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Read Ebook: De l'origine des espèces by Darwin Charles

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Ebook has 957 lines and 215917 words, and 20 pages

Charles Darwin DE L'ORIGINE DES ESP?CES

Table des mati?res

NOTICE HISTORIQUE SUR LES PROGR?S DE L'OPINION RELATIVE ? L'ORIGINE DES ESP?CES AVANT LA PUBLICATION DE LA PREMI?RE ?DITION ANGLAISE DU PR?SENT OUVRAGE.

Je me propose de passer bri?vement en revue les progr?s de l'opinion relativement ? l'origine des esp?ces. Jusque tout r?cemment, la plupart des naturalistes croyaient que les esp?ces sont des productions immuables cr??es s?par?ment. De nombreux savants ont habilement soutenu cette hypoth?se. Quelques autres, au contraire, ont admis que les esp?ces ?prouvent des modifications et que les formes actuelles descendent de formes pr?existantes par voie de g?n?ration r?guli?re. Si on laisse de c?t? les allusions qu'on trouve ? cet ?gard dans les auteurs de l'antiquit?, Buffon est le premier qui, dans les temps modernes, a trait? ce sujet au point de vue essentiellement scientifique. Toutefois, comme ses opinions ont beaucoup vari? ? diverses ?poques, et qu'il n'aborde ni les causes ni les moyens de la transformation de l'esp?ce, il est inutile d'entrer ici dans de plus amples d?tails sur ses travaux.

Il semble croire que le monde a ?t? presque d?peupl? ? des p?riodes successives, puis repeupl? de nouveau; il admet, ? titre d'alternative, que de nouvelles formes peuvent se produire <>. Je crois ne pas bien comprendre quelques passages, mais il me semble qu'il accorde beaucoup d'influence ? l'action directe des conditions d'existence. Il a toutefois ?tabli clairement toute la puissance du principe de la s?lection naturelle.

En 1846, le v?t?ran de la zoologie, M. J. d'Omalius d'Halloy, a publi? un m?moire excellent, bien que court, dans lequel il ?met l'opinion qu'il est plus probable que les esp?ces nouvelles ont ?t? produites par descendance avec modifications plut?t que cr??es s?par?ment; l'auteur avait d?j? exprim? cette opinion en 1831.

M. Herbert Spencer, dans un m?moire , a ?tabli, avec un talent et une habilet? remarquables, la comparaison entre la th?orie de la cr?ation et celle du d?veloppement des ?tres organiques. Il tire ses preuves de l'analogie des productions domestiques, des changements que subissent les embryons de beaucoup d'esp?ces, de la difficult? de distinguer entre les esp?ces et les vari?t?s, et du principe de gradation g?n?rale; il conclut que les esp?ces ont ?prouv? des modifications qu'il attribue au changement des conditions. L'auteur a aussi ?tudi? la psychologie en partant du principe de l'acquisition graduelle de chaque aptitude et de chaque facult? mentale.

Un g?ologue c?l?bre, le comte Keyserling, a, en 1853 , sugg?r? que, de m?me que de nouvelles maladies caus?es peut-?tre par quelque miasme ont apparu et se sont r?pandues dans le monde, de m?me des germes d'esp?ces existantes ont pu ?tre, ? certaines p?riodes, chimiquement affect?s par des mol?cules ambiantes de nature particuli?re, et ont donn? naissance ? de nouvelles formes.

Cette m?me ann?e 1853, le docteur Schaaffhausen a publi? une excellente brochure dans laquelle il explique le d?veloppement progressif des formes organiques sur la terre. Il croit que beaucoup d'esp?ces ont persist? tr?s longtemps, quelques-unes seulement s'?tant modifi?es, et il explique les diff?rences actuelles par la destruction des formes interm?diaires. <>

Von Baer, si respect? de tous les zoologistes, exprima, en 1859 , sa conviction, fond?e surtout sur les lois de la distribution g?ographique, que des formes actuellement distinctes au plus haut degr? sont les descendants d'un parent-type unique.

La premi?re ?dition anglaise du pr?sent ouvrage a ?t? publi?e le 24 novembre 1859, et la seconde le 7 janvier 1860.

INTRODUCTION

Mon oeuvre est actuellement presque compl?te. Il me faudra, cependant, bien des ann?es encore pour l'achever, et, comme ma sant? est loin d'?tre bonne, mes amis m'ont conseill? de publier le r?sum? qui fait l'objet de ce volume. Une autre raison m'a compl?tement d?cid?: M. Wallace, qui ?tudie actuellement l'histoire naturelle dans l'archipel Malais, en est arriv? ? des conclusions presque identiques aux miennes sur l'origine des esp?ces. En 1858, ce savant naturaliste m'envoya un m?moire ? ce sujet, avec pri?re de le communiquer ? Sir Charles Lyell, qui le remit ? la Soci?t? Linn?enne; le m?moire de M. Wallace a paru dans le troisi?me volume du journal de cette soci?t?. Sir Charles Lyell et le docteur Hooker, qui tous deux ?taient au courant de mes travaux -- le docteur Hooker avait lu l'extrait de mon manuscrit ?crit en 1844 -- me conseill?rent de publier, en m?me temps que le m?moire de M. Wallace, quelques extraits de mes notes manuscrites.

Le m?moire qui fait l'objet du pr?sent volume est n?cessairement imparfait. Il me sera impossible de renvoyer ? toutes les autorit?s auxquelles j'emprunte certains faits, mais j'esp?re que le lecteur voudra bien se fier ? mon exactitude. Quelques erreurs ont pu, sans doute, se glisser dans mon travail, bien que j'aie toujours eu grand soin de m'appuyer seulement sur des travaux de premier ordre. En outre, je devrai me borner ? indiquer les conclusions g?n?rales auxquelles j'en suis arriv?, tout en citant quelques exemples, qui, je pense, suffiront dans la plupart des cas. Personne, plus que moi, ne comprend la n?cessit? de publier plus tard, en d?tail, tous les faits sur lesquels reposent mes conclusions; ce sera l'objet d'un autre ouvrage. Cela est d'autant plus n?cessaire que, sur presque tous les points abord?s dans ce volume, on peut invoquer des faits qui, au premier abord, semblent tendre ? des conclusions absolument contraires ? celles que j'indique. Or, on ne peut arriver ? un r?sultat satisfaisant qu'en examinant les deux c?t?s de la question et en discutant les faits et les arguments; c'est l? chose impossible dans cet ouvrage.

Je regrette beaucoup que le d?faut d'espace m'emp?che de reconna?tre l'assistance g?n?reuse que m'ont pr?t?e beaucoup de naturalistes, dont quelques-uns me sont personnellement inconnus. Je ne puis, cependant, laisser passer cette occasion sans exprimer ma profonde gratitude ? M. le docteur Hooker, qui, pendant ces quinze derni?res ann?es, a mis ? mon enti?re disposition ses tr?sors de science et son excellent jugement.

On comprend facilement qu'un naturaliste qui aborde l'?tude de l'origine des esp?ces et qui observe les affinit?s mutuelles des ?tres organis?s, leurs rapports embryologiques, leur distribution g?ographique, leur succession g?ologique et d'autres faits analogues, en arrive ? la conclusion que les esp?ces n'ont pas ?t? cr??es ind?pendamment les unes des autres, mais que, comme les vari?t?s, elles descendent d'autres esp?ces. Toutefois, en admettant m?me que cette conclusion soit bien ?tablie, elle serait peu satisfaisante jusqu'? ce qu'on ait pu prouver comment les innombrables esp?ces, habitant la terre, se sont modifi?es de fa?on ? acqu?rir cette perfection de forme et de coadaptation qui excite ? si juste titre notre admiration. Les naturalistes assignent, comme seules causes possibles aux variations, les conditions ext?rieures, telles que le climat, l'alimentation, etc. Cela peut ?tre vrai dans un sens tr?s limit?, comme nous le verrons plus tard; mais il serait absurde d'attribuer aux seules conditions ext?rieures la conformation du pic, par exemple, dont les pattes, la queue, le bec et la langue sont si admirablement adapt?s pour aller saisir les insectes sous l'?corce des arbres. Il serait ?galement absurde d'expliquer la conformation du gui et ses rapports avec plusieurs ?tres organis?s distincts, par les seuls effets des conditions ext?rieures, de l'habitude, ou de la volont? de la plante elle-m?me, quand on pense que ce parasite tire sa nourriture de certains arbres, qu'il produit des graines que doivent transporter certains oiseaux, et qu'il porte des fleurs unisexu?es, ce qui n?cessite l'intervention de certains insectes pour porter le pollen d'une fleur ? une autre.

Il est donc de la plus haute importance d'?lucider quels sont les moyens de modification et de coadaptalion. Tout d'abord, il m'a sembl? probable que l'?tude attentive des animaux domestiques et des plantes cultiv?es devait offrir le meilleur champ de recherches pour expliquer cet obscur probl?me. Je n'ai pas ?t? d?sappoint?; j'ai bient?t reconnu, en effet, que nos connaissances, quelque imparfaites qu'elles soient, sur les variations ? l'?tat domestique, nous fournissent toujours l'explication la plus simple et la moins sujette ? erreur. Qu'il me soit donc permis d'ajouter que, dans ma conviction, ces ?tudes ont la plus grande importance et qu'elles sont ordinairement beaucoup trop n?glig?es par les naturalistes.

CHAPITRE I DE LA VARIATION DES ESP?CES ? L'?TAT DOMESTIQUE

CAUSES DE LA VARIABILIT?.

Quand on compare les individus appartenant ? une m?me vari?t? ou ? une m?me sous-vari?t? de nos plantes cultiv?es depuis le plus longtemps et de nos animaux domestiques les plus anciens, on remarque tout d'abord qu'ils diff?rent ordinairement plus les uns des autres que les individus appartenant ? une esp?ce ou ? une vari?t? quelconque ? l'?tat de nature. Or, si l'on pense ? l'immense diversit? de nos plantes cultiv?es et de nos animaux domestiques, qui ont vari? ? toutes les ?poques, expos?s qu'ils ?taient aux climats et aux traitements les plus divers, on est amen? ? conclure que cette grande variabilit? provient de ce que nos productions domestiques ont ?t? ?lev?es dans des conditions de vie moins uniformes, ou m?me quelque peu diff?rentes de celles auxquelles l'esp?ce m?re a ?t? soumise ? l'?tat de nature. Il y a peut-?tre aussi quelque chose de fond? dans l'opinion soutenue par Andrew Knight, c'est-?-dire que la variabilit? peut provenir en partie de l'exc?s de nourriture. Il semble ?vident que les ?tres organis?s doivent ?tre expos?s, pendant plusieurs g?n?rations, ? de nouvelles conditions d'existence, pour qu'il se produise chez eux une quantit? appr?ciable de variation; mais il est tout aussi ?vident que, d?s qu'un organisme a commenc? ? varier, il continue ordinairement ? le faire pendant de nombreuses g?n?rations. On ne pourrait citer aucun exemple d'un organisme variable qui ait cess? de varier ? l'?tat domestique. Nos plantes les plus anciennement cultiv?es, telles que le froment, produisent encore de nouvelles vari?t?s; nos animaux r?duits depuis le plus longtemps ? l'?tat domestique sont encore susceptibles de modifications ou d'am?liorations tr?s rapides.

Le changement des conditions produit beaucoup plus souvent une variabilit? ind?finie qu'une variabilit? d?finie, et la premi?re a probablement jou? un r?le beaucoup plus important que la seconde dans la formation de nos races domestiques. Cette variabilit? ind?finie se traduit par les innombrables petites particularit?s qui distinguent les individus d'une m?me esp?ce, particularit?s que l'on ne peut attribuer, en vertu de l'h?r?dit?, ni au p?re, ni ? la m?re, ni ? un anc?tre plus ?loign?. Des diff?rences consid?rables apparaissent m?me parfois chez les jeunes d'une m?me port?e, ou chez les plantes n?es de graines provenant d'une m?me capsule. ? de longs intervalles, on voit surgir des d?viations de conformation assez fortement prononc?es pour m?riter la qualification de monstruosit?s; ces d?viations affectent quelques individus, au milieu de millions d'autres ?lev?s dans le m?me pays et nourris presque de la m?me mani?re; toutefois, on ne peut ?tablir une ligne absolue de d?marcation entre les monstruosit?s et les simples variations. On peut consid?rer comme les effets ind?finis des conditions d'existence, sur chaque organisme individuel, tous ces changements de conformation, qu'ils soient peu prononc?s ou qu'ils le soient beaucoup, qui se manifestent chez un grand nombre d'individus vivant ensemble. On pourrait comparer ces effets ind?finis aux effets d'un refroidissement, lequel affecte diff?rentes personnes de fa?on ind?finie, selon leur ?tat de sant? ou leur constitution, se traduisant chez les unes par un rhume de poitrine, chez les autres par un rhume de cerveau, chez celle-ci par un rhumatisme, chez celle-l? par une inflammation de divers organes.

EFFETS DES HABITUDES ET DE L'USAGE OU DU NON-USAGE DES PARTIES; VARIATION PAR CORRELATION; H?R?DIT?.

Le changement des habitudes produit des effets h?r?ditaires; on pourrait citer, par exemple, l'?poque de la floraison des plantes transport?es d'un climat dans un autre. Chez les animaux, l'usage ou le non-usage des parties a une influence plus consid?rable encore. Ainsi, proportionnellement au reste du squelette, les os de l'aile p?sent moins et les os de la cuisse p?sent plus chez le canard domestique que chez le canard sauvage. Or, on peut incontestablement attribuer ce changement ? ce que le canard domestique vole moins et marche plus que le canard sauvage. Nous pouvons encore citer, comme un des effets de l'usage des parties, le d?veloppement consid?rable, transmissible par h?r?dit?, des mamelles chez les vaches et chez les ch?vres dans les pays o? l'on a l'habitude de traire ces animaux, comparativement ? l'?tat de ces organes dans d'autres pays. Tous les animaux domestiques ont, dans quelques pays, les oreilles pendantes; on a attribu? cette particularit? au fait que ces animaux, ayant moins de causes d'alarmes, cessent de se servir des muscles de l'oreille, et cette opinion semble tr?s fond?e.

Les lois diverses, absolument ignor?es ou imparfaitement comprises, qui r?gissent la variation, ont des effets extr?mement complexes. Il est int?ressant d'?tudier les diff?rents trait?s relatifs ? quelques-unes de nos plantes cultiv?es depuis fort longtemps, telles que la jacinthe, la pomme de terre ou m?me le dahlia, etc.; on est r?ellement ?tonn? de voir par quels innombrables points de conformation et de constitution les vari?t?s et les sous-vari?t?s diff?rent l?g?rement les unes des autres. Leur organisation tout enti?re semble ?tre devenue plastique et s'?carter l?g?rement de celle du type originel.

Toute variation non h?r?ditaire est sans int?r?t pour nous. Mais le nombre et la diversit? des d?viations de conformation transmissibles par h?r?dit?, qu'elles soient insignifiantes ou qu'elles aient une importance physiologique consid?rable, sont presque infinis. L'ouvrage le meilleur et le plus complet que nous ayons ? ce sujet est celui du docteur Prosper Lucas. Aucun ?leveur ne met en doute la grande ?nergie des tendances h?r?ditaires; tous ont pour axiome fondamental que le semblable produit le semblable, et il ne s'est trouv? que quelques th?oriciens pour suspecter la valeur absolue de ce principe. Quand une d?viation de structure se reproduit souvent, quand nous la remarquons chez le p?re et chez l'enfant, il est tr?s difficile de dire si cette d?viation provient ou non de quelque cause qui a agi sur l'un comme sur l'autre. Mais, d'autre part, lorsque parmi des individus, ?videmment expos?s aux m?mes conditions, quelque d?viation tr?s rare, due ? quelque concours extraordinaire de circonstances, appara?t chez un seul individu, au milieu de millions d'autres qui n'en sont point affect?s, et que nous voyons r?appara?tre cette d?viation chez le descendant, la seule th?orie des probabilit?s nous force presque ? attribuer cette r?apparition ? l'h?r?dit?. Qui n'a entendu parler des cas d'albinisme, de peau ?pineuse, de peau velue, etc., h?r?ditaires chez plusieurs membres d'une m?me famille? Or, si des d?viations rares et extraordinaires peuvent r?ellement se transmettre par h?r?dit?, ? plus forte raison on peut soutenir que des d?viations moins extraordinaires et plus communes peuvent ?galement se transmettre. La meilleure mani?re de r?sumer la question serait peut-?tre de consid?rer que, en r?gle g?n?rale, tout caract?re, quel qu'il soit, se transmet par h?r?dit? et que la non-transmission est l'exception.

CARACT?RES DES VARI?T?S DOMESTIQUES; DIFFICULT? DE DISTINGUER ENTRE LES VARI?T?S ET LES ESP?CES; ORIGINE DES VARI?T?S DOMESTIQUES ATTRIBU?E ? UNE OU ? PLUSIEURS ESP?CE.

Quand nous examinons les vari?t?s h?r?ditaires ou les races de nos animaux domestiques et de nos plantes cultiv?es et que nous les comparons ? des esp?ces tr?s voisines, nous remarquons ordinairement, comme nous l'avons d?j? dit, chez chaque race domestique, des caract?res moins uniformes que chez les esp?ces vraies. Les races domestiques pr?sentent souvent un caract?re quelque peu monstrueux; j'entends par l? que, bien que diff?rant les unes des autres et des esp?ces voisines du m?me genre par quelques l?gers caract?res, elles diff?rent souvent ? un haut degr? sur un point sp?cial, soit qu'on les compare les unes aux autres, soit surtout qu'on les compare ? l'esp?ce sauvage dont elles se rapprochent le plus. ? cela pr?s , les races domestiques de la m?me esp?ce diff?rent l'une de l'autre de la m?me mani?re que font les esp?ces voisines du m?me genre ? l'?tat sauvage; mais les diff?rences, dans la plupart des cas, sont moins consid?rables. Il faut admettre que ce point est prouv?, car des juges comp?tents estiment que les races domestiques de beaucoup d'animaux et de beaucoup de plantes descendent d'esp?ces originelles distinctes, tandis que d'autres juges, non moins comp?tents, ne les regardent que comme de simples vari?t?s. Or, si une distinction bien tranch?e existait entre les races domestiques et les esp?ces, cette sorte de doute ne se pr?senterait pas si fr?quemment. On a r?p?t? souvent que les races domestiques ne diff?rent pas les unes des autres par des caract?res ayant une valeur g?n?rique. On peut d?montrer que cette assertion n'est pas exacte; toutefois, les naturalistes ont des opinions tr?s diff?rentes quant ? ce qui constitue un caract?re g?n?tique, et, par cons?quent, toutes les appr?ciations actuelles sur ce point sont purement empiriques. Quand j'aurai expliqu? l'origine du genre dans la nature, on verra que nous ne devons nullement nous attendre ? trouver chez nos races domestiques des diff?rences d'ordre g?n?rique.

Nous en sommes r?duits aux hypoth?ses d?s que nous essayons d'estimer la valeur des diff?rences de conformation qui s?parent nos races domestiques les plus voisines; nous ne savons pas, en effet, si elles descendent d'une ou de plusieurs esp?ces m?res. Ce serait pourtant un point fort int?ressant ? ?lucider. Si, par exemple, on pouvait prouver que le L?vrier, le Limier, le Terrier, l'Epagneul et le Bouledogue, animaux dont la race, nous le savons, se propage si purement, descendent tous d'une m?me esp?ce, nous serions ?videmment autoris?s ? douter de l'immutabilit? d'un grand nombre d'esp?ces sauvages ?troitement alli?es, celle des renards, par exemple, qui habitent les diverses parties du globe. Je ne crois pas, comme nous le verrons tout ? l'heure, que la somme des diff?rences que nous constatons entre nos diverses races de chiens se soit produite enti?rement ? l'?tat de domesticit?; j'estime, au contraire, qu'une partie de ces diff?rences proviennent de ce qu'elles descendent d'esp?ces distinctes. ? l'?gard des races fortement accus?es de quelques autres esp?ces domestiques, il y a de fortes pr?somptions, ou m?me des preuves absolues, qu'elles descendent toutes d'une souche sauvage unique.

On a souvent pr?tendu que, pour les r?duire en domesticit?, l'homme a choisi les animaux et les plantes qui pr?sentaient une tendance inh?rente exceptionnelle ? la variation, et qui avaient la facult? de supporter les climats les plus diff?rents. Je ne conteste pas que ces aptitudes aient beaucoup ajout? ? la valeur de la plupart de nos produits domestiques; mais comment un sauvage pouvait-il savoir, alors qu'il apprivoisait un animal, si cet animal ?tait susceptible de varier dans les g?n?rations futures et de supporter les changements de climat? Est-ce que la faible variabilit? de l'?ne et de l'oie, le peu de disposition du renne pour la chaleur ou du chameau pour le froid, ont emp?ch? leur domestication? Je puis persuad? que, si l'on prenait ? l'?tat sauvage des animaux et des plantes, en nombre ?gal ? celui de nos produits domestiques et appartenant ? un aussi grand nombre de classes et de pays, et qu'on les f?t se reproduire ? l'?tat domestique, pendant un nombre pareil de g?n?rations, ils varieraient autant en moyenne qu'ont vari? les esp?ces m?res de nos races domestiques actuelles.

Il est impossible de d?cider, pour la plupart de nos plantes les plus anciennement cultiv?es et de nos animaux r?duits depuis de longs si?cles en domesticit?, s'ils descendent d'une ou de plusieurs esp?ces sauvages. L'argument principal de ceux qui croient ? l'origine multiple de nos animaux domestiques repose sur le fait que nous trouvons, d?s les temps les plus anciens, sur les monuments de l'?gypte et dans les habitations lacustres de la Suisse, une grande diversit? de races. Plusieurs d'entre elles ont une ressemblance frappante, ou sont m?me identiques avec celles qui existent aujourd'hui. Mais ceci ne fait que reculer l'origine de la civilisation, et prouve que les animaux ont ?t? r?duits en domesticit? ? une p?riode beaucoup plus ancienne qu'on ne le croyait jusqu'? pr?sent. Les habitants des cit?s lacustres de la Suisse cultivaient plusieurs esp?ces de froment et d'orge, le pois, le pavot pour en extraire de l'huile, et le chanvre; ils poss?daient plusieurs animaux domestiques et ?taient en relations commerciales avec d'autres nations. Tout cela prouve clairement, comme Heer le fait remarquer, qu'ils avaient fait des progr?s consid?rables; mais cela implique aussi une longue p?riode ant?c?dente de civilisation moins avanc?e, pendant laquelle les animaux domestiques, ?lev?s dans diff?rentes r?gions, ont pu, en variant, donner naissance ? des races distinctes. Depuis la d?couverte d'instruments en silex dans les couches superficielles de beaucoup de parties du monde, tous les g?ologues croient que l'homme barbare existait ? une p?riode extraordinairement recul?es et nous savons aujourd'hui qu'il est ? peine une tribu, si barbare qu'elle soit, qui n'ait au moins domestiqu? le chien.

Quelques auteurs ont pouss? ? l'extr?me la doctrine que nos races domestiques descendent de plusieurs souches sauvages. Ils croient que toute race qui se reproduit purement, si l?gers que soient ses caract?res distinctifs, a eu son prototype sauvage. ? ce compte, il aurait d? exister au moins une vingtaine d'esp?ces de b?tail sauvage, autant d'esp?ces de moutons, et plusieurs esp?ces de ch?vres en Europe, dont plusieurs dans la Grande-Bretagne seule. Un auteur soutient qu'il a d? autrefois exister dans la Grande- Bretagne onze esp?ces de moutons sauvages qui lui ?taient propres! Lorsque nous nous rappelons que la Grande-Bretagne ne poss?de pas aujourd'hui un mammif?re qui lui soit particulier, que la France n'en a que fort peu qui soient distincts de ceux de l'Allemagne, et qu'il en est de m?me de la Hongrie et de l'Espagne, etc., mais que chacun de ces pays poss?de plusieurs esp?ces particuli?res de b?tail, de moutons, etc., il faut bien admettre qu'un grand nombre de races domestiques ont pris naissance en Europe, car d'o? pourraient-elles venir? Il en est de m?me dans l'Inde. Il est certain que les variations h?r?ditaires ont jou? un grand r?le dans la formation des races si nombreuses des chiens domestiques, pour lesquelles j'admets cependant plusieurs souches distinctes. Qui pourrait croire, en effet, que des animaux ressemblant au L?vrier italien, au Limier, au Bouledogue, au Bichon ou ? l'Epagneul de Blenheim, types si diff?rents de ceux des canides sauvages, aient jamais exist? ? l'?tat de nature? On a souvent affirm?, sans aucune preuve ? l'appui, que toutes nos races de chiens proviennent du croisement d'un petit nombre d'esp?ces primitives. Mais on n'obtient, par le croisement, que des formes interm?diaires entre les parents; or, si nous voulons expliquer ainsi l'existence de nos diff?rentes races domestiques, il faut admettre l'existence ant?rieure des formes les plus extr?mes, telles que le L?vrier italien, le Limier, le Bouledogue, etc., ? l'?tat sauvage. Du reste, on a beaucoup exag?r? la possibilit? de former des races distinctes par le croisement. Il est prouv? que l'on peut modifier une race par des croisements accidentels, en admettant toutefois qu'on choisisse soigneusement les individus qui pr?sentent le type d?sir?; mais il serait tr?s difficile d'obtenir une race interm?diaire entre deux races compl?tement distinctes. Sir J. Sebright a entrepris de nombreuses exp?riences dans ce but, mais il n'a pu obtenir aucun r?sultat. Les produits du premier croisement entre deux races pures sont assez uniformes, quelquefois m?me parfaitement identiques, comme je l'ai constat? chez les pigeons. Rien ne semble donc plus simple; mais, quand on en vient ? croiser ces m?tis les uns avec les autres pendant plusieurs g?n?rations, on n'obtient plus deux produits semblables et les difficult?s de l'op?ration deviennent manifestes.

RACES DU PIGEON DOMESTIQUE, LEURS DIFFERENCES ET LEUR ORIGINE.

Le d?veloppement des os de la face diff?re ?norm?ment, tant par la longueur que par la largeur et la courbure, dans le squelette des diff?rentes races. La forme ainsi que les dimensions de la m?choire inf?rieure varient d'une mani?re tr?s remarquable. Le nombre des vert?bres caudales et des vert?bres sacr?es varie aussi, de m?me que le nombre des c?tes et des apophyses, ainsi que leur largeur relative. La forme et la grandeur des ouvertures du sternum, le degr? de divergence et les dimensions des branches de la fourchette, sont ?galement tr?s variables. La largeur proportionnelle de l'ouverture du bec; la longueur relative des paupi?res; les dimensions de l'orifice des narines et celles de la langue, qui n'est pas toujours en corr?lation absolument exacte avec la longueur du bec; le d?veloppement du jabot et de la partie sup?rieure de l'oesophage; le d?veloppement ou l'atrophie de la glande ol?if?re; le nombre des plumes primaires de l'aile et de la queue; la longueur relative des ailes et de la queue, soit entre elles, soit par rapport au corps; la longueur relative des pattes et des pieds; le nombre des ?cailles des doigts; le d?veloppement de la membrane interdigitale, sont autant de parties essentiellement variables. L'?poque ? laquelle les jeunes acqui?rent leur plumage parfait, ainsi que la nature du duvet dont les pigeonneaux sont rev?tus ? leur ?closion, varient aussi; il en est de m?me de la forme et de la grosseur des oeufs. Le vol et, chez certaines races, la voix et les instincts, pr?sentent des diversit?s remarquables. Enfin, chez certaines vari?t?s, les m?les et les femelles en sont arriv?s ? diff?rer quelque peu les uns des autres.

On pourrait ais?ment rassembler une vingtaine de pigeons tels que, si on les montrait ? un ornithologiste, et qu'on les lui donn?t pour des oiseaux sauvages, il les classerait certainement comme autant d'esp?ces bien distinctes. Je ne crois m?me pas qu'aucun ornithologiste consent?t ? placer dans un m?me genre le Messager anglais, le Culbutant courte-face, le Runt, le Barbe, le Grosse- gorge et le Paon; il le ferait d'autant moins qu'on pourrait lui montrer, pour chacune de ces races, plusieurs sous-vari?t?s de descendance pure, c'est-?-dire d'esp?ces, comme il les appellerait certainement.

Il est un autre argument qui me semble avoir un grand poids et qui peut s'appliquer ? plusieurs autres cas: c'est que les races dont nous avons parl? plus haut, bien que ressemblant de mani?re g?n?rale au Biset sauvage par leur constitution, leurs habitudes, leur voix, leur couleur, et par la plus grande partie de leur conformation, pr?sentent cependant avec lui de grandes anomalies sur d'autres points. On chercherait en vain, dans toute la grande famille des colombides, un bec semblable ? celui du Messager anglais, du Culbutant courte-face ou du Barbe; des plumes retrouss?es analogues ? celles du Jacobin; un jabot pareil ? celui du Grosse-gorge; des plumes caudales comparables ? celles du pigeon Paon. Il faudrait donc admettre, non seulement que des hommes ? demi sauvages ont r?ussi ? apprivoiser compl?tement plusieurs esp?ces, mais que, par hasard ou avec intention; ils ont choisi les esp?ces les plus extraordinaires et les plus anormales; il faudrait admettre, en outre, que toutes ces esp?ces se sont ?teintes depuis ou sont rest?es inconnues. Un tel concours de circonstances extraordinaires est improbable au plus haut degr?.

PRINCIPES DE S?LECTION ANCIENNEMENT APPLIQU?S ET LEURS EFFETS.

La grande valeur de ce principe de s?lection n'est pas hypoth?tique. Il est certain que plusieurs de nos ?leveurs les plus ?minents ont, pendant le cours d'une seule vie d'homme, consid?rablement modifi? leurs bestiaux et leurs moutons. Pour bien comprendre les r?sultats qu'ils ont obtenus, il est indispensable de lire quelques-uns des nombreux ouvrages qu'ils ont consacr?s ? ce sujet et de voir les animaux eux-m?mes. Les ?leveurs consid?rent ordinairement l'organisme d'un animal comme un ?l?ment plastique, qu'ils peuvent modifier presque ? leur gr?. Si je n'?tais born? par l'espace, je pourrais citer, ? ce sujet, de nombreux exemples emprunt?s ? des autorit?s hautement comp?tentes. Youatt, qui, plus que tout autre peut-?tre, connaissait les travaux des agriculteurs et qui ?tait lui-m?me un excellent juge en fait d'animaux, admet que le principe de la s?lection <> Lord Somerville dit, ? propos de ce que les ?leveurs ont fait pour le mouton: <> En Saxe, on comprend si bien l'importance du principe de la s?lection, relativement au mouton m?rinos, qu'on en a fait une profession; on place le mouton sur une table et un connaisseur l'?tudie comme il ferait d'un tableau; on r?p?te cet examen trois fois par an, et chaque fois on marque et l'on classe les moutons de fa?on ? choisir les plus parfaits pour la reproduction.

Le prix ?norme attribu? aux animaux dont la g?n?alogie est irr?prochable prouve les r?sultats que les ?leveurs anglais ont d?j? atteints; leurs produits sont exp?di?s dans presque toutes les parties du monde. Il ne faudrait pas croire que ces am?liorations fussent ordinairement dues au croisement de diff?rentes races; les meilleurs ?leveurs condamnent absolument cette pratique, qu'ils n'emploient quelquefois que pour des sous- races ?troitement alli?es. Quand un croisement de ce genre a ?t? fait, une s?lection rigoureuse devient encore beaucoup plus indispensable que dans les cas ordinaires. Si la s?lection consistait simplement ? isoler quelques vari?t?s distinctes et ? les faire se reproduire, ce principe serait si ?vident, qu'? peine aurait-on ? s'en occuper; mais la grande importance de la s?lection consiste dans les effets consid?rables produits par l'accumulation dans une m?me direction, pendant des g?n?rations successives, de diff?rences absolument inappr?ciables pour des yeux inexp?riment?s, diff?rences que, quant ? moi, j'ai vainement essay? d'appr?cier.

Pas un homme sur mille n'a la justesse de coup d'oeil et la s?ret? de jugement n?cessaires pour faire un habile ?leveur. Un homme dou? de ces qualit?s, qui consacre de longues ann?es ? l'?tude de ce sujet, puis qui y voue son existence enti?re, en y apportant toute son ?nergie et une pers?v?rance indomptable, r?ussira sans doute et pourra r?aliser d'immenses progr?s; mais le d?faut d'une seule de ces qualit?s d?terminera forc?ment l'insucc?s. Peu de personnes s'imaginent combien il faut de capacit?s naturelles, combien il faut d'ann?es de pratique pour faire un bon ?leveur de pigeons.

Les horticulteurs suivent les m?mes principes; mais ici les variations sont souvent plus soudaines. Personne ne suppose que nos plus belles plantes sont le r?sultat d'une seule variation de la souche originelle. Nous savons qu'il en a ?t? tout autrement dans bien des cas sur lesquels nous poss?dons des renseignements exacts. Ainsi, on peut citer comme exemple l'augmentation toujours croissante de la grosseur de la groseille ? maquereau commune. Si l'on compare les fleurs actuelles avec des dessins faits il y a seulement vingt ou trente ans, on est frapp? des am?liorations de la plupart des produits du fleuriste. Quand une race de plantes est suffisamment fix?e, les horticulteurs ne se donnent plus la peine de choisir les meilleurs plants, ils se contentent de visiter les plates-bandes pour arracher les plants qui d?vient du type ordinaire. On pratique aussi cette sorte de s?lection avec les animaux, car personne n'est assez n?gligent pour permettre aux sujets d?fectueux d'un troupeau de se reproduire.

Il est encore un autre moyen d'observer les effets accumul?s de la s?lection chez les plantes; on n'a, en effet, qu'? comparer, dans un parterre, la diversit? des fleurs chez les diff?rentes vari?t?s d'une m?me esp?ce; dans un potager, la diversit? des feuilles, des gousses, des tubercules, ou en g?n?ral de la partie recherch?e des plantes potag?res, relativement aux fleurs des m?mes vari?t?s; et, enfin, dans un verger, la diversit? des fruits d'une m?me esp?ce, comparativement aux feuilles et aux fleurs de ces m?mes arbres. Remarquez combien diff?rent les feuilles du Chou et que de ressemblance dans la fleur; combien, au contraire, sont diff?rentes les fleurs de la Pens?e et combien les feuilles sont uniformes; combien les fruits des diff?rentes esp?ces de Groseilliers diff?rent par la grosseur, la couleur, la forme et le degr? de villosit?, et combien les fleurs pr?sentent peu de diff?rence. Ce n'est pas que les vari?t?s qui diff?rent beaucoup sur un point ne diff?rent pas du tout sur tous les autres, car je puis affirmer, apr?s de longues et soigneuses observations, que cela n'arrive jamais ou presque jamais. La loi de la corr?lation de croissance, dont il ne faut jamais oublier l'importance, entra?ne presque toujours quelques diff?rences; mais, en r?gle g?n?rale, on ne peut douter que la s?lection continue de l?g?res variations portant soit sur les feuilles, soit sur les fleurs, soit sur le fruits, ne produise des races diff?rentes les unes des autres, plus particuli?rement en l'un de ces organes.

On pourrait objecter que le principe de la s?lection n'a ?t? r?duit en pratique que depuis trois quarts de si?cle. Sans doute, on s'en est r?cemment beaucoup plus occup?, et on a publi? de nombreux ouvrages ? ce sujet; aussi les r?sultats ont-ils ?t?, comme on devait s'y attendre, rapides et importants; mais il n'est pas vrai de dire que ce principe soit une d?couverte moderne. Je pourrais citer plusieurs ouvrages d'une haute antiquit? prouvant qu'on reconnaissait, d?s alors, l'importance de ce principe. Nous avons la preuve que, m?me pendant les p?riodes barbares qu'a travers?es l'Angleterre, on importait souvent des animaux de choix, et des lois en d?fendaient l'exportation; on ordonnait la destruction des chevaux qui n'atteignaient pas une certaine taille; ce que l'on peut comparer au travail que font les horticulteurs lorsqu'ils ?liminent, parmi les produits de leurs semis, toutes les plantes qui tendent ? d?vier du type r?gulier. Une ancienne encyclop?die chinoise formule nettement les principes de la s?lection; certains auteurs classiques romains indiquent quelques r?gles pr?cises; il r?sulte de certains passages de la Gen?se que, d?s cette antique p?riode, on pr?tait d?j? quelque attention ? la couleur des animaux domestiques. Encore aujourd'hui, les sauvages croisent quelquefois leurs chiens avec des esp?ces canines sauvages pour en am?liorer la race; Pline atteste qu'on faisait de m?me autrefois. Les sauvages de l'Afrique m?ridionale appareillent leurs attelages de b?tail d'apr?s la couleur; les Esquimaux en agissent de m?me pour leurs attelages de chiens. Livingstone constate que les n?gres de l'int?rieur de l'Afrique, qui n'ont eu aucun rapport avec les Europ?ens, ?valuent ? un haut prix les bonnes races domestiques. Sans doute, quelques- uns de ces faits ne t?moignent pas d'une s?lection directe; mais ils prouvent que, d?s l'antiquit?, l'?levage des animaux domestiques ?tait l'objet de soins tout particuliers, et que les sauvages en font autant aujourd'hui. Il serait ?trange, d'ailleurs, que, l'h?r?dit? des bonnes qualit?s et des d?fauts ?tant si ?vidente, l'?levage n'e?t pas de bonne heure attir? l'attention de l'homme.

S?LECTION INCONSCIENTE.

Le m?me proc?d? de s?lection, joint ? des soins particuliers, a transform? le cheval de course anglais et l'a amen? ? d?passer en vitesse et en taille les chevaux arabes dont il descend, si bien que ces derniers, d'apr?s les r?glements des courses de Goodwood, portent un poids moindre. Lord Spencer et d'autres ont d?montr? que le b?tail anglais a augment? en poids et en pr?cocit?, comparativement ? l'ancien b?tail. Si, ? l'aide des donn?es que nous fournissent les vieux trait?s, on compare l'?tat ancien et l'?tat actuel des pigeons Messagers et des pigeons Culbutants dans la Grande-Bretagne, dans l'Inde et en Perse, on peut encore retracer les phases par lesquelles les diff?rentes races de pigeons ont successivement pass?, et comment elles en sont venues ? diff?rer si prodigieusement du Biset.

Youatt cite un excellent exemple des effets obtenus au moyen de la s?lection continue que l'on peut consid?rer comme inconsciente, par cette raison que les ?leveurs ne pouvaient ni pr?voir ni m?me d?sirer le r?sultat qui en a ?t? la cons?quence, c'est-?-dire la cr?ation de deux branches distinctes d'une m?me race. M. Buckley et M. Burgess poss?dent deux troupeaux de moutons de Leicester, qui <>

S'il existe des peuples assez sauvages pour ne jamais songer ? s'occuper de l'h?r?dit? des caract?res chez les descendants de leurs animaux domestiques, il se peut toutefois qu'un animal qui leur est particuli?rement utile soit plus pr?cieusement conserv? pendant une famine, ou pendant les autres accidents auxquels les sauvages sont expos?s, et que, par cons?quent, cet animal de choix laisse plus de descendants que ses cong?n?res inf?rieurs. Dans ce cas, il en r?sulte une sorte de s?lection inconsciente. Les sauvages de la Terre de Feu eux-m?mes attachent une si grande valeur ? leurs animaux domestiques, qu'ils pr?f?rent, en temps de disette, tuer et d?vorer les vieilles femmes de la tribu, parce qu'ils les consid?rent comme beaucoup moins utiles que leurs chiens.

Les m?mes proc?d?s d'am?lioration am?nent des r?sultats analogues chez les plantes, en vertu de la conservation accidentelle des plus beaux individus, qu'ils soient ou non assez distincts pour que l'on puisse les classer, lorsqu'ils apparaissent, comme des vari?t?s distinctes, et qu'ils soient ou non le r?sultat d'un croisement entre deux ou plusieurs esp?ces ou races. L'augmentation de la taille et de la beaut? des vari?t?s actuelles de la Pens?e, de la Rose, du D?largonium, du Dahlia et d'autres plantes, compar?es avec leur souche primitive ou m?me avec les anciennes vari?t?s, indique clairement ces am?liorations. Nul ne pourrait s'attendre ? obtenir une Pens?e ou un Dahlia de premier choix en semant la graine d'une plante sauvage. Nul ne pourrait esp?rer produire une poire fondante de premier ordre en semant le p?pin d'une poire sauvage; peut-?tre pourrait-on obtenir ce r?sultat si l'on employait une pauvre semence croissant ? l'?tat sauvage, mais provenant d'un arbre autrefois cultiv?. Bien que la poire ait ?t? cultiv?e pendant les temps classiques, elle n'?tait, s'il faut en croire Pline, qu'un fruit de qualit? tr?s inf?rieure. On peut voir, dans bien des ouvrages relatifs ? l'horticulture, la surprise que ressentent les auteurs des r?sultats ?tonnants obtenus par les jardiniers, qui n'avaient ? leur disposition que de bien pauvres mat?riaux; toutefois, le proc?d? est bien simple, et il a presque ?t? appliqu? de fa?on inconsciente pour en arriver au r?sultat final. Ce proc?d? consiste ? cultiver toujours les meilleures vari?t?s connues, ? en semer les graines et, quand une vari?t? un peu meilleure vient ? se produire, ? la cultiver pr?f?rablement ? toute autre. Les jardiniers de l'?poque gr?co- latine, qui cultivaient les meilleures poires qu'ils pouvaient alors se procurer, s'imaginaient bien peu quels fruits d?licieux nous mangerions un jour; quoi qu'il en soit, nous devons, sans aucun doute, ces excellents fruits ? ce qu'ils ont naturellement choisi et conserv? les meilleures vari?t?s connues.

Ces modifications consid?rables effectu?es lentement et accumul?es de fa?on inconsciente expliquent, je le crois, ce fait bien connu que, dans un grand nombre de cas, il nous est impossible de distinguer et, par cons?quent, de reconna?tre les souches sauvages des plantes et des fleurs qui, depuis une ?poque recul?e, ont ?t? cultiv?es dans nos jardins. S'il a fallu des centaines, ou m?me des milliers d'ann?es pour modifier la plupart de nos plantes et pour les am?liorer de fa?on ? ce qu'elles devinssent aussi utiles qu'elles le sont aujourd'hui pour l'homme, il est facile de comprendre comment il se fait que ni l'Australie, ni le cap de Bonne-Esp?rance, ni aucun autre pays habit? par l'homme sauvage, ne nous ait fourni aucune plante digne d'?tre cultiv?e. Ces pays si riches en esp?ces doivent poss?der, sans aucun doute, les types de plusieurs plantes utiles; mais ces plantes indig?nes n'ont pas ?t? am?lior?es par une s?lection continue, et elles n'ont pas ?t? amen?es, par cons?quent, ? un ?tat de perfection comparable ? celui qu'ont atteint les plantes cultiv?es dans les pays les plus anciennement civilis?s.

Quant aux animaux domestiques des peuples, sauvages, il ne faut pas oublier qu'ils ont presque toujours, au moins pendant quelques saisons, ? chercher eux-m?mes leur nourriture. Or, dans deux pays tr?s diff?rents sous le rapport des conditions de la vie, des individus appartenant ? une m?me esp?ce, mais ayant une constitution ou une conformation l?g?rement diff?rentes, peuvent souvent beaucoup mieux r?ussir dans l'un que dans l'autre; il en r?sulte que, par un proc?d? de s?lection naturelle que nous exposerons bient?t plus en d?tail, il peut se former deux sous- races. C'est peut-?tre l?, ainsi que l'ont fait remarquer plusieurs auteurs, qu'il faut chercher l'explication du fait que, chez les sauvages, les animaux domestiques ont beaucoup plus le caract?re d'esp?ces que les animaux domestiques des pays civilis?s.

Il ne faudrait pas croire, cependant, que, pour attirer l'attention de l'?leveur, la d?viation de structure doive ?tre tr?s prononc?e. L'?leveur, au contraire, remarque les diff?rences les plus minimes, car il est dans la nature de chaque homme de priser toute nouveaut? en sa possession, si insignifiante qu'elle soit. On ne saurait non plus juger de l'importance qu'on attribuait autrefois ? quelques l?g?res diff?rences chez les individus de la m?me esp?ce, par l'importance qu'on leur attribue, aujourd'hui que les diverses races sont bien ?tablies. On sait que de l?g?res variations se pr?sentent encore accidentellement chez les pigeons, mais on les rejette comme autant de d?fauts ou de d?viations du type de perfection admis pour chaque race. L'oie commune n'a pas fourni de vari?t?s bien accus?es; aussi a-t-on derni?rement expos? comme des esp?ces distinctes, dans nos expositions de volailles, la race de Toulouse et la race commune, qui ne diff?rent que par la couleur, c'est-?-dire le plus fugace de tous les caract?res.

Ces diff?rentes raisons expliquent pourquoi nous ne savons rien ou presque rien sur l'origine ou sur l'histoire de nos races domestiques. Mais, en fait, peut-on soutenir qu'une race, ou un dialecte, ait une origine distincte? Un homme conserve et fait reproduire un individu qui pr?sente quelque l?g?re d?viation de conformation; ou bien il apporte plus de soins qu'on ne le fait d'ordinaire pour apparier ensemble ses plus beaux sujets; ce faisant, il les am?liore, et ces animaux perfectionn?s se r?pandent lentement dans le voisinage. Ils n'ont pas encore un nom particulier; peu appr?ci?s, leur histoire est n?glig?e. Mais, si l'on continue ? suivre ce proc?d? lent et graduel, et que, par cons?quent, ces animaux s'am?liorent de plus en plus, ils se r?pandent davantage, et on finit par les reconna?tre pour une race distincte ayant quelque valeur; ils re?oivent alors un nom, probablement un nom de province. Dans les pays ? demi civilis?s, o? les communications sont difficiles, une nouvelle race ne se r?pand que bien lentement. Les principaux caract?res de la nouvelle race ?tant reconnus et appr?ci?s ? leur juste valeur, le principe de la s?lection inconsciente, comme je l'ai appel?e, aura toujours pour effet d'augmenter les traits caract?ristiques de la race, quels qu'ils puissent ?tre d'ailleurs, -- sans doute ? une ?poque plus particuli?rement qu'? une autre, selon que la race nouvelle est ou non ? la mode, -- plus particuli?rement aussi dans un pays que dans un autre, selon que les habitants sont plus ou moins civilis?s. Mais, en tout cas, il est tr?s peu probable que l'on conserve l'historique de changements si lents et si insensibles.

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