Read Ebook: L'Illustration No. 1605 29 novembre 1873 by Various
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Ebook has 153 lines and 17257 words, and 4 pages
nance. C'?tait, du reste, un argument de plus pour d?montrer la fatalit? des noms.
Celui qui vient d'arriver s'appelle Delmonico un beau nom de dompteur, ? m?ler ? un roman ou ? un m?lodrame. Il y a des lions et des lionnes dans une cage de fer, o? il se montre, en homme r?solu, n'ayant ? la main qu'une cravache. On pr?tend qu'il cache sous sa tunique un revolver pour le cas o? il aurait ? soutenir avec ses pensionnaires une pol?mique un peu trop vive. Je dois constater que cette arme est r?voqu?e en doute par plus d'un spectateur. A quoi pourrait servir un pistolet dont la balle ne ferait que transpercer la peau d'un des monstres et qui, par cons?quent, n'aurait d'autre r?sultat que de lui causer un surcro?t d'irritation? Pour Delmonico comme pour tous ses devanciers, le pr?jug? veut que la puissance magn?tique du coup d'oeil suffisse.--Une houssine et un oeil qui fascine, dit-on: il ne faut rien de plus.
Au fait, la chose serait possible, si ce qu'on raconte ? ce sujet est exact. Ces lions qu'on exhibe seraient assouplis d?s l'?ge le plus tendre par un syst?me d'?ducation assez raffin?. On leur fait suivre des cours. Pris tout petits en Afrique, on les enverrait dans un pensionnat o? tout est dispos? pour les pr?parer ? faire une entr?e convenable dans le monde. Saviez-vous donc qu'il exist?t des maisons pour l'instruction des individus de la race l?onine? Le plus renomm? de ces ?tablissements est, para?t-il, situ? ? Madrid, ville d'une temp?rature toujours ti?de . A Madrid, d'ailleurs, on a toujours la viande saignante ? bon march?, ? raison des corridas ou courses de taureaux. Voil? pourquoi on am?ne de pr?f?rence les lionceaux dans la capitale des Espagnes; l?, on leur enseigne la civilit? pu?rile et honn?te; on leur apprend surtout l'art de fr?mir ? un froncement de sourcil, et, comme corollaire, la sobri?t?, qui consiste ? ne d?vorer son gardien que le moins possible. Faire des coll?giens avec des lions, telle est la marche du progr?s, comme vous voyez.
Les sujets de Delmonico ont-ils fait leurs classes ? Madrid? Le dompteur le nie, et cela se con?oit. Encore neuf dans le m?tier, il y va rondement, comme un vieux routier. On raconte qu'il a fait avec un amateur un pari d'une allure assez originale. Il se serait engag? ? entrer dans la cage cent jours de suite sans recevoir la moindre ?gratignure. En vertu de ce contrat, il ne devrait atteindre son chiffre que le 18 janvier prochain. Ce jour-l?, s'il est indemne, tranchons le mot, s'il n'a pas ?t? mang?, il recevra en bloc la somme de 120,000 francs. Delmonico est un philosophe. Au cas o? il gagnerait la gageure, il s'est promis de liquider ses lions sans le moindre retard. Il placera ses fonds en 3 pour 100 et vivra honorablement de ses rentes, n'ayant pour tout animal ? ses trousses qu'un griffon de la Havane ? peu pr?s gros comme le poing ferm? de son ma?tre.--Pas si b?te pour un dompteur!
C'?tait en 1840.
--Que se passe-t-il donc, cher monsieur? demanda M?rim?e.
--Monsieur l'inspecteur g?n?ral, un fait de la plus haute importance. Je viens de trouver un dieu.
--Un vrai dieu?
--Un Bacchus antique, couvert de la peau de tigre et ayant un thyrse ? la main. Venez donc voir ?a avec moi.
Il y avait ? peu pr?s une heure de chemin. On monta dans une berline et l'on partit.
Pendant la route, l'arch?ologue parlait de ses d?couvertes.
--J'avais d?j? mis la main sur bien des fragments de vases antiques, disait-il; c'?tait un commencement de preuve. Mais un Bacchus, de hauteur d'homme, en m?tal romain! Un dieu, probablement fondu sous le septi?me consulat de Marius et apport? chez nous par les l?gions de Jules C?sar! Voil? un t?moignage, monsieur! Tout le monde savant va tressaillir ? cette nouvelle.
H?las! tandis qu'il tenait ce langage, il se passait du nouveau aupr?s des terrassiers.
Apr?s avoir jet? leur dieu de c?t?, ceux-ci reprenaient leur travail lorsqu'un cri, populaire dans la contr?e, leur fit tout ? coup lever la t?te; c'?tait un de ces industriels ambulants qui courent ? travers les campagnes pour y refaire les batteries de cuisine.
--R?tameur! voici le r?tameur!
Un des pionniers l'appela; l'homme accourut.
--Voil? un bloc de m?tal qui s'est trouv? sous notre pioche, dit le travailleur. Ce vieux fou de savant dit que c'est un dieu; il a dans? de joie tout autour. Si on le laisse faire, il l'emportera comme il emporte tous les tessons de vieilles bouteilles qu'il rencontre par ici. Qu'est-ce que c'est que ?a au juste?
--De l'?tain d'assez bonne qualit?.
--A quoi ?a pourrait-il servir?
--A faire des cuillers ? soupe.
Des cuillers! Sur un signe qu'ils firent, le nomade se mit ? la besogne; il fixa son r?chaud en terre, fondit le Bacchus et en fit des cuillers.
Il en ?tait ? la derni?re lorsque la berline arriva.
Exprimer la douleur du savant serait impossible. L'arch?ologue avait encore trois cheveux sur la t?te; il se les arracha. Il pleurait de rage. Il interpellait M?rim?e et, en levant les mains au ciel:
--O Jupiter! s'?criait-il, on voit bien que tu n'es plus rien l?-haut! Sans quoi tu n'aurais jamais permis une telle profanation ? l'endroit de celui de tes fils que tu as gard? trois mois dans une de tes cuisses!
En ce temps-l?, le docteur V?ron, si habile, gouvernait l'Op?ra en autocrate; c'?tait pour le mieux, puisqu'il donnait sans cesse l'?veil ? un chef-d'oeuvre in?dit ou ? quelque grand artiste inconnu. Voil? qu'on apprit tout ? coup l'arriv?e d'un t?nor. A la suite d'une escapade, un jeune officier du roi de Sardaigne, s'?tant sauv? en France, avait bris? son ?p?e pour monter sur les planches. Un chevalier! un comte! l'aventure ?tait piquante.
Mario de Candia,--c'?tait lui,--fut essay?; il avait d?j? une jolie voix de salon, mais il fallait d?velopper cet organe si pr?cieux.
--Un t?nor, la coqueluche de Paris! N'?pargnez rien pour en avoir un, disait ? M. V?ron le ministre de l'int?rieur.
Quand on constatait un grand succ?s au th??tre, Paris et la France n'avaient plus rien ? dire. La machine gouvernementale fonctionnait ? l'aise. On votait le budget sans d?bat; on d?nouait les conflits diplomatiques en se jouant; les ?lections se faisaient presque en chantant.
--N'?pargnez rien, r?p?tait le ministre; jetez, s'il le faut, l'argent ? pleines mains.
Les naturalistes nous ont appris combien il faut de soins pour ?lever un rossignol. Pour un t?nor de ce cycle ?trange, c'?tait bien autre chose. Que de blandices ? l'adresse du nouveau venu! Non-seulement on prodiguait autour de lui les professeurs, un ma?tre de fran?ais, un ma?tre d'armes, un ma?tre de danse, un ma?tre d'?quitation, un ma?tre de natation, un ma?tre de piano, un ma?tre de chant, mais encore il avait sans cesse ? ses trousses un m?decin en renom, charg? de veiller sur sa personne avec une vigilance de dragon mythologique.
--A-t-il bien dormi? Il ne faut pas trop d'exercice! Qu'on prenne garde aux courants d'air! Ah! s'il allait attraper un rhume!
On ne lui permettait pas de sortir par les temps de pluie, ni le soir, ? l'heure du serein. ? table, on ne lui servait que les meilleurs morceaux, les plus l?gers, de la cervelle, des cr?tes de coq, du blanc de poulet, pr?cipit?s, de pr?f?rence, par du bordeaux, du haut-brion ou du l?oville. Pourtant il n'en fallait pas en quantit? qui p?t allumer trop son coeur. Pas d'amour. L'amour ?tait s?v?rement d?fendu, vu qu'il porte atteinte, disait-on, aux cordes tendres de la voix. Un t?nor, je le r?p?te, on faisait de l'existence d'un tel artiste une question de cabinet.--M. Thiers se flattait d'avoir fait plus de t?nors que M. Guizot.
Pour en revenir au jeune et brillant chevalier sarde, au bout de neuf mois d'attente, il fut en ?tat de se montrer sur le th??tre. Quelle salle d'?lite pour le voir et pour l'entendre! Il chanta et, d?s les premi?res notes qui sortirent de son gosier, le comte Duch?tel, ministre de l'int?rieur, pr?sent ? ses d?buts, s'?cria:
--Allons, il a une voix charmante! La monarchie et le minist?re sont sauv?s!
Tout ce qu'on avait fait pour Mario a ?t? renouvel? depuis pour Poultier, le tonnelier de Rouen.
PHILIBERT AUDEBRAND.
PROC?S DU MAR?CHAL BAZAINE LES T?MOINS
D'apr?s les photographies de M. Appert.
LE SERVICE DES PIGEONS VOYAGEURS DE LA PRESSE, A VERSAILLES.
LA SOEUR PERDUE
Une histoire du Gran Chaco
<
Ludwig ramen? subitement ? la pens?e de son double malheur demeura quelque temps sans r?pondre. La sc?ne du retour de son p?re se repr?sentait tout enti?re ? son esprit. Il entendait encore le cri d?sesp?r? de sa m?re ? la vue de son mari inanim?. Plong? dans ce souvenir, il semblait ne pouvoir en sortir. Mais faisant enfin un effort pour s'arracher ? la contemplation de ce lugubre pass?, sa pens?e se reporta plus vivement sur le pr?sent et l'avenir.
< --Mieux! pourquoi donc, Ludwig? --Nous avons du moins une esp?rance, celle de retrouver Francesca. Si le vieux chef est innocent, il ne manquera pas de nous la faire rendre, quand bien m?me le coupable serait son propre fils. --J'en doute, repartit tristement son cousin. --C'est pourtant notre seul espoir, continua Ludwig. Si ce forfait a ?t? commis par quelque autre tribu ennemie de nous autres blancs, et vous savez que toutes celles du Chaco sont dans ce cas, quelle chance avons-nous de leur reprendre ma soeur? L'enlever de force serait impossible, il y aurait folie d'y songer. Nous n'aurions d'autre alternative en le tentant que d'y perdre la vie, ou, et ce serait pis, la libert? sans profit pour elle. --C'est vrai, dit Cypriano, je reconnais que sans l'aide de Naraguana, notre exp?dition est d?sesp?r?e. Mais nous aurions plus de chance de succ?s si nous devions requ?rir son aide contre d'autres tribus que la sienne. Contre des Guaycurus, par exemple, ou des Mbayas, ou des Anguites, le chef Tovas pourra prendre en main notre cause. Quoique les tribus du Chaco se liguent volontiers toutes ensemble lorsqu'il s'agit d'une exp?dition contre les blancs, elles ont souvent de mortelles haines les unes contre les autres. Mon espoir se fonde plut?t sur cette supposition que sur toute autre chose qu'il soit en notre pouvoir d'accomplir. Si, au contraire, nous avons affaire aux Tovas!... --Ce sont les Tovas!>> interrompit Gaspardo qui, tout en chevauchant et tout en ne perdant pas de l'oeil la piste de l'ennemi, n'avait pourtant pas cess? d'?couter la conversation. Au m?me instant, il arr?tait brusquement sa monture et d?signait quelque chose sur le sol, tout ? c?t? de son cheval.
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