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Read Ebook: Les Aventures d'un fifre. by Reybaud Louis

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Ebook has 429 lines and 78253 words, and 9 pages

Nouvelles de Louis Reybaud.

LES AVENTURES D'UN FIFRE.

Le souterrain.

La soixante-neuvi?me demi-brigade ?tait cit?e en ?gypte pour son corps de musique, l'un des mieux exerc?s de l'arm?e exp?ditionnaire. Sous la r?publique, cette branche de l'art n'?tait pas cultiv?e comme elle l'est aujourd'hui o? chaque r?giment poss?de un v?ritable orchestre, arm? d'instruments ? vent harmonieux et de cuivres sonores. Quand les clarinettes ne jouaient pas trop faux et que la grosse caisse battait en mesure, on croyait avoir des artistes parfaits.

On le connaissait dans la demi-brigade sous le nom de Roquet. Il est possible que ce ne f?t pas l? son nom v?ritable; mais personne ne lui en donnait d'autre. C'?tait un enfant de troupe qui avait ?t? ?lev? dans la chambr?e, petit de taille et peut-?tre un peu nou?: de l? lui ?tait venu son sobriquet. Roquet avait fait les premi?res campagnes du Rhin comme l'enfant de l? soixante-neuvi?me. Quand il eut douze ans, le major lui fit cadeau d'un fifre, et, au bout de huit jours, il en tirait d?j? des sons satisfaisants. La demi-brigade rendit justice ? cette vocation, pr?coce, et, apr?s un mois d'exercice, Roquet ?tait incorpor? comme second fifre. A quinze ans, il passa premier fifre; c'?tait son b?ton, de mar?chal. D?s ce moment l'amour de son art le domina tout entier.

Dans, les premiers jours qui suivirent l'occupation du Caire, l'aspect de la ville et des environs d?fraya la curiosit? du soldat. Ce qui surtout attira les visiteurs, ce furent les colosses en pierre dont Bonaparte avait ?voqu? le souvenir, au moment de la bataille d?cisive qui lui livra l'?gypte. Presque tous les corps all?rent ? leur tour contempler ces pyramides assises sur les confins du d?sert et d?j? atteintes par les envahissements des sables. Leur masse imposante semblait planer sur ces solitudes et marquer la place o? fut cette Memphis, que d?vast?rent Cambyse et Amrou. Tout cet espace est aujourd'hui frapp? de st?rilit? et en proie ? la d?vastation. Quelques bouquets de palmiers et d'acacias ?pineux varient seuls la monotonie et la tristesse du paysage. Sur cette lande, aujourd'hui si nue, s'?leva pourtant l'une des plus grandes capitales du monde ancien, et l?, o? quelques villageois ?pars, v?g?tent ? peine, vivaient autrefois deux cent mille ?mes dans une enceinte couverte de palais. Ainsi disparaissent les villes comme les peuples; le temps emporte jusqu'aux vestiges des civilisations qui ont accompli leur t?che.

La plaine de Sakkarah a ?t?, dans tous les temps, le th??tre de sp?culations ?tranges. Une masse ?norme de puits, de souterrains, de pyramides, de cryptes, s'y offre aux profanateurs de s?pultures. L'usage grec, qui en cela, dit-on, n'?tait que la suite d'un usage ?gyptien, voulait que l'on m?t dans la bouche de chaque mort une pi?ce de monnaie, repr?sentant l'obole due ? Charon, le cocher des enfers. Les Arabes, qui ont peu de respect pour les traditions mythologiques, ont d?couvert, il y a longtemps, cette particularit?, et l'on trouve aujourd'hui dans ces champs de repos peu de cadavres qui n'aient la m?choire-bris?e. Un autre trafic est celui des oiseaux sacr?s, auxquels, ?tait consacr? un immense puits qui l'on conna?t aujourd'hui encore sous le nom de puits des oiseaux. C'est de l? que nous viennent ces ibis empaill?s qui font l'honneur des riches collections de l'Angleterre et du continent. La plaine de Sakkarah se trouve ainsi parsem?e tout enti?re d'ouvertures plus ou moins profondes qui, les unes horizontales, les autres perpendiculaires, donnent acc?s vers des galeries souterraines communiquant entre elles.

On s'est souvent demand? si cet embaumement, universel chez les ?gyptiens, ne prenait sa source que dans une pratique religieuse, ou s'il fallait en rapporter l'origine ? quelque mesure d'hygi?ne. Le fait est qu'aujourd'hui, dans cette vall?e autrefois c?l?bre par sa salubrit?, r?gne un fl?au qui semble y avoir ?tabli son si?ge. La peste, avec les caract?res qu'on lui conna?t, est n?e en ?gypte, et c'est toujours du littoral ?gyptien qu'elle rayonne sur le reste de l'Orient. Dans aucun autre pays du monde on ne retrouve un mal semblable avec les accidents qui le distinguent. Or qui nous dit que l'embaumement des corps n'avait pas ?t? d?termin? autrefois par les inconv?nients de l'inhumation dans un sol d'alluvion, et ne se pourrait-il pas que la peste f?t issue de la d?su?tude de cette m?thode? Les ?gyptiens ?taient un peuple grave, et observateur; ils ne faisaient rien sans r?flexion, sans dessein, sans motif. Dans ce cas, les moyens pr?ventifs de la peste se trouveraient principalement dans un autre syst?me d'inhumation que celui qui est aujourd'hui en vigueur en Orient. Si le proc?d? d'embaumement sur une grande ?chelle est impossible dans l'?tat de civilisation de ces contr?es, on pourrait avoir recours ? des moyens plus simples et moins co?teux. L'incin?ration pa?enne avait cela d'avantageux quelle faisait dispara?tre toutes les exhalaisons d?l?t?res; son seul inconv?nient ?tait d'enlever le corps du d?lit, en cas de crime.

Qu'on nous pardonne ce hors-d'oeuvre! Il est ? croire qu'aucune de ces r?flexions ne fut sugg?r?e, par l'aspect de la n?cropole, aux clarinettes, aux chapeaux chinois et aux cymbales de la soixante-neuvi?me. Ils visit?rent le champ du repos en v?ritables profanes, gravirent les pyramides, cherch?rent ? p?n?trer dans les souterrains accessibles, d'o? ils enlev?rent quelques d?bris de momies, des bandelettes, des plumes d'oiseaux et ces petites poteries rouges que l'on trouve en abondance dans toutes les tombes anciennes. Rien de particulier n'avait signal? cette petite maraude, quand, au coin d'un tertre que surmontaient quelques acacias, un cri se fit entendre. C'?tait le fifre Roquet, qui venait de s'engloutir dans un puits dont un large c?prier masquait l'ouverture. Le malheureux avait, mis le pied sur la plante rampante, croyant qu'elle couvrait un terrain solide, et il s'?tait ab?m? dans un gouffre de quarante pieds de profondeur. A la premi?re alerte tous ses compagnons accoururent. Avec le tranchant du sabre on eut bien vite d?barrass? l'ouverture du feuillage parasite qui l'obstruait, et l'on reconnut un orifice de six pieds de circonf?rence, destin? ?videmment ? servir de soupirail ? ces catacombes. Une obscurit? profonde emp?chait de rien distinguer au fond du puits; mais il ?tait facile d'entendre des g?missements plaintifs qui prouvaient que le pauvre fifre s'?tait bless? dans sa chute.

On l'interpella ? diverses reprises, sans obtenir de r?ponse. Enfin, il parvint ? s'expliquer. Gr?ce ? divers obstacles qui avaient amorti le coup, Roquet en ?tait quitte pour quelques contusions. Remis de cette terrible secousse, il put se lever et s'assurer de l'?tat des lieux. En t?tant les parois de sa prison, il s'assura qu'elle ?tait mur?e de toutes parts et qu'elle n'offrait aucune issue. Le seul moyen de sortir de ce cachot ?tait donc de regagner l'ouverture par laquelle il avait ?t? pr?cipit?. Mais comment tenter cette ascension p?rilleuse? On essaya divers exp?dients. En premier lieu le fifre chercha ? reconna?tre s'il ne serait pas possible de remonter vers le soupirail ? l'aide des asp?rit?s et des saillies que pouvaient offrir les murs du souterrain. Tous ses efforts furent vains: dans la partie inf?rieure les parois ?taient lisses et ressemblaient ? celles de la citerne o? Joseph fut jet? par ses fr?res; ? peine put-il s'?lever ? une hauteur, de deux ou trois pieds; au del? les points d'appui lui manquaient: On comprit d?s lors que son salut ne devait venir que d'en haut. Les imaginations se donn?rent carri?re. On n'avait pas de cordes, mais en ajoutant les uns aux autres les mouchoirs des musiciens on parvint ? en confectionner une qui fut descendue, dans le souterrain. Elle n'arrivait pas au fond; cependant, ? force d'?lans, Roquet parvint ? en saisir l'extr?mit?, et il s'y suspendit avec l'?nergie d'un homme ? bout de ressources. Ses compagnons, le sentant cramponn?, commenc?rent ? tirer ? eux la corde artificielle, avec toutes sortes de pr?cautions; mais ? peine le pauvre fifre se trouvait-il ? quinze pieds du sol, que le lien se rompit et le fit rouler de nouveau au fond de son caveau, plus meurtri et plus disloqu? qu'auparavant. Impossible de renouveler la m?me exp?rience aux d?pens des membres et de la vie du prisonnier. Les barques ?taient ? une demi-lieue de l?; quatre musiciens se d?tach?rent pour aller chercher l'un de ces cordages en sparterie qui font partie de l'?quipement de toute marine arabe; les autres rest?rent sur les lieux en rassurant le pauvre fifre contre l'abandon et l'exhortant ? la patience.

Roquet commen?ait ? voir clair dans son cachot. On sait quelle lucidit? acquiert la vue ? mesure qu'elle s'habitue aux t?n?bres. Ainsi, peu ? peu, il apercevait une foule d'objets qui, jusque-l?, lui avaient ?chapp?. Le souterrain ?tait plus vaste qu'il ne l'avait cru d'abord; sa forme ?tait celle d'une citerne dont le cerveau se serait arrondi en vo?te. Elle ne semblait pas avoir servi ? des inhumations, car aucun d?bris humain ne jonchait le sol. Tous les rev?tements ?taient achev?s avec un soin infini, et rien n'avait ?t? ?pargn? pour en faire une habitation convenable; seulement les h?tes y maquaient On n'y remarquait pas m?me les traces du passage de flambeaux, qui sont le caract?re distinctif de tous les hypog?es et de toutes les cryptes de l'?gypte. La visite aux morts, dans des jours solennels, ?tait de c?r?monial strict dans l'ancienne religion des hi?rophantes; et telle est la paissance de conservation de ces souterrains, que la fum?e, laiss?e par les torches, il y a plus de trois mille ans, y subsiste encore.

Cependant, ? force de fureter dans les recoins de sa prison, Roquet finit par d?couvrir une issue enti?rement masqu?e par un retour de la muraille.. C'?tait un couloir, ?troit dans lequel; tout gr?le qu'il ?tait, il ne put s'engager sans effort.

Une crainte instinctive le retenait d'ailleurs: il craignait de rencontrer de nouvelles chausse-trapes et de descendre ainsi d'?tage en ?tage, jusqu'aux entrailles de la terre. Toutefois la curiosit? l'emporta. En s'effa?ant un peu, il parvint ? franchir le corridor, qui s'?largissait graduellement, et arriva ainsi dans une longue galerie qu'?clairaient des soupiraux plac?s de distance en distance et dispos?s de la m?me mani?re que celui par lequel il avait fait la culbute. Cette galerie ?tait peupl?e: deux longues files de momies adoss?es aux murs semblaient diriger sur les visiteurs importuns des yeux fixes et s?v?res. Roquet n'?tait pas poltron; il allait bravement au feu; le sifflement des balles, le bruit du canon ne l'intimidaient pas. Pourtant il eut peur. La mort ne lui ?tait jamais apparue sous cet aspect, avec ce cort?ge de repr?sentants. Seul vivant au milieu de ces cadavres, il se peupla l'esprit de fant?mes, crut voir leurs yeux s'animer; leurs t?tes se mouvoir. Le silence m?me de ces catacombes l'?pouvantait; il regrettait les risques des champs de bataille.

Le d?sert.

Voici l'explication de l'enl?vement du fifre Roquet. Longtemps l'arm?e d'?gypte en fit l'objet de versions surnaturelles.

Le triangle et la clarinette, descendus pour le secourir, m?l?rent ? leur r?cit un peu de fantasmagorie, afin de se donner un certain relief de courage. L'exag?ration ne g?te rien au d?vouement. Le triangle pr?tendait avoir aper?u une bande de d?mons qui avaient attir? le fifre dans un gouffre o? il s'?tait ab?m? avec eux. La clarinette, esprit fort, attribuait sa disparition ? l'une de ces portes secr?tes qui se ferment d'elles-m?mes sur les visiteurs imprudents. Mais tout le corps de musique et l'arm?e s'accordaient ? dire que Roquet, la perle des fifres, ?tait mort. La soixante-neuvi?me demi-brigade lui donna un rempla?ant.

Cependant, le signal du d?part ayant ?t? donn?, on s'enfon?a de nouveau dans la Libye. Cet oc?an de sables semblait n'avoir pas de fin. Aucun ?tre vivant n'en animait l'aspect, si ce n'est, de temps ? autre, un troupeau de gazelles qui fuyaient en bondissant, ou quelque autruche ouvrant ses ailes, comme un navire ses voiles, pour se d?rober plus vite aux regards. Aux journ?es br?lantes succ?daient des nuits glaciales; la ros?e baignait les tentes, traversait les burnous les plus ?pais. La moindre imprudence ?tait punie par des douleurs cuisantes dans les yeux, souvent m?me: par l'ophthalmie. C'?tait l? de cruelles ?preuves pour un Europ?en; notre h?ros les supporta avec courage. Enfin, apr?s quatre jours de marche, on rejoignit le gros de la tribu, qui se composait de quatre cents tentes. Elle campait alors dans un petit vallon tapiss? de broussailles et ombrag? par un bouquet d'arbres. Une source coulait de la base du rocher et fournissait une eau potable, quoiqu'un peu saum?tre. Ce vallon ?tait situ? au-dessus des lacs de Natron et dans le voisinage des monast?res cophtes, qui, de temps imm?morial, occupent cette zone du d?sert. Quand la tribu manquait d'eau ou de vivres, elle poussait une reconnaissance vers l'asile de ces religieux, qui pr?f?raient lui payer un tribut forc? plut?t que de s'exposer ? sa vengeance. La tribu ?tait: d'ailleurs l'une des plus puissantes de la Libye; elle poss?dait six cents chevaux, cent chameaux, autant de dromadaires, des moutons, des ch?vres, des volailles en grande abondance. Presque toujours la moiti? des cavaliers, ?tait en maraude pendant que l'autre moiti? se reposait. Le camp devenait l'entrep?t g?n?ral des objets pill?s, et c'est l? que s'en faisait le partage.

Tout cela avait sa s?duction, po?sie ? part. Notre troubadour n'y r?sista pas. Que faire au milieu du d?sert, si l'on n'y trouve pas une bonne fortune? Il r?solut donc de se laisser aimer. Quelques mois de s?jour au milieu de la tribu lui avaient rendu la langue arabe famili?re, et il put joindre au langage des yeux un idiome plus expressif. Des aveux furent ?chang?s; mais si la vie patriarcale du d?sert avait cet avantage de mettre les amants presque toujours en pr?sence, elle avait cet inconv?nient de ne jamais les laisser sans t?moins. Ces peuplades nomades ne partagent pas, en effet, les pr?jug?s des musulmans pour ce qui concerne les femmes. Elles vont dans les camps, le visage d?couvert, se rendent seules au puits et ? la fontaine, pour y prendre l'eau n?cessaire aux besoins domestiques. C'est la vie biblique, conserv?e dans presque tous ses d?tails, avec ses allures ind?pendantes, ses moeurs en plein air. Fatm? et Roquet se voyaient, se parlaient ? chaque instant. Elle lui avait dit vingt fois qu'elle trouvait ses cheveux plus beaux que le safran, son teint plus charmant que le laurier-rose; Roquet, de son c?t?, se mettait en frais de galanteries orientales, et la comparait ? tout ce qu'il pouvait imaginer, de plus agr?able dans la nature. Mais tout se bornait ? ces; paroles gliss?es ? la d?rob?e.

--Chr?tien, lui dit-elle, m'aimes-tu?

Le jeune homme allait se lancer dans les m?taphores orientales et recommencer les comparaisons d'usage avec la lune et le soleil, quand elle l'arr?ta:

--M'aimes-tu, chr?tien, jusqu'? mourir pour moi et avec moi?

La proposition parut brusque ? notre h?ros: cependant il n'h?sita pas.

La belle Arabe ne comprit pas parfaitement l'allusion, mais son troubadour acceptait la partie; cela lui suffisait:

--?a me va, arabesque ch?rie, ?a me va. Tu consens donc ? me suivre dans la soixante-neuvi?me demi-brigade qui est ma patrie?

--Une fois libres, Dieu nous guidera. Fais-ce que je t'ai dit, chr?tien.

--C'est juste, laissons quelque chose au commandement du P?re ?ternel.

Ils se s?par?rent. Quand la nuit fut venue, Roquet sortit du camp sans affectation et en jouant quelques airs sur son fifre. Melek et Gazai, deux cavales de race, avaient ?t? attir?es un peu ? l'?cart. Quand l'?toile du sud fut parvenue, ? son z?nith, il ex?cuta l'air convenu. Il ?tait minuit. Fatm? se releva de dessus le tapis qui formait sa couche, et jeta un regard inquiet autour d'elle. Avec la souplesse d'un l?zard, elle parvient ? Se glisser sous la toile de la tente, continue ? ramper pendant quelque temps sur le sable, puis, l?g?re comme une biche, disparut derri?re la masse des rochers. Personne ne l'avait aper?ue. Elle rejoignit son complice; ils mont?rent ? cheval et s'?loign?rent en silence.

L'oasis.

En s'?loignant du camp le couple fugitif dut prendre quelques pr?cautions. Rien n'est plus sonore que le d?sert: aucun de ses bruits n'?chappe ? l'oreille des Arabes. Il fallut donc mettre les juments au pas; et ces b?tes intelligentes, comme pour s'associer ? la pens?e de leurs cavaliers, semblaient poser ? peine leurs pieds; sur le sable. Au bout d'une heure seulement elles prirent le galop et les emport?rent ? travers ces solitudes avec la rapidit? de la brise.

Fatm? avait une grande exp?rience de la vie nomade; elle connaissait mieux que son complice les dangers qu'ils allaient courir. Le plus grand ?tait celui de laisser apr?s eux une trace qui les d?non??t et qui p?t servir ? les poursuivre. Le sabot de leurs montures imprimait ses vestiges sur le sol, et quoique ? dessein ils prissent de loin en loin leur direction dans des chemins rocailleux, certains indices les trahissaient toujours. Fatm? avait son plan: elle voulait, on saura pourquoi, se rapprocher de la grande oasis et gagner Syouah, qui n'?tait qu'? deux journ?es de marche; elle courut d'abord tout droit ? l'est, comme si elle e?t voulu rejoindre le Nil. Habitu?e depuis six ans ? voyager dans ces espaces, elle n'ignorait rien des ressources qu'elles offrent, des difficult?s sans nombre dont ils sont sem?s. Les puits, les lieux de halte, les moyens de reconnaissance soit de nuit, soit de jour, lui ?taient familiers. Aussi n'h?sitait-elle pas dans son itin?raire; et si sa m?moire s'?tait trouv?e en d?faut, l'instinct seul des montures e?t suffi pour retrouver la route.

L'atmosph?re avait recouvr? sa limpidit?, les ?toiles baignaient dans un ciel transparent. De ce bouleversement m?t?orologique, il n'?tait rest? qu'une grande ti?deur dans l'air, et des odeurs p?n?trantes, transport?es des lieux cultiv?s jusque dans ces solitudes arides. Tout invitait les sens ? la langueur, et le souvenir des dangers courus ajoutait encore au plaisir de se sentir libre. Loin de l'oeil du ma?tre, les femmes de l'Orient ont peu de scrupules; elles saisissent les occasions au vol. De leur c?t?, les Fran?ais conduisent rondement les choses, et ne remettent rien au lendemain. Le couple fugitif s'oublia donc pendant quelques heures, et cette halte dans le d?sert paya notre artiste de toutes ses infortunes.

Fatm?, au milieu de cet abandon, raconta son histoire ? son amant. Elle ?tait chr?tienne. Fille du prince qui gouvernait l'oasis de Syouah, elle s'?tait vu enlever ? l'?ge de treize ans par le cheik des Hennadis, et depuis lors elle avait v?cu dans le d?sert sans que son p?re p?t savoir ce qu'elle ?tait, devenue. Cette vie lui ?tait odieuse: ? tout prix elle voulait en sortir, et pourtant son esclavage avait dur? huit ans. D?s qu'elle avait vu le Fran?ais, elle avait jet? les yeux sur lui pour sa d?livrance. Elle l'aimait ainsi ? un double titre. Maintenant ils allaient regagner l'oasis, qui n'?tait plus qu'? une journ?e de distance; et l? le p?re, enchant? de revoir son enfant, b?nirait leur union. Les tribus de Syouah ?taient nombreuses, elles pouvaient se d?fendre contre tous les cavaliers hennadis. Roquet devait d'ailleurs ?tre le plus heureux des hommes. Il aurait des dattes et du riz ? discr?tion, une belle maison, des chevaux, des troupeaux, et, ? la mort du prince, il r?gnerait sur les peuplades de l'oasis.

Notre h?ros ?coutait ce r?cit avec une satisfaction m?l?e d'orgueil. Il lui en co?tait sans doute de renoncer ? la France et ? la soixante-neuvi?me demi-brigade, qu'il appelait sa patrie; mais ?tre prince du d?sert, ?poux d'une princesse dont il avait appr?ci? les charmes; avoir tout en abondance, vivres, et chevaux; passer du grade de fifre ? celui de gouvernement: tout cela formait une perspective capable d'adoucir bien des regrets et d'op?rer une diversion puissante ? l'amour du sol natal. Roquet n'y r?sista pas: les fum?es du commandement lui mont?rent ? la t?te; et pour r?compenser la belle Fatm? du sort qu'elle lui faisait, il lui prodigua les m?taphores orientales accompagn?es de t?moignages moins ?quivoques de sa satisfaction. On fit des plans pour l'avenir. Roquet voulait que ses sujets fussent heureux, et il se promettait d?j? de les constituer en r?publique une et indivisible. Fatm? le laissait d?raisonner tout ? son aise et riait comme une folle quand elle ne le comprenait pas.

Cependant il fallait partir et profiter de quelques heures de nuit pour se rapprocher du terme du voyage. Notre h?ros s'y r?signa, et bient?t le sable fut de nouveau soulev? par le galop de leurs montures. Le lendemain la chaleur ?tait encore vive, mais tol?rable. Le vent avait pass? au nord; il temp?rait les ardeurs du soleil. Malgr? toute la vitesse de la marche, ce fut seulement vers le soir qu'ils aper?urent la for?t d'oliviers qui marque la limite de l'oasis de Syouah. On ne saurait se faire une id?e du contraste qu'offre cette verdure avec la partie aride du d?sert; Les yeux fatigu?s, de la monotonie des perspectives, se reposent avec douceur sur ces massifs d'arbres qui attestent le retour de la vie v?g?tale. Les animaux, eux-m?mes reconnaissent de loin la brise qui traverse les archipels f?conds que la nature a sem?s sur cette mer de sables. A mesure que l'oasis se rapprochait des deux fugitifs, les cimes de ses bois, se d?coupaient mieux sur l'horizon et tranchaient d'une mani?re plus vive avec l'azur du ciel. Roquet ?tait dans l'enthousiasme; il se voyait roi de cet ?den et trouvait que, vu ? cette distance, son royaume avait un fort bel aspect.

Quand il parut avec sa brune fianc?e, des cris de joie s'?lev?rent de toutes parts. Roquet ?tait naturellement bon prince: il r?pondit de son mieux aux effusions de ses sujets. L'?mir ?tait vieux: son gendre devait naturellement lui succ?der, et le fifre, fran?ais pr?ludait ? son pouvoir futur. Quelques ablutions avec l'eau de la source du Soleil servirent de pr?lude ? la c?r?monie. Elle fut achev?e dans la chapelle, o? officia, d'apr?s le rite local, un pr?tre cophte ? demi aveugle. Un voile jet? sur la t?te des deux ?poux marqua le moment de leur union, qui fut c?l?br?e par de nouveaux cris. Un repas, aussi somptueux que le permettaient les ressources de la localit?, acheva de donner ? la f?te le caract?re le plus brillant elle plus inou?. Le pilaw de riz fut prodigu?; des distributions gratuites de dattes r?pandirent l'abondance dans toute la population, et Roquet monta ce jour-l? sur un tr?ne entour? de l'affection unanime. Il r?servait cependant une surprise ? ses sujets. Quand le soir fut venu et que l'ombre eut r?pandu quelque fra?cheur, il demanda le silence ? la foule, tira son fifre de sa poche et se mit ? ex?cuter une composition musicale temp?r?e par des m?lodies expressives. Il faut renoncer ? d?crire l'effet produit par le magique instrument; l'enthousiasme ?tait au comble, l'ivresse n'eut plus de bornes. S?ance tenante, le vieil ?mir abdiqua en faveur de son fils d'adoption, et l'artiste put s'intituler Roquet Ier, prince de l'oasis de Syouah.

Fatm? et lui r?gn?rent d?s lors, et non sans gloire. Il fallut d'abord se d?fendre contre la tribu des Hennadis, qui voulait tirer vengeance du rapt fait ? son cheik. Syouah, heureusement, est une ville fortifi?e. Situ?e sur un rocher conique, elle est en outre, ferm?e par un mur de cinquante pieds de hauteur dans lequel, douze portes ont ?t? pratiqu?es. Pour des troupes pourvues d'artillerie, ce n'?tait sans doute pas l? un obstacle; contre les cavaliers du d?sert ce rempart suffit. Les Hennadis vinrent chevaucher autour de Syouah en poussant leurs cris habituels; mais quand ils virent Roquet et ses guerriers pr?ts ? les coucher en joue du haut de leurs parapets, ils comprirent, que le jeu avait quelque danger et transig?rent. On parla alors d'une ran?on pour Fatm?, et les pl?nipotentiaires la fix?rent ? dix chameaux et trente moutons. Roquet ne voulait entendre ? rien; heureusement, le vieil ?mir lui persuada que ce n'?tait pas payer trop cher, l'avantage d'?tre ? l'abri de toute surprise. Le pacte fat donc conclu et l'indemnit? acquitt?e. Il ne restait plus aux deux ?poux qu'? couler des jours sans nuages.

Faut-il le dire? A peine Roquet eut-il assur? sa situation, que le mal du pays le gagna. Souverain ? Syouah, il se prit ? regretter le temps o? il n'?tait que simple fifre dans la soixante-neuvi?me. L'ingrat! Sa femme lui avait pourtant apport? en dot l'une des sept merveilles du monde, le temple de Jupiter Ammon; il avait de paisibles sujets qu'il conduisait au fifre, et qui ne lui demandaient pas d'autres droits; ses greniers regorgeaient de dattes et de riz, ses jarres ?taient toujours pleines d'huile. Que demandait-il donc, cet infatigable ambitieux? H?las! la patrie, m?me au prix de la mis?re. Roquet avait de bons sentiments; il chassa d'abord cette pens?e. Pour se distraire, il voulut se livrer ? des r?formes et donner ? ses sujets une foule de libert?s politiques. Personne ne le comprit, et tout marcha comme d'habitude. Roquet insista: il avait vu des clubs en France; il tenait ? importer ce bienfait dans l'oasis. Pour obtenir que les notables se r?unissent sous sa pr?sidence, il attacha comme prime une ration de dattes ? leur pr?sence dans l'assembl?e. On y vint pour manger la prime; mais ce fut tout. Battu de ce c?t?, notre prince-troubadour chercha d'autres d?lassements. L'oasis comptait quelques jolies femmes. Comme souverain et comme Fran?ais, Roquet crut leur devoir ses hommages. Mais l? il rencontra une lionne. Fatm? ?tait jalouse, et le moindre soup?on d'infid?lit? amenait des temp?tes dans le m?nage. Pendant quelques ann?es, notre h?ros prit patience; mais de jour en jour, l'oasis, sa femme, sa royaut?, l'ordinaire des dattes et du riz lui pesaient davantage. Enfin l'explosion eut lieu:

--Ah! c'est de ?a qu'il retourne, se dit-il un matin. Je veux rendre mes sujets libres, et ils pr?f?rent demeurer de vils esclaves. Je veux inculquer ? mes sujettes les principes de la galanterie fran?aise, et mon d?mon de femme s'avise de trouver cela mauvais. Au diable la patrie des chameaux et des dromadaires; j'en ai suffisamment. Un peu qu'un fifre de mon talent se laissera mettre en disponibilit?! Roquer, mon ami, il est temps de quitter ce pays de crocodiles! La France l'appelle, mon gar?on, la belle France, pays des arts et du riquiqui. En marche et vivement!

Vers les derniers jours de juillet 1801, la garnison du Caire, ? la suite de la capitulation sign?e entre le g?n?ral Belliard et le g?n?ral anglais Hutchinson, se disposait ? s'embarquer sur le Nil. Des b?timents attendaient ces troupes dans la rade d'Aboukir, pour les transporter en France. Apr?s une lutte h?ro?que, attaqu?s d'un c?t? par une arm?e d'Anglo-Cipayes, de l'autre par des flots de cavalerie turque conduite par le grand vizir, d?cim?s par une peste affreuse, sans communication avec Menou, qui occupait Alexandrie, les Fran?ais avaient du cesser une lutte in?gale et inutile, pour accepter les conditions honorables qui leur ?taient offertes.

Cependant la tristesse r?gnait dans les rangs, et un morne silence pr?sidait ? cette ?vacuation. La soixante-neuvi?me, command?e par le g?n?ral. Lagrange, ?tait au nombre des troupes capitul?es, et des bateaux amarr?s le long des berges de Boulaq ?taient pr?par?s pour la recevoir. Le premier bataillon venait de s'?branler, et le corps de musique effectuait le m?me mouvement, quand on vit accourir, ? fond de train, un cavalier v?tu d'un bournous, et que ses traits bronz?s firent prendre pour un Arabe. Arriv? devant le bataillon, il arr?ta court, descendit de cheval, tira un fifre de sa poche, et se mit ? ex?cuter la marche des Tartares.

Allons, mes belles, Allons, mes belles, suivez-nous.

--Tiens, c'est le fifre Roquet! s'?cria le chef de musique.

FIN.

noble frigate could not be fought much longer. Still Porter would not strike his flag, and he resolved to run his vessel ashore and blow her up. Her head was turned towards the beach, and he had got within musket-shot of it, when the wind suddenly veered and blew him back on the Phoebe and under her raking broadsides. Foiled in his first effort, he now for a moment hoped to get foul and board the enemy, but she kept away, raking the Essex as she retired. The scene on board the frigate at this time was horrible. The cock-pit was crowded with the wounded--men by the dozens were mowed down at every discharge--fifteen had successively fallen at one gun, and scarcely a quarter deck officer was left standing. Amid this scene of carnage and desolation, Porter moved with a knit brow and gloomy heart. As he looked at his crippled condition and slaughtered crew, he felt that he must submit, but when he turned his eye to the flag of his country, still fluttering at the mizen, he could not give the order to strike it. The sympathies of the thousands of spectators that covered the hill-top were with him--as they ever are with the brave. The American consul hastened to the governor of the city and claimed the protection of the batteries for the Essex, but in vain. It had, no doubt, been all arranged beforehand between the authorities and the British commander. Every thing, even the elements of nature, seemed combined against this single ship. As a last resort, Porter let go his sheet anchor, which brought the head of his vessel round so that his broadsides again bore. A gleam of hope lighted up for a moment the gloom that hung over his prospects, and walking amid his bleeding crew, he encouraged the few survivors to hold on. The broadsides of the two vessels again thundered over the bay, telling with frightful effect on both vessels. But this last forlorn hope was snatched from the fated frigate--the hawser parted in the strain, and she drifted an unmanageable wreck on the water--while, to complete the horror of the scene, the flames burst from the hatchways and rolled away towards the magazine. Finding that his doom was now inevitably sealed, for his boats had all been shot away, Porter ordered those of his crew who could swim to jump overboard and make for the shore, three-quarters of a mile distant. Some reached it, while the remainder who made the attempt were either drowned or picked up by the enemy's boats. He then, with the few who preferred to share his fate, extinguished the fire, and again worked the guns that could be brought to bear. It was, however, the last feeble effort of a dying giant. The enemy could now fire more leisurely, and the water being smooth, he soon made a perfect riddle of the Essex. The crew at last entreated their commander to surrender--the contest was hopeless--the cock-pit, ward-room, steerage, and berth-deck could contain no more wounded, who were constantly killed while under the surgeon's hand. Of the carpenter's crew not one remained to stop the shot-holes, through which the water was pouring in streams, and the entire vessel was a wreck. Porter would have sunk with his flag flying, but for the number of wounded who would thus perish with him. For their sakes he finally consented to surrender, and ordered the officers of the different divisions to be sent for, but to his amazement only one was left to answer his call, while out of two hundred and fifty-five men only seventy-five were left fit for duty. This unexampled and murderous combat had lasted nearly two hours and a half, and he gave the melancholy order to lower the flag. The enemy not at first observing it, kept up his fire. Porter, thinking it was his intention to give no quarter, was about to hoist his flag again, and go down with it flying, when the firing ceased.

A ship was never fought more bravely or skilfully, and Porter, though compelled to surrender, earned imperishable renown, and set an example to our navy, which if followed, will ensure its success, and cover it with glory.

Captain Hillyar's conduct after the victory, was distinguished by a courtesy and delicacy rarely witnessed in English commanders at that time. But he was blameworthy in attacking a ship in a neutral port, and it would not take many such victories to ruin his reputation. The whole transaction shows what little respect England paid to the laws of neutrality. The national heart was exceedingly shocked at the violation of those laws by Napoleon when he seized the Duke D'Enghien, but she could give orders, the execution of which did not cause the death of merely one man, but more than one hundred brave spirits, on neutral territory. The authorities of Valparaiso were also guilty of a base act in not defending the rights of their own port, and extending the protection required by the laws of nations to the American vessel.

Porter had lost his ship, but not his place in the heart of the nation, nay he was deeply and forever fixed there. His cruise had been a great triumph, notwithstanding its disastrous close. The boldness and originality of its conception--the daring and gallant manner in which he had carried it out--the spirit and desperation with which he had fought his ship against a superior force, were themes of universal eulogy, and endeared him to the American people.

Plan of the third Campaign -- Attack on Sackett's Harbor -- Attack on Oswego -- Woolsey transports guns to Sackett's Harbor -- Capture of the detachment sent against him -- Expedition against Mackinaw -- Death of Captain Holmes -- Complete failure of the expedition.

While Porter was slowly approaching our coast, on his return from the Pacific, events on our northern frontier were assuming an entirely different aspect from that which they had worn for the last two years. In the spring, just before and after Congress adjourned, small expeditions on both sides were set on foot; one, on our part, to Mackinaw, to aid in carrying out Armstrong's plan for the summer campaign. This, like all the previous plans looked to the same result, the details being varied apparently for the sole purpose of appeasing the people, who it was thought, would not allow a repetition of those manoeuvres which had ended in such signal disgrace. It was therefore proposed, first to humble the Indians in the north-west, by capturing Mackinaw, and thus hold the key of that whole region, so valuable for its fur trade, and then march an army from the east of Lake Erie to Burlington Heights, and seize and fortify that position till the co-operation of the Ontario fleet and the troops at Sackett's harbor could be secured, when a rapid advance might be made on Kingston, and after its reduction, on Montreal. The Secretary clung to the conquest of Canada with a tenacity that deserved success, but this plan also utterly failed, and the progress of the campaign brought about results widely different from those anticipated. That part of it looking to the seizure of Mackinaw, was placed under the direction of Colonel Croghan and Major Holmes, with whom Captain Sinclair, recently appointed to the command of the upper lakes, was to co-operate with a portion of his fleet--the other portion to aid in the expedition against Burlington Heights. Major Holmes had at first been appointed by the Secretary to command the land forces, but Colonel Croghan, stationed at Detroit, and senior officer during Colonel Butler's absence, denied the right thus directly to appoint him, insisting that the commission should go through his hands. A correspondence followed, which delayed the expedition till the third of July. In the mean time, a British force, under Colonel McDowell, had visited and reinforced all the posts on the northern lakes, penetrating even beyond Mackinaw. While Holmes and Sinclair were detained till Colonel Croghan and the Secretary could settle a question of etiquette, the English, who had again acquired the ascendancy on Lake Ontario, by building more ships, made an attack on Sackett's Harbor. Being repulsed, Sir James Yeo then sailed for Oswego, to destroy materials for ship building, etc., which he supposed to be assembled there. He arrived on the 5th of May, and began to bombard the place. The American garrison at the fort, consisted of three hundred men under Colonel Mitchell, with five guns, three of which were almost useless. The place contained at that time, but five hundred inhabitants. The schooner Growler being in the river, and exposed to certain capture, was sunk, and her cannon transferred to the fort, situated on a high bank east of the town.

Finding that the bombardment produced no effect, a large body of troops, under General Drummond, was sent forward to carry the fort by storm. The fifteen barges that contained them were led on by gun-boats, destined to cover the landing. These no sooner came within range of the artillery on shore, than a spirited fire was opened on them, repulsing them twice, and finally compelling the whole flotilla to seek the shelter of the ships. The next day the fleet approached nearer shore, and commenced a heavy cannonade which lasted three hours. Under cover of it, General De Watteville landed two thousand troops, and advanced in perfect order over the ground that intervened between the water and the fort. The soldiers and marines of the Growler fought bravely, but Colonel Mitchell seeing that resistance was hopeless, retired, scourging the enemy as he withdrew, with well-directed volleys, and strewing the ground with more than two hundred dead and wounded. He fell back to Oswego Falls, where the naval stores had all been removed, destroying the bridges as he retired. Foiled in their attempt to get possession of the stores, the British, after having raised the Growler, retired to Sackett's Harbor, and blockaded it, resolving to intercept the supplies, guns, etc., that were ready to be sent forward. Lighter materials could be transported by land, but the guns, cables, and anchors, &c., destined for two vessels recently built at Sackett's Harbor, could reach there only by water, from Oswego, whither they had been carried by way of the Mohawk river, Woods' creek, Oneida lake, and the Oswego river. Captain Woolsey, a brave, skillful and energetic officer, who had been appointed to take charge of their transportation, caused a rumor to be spread that he designed to effect it through Oneida lake. But soon as the British fleet left Oswego, he dropped down the river with fifteen boats, loaded with thirty-four cannon and ten cables. Halting at Oswego till dark, he then pulled out into the lake. A detachment of a hundred and thirty riflemen accompanied him, while a body of Oneida Indians marched along the shore. The night was dark and gloomy--the rain fell in torrents, drenching sailors and soldiers to the skin, while the waves dashed over the boats, adding to the discomforts and labors of the voyage. It was a long and tedious pull along the scarcely visible shores, on which swayed and moaned an unbroken forest.

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