Grenelle, que les goujons seuls, d'ordinaire, et les imprudents barbillons se hasardent dans ce parcours sem? de p?rils. Vous n'y trouveriez ni une carpe, ni une tanche, ni une perche, et si parfois un brochet s'y engage, c'est que ce requin d'eau douce a le caract?re tout particuli?rement aventureux.
Aussi la gent p?cheuse faisait-elle grand bruit de l'aubaine envoy?e par la Providence aux citoyens amateurs de la ligne, de l'?pervier et du carrelet. Sur un parcours d'une centaine de pas depuis l'?gout de Bretonvilliers jusqu'au quai de la Tournelle, tout le long du quai de B?thune, vous auriez vu, tant que le jour durant, une file de vrais croyants, immobiles et silencieux, tenant la ligne et suivant d'un oeil inquiet le bouchon flottant au fil de l'eau.
Dire que tout le monde emplissait son panier serait une imposture. Les bancs de poisson, ? Paris, ne ressemblent ? ceux de nos c?tes; mais il est certain que ?a et l? un heureux gaillard piquait un gros brochet ou un barbillon de taille inusit?e. Les goujons abondaient, les chevaignes tournoyaient ? fleur d'eau, et l'on voyait glisser dans l'onde trouble ces reflets pourpr?s qui annoncent la pr?sence du gardon.
Ceci, en plein hiver et alors que d'habitude les poissons parisiens, frileux comme des marmottes, semblent d?serter la Seine pour aller se chauffer on ne sait o?.
En apparence, il y a loin de cette joie des p?cheurs et de cette folie du poisson ? la rumeur lugubre dont nous avons annonc? la naissance. Mais Paris est un raisonneur de premi?re force; il remonte volontiers de l'effet ? la cause, et Dieu sait qu'il invente parfois de bien dr?les de causes pour les plus vulgaires effets.
D'ailleurs, nous n'avons pas tout dit. Ce n'?tait pas exclusivement pour p?cher du poisson que tant de lignes suspendaient l'amorce le long du quai de B?thune. Parmi les p?cheurs de profession ou d'habitude qui venaient l? chaque jour, il y avait nombre de profanes, gens d'aventures et d'imagination, qui visaient ? une tout autre proie.
Le P?rou ?tait pass? de mode et l'on n'avait pas encore invent? la Californie. Les pauvres diables qui courent apr?s la fortune ne savaient trop o? donner de la t?te et cherchaient leur vie au hasard.
L'Europe ingrate ne sait pas le service que lui rendent ces f?eriques v?sicatoires qui se nomment sur la carte du monde San-Francisco, Monterey, Sydney ou Melbourne.
Il y avait bien la guerre, en ce temps-l?, mais ? la guerre on gagne plus de horions que d'?cus, et les aventuriers mod?les, les <
Il y avait l?, sous le quai de B?thune, des po?tes d?class?s, des inventeurs vaincus, d'anciens don Juan, banqueroutiers de l'industrie d'amour qui s'?taient cass? bras et jambes en voulant grimper ? l'?chelle des femme, des hommes politiques dont l'ambition avait pris racine dans le ruisseau, des artistes soufflet?s par la renomm?e,--cette cruelle!--des com?diens honnis, des philanthropes maladroits, des g?nies pers?cut?s, et ce notaire qui est partout, m?me au bagne, pour avoir accompli son sacerdoce avec trop de ferveur.
Nous le r?p?tons, d? nos jours, tous ces braves eussent ?t? dans la Sonore ou en Australie, qui sont de bien utiles pays. En l'ann?e 1804, s'ils grelottaient les pieds dans l'eau, sondant avec m?lancolie le cours troubl? de la Seine, c'est que la l?gende pla?ait au fond de la Seine un fantastique Eldorado.
Au coin de la rue de Bretonvilliers et du quai, il y avait un petit cabaret de fondation nouvelle qui portait pour enseigne un tableau, bross? na?vement par un peintre ?tranger ? l'Acad?mie des beaux-arts.
Ce tableau repr?sentait deux sujets fraternellement juxtapos?s dans le m?me cadre.
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