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Words: 6292 in 2 pages

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Fran?ois de Salignac de la Mothe F?nelon

La personne, Sire, qui prend la libert? de vous ?crire cette lettre, n'a aucun int?r?t en ce monde. Elle ne l'?crit ni par chagrin, ni par ambition, ni par envie de se m?ler des grandes affaires. Elle vous aime sans ?tre connue de vous; elle regarde Dieu en votre personne. Avec toute votre puissance, vous ne pouvez lui donner aucun bien qu'elle d?sire, et il n'y a aucun mal qu'elle ne souffr?t de bon coeur pour vous faire conna?tre les v?rit?s n?cessaires ? votre salut. Si elle vous parle fortement, n'en soyez pas ?tonn?, c'est que la v?rit? est libre et forte. Vous n'?tes gu?re accoutum? ? l'entendre. Les gens accoutum?s ? ?tre flatt?s prennent ais?ment pour chagrin, pour ?pret? et pour exc?s, ce qui n'est que la v?rit? toute pure. C'est la trahir que de ne vous la montrer pas dans toute son ?tendue. Dieu est t?moin que la personne qui vous parle le fait avec un coeur plein de z?le, de respect, de fid?lit? et d'attendrissement sur tout ce qui regarde votre v?ritable int?r?t.

Vous ?tes n?, Sire, avec un coeur droit et ?quitable; mais ceux qui vous ont ?lev? ne vous ont donn? pour science de gouverner que la d?fiance, la jalousie, l'?loignement de la vertu, la crainte de tout m?rite ?clatant, le go?t des hommes souples et rampants, la hauteur et l'attention ? votre seul int?r?t.

Depuis environ trente ans, vos principaux ministres ont ?branl? et renvers? toutes les anciennes maximes de l'Etat, pour faire monter jusqu'au comble votre autorit? qui ?tait devenue la leur parce qu'elle ?tait dans leurs mains. On n'a plus parl? de l'Etat ni des r?gles; on n'a parl? que du Roi et de son bon plaisir. On a pouss? vos revenus et vos d?penses ? l'infini. On vous a ?lev? jusqu'au ciel, pour avoir effac?, disait-on, la grandeur de tous vos pr?d?cesseurs ensemble, c'est-?-dire pour avoir appauvri la France enti?re, afin d'introduire ? la cour un luxe monstrueux et incurable. Ils ont voulu vous ?lever sur les ruines de toutes les conditions de l'Etat, comme si vous pouviez ?tre grand en ruinant tous vos sujets, sur qui votre grandeur est fond?e. Il est vrai que vous avez ?t? jaloux de l'autorit?, peut-?tre m?me trop, dans les choses ext?rieures; mais, pour le fond, chaque ministre a ?t? le ma?tre dans l'?tendue de son administration. Vous avez cru gouverner, parce que vous avez r?gl? les limites entre ceux qui gouvernent. Ils ont bien montr? au public leur puissance, et on ne l'a que trop sentie. Ils ont ?t? durs, hautains, injustes, violents, de mauvaise foi. Ils n'ont connu d'autre r?gle, ni pour l'administration du dedans de l'Etat, ni pour les n?gociations ?trang?res, que de menacer, que d'?craser, que d'an?antir tout ce qui leur r?sistait. Ils ne vous ont parl? que pour ?carter de vous tout m?rite qui pouvait leur faire ombrage. Ils vous ont accoutum? ? recevoir sans cesse des louanges outr?es qui vont jusqu'? l'idol?trie, et que vous auriez d?, pour votre honneur, rejeter avec indignation. On a rendu votre nom odieux, et toute la nation fran?aise insupportable ? tous nos voisins. On n'a conserv? aucun ancien alli?, parce qu'on n'a voulu que des esclaves. On a caus? depuis plus de vingt ans des guerres sanglantes. Par exemple, Sire, on fit entreprendre ? Votre Majest?, en 1672, la guerre de Hollande pour votre gloire et pour punir les Hollandais qui avaient fait quelque raillerie, dans le chagrin o? on les avait mis en troublant les r?gles de commerce ?tablies par le cardinal de Richelieu. Je cite en particulier cette guerre, parce qu'elle a ?t? la source de toutes les autres. Elle n'a eu pour fondement qu'un motif de gloire et de vengeance, ce qui ne peut jamais rendre une guerre juste; d'o? il s'ensuit que toutes les fronti?res que vous avez ?tendues par cette guerre, sont injustement acquises dans l'origine. Il est vrai, Sire, que les trait?s de paix subs?quents semblent couvrir et r?parer cette injustice, puisqu'ils vous ont donn? les places conquises; mais une guerre injuste n'en est pas moins injuste, pour ?tre heureuse. Les trait?s de paix sign?s par les vaincus ne sont point sign?s librement. On signe le couteau sur la gorge; on signe malgr? soi, pour ?viter de plus grandes pertes; on signe comme on donne sa bourse quand il la faut donner ou mourir. Il faut donc, Sire, remonter jusqu'? cette origine de la guerre de Hollande, pour examiner devant Dieu toutes vos conqu?tes.

Il est inutile de dire qu'elles ?taient n?cessaires ? votre Etat: le bien d'autrui ne nous est jamais n?cessaire. Ce qui nous est v?ritablement n?cessaire, c'est d'observer une exacte justice. Il ne faut pas m?me pr?tendre que vous soyez en droit de retenir toujours certaines places, parce qu'elles servent ? la s?ret? de vos fronti?res. C'est ? vous ? chercher cette s?ret? par de bonnes alliances, par votre mod?ration, ou par des places que vous pouvez fortifier derri?re; mais enfin, le besoin de veiller ? notre s?ret? ne nous donne jamais un titre de prendre la terre de notre voisin. Consultez l?-dessus des gens instruits et droits; ils vous diront que ce que j'avance est clair comme le jour.

En voil? assez, Sire, pour reconna?tre que vous avez pass? votre vie enti?re hors du chemin de la v?rit? et de la justice, et par cons?quent hors de celui de l'Evangile. Tant de troubles affreux qui ont d?sol? toute l'Europe depuis plus de vingt ans, tant de sang r?pandu, tant de scandales commis, tant de provinces saccag?es, tant de villes et de villages mis en cendres, sont les funestes suites de cette guerre de 1672, entreprise pour votre gloire et pour la confusion des faiseurs de gazettes et de m?dailles de Hollande. Examinez, sans vous flatter, avec des gens de bien si vous pouvez garder tous ce que vous poss?dez en cons?quence des trait?s auxquels vous avez r?duit vos ennemis par une guerre si mal fond?e.

Elle est encore la vraie source de tous les maux que la France souffre. Depuis cette guerre, vous avez toujours voulu donner la paix en ma?tre, et imposer des conditions, au lieu de les r?gler avec ?quit? et mod?ration. Voil? ce qui fait que la paix n'a pu durer. Vos ennemis, honteusement accabl?s, n'ont song? qu'? se relever et qu'? se r?unir contre vous. Faut-il s'en ?tonner? Vous n'avez pas m?me demeur? dans les termes de cette paix que vous aviez donn?e avec tant de hauteur. En pleine paix, vous avez fait la guerre et des conqu?tes prodigieuses. Vous avez ?tabli une Chambre des r?unions, pour ?tre tout ensemble juge et partie: c'?tait ajouter l'insulte et la d?rision ? l'usurpation et ? la violence. Vous avez cherch? dans le trait? de Westphalie des termes ?quivoques pour surprendre Strasbourg. Jamais aucun de vos ministres n'avait os?, depuis tant d'ann?es, all?guer ces termes dans aucune n?gociation, pour montrer que vous eussiez la moindre pr?tention sur cette ville. Une telle conduite a r?uni et anim? toute l'Europe contre vous. Ceux m?mes qui n'ont pas os? se d?clarer ouvertement souhaitent du moins avec impatience votre affaiblissement et votre humiliation, comme la seule ressource pour la libert? et pour le repos de toutes les nations chr?tiennes. Vous qui pouviez, Sire, acqu?rir tant de gloire solide et paisible ? ?tre le p?re de vos sujets et l'arbitre de vos voisins, on vous a rendu l'ennemi commun de vos voisins, et on vous expose ? passer pour un ma?tre dur dans votre royaume.

Le plus ?trange effet de ces mauvais conseils est la dur?e de la ligue form?e contre vous. Les alli?s aiment mieux faire la guerre avec perte que de conclure la paix avec vous, parce qu'ils sont persuad?s, sur leur propre exp?rience, que cette paix ne serait point une paix v?ritable, que vous ne la tiendriez non plus que les autres, et que vous vous en serviriez pour accabler s?par?ment sans peine chacun de vos voisins d?s qu'ils se seraient d?sunis. Ainsi, plus vous ?tes victorieux, plus ils vous craignent et se r?unissent pour ?viter l'esclavage dont ils se croient menac?s. Ne pouvant vous vaincre, ils pr?tendent du moins vous ?puiser ? la longue. Enfin ils n'esp?rent plus de s?ret? avec vous qu'en vous mettant dans l'impuissance de leur nuire. Mettez-vous, Sire, un moment en leur place, et voyez ce que c'est que d'avoir pr?f?r? son avantage ? la justice et ? la bonne foi.

Cependant vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui ont ?t? jusqu'ici si passionn?s pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonn?e; les villes et la campagne se d?peuplent; tous les m?tiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est an?anti. Par cons?quent vous avez d?truit la moiti? des forces r?elles du dedans de votre Etat, pour faire et pour d?fendre de vaines conqu?tes au dehors. Au lieu de tirer de l'argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l'aum?ne et le nourrir. La France enti?re n'est plus qu'un grand h?pital d?sol? et sans provision. Les magistrats sont avilis et ?puis?s. La noblesse, dont tout le bien est en d?cret, ne vit que de lettres d'Etat. Vous ?tes importun? de la foule des gens qui demandent et qui murmurent. C'est vous-m?me, Sire, qui vous ?tes attir? tous ces embarras; car, tout le royaume ayant ?t? ruin?, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons. Voil? ce grand royaume si florissant sous un roi qu'on nous d?peint tous les jours comme les d?lices du peuple, et qui le serait en effet si les conseils flatteurs ne l'avaient point empoisonn?.

Le peuple m?me , qui vous a tant aim?, qui a eu tant de confiance en vous, commence ? perdre l'amiti?, la confiance, et m?me le respect. Vos victoires et vos conqu?tes ne le r?jouissent plus; il est plein d'aigreur et de d?sespoir. La s?dition s'allume peu ? peu de toutes parts. Ils croient que vous n'avez aucune piti? de leurs maux, que vous n'aimez que votre autorit? et votre gloire. Si le Roi, dit-on, avait un coeur de p?re pour son peuple, ne mettrait-il pas plut?t sa gloire ? leur donner du pain, et ? les faire respirer apr?s tant de maux, qu'? garder quelques places de la fronti?re, qui causent la guerre? Quelle r?ponse ? cela, Sire? Les ?motions populaires, qui ?taient inconnues depuis si longtemps, deviennent fr?quentes. Paris m?me, si pr?s de vous, n'en est pas exempt. Les magistrats sont contraints de tol?rer l'insolence des mutins, et de faire couler sous main quelque monnaie pour les apaiser; ainsi on paye ceux qu'il faudrait punir. Vous ?tes r?duit ? la honteuse et d?plorable extr?mit?, ou de laisser la s?dition impunie et de l'accro?tre par cette impunit?, ou de faire massacrer avec inhumanit? des peuples que vous mettez au d?sespoir en leur arrachant, par vos imp?ts pour cette guerre, le pain qu'ils t?chent de gagner ? la sueur de leurs visages.

Mais, pendant qu'ils manquent de pain, vous manquez vous-m?me d'argent, et vous ne voulez pas voir l'extr?mit? o? vous ?tes r?duit. Parce que vous avez toujours ?t? heureux, vous ne pouvez vous imaginer que vous cessiez jamais de l'?tre. Vous craignez d'ouvrir les yeux; vous craignez d'?tre r?duit ? rabattre quelque chose de votre gloire. Cette gloire, qui endurcit votre coeur, vous est plus ch?re que la justice, que votre propre repos, que la conservation de vos peuples, qui p?rissent tous les jours de maladies caus?es par la famine, enfin que votre salut ?ternel incompatible avec cette idole de gloire.

Voil?, Sire, l'?tat o? vous ?tes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux; vous vous flattez sur les succ?s journaliers, qui ne d?cident rien, et vous n'envisagez point d'une vue g?n?rale le gros des affaires, qui tombe insensiblement sans ressource. Pendant que vous prenez, dans un rude combat, le champ de bataille et le canon de l'ennemi, pendant que vous forcez les places, vous ne songez pas que vous combattez sur un terrain qui s'enfonce sous vos pieds, et que vous allez tomber malgr? vos victoires.


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