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Words: 118418 in 15 pages
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REMY DE GOURMONT
La petite Ville Paysages
Tir? ? petit nombre, dont cent vingt exemplaires sont mis en vente.
Ex. N? 130
LA PETITE VILLE
LES COQUELICOTS
Depuis Paris jusqu'? la mer, au fond de la Normandie, le fleuve rouge des coquelicots vous accompagne. Il d?borde ?? et l? et s'?tend comme un lac sur les champs de bl?. On se demande si les cultivateurs ne vont pas r?colter autant de gerbes de coquelicots que de gerbes de bl?. Au moins ce sera tr?s m?l?. En certains champs, c'est m?me le rouge qui domine et l'emporte sur l'or. C'est ? croire que la fleurette a ?t? sem?e intentionnellement avec le grain. Non, car je ne pense pas que le charmant m?lange de la couleur des bl?s m?rissants et du coquelicot ait beaucoup de charme pour les paysans. Ils ne voient pas les choses comme nous, qui passons, et je crains que, pour eux, la fleur qui amuse notre oeil ne soit que de la mauvaise herbe. H?las! dans la nature, presque tout ce qui est joli, ?clatant ou doux, n'est que de la mauvaise herbe, et si rien n'est plus utile, rien n'est plus monotone et plus terne qu'un champ de betteraves. Nous n'avons gu?re de ces cultures du Midi ou de l'Orient aux belles couleurs et m?me dans le Midi les champs orgueilleux de garance ont disparu. Autrefois, la Normandie ne se fleurissait pas seulement des pavots, mais du lin bleu de ciel et du sarrasin tout blanc, cher aux abeilles. Le lin a presque disparu. C'est dommage pour l'oeil; car c'?tait une f?te que ces champs d'azur, et le sarrasin devient plus rare. Il reste en ?t? le coquelicot, et au printemps le bleuet, plus timide et assez vite ?touff? par la v?g?tation des c?r?ales. Aussi je souhaite que la petite graine noire, qui ressemble ? des grains de poudre, continue de se m?ler follement au bl? et ? prosp?rer. Au fond cela ne lui fait pas grand mal et c'est une parure.
LA GARE
Je ne sais quel ?tait autrefois le centre de la petite ville, le centre social, ni s'il y en avait un; aujourd'hui, c'est la gare, bien qu'elle soit assez loin et que cela soit une corv?e d'en remonter vers la haute ville. On y va en promenade, on s'y rencontre, les diverses classes s'y m?lent, c'est un endroit neutre et presque le seul lieu de divertissement. C'est par l? qu'arrivent les journaux et le peu de litt?rature dont la ville a besoin, et ni les feuilles ni les livres ne remontent dans l'ancienne petite cit?. On va les chercher ? la gare. La biblioth?que de la gare a tu? les autres libraires. Il y en avait trois autrefois: une librairie g?n?rale, o? on trouvait toutes les nouveaut?s, avec un fonds assez solide de classiques anciens et modernes; une librairie pieuse o? se d?bitait la litt?rature ?difiante ou mod?r?e; enfin une bouquinerie, o? je me souviens d'avoir achet? mes premiers livres curieux. Seule, la librairie pieuse subsiste, mais on y vend peut-?tre plus de chapelets et d'eucologes que d'ouvrages acad?miques. La petite ville est dans une profonde d?cadence intellectuelle. On s'y int?resse de moins en moins aux questions stables et c'est la gare qui lui fournit la litt?rature passag?re. Il y a d'autres causes ? cette d?ch?ance qui est g?n?rale dans les petites villes de province, mais je ne veux noter ici que les observations ext?rieures. Bien que la ville n'ait tous les jours aucun commerce apparent, la gare est assez anim?e. C'est le seul organe par o? elle remue et manifeste quelque vie. Il est curieux qu'on ne rencontre presque personne dans ses rues et qu'on en rencontre beaucoup ? la gare. C'est que c'est un point de concentration: la petite ville ne retrouve que hors d'elle-m?me des motifs d'activit?.
LE PETIT CHEMIN DE FER
Il d?vale de la gare, passe entre les jambes du viaduc et s'en va en titubant du c?t? de la mer. Il ne va pas vite et il souffle beaucoup, quoique tout jeune. D'abord, il longe un vieux canal o? il pousse maints roseaux et o? fleurissent ? foison les reines des pr?s. Autrefois, ce canal charriait les charbons de Hull et les sapins de Norv?ge vers la ville qui en ?tait fi?re, mais on se lasse de tout. Cependant le petit chemin de fer divague maintenant parmi les campagnes et s'enfonce r?solument ? travers les avoines, les coquelicots et les pommes de terre. Voici les sables, voici la mer. Des gens descendent et gagnent la petite plage o? les vagues d?ferlent aux sons du piano. Deux hommes se baignent, un enfant joue avec un chien, deux dames se prom?nent. Cependant le petit chemin de fer a eu le temps de faire un tour vers des r?gions plus lointaines. Il revient. On le voit traverser les dunes comme une grosse chenille noire, il s'arr?te et nous repartons vers la vieille petite ville tass?e sur son rocher autour de ses ?glises. On y est moins isol?, depuis que l'on sent la mer si pr?s de soi, gr?ce au petit chemin de fer. La mer est une compagne qui ne vous lasse jamais, et quoique sa voix soit monotone, on y trouve une diversit? singuli?re. Elle se plie si bien ? la qualit? de la r?verie, elle se fait si bien plaisante ou triste selon les mouvements de votre ?me! Malgr? leurs chalets suisses, leurs casinos et leur musique ridicule, les hommes n'ont pu encore en d?truire le charme. La mer est invincible. C'est pourquoi il faut b?nir les petits et les grands chemins de fer qui nous permettent d'aller ? elle directement, nous jeter, d'un bond, dans ses bras.
LA CATH?DRALE
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